Fichier des personnes recherchées : 3 novembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 20-83.995

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3 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-83.995

N° N 20-83.995 F-D

N° 2564

SM12
3 NOVEMBRE 2020

CASSATION SANS RENVOI

M. SOULARD président,

R é p u b l i q u e f r a n ç a i s e
________________________________________

Au nom du peuple français
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 NOVEMBRE 2020

M. I… Q… a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, en date du 23 juin 2020, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire aggravés, extorsion avec arme aggravée, viol aggravé et tentative de meurtre, en récidive, a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. I… Q…, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l’audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. Q…, mis en examen des chefs précités le 15 mai 2020, a comparu devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire. Il a sollicité un délai pour préparer sa défense, l’examen de l’affaire étant renvoyé au lundi 18 mai 2020 à 15 heures 00 avec incarcération provisoire de l’intéressé.

3. Par télécopie adressée au greffe du cabinet d’instruction le 15 mai à 14 heures 13, l’avocate de M. Q… a sollicité la délivrance d’un permis de communiquer pour sa collaboratrice et pour elle-même.

4. Le 18 mai 2020 à 12 heures 17, cette avocate a transmis par télécopie un courrier au greffe du juge des libertés et de la détention indiquant que le permis de communiquer ne lui avait pas été délivré et demandant au juge d’en tirer les conséquences, éventuellement en prescrivant un report de l’audience, à laquelle elle précisait qu’elle ne se présenterait pas.

5. Par décision du 18 mai 2020, le juge des libertés et de la détention, à l’issue d’un débat contradictoire tenu en l’absence de l’avocate de M. Q…, a ordonné le placement de ce dernier en détention provisoire.

6. L’intéressé a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a refusé d’annuler l’ordonnance de placement en détention provisoire et de l’avoir confirmée, alors « que, en vertu du principe de la libre communication entre une personne détenue et son avocat, la délivrance d’un permis de communiquer est indispensable à l’exercice des droits de la défense ; que le défaut de délivrance de cette autorisation à l’avocat avant le débat contradictoire différé tenu en vue d’un éventuel placement en détention provisoire fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; que d’une part, ni le fait que le conseil de M. Q… n’ait pas précisé qu’il entendait recevoir ledit permis par télécopie ou qu’il souhaitait que ce permis soit communiqué à l’établissement pénitentiaire, ni le fait qu’il n’ait pas alerté le juge d’instruction sur l’urgence et la nécessité de lui délivrer l’autorisation en vue du débat différé, ni le fait qu’il ne se soit pas présenté au juge des libertés et de la détention après lui avoir adressé, 1 heure 33 avant le débat contradictoire, une télécopie pour lui demander le report du débat, ne constituent des circonstances insurmontables ayant empêché la délivrance à l’avocat en temps utile d’un permis de communiquer ; que d’autre part, le report du débat était possible, et demandé par le conseil de M. Q… ; que dès lors la chambre de l’instruction a violé les articles 6, § 3, 115, R. 57-6-5 du code de procédure pénale en refusant d’annuler l’ordonnance de placement en détention provisoire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l’homme et R. 57-6-5 du code de procédure pénale :

8. En vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant du premier de ces textes, la délivrance d’un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l’exercice des droits de la défense. Il en découle que le défaut de délivrance de cette autorisation à un avocat désigné, avant un débat contradictoire différé organisé en vue d’un éventuel placement en détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen.

9. Pour rejeter la demande de nullité de l’ordonnance de placement en détention provisoire de M. Q…, l’arrêt attaqué énonce que l’avocate de la personne mise en examen n’a pas attiré l’attention du juge d’instruction sur la nécessité d’une délivrance rapide du permis de communiquer en vue de la tenue du débat différé.

10. Les juges ajoutent que ladite avocate a adressé une télécopie au juge des libertés et de la détention 1 heure 33 avant le débat, pour l’informer de son absence à ce débat, faute d’avoir reçu le permis de communiquer. Ils relèvent que ce courrier invitait le magistrat à « tirer les conséquences de droit » résultant de l’absence de permis de communiquer, « éventuellement en prescrivant un report selon les dispositions de l’article 145 du code de procédure pénale », mais que l’avocate de l’intéressé n’était pas présente au débat contradictoire ni joignable par téléphone.

11. Ils en déduisent qu’aucune demande de report de l’audience n’a véritablement été formulée de sorte qu’aucune atteinte aux droits de la défense n’apparaît justifiée.

12. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

13. D’une part, aucune circonstance insurmontable n’a empêché la délivrance à l’avocate, en temps utile, du permis de communiquer avec la personne détenue qu’elle avait sollicité dès le 15 mai en début d’après-midi.

14. D’autre part, il résulte des termes du courrier adressé au greffe du juge des libertés et de la détention avant l’audience que l’avocate en avait sollicité le report, demande à laquelle il était possible de faire droit, compte tenu des délais prévus par l’article 145 du code de procédure pénale.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. M. Q… doit être remis en liberté, sauf s’il est détenu pour autre cause.

17. Cependant, les dispositions de l’article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais ou formalités prévus audit code, dès lors qu’elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d’information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 du même code.

18. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin :

– d’empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille : M. B… J…, victime des faits, dont les déclarations contredisent celles du mis en examen et qui a ultérieurement indiqué aux enquêteurs ne plus vouloir déposer plainte, MM. R… F… et N… U… et Mme K… Y…, témoins d’une partie des faits, dont les déclarations ne concordent pas avec celles du mis en examen,

– d’empêcher toute concertation frauduleuse avec les possibles coauteurs et complices de l’intéressé à savoir MM. M… B…, T… X…, V… L… et O… S…, qui livrent des versions des faits qui ne concordent pas avec celles du mis en examen, et M. E… A…, qui n’a pas encore été entendu,

– d’éviter le renouvellement des faits, en considération de la situation précaire de M. Q…, dépourvu de domicile personnel et d’emploi stable, et des nombreuses condamnations notamment pour violences et infractions à la législation sur les stupéfiants figurant à son casier judiciaire,

– de garantir le maintien à la disposition de la justice de la personne mise en examen, compte tenu de la situation personnelle précaire dont il vient d’être fait mention et des précisions apportées par le casier judiciaire de l’intéressé qui montrent qu’il ne se présente pas toujours aux convocations en justice,

– de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public, s’agissant de faits, d’une grande violence, commis en partie sur la voie publique devant témoins, dans le cadre d’un règlement de compte sur fond de trafic de stupéfiants.

19. Afin d’assurer ces objectifs, M. Q… sera astreint aux obligations fixées au dispositif du présent arrêt.

20. Le parquet général de cette Cour procédera aux diligences prévues par l’article 138-1 du code de procédure pénale.

21. Le juge d’instruction du tribunal judiciaire de Versailles est compétent pour l’application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, et notamment modifier les obligations du contrôle judiciaire ou en sanctionner la violation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles en date du 23 juin 2020 ;

ORDONNE la mise en liberté de M. I… Q… s’il n’est détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. I… Q… et dit qu’il devra se soumettre aux mesures suivantes :

1°) fixer sa résidence au […] ,

2°) ne pas sortir des limites du département des Yvelines, sauf pour répondre aux convocations de la justice,

3°) se présenter à compter de sa libération au commissariat de police de […], […] , tous les matins avant 12 heures 00,

4°) ne pas entrer en contact de quelque manière que ce soit avec les personnes suivantes : MM. M… B…, T… X…, V… L…, O… S…, E… A…, B… J…, R… F… et N… U… et Mme K… Y… ;

DIT que le greffe de l’établissement pénitentiaire notifiera lors de la levée d’écrou de M. Q…, contre émargement de ce dernier, les obligations qui lui sont faites, ainsi que l’avertissement des sanctions encourues en application de l’article 141-2 du code de procédure pénale ;

RAPPELLE qu’en cas de non respect des obligations qui lui sont imposées, l’intéressé peut être placé en détention provisoire ;

DÉSIGNE M. le commissaire de police de […] pour veiller à l’exécution de ces obligations ;

DIT que, conformément aux dispositions de l’article 230-19 du code de procédure pénale, les obligations et interdictions visées audit article seront inscrites dans le fichier des personnes recherchées ;

DIT que le parquet général de cette Cour procédera aux diligences prévues par l’article 138-1 du code de procédure pénale ;

DIT que le juge d’instruction du tribunal judiciaire de Versailles est compétent pour l’application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, et notamment modifier les obligations du contrôle judiciaire ou en sanctionner la violation ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt.

 

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