Fichier des personnes recherchées : 24 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 23/01753

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24 mai 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
23/01753

N° RG 23/01753 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JL2F

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 24 MAI 2023

Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre près de la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Fanny GUILLARD, greffière ;

Vu les articles L.740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du Préfet du Loiret en date du 20 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [E] [I] [J] [V], né le 06 Juin 2002 à [Localité 2], de nationalité béninoise ;

Vu l’arrêté du Préfet du Loiret en date du 20 avril 2023 de placement en rétention administrative de M. [E] [I] [J] [V] ayant pris effet le 20 avril 2023 à 09 heures 43 ;

Vu la requête du Préfet du Loiret tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de M. [E] [I] [J] [V];

Vu l’ordonnance rendue le 22 Mai 2023 à 14 heures 00 par le juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de M. [E] [I] [J] [V] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 22 mai 2023 à 09 heures 43 jusqu’au 19 juin 2023 à la même heure ;

Vu l’appel interjeté par M. [E] [I] [J] [V], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 22 mai 2023 à 15 heures 18 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],

– à l’intéressé,

– au Préfet du Loiret,

– à Mme [H] [C], avocat au barreau de ROUEN, choisie en vertu de son droit de suite,

Vu les dispositions des articles L.743-8 et R.743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [E] [I] [J] [V] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de M. GIAFFERI, avocat au barreau de Paris, représentant le Préfet du Loiret, et en l’absence du ministère public ;

Vu la comparution de M. [E] [I] [J] [V] en présentiel en raison d’une coupure du réseau à la cour d’appel de Rouen rendant impossible la visioconférence ;

Mme Aminata SOMDA, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [E] [I] [J] [V] a été placé en rétention administrative le 20 mai 2023.

Saisi d’une requête du préfet du Loiret en prolongation de la rétention, par ordonnance du 22 mai 2023 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [E] [I] [J] [V] a formé un recours.

A l’appui de son recours, par la voie de son conseil, l’appelant allègue l’irrégularité du placement en rétention administrative, en l’absence de désignation nominative et d’une habilitation expresse par l’autorité compétente préalablement à l’acte de recherche sur les fichiers, la violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le défaut d’examen sérieux de la possibilité de l’assigner à résidence et l’absence de perspectives réelles d’éloignement.

Il demande l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté.

A l’audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel. M. [E] [I] [J] [V] a été entendu en ses observations.

Le préfet du Loiret a conclu au rejet des moyens et à la confirmation de l’ordonnance.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 23 mai 2023, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [E] [I] [J] [V] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 22 Mai 2023 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur l’irrégularité du placement en rétention administrative

M. [E] [I] [J] [V] fait valoir que les fichiers ont été consultés par un agent sans qu’il soit identifié et expressément habilité à le faire.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article 15-5 du code de procédure pénale issu de la loi n°2023-22 du 24 janvier 2023, le premier juge a exactement retenu que la consultation des différents fichiers, et notamment du fichier des personnes recherchées et du fichier national des étrangers avait été opérée par [W] [Y], agent de police judiciaire, lequel était expressément et individuellement habilité à le faire, de sorte que le moyen n’est pas fondé, l’ordonnance étant confirmée sur ce point.

Sur la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

M. [E] [I] [J] [V] expose être entré en France à l’âge de treize ans pour rejoindre son père, de nationalité française, qu’il vivait au domicile de ce dernier avant son incarcération, que toutes ses attaches aussi bien familiales qu’amicales se trouvent sur le sol français, que la mesure de rétention administrative porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale.

Il est de principe qu’une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l’administration un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire français n’entre pas en contradiction, en soi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni avec l’intérêt supérieur de l’enfant de l’article 3-1 de la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant. Les liens avec le retenu peuvent être maintenus, ce dernier pouvant recevoir des appels téléphoniques et des visites au centre de rétention administrative.

Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l’objet. Cependant le seuil d’application de l’article 8 précité nécessite qu’il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, soit, une atteinte trop importante et sans rapport avec l’objectif de la privation de liberté.

Tel n’est pas le cas en l’espèce, alors qu’il ressort de la procédure qu’il n’a plus aucun contact avec son père, ce, bien avant son incarcération et ne peut se prévaloir d’autres attaches familiales. Ainsi que justement observé par le juge des libertés et de la détention, M. [E] [I] [J] [V] n’a pas contesté la décision lui faisant obligation de quitter le territoire et le moyen formé tend en réalité à critiquer la mesure d’éloignement, la cour ajoutant qu’il n’a pas non plus contesté la décision de placement en rétention devant le premier juge et que par ce biais, il entend la remettre en cause.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation, liée à l’absence d’examen sérieux de la possibilité d’assignation à résidence

Il est constant qu’une décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’Administration s’est trompée grossièrement dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d’appréciation des faits à condition qu’elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu’elle entraîne une solution choquante dans l’appréciation des faits par l’autorité administrative.

L’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énonce par ailleus que « l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable » et l’article L. 733-4 énonce que « l’autorité administrative peut prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif d’identité».

Ainsi que rappelé précédemment, M. [E] [I] [J] [V] n’a plus de contact avec son père, lequel a déclaré ne pas souhaiter l’héberger, qu’au cours son audition le 19 avril 2023, il a indiqué qu’il est hors de question qu’il retourne au Bénin, propos réitérés devant la cour. Il ne détient par ailleurs aucun document d’identité ou de voyage e cours de validité et ne dispose pas de ressources régulières, ce dont il résulte que la décision prise par l’administration n’est pas contraire à sa situation personnelle et qu’elle ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il apparaissait que l’intéressé n’entendait pas se soumettre de lui-même à la décision d’expulsion, étant ajouté que ce moyen tend à remettre en cause la décision de placement en rétention, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation devant le juge de libertés et de la détention.

Sur les diligences

M. [E] [I] [J] [V] expose qu’aucun laissez-passer n’a été délivré par les autorités consulaires béninoises et qu’il n’existe aucune perspective réelle d’éloignement.

En application des dispositions de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Il est établi en procédure que l’administration préfectorale s’est rapprochée des autorités consulaires béninoises, une demande de laissez- passer consulaire ayant été effectuée dès le 17 mai 2023, alors qu’il a été placé en rétention administrative le 20 mai 2023, à sa levée d’écrou, de sorte que l’administration a satisfait à son obligation de diligence, étant ajouté qu’il ne peut-être considéré à ce stade, qu’il n’existe pas de perspectives d’éloignement.

L’ordonnance déférée sera ainsi confirmée en ce qu’elle a autorisé la prolongation de la mesure de rétention administrative.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [E] [I] [J] [V] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 22 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 24 Mai 2023 à 10 heures 15.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

 

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