23 mai 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
23/00250
COUR D’APPEL DE RENNES
N° 119/2023 – N° RG 23/00250 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TYPR
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Hélène CADIET, conseiller à la cour d’appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Patricia IBARA, greffière,
Statuant sur l’appel formé par courriel de la Cimade reçu le 22 Mai 2023 à 14 heures 29 pour :
M. [W] [T]
né le 01 Janvier 1984 à [Localité 1] (INDE) de nationalité Indienne
ayant pour avocat Me Flora BERTHET-LE FLOCH, avocat au barreau de RENNES
d’une ordonnance rendue le 19 Mai 2023 à 19 heures 13 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [W] [T] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de quinze jours à compter du 19 mai 2023 à 17 heures 30 ;
En l’absence de représentant du préfet de la [Localité 3], dûment convoqué, qui a fait valoir ses observations par courriel reçu le 22 mai 2023 régulièrement communiqué aux parties,
En l’absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 22 mai 2023, lequel a été mis à disposition des parties,
En présence de Monsieur [W] [T], assisté de Me Flora BERTHET-LE FLOCH, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 23 Mai 2023 à 11 H 00 l’appelant assisté de Mme [R] [U], interprète en langue Penjabi, et son avocat en leurs observations,
Avons mis l’affaire en délibéré et le 23 mai 2023 à 15 heures 30, avons statué comme suit :
Par arrêté du 17 juin 2014 le Préfet de Police de [Localité 2] a décidé de l’expulsion de M. [W] [T] du territoire français.
M.[T] s’est maintenu sur le territoire français.
Par arrêté du 20 mars 2023 notifié le même jour le Préfet de [Localité 3] a placé M. [T] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par arrêté du 21 mars 2023 le Préfet de [Localité 3] a fixé le pays de renvoi.
Par requête du 21 mars 2023 le Préfet de [Localité 3] a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d’une demande de prolongation de la rétention de M.[T].
Par ordonnance du 22 mars 2023 confirmée en appel, le juge des libertés et de la détention a dit que le Préfet de [Localité 3] avait procédé à un examen approfondi de la situation de l’intéressé et n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en le plaçant en rétention, que la procédure de retenu était régulière, que la notification de la décision de placement en rétention et des droits y afférents était régulière, que la consultation du fichier des personnes recherchées était régulière et que le Préfet de [Localité 3] avait fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible et autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.
Statuant sur requête du préfet reçue au greffe le 19 avril 2023 à 9 heures 20, le juge des libertés et de la détention a par ordonnance du 19 avril 2023, confirmée en appel, prolongé la rétention pour une durée de trente jours à compter du 19 avril 2023 à 17 heures 30.
Statuant sur requête en troisième prolongation du préfet, le juge des libertés et de la détention a par ordonnance du 19 mai 2023 prolongé la rétention pour une durée de quinze jours à compter du 19 mai 2023 à 17 heures 30.
Par déclaration reçue le 22 mai 2023 à 14 heures 29, par l’intermédiaire de la Cimade, M.[T] a formé appel contre cette ordonnance notifiée le 19 mai 2023 à 20 heures.
Il fait valoir au soutien de sa demande d’infirmation de la décision entreprise et de remise en liberté :
– l’absence de diligences de la préfecture et l’absence de relance auprès des autorités indiennes depuis le 21 mars 2023,
– ainsi que l’absence de réunion des conditions pour cette troisième prolongation, en l’absence de délivrance à bref délai du laissez-passer.
Le Procureur Général a conclu à la confirmation de l’ordonnance attaquée selon avis écrit du 22 mai 2023 mis à disposition des parties.
Le Préfet de [Localité 3] a sollicité la confirmation de l’ordonnance selon observations du 22 mai 2023.
A l’audience, assisté de son conseil Me BERTHET LE FLOCH et de Mme [U] [R] interprète en langue penjabi ayant prêté serment, M. [W] [T] maintient les termes de son mémoire d’appel.
MOTIFS
L’appel, formé dans les formes et délais légaux est recevable.
Sur les diligences
Aux termes de l’article L. 741-3 du Ceseda :
‘ Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet’.
La préfecture a fait diligences pour avoir saisi les autorités consulaires indiennes le 21 mars 2023, soit dans les vingt-quatre heures du placement en rétention et le jour même de l’arrêté fixant le pays de renvoi. Elle était dans l’attente de la délivrance du laissez passer (audition de M. [T] prévue le 26 avril à 13 heures) Il a été répondu que la réponse interviendrait ultérieurement . L’administration qui ne pouvait contraindre les autorités consulaires en vertu du principe de la souverainté des Etats a ainsi fait diligences, ainsi qu’il a été jugé à juste titre le premier juge.
Sur les conditions de la troisième prolongation
Selon l’article L. 742-5 du CESEDA :
‘A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1 ° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2 ° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 9 ° de l’article L. 611-3 ou du 5 ° de l’article L. 631- 3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3
3 ° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1 ° , 2 ° ou 3 ° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.’
A la suite de l’audition de M. [T] prévue le 26 avril 2023 à 13 heures, il a été répondu que la réponse interviendrait ultérieurement.
Or aucune réponse n’est parvenue depuis et la préfecture n’établit pas que la délivrance du laissez passer intervienne à bref délai conformément aux exigences du texte précité.
S’agissant d’une autorisation exceptionnelle, force est de constater que les conditions de la troisième prolongation ne sont pas réunies, ce qui emporte la remise en liberté de l’intéressé par voie d’infirmation de la décision.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Déclarons l’appel recevable,
Infirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 19 mai 2023,
Ordonnons la remise en liberté de M. [T],
Lui rappelons qu’il doit quitter le territoire sous peine de s’exposer aux sanctions prévues aux articles L.824-3 et suivants du Ceseda,
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Fait à Rennes, le 23 mai 2023 à 15 heures 30
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [W] [T], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier