Fichier des personnes recherchées : 20 juillet 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00369

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20 juillet 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/00369

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 22/372

N° RG 22/00369 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O42Y

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 20 juillet à 11h30

Nous , C. ROUGER, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 06 JUILLET 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 17 Juillet 2022 à 18H16 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation de la rétention de :

[B] [O]

né le 24 Avril 1986 à [Localité 5] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 18/07/2022 à 13 h 41 par courriel, par Me Jean-yves GOUGNAUD, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 19 juillet 2022 à 14h30, assisté de , Eve LAUNAY, greffier, avons entendu :

[B] [O]

assisté de Me Jean-yves GOUGNAUD, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [I] [U], interprète en langue arabe, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ;

En présence de M. [H] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M.[B] [O], né le 24 avril 1986 à [Localité 5] (Algérie), de nationalité algérienne a fait l’objet le 15 juillet 2022 à 7h30 au métro Bagatelle à [Localité 7] par les services de la police aux frontières d’un contrôle d’identité en application des dispositions de l’article 78-3 du code de procédure pénale, en vertu d’une réquisition du Procureur de la République de Toulouse du 5/07/2022. Dépourvu de tout document officiel permettant d’établir son identité et sa situation de séjour ou de circulation sur le territoire français, il a été placé en retenue administrative aux fins de vérifications de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire national et remis à un officier de police judiciaire de la brigade mobile de recherche antenne 31 de l’aéroport de [Localité 7] [Localité 3] lequel lui a notifié ses droits en retenue avec l’assistance d’un interprète en langue arabe.

Dans son audition du 15 juillet à 8h35 le retenu a déclaré être [K] [O], né le 16/05/1993 à [Localité 5], arrivé en France depuis une quinzaine de jours en tant que touriste, depuis [Localité 4] (Italie) où il indiquait vivre sans pouvoir préciser son adresse, et où il déclarait travailler depuis trois ans comme auto-entrepreneur dans l’informatique. Il indiquait être détenteur d’un titre de séjour italien valable jusqu’en 2026, ne détenir aucun document pour séjourner ou circuler en France, avoir laissé son passeport et sa carte d’identité en Italie.

Interrogés par l’officier de police judiciaire français les services du CCPD Vintimille indiquaient que l’intéressé était en situation irrégulière sur le territoire italien et qu’il était inconnu des banques de données italiennes.

Après avoir procédé à la prise d’empreintes digitales et à des photographies, M.[V] [X], brigadier de police, agent de police judiciaire du fichier Visabio et du fichier SBNA,consultait le fichier automatisé des empreintes digitales, dont le résultat s’avérait négatif, et le fichier Visabio, lequel révélait que le retenu était connu sous l’identité de [B] [O], de nationalité algérienne, avec mention d’un visa espagnol d’une durée de 30 jours périmé depuis le 7/06/2022. M.[O] s’avérait inconnu au fichier des personnes recherchées, au fichier national des étrangers et au fichier des antécédents judiciaires. Le fichier Visabio révélait que l’intéressé avait fait une demande de visa pour un séjour à [Localité 2] (Espagne) du 5/05 au 7/06/2022, visa délivré par le Consul général d’Espagne à [Localité 6] (Algérie) avec un passeport n° 176876331 délivré le 27/03/2017 valable jusqu’au 26/03/2027.

De nouveau interrogé M.[O] confirmait qu’il était [B] [O], né le 24/04/1986 à [Localité 5], de nationalité algérienne. Il indiquait qu’il était arrivé par bateau à [Localité 8] (Espagne) depuis [Localité 5], qu’il avait passé une semaine en Espagne, puis qu’il était arrivé à [Localité 7] en voiture emmené par quelqu’un qui avait accepté de le transporter gratuitement.

Par décision du 15 juillet 2022, notifiée à l’intéressé à 15h10 avec l’assistance d’un interprète, le préfet de la Haute-Garonne faisait obligation à [O] [B] de quitter le territoire français sans délai pour rejoindre le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, à l’exception d’un Etat membre de l’Union Européenne, de l’Islande, du Liechtenstein, de la Norvège ou de la Suisse, avec interdiction de retour pendant une durée d’un an à compter de l’exécution de la mesure d’éloignement.

Le même jour, le préfet de la Haute-Garonne prenait un arrêté de placement en rétention administrative à l’encontre de M.[O] [B], décision notifiée le 15/07/2022 à 15h10 à l’intéressé avec l’assistance d’un interprète. La mesure de retenue était concomitamment levée.

Par requête du 16 juillet 2022 enregistrée au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse à 12h59, le préfet de la Haute-Garonne sollicitait la prolongation de la mesure de rétention administrative pour une durée de 28 jours supplémentaires. M.[O] déposait quant à lui une requête en contestation de la procédure de rétention administrative, invoquant la tardiveté de l’avis au Parquet de la mesure de rétention, une insuffisance de motivation de la décision de placement en rétention pour n’être arrivé en France que depuis 15 jours, s’apprêtant à faire une demande d’asile, indiquant qu’il disposait d’un domicile et d’une adresse continue qu’il partageait avec un ami. Devant le juge des libertés et de la détention, il a invoqué diverses irrégularités dont une consultation irrégulière des fichiers par des personnes ne justifiant pas d’une habilitation, son menottage alors que le risque de fuite n’était pas caractérisé. Il a renoncé au moyen tiré de l’avis tardif au Parquet et à ses garanties de représentation, sollicitant néanmoins une assignation à résidence, fournissant à l’appui une attestation d’hébergement.

Par ordonnance du 17 juillet 2022 à 18h16, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, après jonction des requêtes, écartant les moyens tendant à l’irrégularité de la procédure et la possibilité d’une mesure d’assignation à résidence, a prolongé la mesure de rétention administrative de M.[O] [B] pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d’appel le 18/07/2022 à 13h41, M. [O] [B] a interjeté appel de cette décision avec l’assistance d’un avocat, sollicitant l’infirmation de l’ordonnance entreprise, que la procédure soit déclarée irrégulière, et, consécutivement, que soit ordonnée la mainlevée sans délai de la mesure de rétention administrative, sollicitant subsidiairement son assignation à résidence.

Au visa des dispositions de l’article R142-15-4° du Ceseda il soutient que lors du contrôle des obligations de détention de port et de présentation des pièces et documents permettant de séjourner en France, les policiers ont consulté le fichier national des étrangers et le fichier des personnes recherchée, sans établir, pour le premier fichier, avoir été habilités par les chefs de services ainsi que prévu par l’article 5 du décret n°2010-569 du 28 mai 2010, et pour le second fichier, sans avoir été habilités par le directeur central de la police aux frontières, le directeur général de la gendarmerie nationale ou le directeur régional ou général des douanes.

Au visa de l’article 803 du code de procédure pénale et de l’article L 813-12 du Ceseda, il soutient qu’il a été menotté alors que lors du contrôle il a décliné son identité, a consenti à la palpation de sécurité et n’a jamais essayé de prendre la fuite, ce menottage injustifié lui ayant causé un grief portant atteinte à ses droits s’agissant d’une mesure de contrainte injustifiée.

Invoquant des garanties de représentation et son état de santé, déclarant souffrir d’une anémie nécessitant des soins, il sollicite à titre subsidiaire une assignation à résidence sur le fondement de l’article L 743-13 du Ceseda produisant une attestation d’hébergement d’un dénommé [K] [O] né le16/05/1993 à [Localité 5], lequel serait son frère domicilié [Adresse 1].

A l’audience du 19 juillet à 14h30 l’avocat de M.[O] a soutenu oralement les prétentions et moyens de son client au soutien de la demande d’infirmation et de remise en liberté, maintenant à titre subsidiaire la demande d’assignation à résidence au regard de l’état de santé de M.[O] et de l’attestation d’hébergement de son frère.

Le représentant de la Préfecture a sollicité la confirmation de l’ordonnance entreprise, relevant que la consultation des fichiers avait été réalisée selon les procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire par des personnes habilitées à les consulter, que le menottage avait été expressément motivé pour éviter toute fuite et ce dans le quartier sensible de Bagatelle, et indiquant qu’aucune assignation à résidence ne pouvait être envisagée en l’absence de remise du passeport et de garanties de représentation.

M.[O] a indiqué qu’il voulait sa liberté; qu’il n’avait pas posé de problème et souhaitait repartir en Espagne. Il a précisé qu’il était malade et que c’était à cause de sa maladie qu’il était venu en France. Il a indiqué qu’il n’avait pas de vie en Algérie, où il lui manquait beaucoup de choses et où il était toujours fatigué à cause de sa maladie, s’étant fait enlever la vésicule biliaire, avoir des problèmes aux yeux et suivre un traitement. Il a expliqué que pour lui, pour sa santé, la France était la meilleure des choses’; qu’il voulait juste sa liberté.

SUR CE,

L’appel diligenté dans les formes et délai légaux est recevable.

1°/ Sur la régularité de la procédure

Selon les dispositions de l’article L 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservations des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

En l’espèce, à supposer que les policiers de la police de l’air et des frontières intervenus lors du contrôle d’identité dont a fait l’objet M.[O] le 15 juillet à 7h30 n’aient pas été individuellement habilités à consulter le fichier national des étrangers et le fichier des personnes recherchées, dès lors que la consultation desdits fichiers n’a révélé aucun dossier à l’identité donnée par la personne objet du contrôle à savoir «[K] [O]», en réalité [B] [O], ni aucune fiche de recherche, et qu’il n’a pu être porté atteinte de manière injustifiée ou illégale à aucune donnée personnelle concernant M.[O] [B], en l’absence de toute atteinte aux droits de ce dernier aucune irrégularité de la procédure ne peut en résulter.

Selon les dispositions de l’article L813-12 du même code les mesures de contrainte exercées sur l’étranger retenu en application de l’article L. 813-1 sont strictement proportionnées à la nécessité des opérations de vérification et de son maintien à la disposition de l’officier de police judiciaire. L’étranger ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite.

En l’espèce, alors que les fonctionnaires intervenants lors du contrôle étaient deux, à bord d’un véhicule de fonction, devant ramener le retenu au service à [Localité 3] pour lui notifier ses droits dans les plus brefs délais par officier de police judiciaire avec l’assistance d’un interprète, l’un d’entre eux devant nécessairement se mettre au volant, même si M. [O] n’a manifesté aucune résistance au contrôle, son menottage pendant le transfert au service dans un véhicule de police conduit par l’un des deux fonctionnaires s’avérait nécessaire pour des raisons évidentes de sécurité tant du conducteur que du fonctionnaire accompagnant, toute tentative de fuite pendant ce transfert en véhicule ne pouvant être exclue.

En toute hypothèse, le recours éventuellement irrégulier au menottage, s’il peut donner lieu à la recherche de la responsabilité de l’Etat, n’est pas une cause d’annulation de la procédure de rétention administrative.

2°/ Sur la prolongation de la mesure de rétention administrative

M.[O] est entré irrégulièrement en France depuis l’Espagne, sans document d’identité ni document de voyage, sans billet de retour, ayant bénéficié pour arriver en Espagne d’un simple visa de touriste de 30 jours, expiré le 7/06/2022. Il fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire français sans délai, ayant fixé le pays de renvoi, régulièrement notifié.

Selon les dispositions de l’article L 743-13 du code susvisé, le juge des libertés et de la détention peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. L’assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution.

En l’espèce [B] M.[O] n’a remis ni passeport original ni document original justifiant de son identité.

Au surplus, la mesure d’assignation à résidence a pour unique objectif l’exécution de la mesure d’éloignement, raison pour laquelle l’article L 743-15 impose que l’étranger se présente quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie compétents au regard du lieu d’assignation.

M’.[O] nonobstant le fait qu’il produise une attestation d’hébergement d’une personne qu’il dit être son frère et dont il avait initialement donné l’identité comme étant la sienne ([K] [O]), a exprimé tout à la fois son souhait de rester en France pour se faire soigner que celui de retourner en Espagne mais en aucun cas le souhait de retourner dans le pays dont il a la nationalité à savoir l’Algérie, où se trouve pourtant l’essentiel de sa famille si l’on suit sa première déclaration aux services de police (parents, fratrie dont deux s’urs et un frère). Il sera en outre observé que dans sa requête au juge des libertés et de la détention du 16 juillet 2022 il avait indiqué disposer d’un domicile et d’une adresse continue qu’il partageait avec un ami et que la pièce d’identité fournie par l’auteur de l’attestation d’hébergement est une carte d’identité délivrée le 31/07/2019 par les autorités italiennes de Messine non valide pour l’expatriation.

Dans ces conditions aucune assignation à résidence ne peut être envisagée.

En l’absence de passeport ou pièce d’identité originale, seuls documents permettant la réservation d’un vol pour l’Algérie, les autorités consulaires d’Algérie ont été saisies dès le 16 juillet 2022 par la Préfecture pour l’obtention d’un laissez-passer consulaire avec demande d’identification.

Il résulte du tout que la prolongation de la mesure de rétention administrative est nécessaire pour assurer l’exécution de la mesure d’éloignement.

En conséquence la décision du premier juge doit être confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

Déclarons l’appel recevable mais mal fondé ;

Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse du 17 juillet 2022 en ce que le premier juge a constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation de la rétention administrative de M.[B] [O] pour une durée de vingt-huit jours ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE, service des étrangers, à [B] [O], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE

E. LAUNAY. C. ROUGER, Conseiller

.

 

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