Fichier des personnes recherchées : 17 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/00212

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17 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/00212

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 17 FEVRIER 2023

N° 2023/0212

Rôle N° RG 23/00212 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKZ6Y

Copie conforme

délivrée le 17 Février 2023 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 15 février 2023 à 11h40.

APPELANT

Monsieur [B] [M]

né le 09 janvier 1998 à [Localité 3] (ALGERIE)

de nationalité algérienne

comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat choisi inscrit au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et de M. [S] [F] (Interprète en langue arabe) en vertu d’un pouvoir général inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIME

Monsieur le préfet du VAR

Représenté par M. [Z] [O]

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DEBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 17 février 2023 devant Madame Catherine LEROI, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 17 février 2023 à 15h00,

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’interdiction du territoire national d’une durée de 2 ans prononcée par jugement du tribunal judiciaire de Lyon en date du 2 septembre 2021 ;

Vu l’arrêté préfectoral pris le 13 février 2023 par le préfet du VAR fixant le pays de destination notifié le même jour ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 13 février 2023 par le préfet du VAR notifiée le même jour à 12h00;

Vu l’ordonnance du 15 février 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [B] [M] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 15 février 2023 par Monsieur [B] [M] ;

Monsieur [B] [M] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : ‘j’ai fait des bêtises quand je suis arrivé en France, j’ai une femme, j’ai une situation, ma femme est enceinte. J’ai laissé mon passeport à la mairie pour la déclaration anticipée de l’enfant. Je vais demander à ma compagne d’aller chercher mon passeport. J’habite à [Localité 1]’.

Son avocat a été régulièrement entendu ; il soutient que la procédure est irrégulière, qu’en effet il résulte de l’article 8-1 du décret 87-249 du 8 avril 1987 que seuls les OPJ sont destinataires des opérations d’identification dont ils ont demandé la réalisation pour les besoins exclusifs des procédures judiciaires dont ils sont saisis et qu’en l’occurrence, les résultats des fichiers FAED et VISABIO ont été transmis à un sous-brigadier de police qui n’est pas OPJ, que de même , seul un OPJ pouvait consulter le FPR et il n’est pas justifié de l’habilitation de l’agent y ayant procédé, que cela doit entraîner ipso facto la mainlevée de la rétention, que la retenue de M. [M] qui devait commencer dès son interpellation à 11h45, s’est achevée le lendemain à 12 heures et a donc duré plus de 24 heures, contrairement aux dispositions de l’article L 813-3 du CESEDA, que la réalité de la notification des décisions administratives et des droits afférents au placement en rétention, en 1 minute, apparaît douteuse, qu’enfin, le délai de transfert, du commissariat de [Localité 4] au centre de rétention de [Localité 2], d’1h45 apparaît excessif, GOOGLE MAPS faisant état d’un délai de seulement 50 minutes ; il ajoute que la préfecture, qui a saisi les autorités étrangères d’une demande de laissez-passer sans joindre ni empreintes ni photos, ces éléments étant pourtant en sa possession, n’a pas réalisé les diligences nécessaires à l’éloignement de M. [M] dans les meilleurs délais, en infraction avec les dispositions de l’article L 741- 3 du CESEDA.

Il estime que la requête préfectorale en prolongation de la rétention, à défaut de production des fiches du FPR concernant M. [M], pièces justificatives utiles, est irrecevable en application des dispositions de l’article R 743-2 du CESEDA.

Enfin, il soutient que l’arrêté de placement en rétention est irrégulier.

Il sollicite en conséquence la mise en liberté ou à défaut l’assignation à résidence de M. [M].

Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de la décision déférée. Il fait valoir que tous les APJ sont habilités à consulter le FPR et qu’il est justifié de l’habilitation des agents ayant consulté le FAED et VISABIO, qu’en outre, le nouvel article 15-5 du Code de procédure pénale indique que l’absence de mention de l’habilitation ne peut emporter la nullité de la procédure et que les moyens allégués doivent être rejetés.

Il soulève l’irrecevabilité des demandes portant sur la critique de la décision de placement en rétention et s’oppose à la demande d’assignation à résidence, l’intéressé ne présentant pas les garanties de représentation nécessaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

M. [M], qui ne justifie pas avoir saisi le juge des libertés et de la détention, dans le cadre de la décision en date du 15 février 2023, d’une contestation de l’arrêté de placement en rétention, est irrecevable à porter cette contestation devant la cour d’appel.

La cour considère que c’est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu’il convient d’adopter que le premier juge a statué sur les moyens de nullité soulevés devant lui portant sur le délai supérieur à 24 heures de la retenue administrative, le caractère douteux d’une notification régulière des décisions administratives et des droits en rétention et le délai excessif de transfert du commissariat de [Localité 4] au centre de rétention de [Localité 2] . Il y sera ajouté s’agissant de la notification des décisions administratives d’éloignement et de placement en rétention et des droits afférents au placement en rétention, que ces dernières ont été régulièrement signées par M. [M] sans que ce dernier, assisté d’un interprète en langue arabe, n’indique n’avoir pas compris leur contenu, ce qui permet d’écarter tout doute sur la régularité de cette notification.

Sur le moyen soulevé résultant de l’irrégularité de la consultation des fichiers VISABIO FAED et FPR :

Il est constant qu’il a été procédé à la vérification du droit au séjour de M. [M] le 12 février 2023 à 13h25 par M. [J], officier de police judiciaire du commissariat de police de [Localité 4], l’intéressé n’ayant pas réglé le montant de la tarification SNCF et se trouvant dépourvu de tout document d’identité. Dans ce cadre, il a été procédé à la consultation des fichiers VISABIO, FAED et FPR.

Le fichier VISABIO qui est l’équivalent français du système d’information sur les visas (VIS), base de données biométriques à l’échelle européenne sur les demandeurs de visas, a été créé par le décret n° 2006-1378 du 14 novembre 2006, en application de l’article L 611-6 du CESEDA. La base de données Visabio stocke les données alphanumériques de l’état civil des demandeurs de visas délivrés par la France, Schengen, long séjour, en particulier, les données biométriques (photographies, empreintes,) et les données relatives à la vignette visa. La base des données biométriques est exploitée par un système automatique d’identification par les empreintes digitales (AFIS). L’accès à ce fichier et la prise de connaissance de ces données sont réservés certaines catégories de personnes énumérées aux articles R 142-4 à R 142-6 du CESEDA.

Par ailleurs, l’article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d’identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande de l’autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l’article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande de l’autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d’identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d’identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

4° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l’article 78-3 du code de procédure pénale.

Le fichier FAED, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret n°o 87-249 du 8 avril 1987. Il est également utilisé pour vérifier l’identité des personnes retenues en application de l’article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l’article L. 142-2 du CESEDA. Plus précisément, il permet d’identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d’infractions et de s’assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L’enregistrement de traces d’empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l’établissement d’une fiche alphabétique qui comporte notamment l’identification de la personne, la nature de l’affaire et la référence de la procédure, l’origine de l’information et les clichés anthropométriques dans le cas d’empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L’accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.

La CEDH juge ‘que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée’ (M. K. c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ‘ S. et Marper c/ Royaume-Uni, § 86) et d’autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l’article 8 CEDH (S. et Marper, précité, § 103, Gardel c/ France, requête no 16428/05, § 62 ; Bouchacourt c/ France, requête no 5335/06, § 61).

Au regard de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

En l’occurrence il résulte des mentions expresses figurant au procès- verbal de police en date du 13 février 2023 à 10h35 que le fichier VISABIO a été consulté par M. [U], agent de police judiciaire spécialement habilité pour ce faire et que le fichier FAED a été consulté par l’intermédiaire d’un agent de police technique et scientifique habilité, en l’occurrence Mme [V], la preuve contraire des mentions figurant audit procès-verbal n’étant pas rapportée.

Il n’est en revanche pas démontré par M. [M] que le résultat de la consultation de ces fichiers ait été porté à la connaissance d’agents de police n’ayant pas la qualité d’OPJ, en infraction avec les dispositions de l’article R 142-6 du CESEDA.

La procédure apparaît donc régulière sur ce point.

Il est par ailleurs établi qu’une consultation du fichier de personnes recherchées a été faite le 12 février 2023 à 12h50 par un agent de police judiciaire agissant sous le contrôle de M. [L] officier de police judiciaire, commissaire divisionnaire de police, chef de service.

Le décret n ° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ne limite pas aux officiers de police judiciaire la prise de connaissance des données de ce fichier.

Aux termes de l’article 5 du décret n° 2017-1219 du 28 mai 2010, peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, … les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités….

Toutefois, le défaut d’habilitation de l’agent ayant consulté ce fichier à partir du nom donné par la personne concernée aux fonctionnaires de police, à le supposer établi, ne constitue pas une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, aucune prise ou comparaison d’empreintes n’étant requise. Dès lors, en l’absence d’atteinte au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la CEDH, l’étranger ne justifie d’aucun grief.

Une telle irrégularité ne saurait dès lors, entraîner la mainlevée de la rétention conformément aux dispositions de l’article L 743- 12 du CESEDA.

Sur la recevabilité de la requête préfectorale en prolongation de la rétention :

Si les 2 fiches du FPR préconisant l’interpellation de M. [M] ne sont pas jointes à la procédure, ces dernières ne constituent pas des pièces justificatives utiles. M. [M] ayant été placé en retenue suite au contrôle d’identité opéré en raison d’une infraction tarifaire SNCF et de la possession , comme seul justificatif, d’une carte individuelle d’admission à l’aide médicale d’Etat en cours de validité, démontrant sa qualité d’étranger ne pouvant pas justifier de la régularité de sa situation administrative; le résultat de la consultation du FPR ne se trouve donc nullement à l’origine du placement en retenue de l’intéressé.

La demande préfectorale en prolongation de la rétention sera donc déclarée recevable,

Sur le défaut de diligences préfectorales :

Aux termes de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

En l’espèce, M. [M] n’est pas possesseur d’un passeport en cours de validité. Il a été placé en rétention administrative le 13 février 2023 et l’administration, par courrier du même jour, a sollicité le consul général d’Algérie afin de procéder à l’identification de l’intéressé et à la délivrance d’un laissez -passer en joignant à sa demande 4 photos d’identité, la fiche d’empreintes décadactylaires et une copie de son passeport périmé.

Il n’est donc en rien justifié d’un défaut de diligences préfectorales.

Sur la demande d’assignation à résidence :

L’assignation à résidence se trouve subordonnée en application de l’article L 743-13 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile à l’existence de garanties de représentation effectives ainsi qu’à la remise préalable de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité

et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution. Lorsque l’étranger s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une décision mentionnée à l’article L 700-1, à l’exception de son 4°, l’assignation à résidence fait l’objet d’une motivation spéciale.

L’appréciation de l’opportunité d’accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d’éloignement.

En l’espèce, si M. [M] justifie d’une adresse, il n’ a pas remis le passeport en cours de validité dont il indique être titulaire et s’est déjà soustrait à plusieurs reprises à ses obligations dans le cadre des mesures d’assignation à résidence dont il avait bénéficié en 2021 et en 2022, ce qui corrobore son refus de se soumettre à la décision d’éloignement le concernant.

Dans ces conditions, une assignation à résidence constituerait un risque sérieux de non exécution de la mesure d’éloignement et la demande sera rejetée

La décision déférée sera en conséquence confirmée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons irrecevable la contestation par M. [M] de l’arrêté de placement en rétention;

Déclarons recevable la demande préfectorale en prolongation de la rétention de M. [M];

Confirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 15 Février 2023.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier, Le président,

 

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