16 septembre 2020
Cour de cassation Pourvoi n° 19-13.020 SOC. IK COUR DE CASSATION Audience publique du 16 septembre 2020 Rejet non spécialement motivé M. CATHALA, président Décision n° 10689 F Pourvoi n° V 19-13.020 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 SEPTEMBRE 2020 La société BIP, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° V 19-13.020 contre l’arrêt rendu le 16 novembre 2018 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l’opposant à Mme H… O…, domiciliée […] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BIP, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme O…, après débats en l’audience publique du 18 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société BIP aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BIP et la condamne à payer à Mme O… la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société BIP Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR constaté les faits de harcèlement sexuel et moral subis par Madame H… O… de la part de Monsieur T…, d’AVOIR dit que la prise d’acte de rupture du contrat de professionnalisation par Madame O… s’analysait en une rupture fautive par l’employeur du contrat à durée déterminée avant son terme produisant les effets d’un licenciement nul, d’AVOIR condamné la SARL BIP à verser à Madame O… les sommes de 19.799,70 € nets à titre de dommages-intérêts équivalents aux rémunérations dues jusqu’à la fin du contrat de professionnalisation, 1.979,97 € nets à titre de dommages intérêts équivalents aux congés payés afférents, 13.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice né des harcèlements moral et sexuel dont elle a été victime et 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE «Pour établir l’existence d’un harcèlement moral, Madame H… O… fait valoir: – que Monsieur L… T… multipliait les crises de colères à son encontre au moindre prétexte Les seules déclarations de l’intimée lors de son audition par les services de gendarmerie le 27 avril 2016 lors de son dépôt de plainte sont insuffisantes à rapporter la preuve de ces faits dans la mesure où elles émanent d’une partie au procès. Or, ces déclarations ne sont corroborées par aucun autre élément. La preuve de ces faits n’est donc pas rapportée. – que Monsieur L… T… la dénigrait en présence de la clientèle La pièce 8 visée dans les conclusions de l’intimée censée rapporter la preuve de tels dénigrement est une copie de trois SMS envoyés par Monsieur L… T… à Madame H… O… elle-même et aucunement à des tiers. Aucun acte de dénigrement auprès de la clientèle n’est donc établi. – que Monsieur L… T… perturbait ses journées de cours en lui adressant des textos virulents de reproches alors qu’elle ne pouvait, au vu de sa faible expérience professionnelle et de l’objet du contrat de professionnalisation, donner entièrement satisfaction à ce stade de la relation de travail: Les trois SMS de Monsieur L… T… adressés à Madame H… O… le vendredi 4 mars 2016 dans un laps de temps de 45 minutes sont libellés comme suit: ‘tu n’as noté ni les couleurs, ni les quantités sur la commande La Martina de la Valiserie. C’est incroyable de voir que tu recommences à chaque fois les mêmes erreurs’ – ‘on fait quoi avec ce torchon » – ‘et la commande du client espagnol du who’s next. Où est-elle » * Le caractère virulent et dénigrant des termes employés par Monsieur L… T… pour décrire la qualité du travail de Madame H… O… ne peut être sérieusement contesté par la SAS BIP et il est établi par la lecture des SMS précédents – produits en pièce 26 par l’appelante – que Madame H… O… était effectivement en cours lorsqu’ils ont été envoyés, ce que l’employeur ne pouvait ignorer. Ce fait est donc établi. – que ces comportement de Monsieur L… T… ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et provoqué un état anxio dépressif réactionnel nécessitant un arrêt de travail à compter du 7 mars 2016 La proximité temporelle de l’envoi des SMS de Monsieur L… T… le vendredi 4 mars 2016 et de l’arrêt de travail pour ‘état anxio dépressif réactionnel à harcèlement professionnel’ le 7 mars 2016 (pièce 3 de l’intimée) et l’absence de toute autre cause objective à ce syndrome anxio dépressif apparu brutalement et sans signe avant coureur font présumer que les propos virulents de Monsieur L… T… sont la cause de l’arrêt maladie de Madame H… O…. Les deux dernières séries de faits invoqués par Madame H… O…, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Pour rapporter la preuve qui lui incombe que les agissements de Monsieur L… T… ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et qu’ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la SAS BIP fait valoir que Monsieur L… T… exerçait ainsi légitimement son pouvoir de direction vis à vis de la salariée au regard des erreurs commises sur l’édition d’un bon de commande. Cependant, outre que les propos volontairement dénigrants de Monsieur L… T… sur la qualité du travail d’Madame H… O… sont insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir de direction de l’employeur, la cour relève qu’au moment de leur envoi, la salariée était en formation théorique et ne se trouvait donc pas soumise à ce pouvoir de direction. Il résulte de tout ce qui précède que l’existence d’un harcèlement moral est ainsi établie. Le jugement sera donc confirmé sur ce point. » ; ET AUX MOTIFS QUE « En l’espèce, Madame H… O… fait état dans ses conclusions d’une série de faits caractérisant l’existence d’un harcèlement sexuel commis par Monsieur L… T… sur sa personne à savoir: – que dès les premières semaines de la relation de travail, Monsieur L… T… a commencé à lui « donner des petites tapettes sur les fesses », à la complimenter sur son physique, à la prendre dans ses bras et à la serrer contre lui dès qu’il se trouvait seul en sa présence – qu’à l’occasion du salon du WHO’S NEXT à Paris du 22 au 25 janvier 2016 Monsieur L… T… n’a pas hésité à lui demander de s’habiller autrement et de s’asseoir sur ses genoux – que le comportement de Monsieur L… T… s’est aggravée au retour du salon du WHO’S NEXT ce dernier allant plus loin dans la perversité en la forçant à soulever son T-shirt pour lui montrer son ventre, en lui touchant la poitrine les fesses tous les jours et en la menaçant au mois de février 2016 ‘de lui faire subir des sévices sexuels’ * Ces différentes allégations sont conformes aux déclarations faites par Madame H… O… aux services de gendarmerie le 27 avril 2016 à l’occasion de sa plainte contre Monsieur L… T… pour harcèlement sexuel. Leur existence est en outre corroborée par deux autres faits, également invoqués par l’intimée dans ses conclusions à savoir: * que l’épouse de Monsieur L… T… qui avait connaissance de ce harcèlement sexuel n’a pas contredit les accusations de harcèlement sexuel: Il résulte de l’attestation d’Y… W…, mère d’H… O…, datée du 23 mai 2016 qu’un lien d’amitié l’unissait à Y… Monsieur L… T… et que le CDD de sa fille avait été obtenu par l’intermédiaire de cette dernière. Y… W… témoigne en pièce 12 – attestation dont les termes ne sont pas contestés – avoir eu un entretien téléphonique avec l’épouse de Monsieur L… T… après l’arrêt de travail de sa fille en date du 7 mars 2016. Il ressort de cette attestation qu’au cours de cet entretien, Y… Monsieur L… T… lui a rappelé qu’elle avait essayé de lui faire comprendre en décembre 2015 que ce n’était pas une bonne idée qu’H… travaille pour son mari, qu’elle savait que la jeune femme était ‘le genre de beauté qu’il appréciait’ mais ‘qu’elle n’aurait pas pensé qu’il puisse aller si loin’ et qu’elle pensait qu’il se contenterait de l’importuner de manière verbale. Madame H… O… verse également aux débats en pièce 16 la photographie d’un SMS envoyé à sa mère par Y… Monsieur L… T… le 10 mars 2016, soit 4 jours après les révélations des agressions sexuelles, libellé comme suit: ‘Y… Je suis désolée de te déranger. Inutile de te dire dans quel état d’esprit je suis et combien je m’en veux et comme je suis navrée pour ta fille (…) Tiens moi au courant de son état d’esprit et de la manière dont nous pouvons gérer tout cela au mieux. Nous pouvons en discuter quand tu voudras. Je t’embrasse’ * suivi du SMS de réponse rédigé comme suit : ‘Y… je comprends ce que tu ressens mais n’oublies pas qu’il n’y a qu’un responsable et que tu le connais…. Comment a-t-il réagi quand tu as parlé ‘ H… est toujours dans le même état, on lui cherche UNE bonne psy, pas évident. À bientôt. Bises’. Ainsi que le fait justement valoir Madame H… O…, l’objet de ces SMS n’est pas ambigu et il en ressort qu’Y… Monsieur L… T… n’a pas contesté les propos ni les comportements à caractère sexuel de son mari dénoncés par Madame H… O… à sa mère le 5 mars 2016. En effet, la cour relève qu’Y… Monsieur L… T…, qui se déclarait inquiète pour Madame H… O… à réception de son arrêt maladie d’un mois dans un SMS du 9 mars 2016 (pièce 28 de l’appelante), n’a pas demandé d’explications sur les faits imputés à son mari après la réponse d’Y… W… mettant en cause ce dernier, qu’elle s’est également abstenue de répondre à son amie sur la réaction de Monsieur L… T… aux accusations proférées à son encontre et que si elle atteste ne jamais avoir reconnu l’existence d’un ‘harcèlement moral d’H…’ (attestation du 3 avril 2017 pièce numéro 27 de l’appelant), il n’en va pas de même concernant le harcèlement sexuel sur lequel elle est demeurée totalement taisante. – que Monsieur L… T… s’est soustrait pendant trois mois aux convocations des services de gendarmerie à la suite de son dépôt de plainte du 27 avril 2016 au point qu’il a été inscrit au fichier des personnes recherchées: Il résulte du procès-verbal de synthèse produit en pièce 18 par l’appelante que les services de gendarmerie se sont présentés au domicile de Monsieur L… T… le 27 avril 2016 pour lui remettre une convocation et que sa femme leur a alors indiqué qu’il avait quitté le domicile depuis plusieurs semaines, qu’il restait injoignable et qu’elle n’était pas en mesure d’indiquer sa date de retour. Le 10 mai 2016 la situation était toujours identique et l’intéressé ne répondait pas aux messages laissés par les gendarmes sur son répondeur téléphonique. Le 13 mai 2016, Monsieur L… T… a alors été alors inscrit au Fichier des personnes recherchées. De son côté, la SAS BIP produit un courrier recommandé de Monsieur L… T… adressé le 3 août 2016 à la gendarmerie de LIMONEST ainsi qu’un relevé de compte bancaire et une facture de téléphonie qui sont insuffisants à rapporter la preuve que ce dernier s’est effectivement tenu à la disposition des enquêteurs dès qu’il a eu connaissance de la convocation du 27 avril 2016 et que sa comparution tardive devant le service d’enquête (le 28 mars 2017 selon les conclusions de l’appelante) n’est imputable qu’à l’absence de disponibilité des gendarmes. A cet égard, la SAS BIP reste taisante sur les raisons du départ de Monsieur L… T… du domicile familial immédiatement après le dépôt de plainte d’H… O… et pendant plusieurs semaines sans donner aucune nouvelle, alors qu’il résulte de son relevé de compte qu’il se trouvait sur le territoire national. D’autre part, la cour observe que la SAS BIP, qui fait état dans ses conclusions des auditions par les gendarmes de Monsieur L… T…, d’Y… Monsieur L… T… et de leur fils M… en 2017, n’a pas jugé utile de produire ces auditions aux débats, pas plus que de préciser le sort qui a été réservé à cette procédure pénale par le Parquet, son éventuel classement sans suite n’étant même pas allégué par l’employeur. Contrairement à ce qu’allègue la SAS BIP, il n’est pas exigé du salarié qu’il produise des attestations de témoins directs des faits, ce qui n’est effectivement pas le cas en l’espèce, Madame H… O… précisant que les agressions sexuelles avaient très souvent lieu lorsqu’elle se retrouvait seule avec Monsieur L… T…. En revanche, il résulte de tout ce qui précède que: – les déclarations concordantes d’Madame H… O… à sa mère, à X… A… et aux services d’enquête – le comportement précité de Monsieur L… T… et d’Y… Monsieur L… T… après la dénonciation de plusieurs actes d’agression sexuelles à X… A… et à Y… W… les 4 et 5 mars 2016 dont ils ont été rapidement informés par cette dernière – ainsi que les éléments médicaux versés aux débats par la SAS BIP faisant état d’un choc psychologique en lien avec les violences verbales et les attouchements dénoncés mais sans lien avec les troubles panique pour lesquelles l’intimée était auparavant suivie (certificats du Docteur P… du 10 mars 2016 et du 16 juin 2017) ou encore de l’apparition d’angoisses et d’insomnies (certificat du Docteur V… du 29 avril 2016), pris dans leur ensemble, laissent bien présumer le bien fondé des accusations portées par Madame H… O… à l’encontre de Monsieur L… T… portant sur un harcèlement sexuel constitué de propos et comportements répétés à connotation sexuelle et plus précisément des attouchements au niveau des parties sexuelles (attouchements sur la poitrine et sur les fesses), des compliments sur les attributs sexuels (poitrine) ou encore des contacts corporels non sollicités (prise dans les bras, accolades). Pour rapporter la preuve de que ces agissements de Monsieur L… T… ne sont pas constitutifs d’un harcèlement sexuel la SAS BIP: – produit de nombreux témoignages visant à démontrer que Monsieur L… T… s’est toujours comporté respectueusement à l’égard des femmes de son entourage professionnel et qu’en revanche Madame H… O… ‘donnait l’impression d’être assez délurée’ (pièce 20) – fait valoir que Monsieur L… T… se comportait avec respect à l’égard d’Madame H… O… et que son comportement à l’égard de celle-ci était sans ambiguïté – allègue que le conseil des prud’hommes a faussement écarté certaines de ses attestations – produit une attestation d’Y… Monsieur L… T… (pièce 13) indiquant ne jamais avoir constaté de comportement ou de propos inadaptés de son mari à l’égard de d’Madame H… O… ‘lorsqu'[elle s’est] trouvée en leur présence aux bureaux ou sur le salon du Who’s Next’ – que cette dernière n’a jamais corroboré les accusations de harcèlement d’Madame H… O… – invoque que Madame H… O… était déjà traitée pour des troubles paniques avant le début de la relation de travail – fait plaider que les faits sont suffisamment graves pour que Madame H… O… soit normalement capable de décrire avec plus de précision le lieu et la date des faits – produit la copie des SMS échangés entre Madame H… O… et Monsieur L… T… durant la période du 18 novembre 2015 au 8 mars 2016 (pièce 26) destinés à démontrer que ces derniers étaient dénués de toute ambiguïté et que Madame H… O… ne manifestait aucune retenue ou crainte à l’égard de Monsieur L… T…. Cependant, ces éléments ne suffisent pas à rapporter la preuve de l’absence de harcèlement sexuel. En effet: – le fait que Monsieur L… T… ne se soit pas livré à un harcèlement sexuel à l’encontre d’autres relations professionnelles ou se soit montré respectueux à leur égard ne démontre pas qu’il en a également été ainsi avec Madame H… O… – les déclarations de l’intimée selon lesquelles les faits avaient lieu lorsqu’elle se trouvait seule avec Monsieur L… T… peuvent expliquer que les tiers, y compris l’épouse de ce dernier, aient pu décrire une relation respectueuse – la cour relève que, si Y… Monsieur L… T… a rédigé une attestation le 3 avril 2017 indiquant qu »à aucun moment [elle] n’a confirmé l’existence d’un harcèlement moral d’H… et n'[a] donné crédit à ces accusations’ , elle n’en a rien fait en ce qui concerne les accusations de harcèlement sexuel dont elle était alors pourtant parfaitement informée – les troubles paniques à type de phobie des transports en commun, en particulier du métro, pour lesquels Madame H… O… était suivie auparavant sont sans aucun lien avec ceux qui ont motivé l’arrêt de travail du 7 mars 2016 ainsi que cela résulte de l’attestation du Docteur P… du 16 juin 2017 produite en pièce 19 par l’intimée – les faits invoqués par Madame H… O… sont précisément localisés soit dans les locaux de l’entreprise, soit au salon Who’s Next de Paris, et le fait qu’elle ne soit pas en mesure de les dater avec précision ne suffit pas à démontrer leur inexistence, ce d’autant qu’il résulte de l’attestation du docteur P… produite en pièce 18 que ‘le choc psychologique subi par la patiente explique le délai d’émergence du traumatisme’. * dans son audition par les services de gendarmerie du 27 avril 2016, Madame H… O… a bien précisé qu’elle n’avait reçu aucune avance par messages ou autre moyen de communication de la part de Monsieur L… T…. Compte tenu de tout ce qui précède, l’existence d’un harcèlement sexuel est établie et le jugement sera confirmé sur ce point » ; ET AUX MOTIFS QUE « le bien-fondé des motifs invoqués par Madame H… O… dans sa lettre de prise d’acte de rupture du 28 avril 2016 – à savoir un harcèlement moral et un harcèlement sexuel – étant établi et dans la mesure où leur gravité rendait impossible la poursuite de la relation de travail, il doit être fait droit à la demande de Madame H… O… de requalification de la prise d’acte, non pas en une rupture abusive mais en une rupture fautive par l’employeur du contrat à durée déterminée avant son terme produisant les effets d’un licenciement nul compte tenu de sa cause » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « le courrier de Maître K…, conseil de Madame H… O…, du 28 avril 2016, fait état de : « Monsieur, je vous écris en ma qualité de conseil de Madame H… O… laquelle ma fait part de votre altitude à son égard depuis son embauche et qui ne lui permet pas d’envisager la poursuite de son contrat de professionnalisation qui la lie à la société BIP. Il apparaît que vous n’avez eu de cesse de rabaisser en permanence Madame O…, souvent devant des clients, n’hésitant pas à la traiter de « bonne à rien », tout en multipliant les appels et SMS à tout moment, pour lui adresser des reproches, la menacer et exercer une pression à son égard. A ces violences verbales se sont ajoutés des attouchements physiques et sexuels qui ont fait craindre le pire à Madame O…, que vous avez explicitement menacée de « sévices sexuels ». Après avoir tenu plusieurs mois dans ces conditions de travail inadmissibles, caractéristiques de faits de harcèlement moral et sexuel, Madame O… a tenté d’évoquer la situation, notamment auprès de votre épouse laquelle a proposé de convenir du principe d’une rupture conventionnelle. Au vu de vos agissements gravement fautifs et de leur répercussion sur l’état de santé de Madame O… d’une part et la poursuite de sa formation professionnelle d’autre part, il ne saurait être question d’une rupture d’un commun accord. L’état de santé de Madame O… a nécessité un arrêt de travail afin de la soustraire à vos agissements répréhensibles. L’objet de la présente est de vous informer de la rupture anticipée et fautive du contrat de professionnalisation qui lie Madame O… à la société BIP aux torts de celle-ci ce dont j’avise parallèlement l’organisme de formation. Je vous précise également que ma cliente m’a d’ores et déjà mandatée pour saisir les juridictions compétentes pour faire valoir ses droits… » ; Attendu que Madame H… O… apporte les éléments suivants afin de laisser supposer l’existence d’un harcèlement sexuel à son encontre, repris dans le procès-verbal de son audition par la Gendarmerie de Limonest en date du 27 avril 2016, qu’environ deux semaines après le début de sa formation le comportement de Monsieur L… T… a commencé à changer à son égard, il commençait à lui donner des petites tapettes sur les fesses de manière amicale et la complimentait beaucoup sur son physique, il la prenait dans ses bras et la serrait contre lui, Que vers la fin du mois de janvier 2016, vers le 25, elle est partie au salon du Who’s Next à PARIS avec Monsieur L… T…, son épouse et son fils M…, a cette occasion Monsieur L… T… lui a demandé de s’habiller autrement, l’épouse de Monsieur L… T… précisant que cela signifiait « comme une pute », Monsieur L… T… ajoutant qu’un sex chop se trouvait en bas ..,/… Que toujours pendant ce salon Monsieur L… T… l’a prise sur ses genoux, et lui a indiqué que si elle voulait réussir elle devait être provocante et qu’il l’avait engagé surtout pour son physique et fait plaisir à sa mère, une amie de son épouse. Que les choses se sont aggravées après ce salon, Monsieur L… T… la forçant à soulever son tee-shirt pour qu’il puisse voir son ventre, et au besoin le soulevant lui-même, pour lui toucher et lui pincer le ventre. Que Monsieur L… T… faisait également des remarques déplacées sur son physique, lui disant qu’il adorait sa poitrine, puis venait derrière elle se collant pour lui toucher la poitrine avec ses deux mains, il a réitéré les mêmes gestes dans le bureau de sa femme /… Que tous les jours elle a subi des attouchements de ce genre sur sa poitrine, ses fesses, il faisait des réflexions sur son nez, au moins une vingtaine de fois, en lui disant qu’il fallait absolument le faire refaire parce qu’il était moche. Que fin février 2016 Monsieur L… T… l’a menacée de pire, lui indiquant vouloir lui faire subir des sévices sexuels. Qu’un jour Monsieur L… T… lui a fait une remarque sur sa tenue alors qu’elle portait du simili cuir insinuant qu’elle devait être une femme qui aimait se faire fouetter en allant dans des bars et en portant ce pantalon. Que cette situation a continué jusqu’à son arrêt maladie, soit le 7 mars 2014 ; Attendu que Madame H… O… apporte les éléments suivants afin de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre, pour ce qui concerne le procès-verbal de son audition par la Gendarmerie de Limonest en date du 27 avril 2016, qu’elle a accepté à contre coeur que Monsieur L… T… la prenne sur ses genoux à son bureau alors qu’il était au téléphone, par peur de sa réaction en cas de refus, et qu’ainsi il serait peut-être plus gentil et moins strict sur ses erreurs car il est trop dur …/… Qu’elle a remarqué que c’est un homme très colérique, et en février 2016 il a « pété un cable », disant qu’elle était nulle, qu’elle ne savait rien faire, que ce n’est pas possible d’être aussi bête, qu’elle était une assistante qui sert à rien. 1. ALORS QUE ne peuvent constituer un harcèlement moral que les agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’hormis les accusations non étayées de Madame O…, pour retenir le harcèlement moral la cour d’appel s’est bornée à relever l’envoi isolé par l’employeur de SMS reprochant à la salariée des erreurs lors d’une prise de commande client ; qu’en statuant ainsi alors qu’un tel fait isolé ne pouvait constituer, à défaut de répétition, un harcèlement moral, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ; 2. ALORS QUE le mécanisme probatoire spécifiquement institué en matière de harcèlement moral, en ce qu’il se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, a pour corollaire l’examen par le juge de l’ensemble des éléments de preuve invoqués par l’employeur pour justifier que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral ; qu’en l’espèce, pour répondre aux allégations de la salariée qui soutenait avoir subi un harcèlement moral caractérisé par un comportement déplacé de Monsieur T…, la société BIP a offert de justifier, point par point, et justificatifs à l’appui, l’ensemble des décisions prises à son égard ; qu’en se bornant néanmoins, pour dire établi le harcèlement moral, à rappeler les griefs de la salariée, sans s’expliquer ne serait-ce que sommairement ni même viser l’ensemble des raisons et circonstances mises en avant par la société BIP, pour justifier objectivement des agissements reprochés, la cour d’appel a méconnu le principe d’égalité des armes ainsi que le régime probatoire applicable et violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; 3. ALORS QUE le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; qu’il appartient au salarié qui prétend avoir subi des agissements de harcèlement sexuel d’établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer son existence ; que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu’en se fondant sur les seuls dires de Madame O… pour considérer que le harcèlement sexuel était suffisamment étayé, la cour d’appel a violé les articles L.1153-1, L.1153-2 et L.1154-1 du code du travail, ensemble l’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ; 4. ALORS QU’en matière prud’homale la preuve est libre et les règles de forme prévues par l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu’en décidant d’écarter sans les examiner les attestations de Mesdames C…, E…, T…, PJ… et CZ… ainsi que celles de Messieurs B…, Q…, PP…, MV… et J… respectivement produites par la société BIP, aux motifs qu’elles « ne respectent pas les exigences de l’article 202 du code de procédure civile », la cour d’appel, qui a fait obstacle à l’exercice des droits de la défense de l’employeur et à la liberté de la preuve qui s’impose en matière prud’homale, a violé les articles L.1154-1 et L.1153-1 du code du travail, ensemble les articles 1353 du code civil et 202 du code de procédure civile ; 5. ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que, par application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant la société BIP pour harcèlement moral et sexuel entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif faisant produire à la prise d’acte de la rupture les effets d’un licenciement nul au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces chefs de l’arrêt.
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