16 novembre 2018
Cour d’appel de Lyon RG n° 17/00921 AFFAIRE PRUD’HOMALE DOUBLE RAPPORTEUR N° RG 17/00921 – N° Portalis DBVX-V-B7B-K2VZ Société B.I.P. C/ [X] APPEL D’UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON du 23 Janvier 2017 RG : 16/01848 COUR D’APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE B ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2018 APPELANTE : SAS B.I.P. [Adresse 1] [Localité 1] Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, Ayant pour avocat plaidant Me Dominique PEROL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Florian GROBON, avocat au barreau de LYON INTIMÉE : [T] [X] née le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 2] [Adresse 2] [Localité 1] Représentée par Me Julie TESTARD, avocat au barreau de LYON Ayant pour avocat plaidant Me Thierry BRAILLARD de la SELARL THIERRY BRAILLARD ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Septembre 2018 Présidée par Natacha LAVILLE, et Sophie NOIR, conseillers, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistées pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : – Michel SORNAY, président – Natacha LAVILLE, conseiller – Sophie NOIR, conseiller ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 16 Novembre 2018 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ******************** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : La SAS BIP est une société spécialisée dans le commerce de maroquinerie destinée essentiellement aux femmes. Elle applique la convention collective nationale du commerce de gros. Le 21 décembre 2015, cette société a conclu avec [T] [X], étudiante en BTS ‘Négociation relation client’ à l’IDRAC, un contrat de professionnalisation sous la forme d’un contrat à durée déterminée à temps plein à compter du 4 janvier 2016 pour occuper l’emploi de commerciale moyennant une rémunération mensuelle de 1 131,77 € bruts. Le terme de ce contrat de travail à durée déterminée était fixé au 30 juillet 2017. Son tuteur au sein de l’établissement employeur était [K] [Q], président de la SAS BIP. Au dernier état de la relation contractuelle, le montant du salaire mensuel s’élevait à 1319,98 € bruts. [T] [X] a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel à compter du 7 mars 2016 et n’a plus repris le travail. Le 27 avril 2016 elle a déposé plainte à l’encontre de [K] [Q] en dénonçant des agressions sexuelles survenues environ deux semaines après le début de la relation de travail. Par courrier recommandé avec accusé réception du 28 avril 2016 [T] [X] a pris acte de la rupture du contrat de travail par l’intermédiaire de son avocat en arguant de faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel. Elle a ensuite saisi le conseil des prud’hommes de Lyon le 18 mai 2016 d’une demande de requalification de la prise d’acte de la rupture anticipée du contrat de professionnalisation en une rupture abusive et de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel. Par jugement du 23 janvier 2017, le conseil des prud’hommes de Lyon a : ‘ dit et jugé que les demandes de Madame [T] [X] sont recevables ‘ constaté les faits de harcèlement sexuel et moral subis par Madame [T] [X] de la part de Monsieur [K] [Q] ‘ requalifié la prise d’acte de la rupture anticipée du contrat de professionnalisation de Madame [T] [X] en une rupture abusive Et en conséquence, ‘ condamné la SARL BIP à verser à Madame [T] [X] les sommes suivantes : 19’799,70 € nets à titre de dommages-intérêts équivalents aux rémunérations dues jusqu’à la fin du contrat de professionnalisation 1979,97 € nets à titre de dommages-intérêts équivalents aux congés payés afférents 9000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel ‘ condamné la SARL BIP à verser à Madame la SAS BIP la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ‘ rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article L 1454 ‘ 28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toute pièce que l’employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail ….) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l’article R 1454 ‘ 14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités ‘ fixé à 1319,98 € le salaire mensuel moyen de Madame la SAS BIP servant à l’application de l’article R 1454 ‘ 28 du code du travail ‘ dit et jugé qu’il n’y a pas lieu d’étendre l’exécution provisoire au-delà de celle des cas prévus par la loi ‘ débouté Madame la SAS BIP du surplus de ses demandes ‘ débouté la SAS BIP de l’intégralité de ses demandes ‘ rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter du prononcé de la présente décision pour les sommes allouées autres que les créances salariales ‘ condamné la SARL BIP aux entiers dépens de l’instance. La SAS BIP a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 6 février 2017 Dans ses dernières conclusions, la SAS BIP demande à la cour : ‘ de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ‘ de dire et juger que la société BIP a parfaitement rempli ses obligations à l’occasion de l’exécution du contrat de travail conclu avec Madame [X] laquelle n’a été victime d’aucun agissement qui serait constitutif d’un harcèlement moral et/ou sexuel En conséquence, ‘ de débouter Madame [X] de l’intégralité de ses demandes injustifiées et non fondées et de son appel incident ‘ de condamner Madame [X] à verser à la société BIP une indemnité de 3000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ‘ de condamner en tant que de besoin Madame [X] aux entiers dépens. Dans ses dernières conclusions, [T] [X] demande pour sa part à la cour : A TITRE PRINCIPAL: ‘ de confirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Lyon le 23 janvier 2017 en ce qu’il a : constaté les faits de harcèlement sexuel et moral subi par Madame [X] de la part de [K] [Q] requalifié la prise d’acte de la rupture anticipée du contrat de professionnalisation en une rupture abusive condamné la société BIP à payer à Madame [X] la somme de 19’799,70 € à titre de dommages-intérêts équivalents aux rémunération dues jusqu’à la fin du contrat outre les 1979,97 € de congés payés afférents condamné la société BIP à payer à Madame [X] la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ‘ d’infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Lyon le 23 janvier 2017 pour le surplus Et statuant à nouveau, y ajoutant ‘ de condamner la société BIP à verser à Madame [X] la somme de 20’000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel ‘ d’assortir ces condamnations des intérêts légaux ‘ de condamner la société BIP à payer à Madame [X] la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ‘ de condamner la même aux entiers dépens; A TITRE SUBSIDIAIRE: ‘ de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Lyon le 23 janvier 2017 ‘ de condamner la société BIP à payer à Madame [X] la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ‘ de condamner la même aux entiers dépens. L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 27 juin 2018. Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées. MOTIFS DE LA DÉCISION 1. Sur le harcèlement moral: En application des dispositions des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l’article L1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions, toute disposition ou tout acte contraire est nul. En cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié doit établir la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, et il appartient ensuite au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Pour établir l’existence d’un harcèlement moral, [T] [X] fait valoir: – que [K] [Q] multipliait les crises de colères à son encontre au moindre prétexte Les seules déclarations de l’intimée lors de son audition par les services de gendarmerie le 27 avril 2016 lors de son dépôt de plainte sont insuffisantes à rapporter la preuve de ces faits dans la mesure où elles émanent d’une partie au procès. Or, ces déclarations ne sont corroborées par aucun autre élément. La preuve de ces faits n’est donc pas rapportée. – que [K] [Q] la dénigrait en présence de la clientèle La pièce 8 visée dans les conclusions de l’intimée censée rapporter la preuve de tels dénigrement est une copie de trois SMS envoyés par [K] [Q] à [T] [X] elle même et aucunement à des tiers. Aucun acte de dénigrement auprès de la clientèle n’est donc établi. – que [K] [Q] perturbait ses journées de cours en lui adressant des textos virulents de reproches alors qu’elle ne pouvait, au vu de sa faible expérience professionnelle et de l’objet du contrat de professionnalisation, donner entièrement satisfaction à ce stade de la relation de travail: Les trois SMS de [K] [Q] adressés à [T] [X] le vendredi 4 mars 2016 dans un laps de temps de 45 minutes sont libellés comme suit: – ‘tu n’as noté ni les couleurs, ni les quantités sur la commande La Martina de la Valiserie. C’est incroyable de voir que tu recommences à chaque fois les mêmes erreurs’ – ‘on fait quoi avec ce torchon » – ‘et la commande du client espagnol du who’s next. Où est elle ». Le caractère virulent et dénigrant des termes employés par [K] [Q] pour décrire la qualité du travail de [T] [X] ne peut être sérieusement contesté par la SAS BIP et il est établi par la lecture des SMS précédents – produits en pièce 26 par l’appelante – que [T] [X] était effectivement en cours lorsqu’ils ont été envoyés, ce que l’employeur ne pouvait ignorer. Ce fait est donc établi. – que ces comportement de [K] [Q] ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et provoqué un état anxio dépressif réactionnel nécessitant un arrêt de travail à compter du 7 mars 2016 La proximité temporelle de l’envoi des SMS de [K] [Q] le vendredi 4 mars 2016 et de l’arrêt de travail pour ‘état anxio dépressif réactionnel à harcèlement professionnel’ le 7 mars 2016 (pièce 3 de l’intimée) et l’absence de toute autre cause objective à ce syndrome anxio dépressif apparu brutalement et sans signe avant coureur font présumer que les propos virulents de [K] [Q] sont la cause de l’arrêt maladie de [T] [X]. Les deux dernières séries de faits invoqués par [T] [X], pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Pour rapporter la preuve qui lui incombe que les agissements de [K] [Q] ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et qu’ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la SAS BIP fait valoir que [K] [Q] exerçait ainsi légitimement son pouvoir de direction vis à vis de la salariée au regard des erreurs commises sur l’édition d’un bon de commande. Cependant, outre que les propos volontairement dénigrants de [K] [Q] sur la qualité du travail d'[T] [X] sont insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir de direction de l’employeur, la cour relève qu’au moment de leur envoi, la salariée était en formation théorique et ne se trouvait donc pas soumise à ce pouvoir de direction. Il résulte de tout ce qui précède que l’existence d’un harcèlement moral est ainsi établie. Le jugement sera donc confirmé sur ce point. 2. Sur le harcèlement sexuel: Aux termes de l’article L 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits : – soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, – soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. Aux termes de l’article L 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, en cas de litige relatif à l’application des articles L 1153-1 à L 1153-4, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. En l’espèce, [T] [X] fait état dans ses conclusions d’une série de faits caractérisant l’existence d’un harcèlement sexuel commis par [K] [Q] sur sa personne à savoir: – que dès les premières semaines de la relation de travail, [K] [Q] a commencé à lui « donner des petites tapettes sur les fesses », à la complimenter sur son physique, à la prendre dans ses bras et à la serrer contre lui dès qu’il se trouvait seul en sa présence – qu’à l’occasion du salon du WHO’S NEXT à [Localité 3] du 22 au 25 janvier 2016 [K] [Q] n’a pas hésité à lui demander de s’habiller autrement et de s’asseoir sur ses genoux – que le comportement de [K] [Q] s’est aggravée au retour du salon du WHO’S NEXT ce dernier allant plus loin dans la perversité en la forçant à soulever son T-shirt pour lui montrer son ventre, en lui touchant la poitrine les fesses tous les jours et en la menaçant au mois de février 2016 ‘de lui faire subir des sévices sexuels’. Ces différentes allégations sont conformes aux déclarations faites par [T] [X] aux services de gendarmerie le 27 avril 2016 à l’occasion de sa plainte contre [K] [Q] pour harcèlement sexuel. Leur existence est en outre corroborée par deux autres faits, également invoqués par l’intimée dans ses conclusions à savoir: – que l’épouse de [K] [Q] qui avait connaissance de ce harcèlement sexuel n’a pas contredit les accusations de harcèlement sexuel: Il résulte de l’attestation d'[A] [D], mère d'[T] [X], datée du 23 mai 2016 qu’un lien d’amitié l’unissait à [A] [Q] et que le CDD de sa fille avait été obtenu par l’intermédiaire de cette dernière. [A] [D] témoigne en pièce 12 – attestation dont les termes ne sont pas contestés – avoir eu un entretien téléphonique avec l’épouse de [K] [Q] après l’arrêt de travail de sa fille en date du 7 mars 2016. Il ressort de cette attestation qu’au cours de cet entretien, [A] [Q] lui a rappelé qu’elle avait essayé de lui faire comprendre en décembre 2015 que ce n’était pas une bonne idée qu'[T] travaille pour son mari, qu’elle savait que la jeune femme était ‘le genre de beauté qu’il appréciait’ mais ‘qu’elle n’aurait pas pensé qu’il puisse aller si loin’ et qu’elle pensait qu’il se contenterait de l’importuner de manière verbale. [T] [X] verse également aux débats en pièce 16 la photographie d’un SMS envoyé à sa mère par [A] [Q] le 10 mars 2016, soit 4 jours après les révélations des agressions sexuelles, libellé comme suit: ‘[A] Je suis désolée de te déranger. Inutile de te dire dans quel état d’esprit je suis et combien je m’en veux et comme je suis navrée pour ta fille (…) Tiens moi au courant de son état d’esprit et de la manière dont nous pouvons gérer tout cela au mieux. Nous pouvons en discuter quand tu voudras. Je t’embrasse’. suivi du SMS de réponse rédigé comme suit : ‘[A] je comprends ce que tu ressens mais n’oublies pas qu’il n’y a qu’un responsable et que tu le connais…. Comment a-t-il réagi quand tu as parlé ‘ [T] est toujours dans le même état, on lui cherche UNE bonne psy, pas évident. À bientôt. Bises’. Ainsi que le fait justement valoir [T] [X], l’objet de ces SMS n’est pas ambigu et il en ressort qu'[A] [Q] n’a pas contesté les propos ni les comportements à caractère sexuel de son mari dénoncés par [T] [X] à sa mère le 5 mars 2016. En effet, la cour relève qu'[A] [Q], qui se déclarait inquiète pour [T] [X] à réception de son arrêt maladie d’un mois dans un SMS du 9 mars 2016 (pièce 28 de l’appelante), n’a pas demandé d’explications sur les faits imputés à son mari après la réponse d'[A] [D] mettant en cause ce dernier, qu’elle s’est également abstenue de répondre à son amie sur la réaction de [K] [Q] aux accusations proférées à son encontre et que si elle atteste ne jamais avoir reconnu l’existence d’un ‘harcèlement moral d'[T]’ (attestation du 3 avril 2017 pièce numéro 27 de l’appelant), il n’en va pas de même concernant le harcèlement sexuel sur lequel elle est demeurée totalement taisante. – que [K] [Q] s’est soustrait pendant trois mois aux convocations des services de gendarmerie à la suite de son dépôt de plainte du 27 avril 2016 au point qu’il a été inscrit au fichier des personnes recherchées: Il résulte du procès-verbal de synthèse produit en pièce 18 par l’appelante que les services de gendarmerie se sont présentés au domicile de [K] [Q] le 27 avril 2016 pour lui remettre une convocation et que sa femme leur a alors indiqué qu’il avait quitté le domicile depuis plusieurs semaines, qu’il restait injoignable et qu’elle n’était pas en mesure d’indiquer sa date de retour. Le 10 mai 2016 la situation était toujours identique et l’intéressé ne répondait pas aux messages laissés par les gendarmes sur son répondeur téléphonique. Le 13 mai 2016, [K] [Q] a alors été alors inscrit au Fichier des personnes recherchées. De son côté, la SAS BIP produit un courrier recommandé de [K] [Q] adressé le 3 août 2016 à la gendarmerie de LIMONEST ainsi qu’un relevé de compte bancaire et une facture de téléphonie qui sont insuffisants à rapporter la preuve que ce dernier s’est effectivement tenu à la disposition des enquêteurs dès qu’il a eu connaissance de la convocation du 27 avril 2016 et que sa comparution tardive devant le service d’enquête (le 28 mars 2017 selon les conclusions de l’appelante) n’est imputable qu’à l’absence de disponibilité des gendarmes. A cet égard, la SAS BIP reste taisante sur les raisons du départ de [K] [Q] du domicile familial immédiatement après le dépôt de plainte d'[T] [X] et pendant plusieurs semaines sans donner aucune nouvelle, alors qu’il résulte de son relevé de compte qu’il se trouvait sur le territoire national. D’autre part, la cour observe que la SAS BIP, qui fait état dans ses conclusions des auditions par les gendarmes de [K] [Q], d'[A] [Q] et de leur fils [N] en 2017, n’a pas jugé utile de produire ces auditions aux débats, pas plus que de préciser le sort qui a été réservé à cette procédure pénale par le Parquet, son éventuel classement sans suite n’étant même pas allégué par l’employeur. Contrairement à ce qu’allègue la SAS BIP, il n’est pas exigé du salarié qu’il produise des attestations de témoins directs des faits, ce qui n’est effectivement pas le cas en l’espèce, [T] [X] précisant que les agressions sexuelles avaient très souvent lieu lorsqu’elle se retrouvait seule avec [K] [Q]. En revanche, il résulte de tout ce qui précède que: – les déclarations concordantes d'[T] [X] à sa mère, à [J] [B] et aux services d’enquête – le comportement précité de [K] [Q] et d'[A] [Q] après la dénonciation de plusieurs actes d’agression sexuelles à [J] [B] et à [A] [D] les 4 et 5 mars 2016 dont ils ont été rapidement informés par cette dernière – ainsi que les éléments médicaux versés aux débats par la SAS BIP faisant état d’un choc psychologique en lien avec les violences verbales et les attouchements dénoncés mais sans lien avec les troubles panique pour lesquelles l’intimée était auparavant suivie (certificats du Docteur [F] du 10 mars 2016 et du 16 juin 2017) ou encore de l’apparition d’angoisses et d’insomnies (certificat du Docteur [W] du 29 avril 2016), pris dans leur ensemble, laissent bien présumer le bien fondé des accusations portées par [T] [X] à l’encontre de [K] [Q] portant sur un harcèlement sexuel constitué de propos et comportements répétés à connotation sexuelle et plus précisément des attouchements au niveau des parties sexuelles (attouchements sur la poitrine et sur les fesses), des compliments sur les attributs sexuels (poitrine) ou encore des contacts corporels non sollicités (prise dans les bras, accolades). Pour rapporter la preuve de que ces agissements de [K] [Q] ne sont pas constitutifs d’un harcèlement sexuel la SAS BIP: – produit de nombreux témoignages visant à démontrer que [K] [Q] s’est toujours comporté respectueusement à l’égard des femmes de son entourage professionnel et qu’en revanche [T] [X] ‘donnait l’impression d’être assez délurée’ (pièce 20) – fait valoir que [K] [Q] se comportait avec respect à l’égard d'[T] [X] et que son comportement à l’égard de celle-ci était sans ambiguïté – allègue que le conseil des prud’hommes a faussement écarté certaines de ses attestations – produit une attestation d'[A] [Q] (pièce 13) indiquant ne jamais avoir constaté de comportement ou de propos inadaptés de son mari à l’égard de d'[T] [X] ‘lorsqu'[elle s’est] trouvée en leur présence aux bureaux ou sur le salon du Who’s Next’ – que cette dernière n’a jamais corroboré les accusations de harcèlement d'[T] [X] – invoque que [T] [X] était déjà traitée pour des troubles paniques avant le début de la relation de travail – fait plaider que les faits sont suffisamment graves pour que [T] [X] soit normalement capable de décrire avec plus de précision le lieu et la date des faits – produit la copie des SMS échangés entre [T] [X] et [K] [Q] durant la période du 18 novembre 2015 au 8 mars 2016 (pièce 26) destinés à démontrer que ces derniers étaient dénués de toute ambiguïté et que [T] [X] ne manifestait aucune retenue ou crainte à l’égard de [K] [Q]. Cependant, ces éléments ne suffisent pas à rapporter la preuve de l’absence de harcèlement sexuel. En effet: – le fait que [K] [Q] ne se soit pas livré à un harcèlement sexuel à l’encontre d’autres relations professionnelles ou se soit montré respectueux à leur égard ne démontre pas qu’il en a également été ainsi avec [T] [X] – les déclarations de l’intimée selon lesquelles les faits avaient lieu lorsqu’elle se trouvait seule avec [K] [Q] peuvent expliquer que les tiers, y compris l’épouse de ce dernier, aient pu décrire une relation respectueuse – la cour relève que, si [A] [Q] a rédigé une attestation le 3 avril 2017 indiquant qu »à aucun moment [elle] n’a confirmé l’existence d’un harcèlement moral d'[T] et n'[a] donné crédit à ces accusations’, elle n’en a rien fait en ce qui concerne les accusations de harcèlement sexuel dont elle était alors pourtant parfaitement informée – les troubles paniques à type de phobie des transports en commun, en particulier du métro, pour lesquels [T] [X] était suivie auparavant sont sans aucun lien avec ceux qui ont motivé l’arrêt de travail du 7 mars 2016 ainsi que cela résulte de l’attestation du Docteur [F] du 16 juin 2017 produite en pièce 19 par l’intimée – les faits invoqués par [T] [X] sont précisément localisés soit dans les locaux de l’entreprise, soit au salon Who’s Next de [Localité 3], et le fait qu’elle ne soit pas en mesure de les dater avec précision ne suffit pas à démontrer leur inexistence, ce d’autant qu’il résulte de l’attestation du docteur [F] produite en pièce 18 que ‘le choc psychologique subi par la patiente explique le délai d’émergence du traumatisme’. – dans son audition par les services de gendarmerie du 27 avril 2016, [T] [X] a bien précisé qu’elle n’avait reçu aucune avance par messages ou autre moyen de communication de la part de [K] [Q]. Compte tenu de tout ce qui précède, l’existence d’un harcèlement sexuel est établie et le jugement sera confirmé sur ce point. 3. Sur la demande de requalification de la prise d’acte de rupture du contrat de professionnalisation : L’article L1243-1 du code du travail dispose que sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. L’article L1243-4 du même code dispose que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8. Par ailleurs, la prise d’acte est un mode de rupture de la relation de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat, qu’il soit à durée déterminée ou indéterminée, en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur. Une telle prise d’acte de la rupture du contrat de travail à durée déterminée par le salarié s’analyse soit en une démission, si les faits invoqués la justifiaient pas, soit en une rupture fautive par l’employeur du contrat à durée déterminée avant son terme produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, lorsque cette démarche s’avère bien fondée. La prise d’acte de rupture du contrat de travail entraîne la cessation immédiate de la relation contractuelle qui ne peut plus ensuite être rétractée. Il appartient donc dans ce cadre au salarié d’établir l’existence de faits antérieurs à son courrier de prise d’acte et constitutifs de la part de l’employeur d’un manquement grave de ce dernier à ses obligations contractuelles, rendant impossible toute poursuite de la relation de travail. Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu’en cas de manquement de l’employeur à ses obligations revêtant une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Le bien fondé des motifs invoqués par [T] [X] dans sa lettre de prise d’acte de rupture du 28 avril 2016 – à savoir un harcèlement moral et un harcèlement sexuel – étant établi et dans la mesure où leur gravité rendait impossible la poursuite de la relation de travail, il doit être fait droit à la demande de [T] [X] de requalification de la prise d’acte, non pas en une rupture abusive mais en une rupture fautive par l’employeur du contrat à durée déterminée avant son terme produisant les effets d’un licenciement nul compte tenu de sa cause. Le jugement sera donc confirmé sauf à préciser ce dernier point. 4. Sur les indemnités demandées par [T] [X] : Le montant des salaires et congés payés y afférents restant à courir jusqu’à la fin du contrat de professionnalisation n’étant pas contesté, le jugement qui a condamné la SAS BIP à payer à ce titre à [T] [X] les sommes de 19 799,70 € au titre des salaires et de 1 979,97 € de congés payés y afférents sera confirmé. Par ailleurs, – au vu des pièces du dossier qui ne permettent pas d’établir le préjudice scolaire subi par [T] [X], – dans la mesure où le préjudice financier est intégralement indemnisé par l’octroi des salaires et congés payés dus jusqu’à la fin du contrat de professionnalisation – au vu des justificatifs du préjudice moral subi en suite des harcèlements moral et sexuel précités tel qu’il résulte des attestations des proches de l’intimée et des attestations médicales versées aux débats, la cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer ce préjudice moral à la somme de 13 000 euros, somme au paiement de laquelle la SAS BIP sera condamnée, avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré à concurrence de 9000 euros et du présent arrêt pour le surplus. 5. Sur les demandes accessoires: Partie perdante, la SAS BIP supportera la charge des dépens de première instance et d’appel. [T] [X] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu’en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS BIP à lui payer la somme de 1000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité complémentaire de 2500 au titre des frais qu’elle a dû exposer en appel. PAR CES MOTIFS, La Cour, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions SAUF en ce qu’il a fixé à 9000 euros le montant des dommages intérêts dus par la SAS BIP à [T] [X] en réparation de son préjudice moral STATUANT à nouveau sur ce dernier point et y ajoutant; DIT que la prise d’acte de rupture du contrat de professionnalisation par [T] [X] s’analyse en une rupture fautive par l’employeur du contrat à durée déterminée avant son terme produisant les effets d’un licenciement nul, CONDAMNE la SAS BIP à payer à [T] [X] la somme de 13 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice né des harcèlements moral et sexuel dont elle a été victime; CONDAMNE la SAS BIP aux entiers dépens de première instance et d’appel ; CONDAMNE la SAS BIP à payer à [T] [X] la somme de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais qu’elle a exposés en cause d’appel ; DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Le GreffierLe Président Gaétan PILLIEMichel SORNAY
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