15 juillet 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/00364
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
Minute 22/368
N° RG 22/00364 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O4V3
O R D O N N A N C E
L’an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 15 juillet 2022 à 17h00
Nous, M.DARIES, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 6 JUILLET 2022, pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Vu l’ordonnance rendue le 14 Juillet 2022 à 17H21 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :
[P] [B]
né le 05 Février 1999 à [Localité 2] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Vu l’appel formé le 15/07/2022 à 10 h 41 par courriel, par Me Majouba SAIHI, avocat au barreau de TOULOUSE;
A l’audience publique du 15 juillet 2022 à 15h00, assisté de C.GIRAUD, directrice des services de greffe, avons entendu:
[P] [B]
assisté de Me Majouba SAIHI, avocat au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier ;
En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ;
En présence de Mme [V] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;
avons rendu l’ordonnance suivante :
M. [P] [B], de nationalité algérienne, a fait l’objet:
– d’un arrêté de M. LE PREFET DE LA HAUTE GARONNE en date du 19 janvier 2022 portant obligation de quitter le territoire français, notifié,
– d’un arrêté de placement en rétention administrative pris par le Préfet de la HAUTE-GARONNE le 12 juillet 2022, notifié le même jour à 14 H 20,
Il a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 1] (31) en exécution de cette décision.
Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, le préfet de LA HAUTE-GARONNE a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [B] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 13 juillet 2022 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 12 H 22.
M. [B] a pour sa part saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 13 juillet 2022 à 11 H 13 pour contester la régularité de la procédure et de l’arrêté en placement en rétention.
Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, déclaré recevable la requête en prolongation et régulière la décision de placement en rétention administrative et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 14 juillet 2022 à 17 H 21.
M. [B] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 15 juillet 2022 à 10 H 41.
A l’appui de sa demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise et de mise en liberté, le conseil de M. [B]invoque:
– in limine litis, le caractére irrégulier de son interpellation par les agents de police municipale, dont le motif était que son cyclomoteur circulait sans feu de croisement.
Il fait valoir que l’absence d’un procés-verbal de contravention ne permet pas de caractériser l’infraction reprochée à l’origine de son contrôle et rien ne permet de déterminer si le contrôle effectué était conforme aux dispositions du code de procédure pénale.
Il soutient en outre que la procédure est entachée d’irrégularité dans la mesure où il ressort de la lecture du procés-verbal de mise à disposition rédigé par les agents de la police municipale que des fichiers ont été consultés sans mentionner que l’agent de police ayant consulté les fichiers était dument habilité à le faire. La consultation des différents fichiers en matière pénale n’est ouverte qu’aux gendarmes et agents de police individuellement désignés et spécialement habilités à cette fin tel que prévu pour le fichier des personnes recherchées par l’article 5 du décret du 28 mai 2010.
– Des illégalités de la décision de placement en centre de rétention:
a) l’incompétence de l’auteur de la décision litigieuse:
au motif que la décision n’a pas été signée par le Préfet mais par Madame [U]
[Y] et il ne résulte pas de l’examen de l’arrété portant délégation de signature ( b) de l’article 3) qu’elle disposait à la date d’établissement de l’acte d’une délégation de signature pour prendre cette mesure.
b) le défaut de motivation:
les décisions individuelles défavorables à leurs destinataires doivent étre motivées en droit et en fait en application des articles L 211-2 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration.
Pour refuser une assignation à résidence, le Préfet soutient qu’il n’a pas entamé des démarches administratives, qu’il s’oppose à la mesure d’éloignement et ne dispose pas de garanties de représentation.
Or, Monsieur [B] a tenté de régulariser sa situation en arrivant sur le territoire national en sollicitant l’asile. Il ne s’oppose pas à son éloignement et il a indiqué lors de son audition l’adresse de son domicile.
c) l’erreur manifeste d’appréciation:
Le placement en centre de rétention doit demeurer l’exception et l’assignation à résidence le principe.
La décision portant placement en rétention administrative est entachée d’uneerreur manifeste d’appréciation, ayant pour conséquence la main levée du placement en rétention administrative.
A l’audience, Maître Majouba SAIHI a repris oralement les termes de son recours.
M. [B] a comparu et a été entendu en ses observations.
Le préfet de LA HAUTE-GARONNE, régulièrement représenté à l’audience, a été entendu et a sollicité la confirmation de la décision entreprise.
Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
– Sur la régularité de la procédure :
Le 12 juillet 2022 à 0 heure, M. [B] a fait l’objet d’un contrôle par les agents de police municipale de [Localité 3] en application des dispositions du code de la route et de la vérification des pièces afférentes à la circulation d’un véhicule à moteur, au motif qu’il circulait sur la voie publique sur un cyclomoteur ne disposant pas d’un feu de croisement conforme.
La constatation de l’infraction est décrite dans le rapport de mise à dispositionpar l’agent de police municipale, agent de police judiciaire adjoint, qui vaut jusqu’à preuve contraire.
Cette constatation est à l’origine du contrôle des documents nécessaires à la circulation.
Il est mentionné que:
– l’intéressé a spontanément déclaré ne détenir aucun document d’identité, être de nationalité algérienne et avoir un dossier en cours à la préfecture pour régulariser sa situation administrative en France, ce dont ils informent le centre de commandement de la Police nationale,
– en retour ils sont informés de ce que l’intéressé fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, notifiée en janvier 2002.
Il n’est pas indiqué que cette information est issue d’une consultation du Fichier des personnes recherchées.
Sur ordre, l’intéressé a été mis à disposition d’un officier de police judiciaire au commissariat central et placé en retenu avec information du Procureur de la République.
Selon procès-verbal de consultation des fichiers biométriques,il est précisé que les consultations ont été effectuées à 11H 24 par un agent individuellement habilité et spécialement désigné par le chef de service à cet effet, que cette opération a été effectuée dans le but d’une consultation du fichier automatisé des empreintes digitales par [X] [C], brigadier de police, agent de police judiciaire du fichier visa bio du fichier SBNA.
Aucune consultation du fichier des personnes recherchées n’est mentionnée.
La procédure est régulière et le moyen sera rejeté.
– Sur la procédure de rétention:
– Sur la délégation de signature:
Mme [Y], directrice des migrations et de l’intégration a signé l’arrêté de placement en rétention.
Comme le relève le juge des libertés et de la détention, aux termes de l’arrêté de délégation de signature du 06 avril 2022, Mme [Y] bénéficie d’une compétence large en matière d’entrée et de séjour des étrangers.
Plus précisément aux termes de l’article 3 b), elle dispose d’une délégation de signature pour les décisions d’éloignement ainsi que les décisions les assortissant et de transfert à l’encontre des ressortissants étrangers et la mise à exécution des décisions.
Les décisions de placement en rétention administrative, qui ne se conçoivent que pour la mise à exécution des décisions d’éloignement, doivent être considérées comme des décisions assortissant les décisions d’éloignement et entrant dans le cadre de leur mise à exécution.
Le moyen est rejeté.
Sur le défaut de motivation et l’erreur manifeste d’appréciation:
Aux termes de l’article L741-6 du CESEDA, la décision de placement en rétention est écrite et motivée.
En droit elle vise les textes utiles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et elle se réfère à l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français.
En fait, la décision de placement en rétention administrative est fondée sur le fait que l’intéressé ne peut justifier d’une entrée régulière et n’a pas demandé de titre de séjour, qu’il ne dispose pas de document d’identité de voyage en cours de validité, de ressources licites ni d’une adresse effective et permanente, outre que l’intéressé ‘ a déclaré explicitement ne pas vouloir retourner dans son pays d’origine’.
La Préfecture ne disposait pas d’une attestation d’hébergement remise à l’audience de ce jour relative à l’adresse déclarée par l’intéressé dans l’audition.
Contrairement à ce qui est mentionné dans la décision de placement en rétention, M. [B], lors de son audition, à la question:
‘ Si la préfecture décide de prendre à votre encontre une obligation de quitter le territoire français accepterez-vous de vous soumettre à cette mesure », a répondu ‘oui’,
et sur l’interrogation d’un éventuel placement en centre de rétention, Il a déclaré: ‘ je préfère partir tout seul en Algérie’.
Ainsi l’intéressé n’a nullement refusé de repartir dans son pays d’origine.
Il y a donc une erreur manifeste d’appréciation de sa situation par la Préfecture, qui ne peut justifier la nécessité du placement en rétention.
En conséquence, la décision du premier juge sera infirmée et la demande de prolongation rejetée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties :
Déclarons recevable l’appel formé par M. [P] [B],
Infirmons l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention près le Tribunal judiciaire de Toulouse le 14 juillet 2022,
Disons n’y avoir lieu à prolongation du maintien en rétention de M. [P] [B],
Ordonnons sa mise en liberté,
Rappelons à M. [P] [B], qu’il a l’obligation de quitter le territoire français en application de l’article L 742-10 du CESEDA.
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de HAUTE-GARONNE, service des étrangers, à Monsieur [P] [B], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.
LA DIRECTRICE DES SERVICESLE MAGISTRAT DELEGUE
DE GREFFE
C.GIRAUDM.DARIES.