Fichier des personnes recherchées : 12 septembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00542

Notez ce point juridique

12 septembre 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/00542

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2022/546

N° RG 22/00542 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O7WW

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 12 Septembre à 14h00

Nous A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 19 JUILLET 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 08 Septembre 2022 à 15H32 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[J] [L]

né le 04 Janvier 1998 à [Localité 2] – COTE D’IVOIRE

de nationalité Ivoirienne

Vu l’appel formé le 09/09/2022 à 14 h 54 par courriel, par Me Laure GALINON, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 12/09/2022 à 09h45, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu :

[J] [L]

assisté de Me Laure GALINON, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[T] représentant la PREFECTURE DU [Localité 5] ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [J] [L], âgé de 24 ans et de nationalité ivoirienne, a été interpellé le 5 septembre 2022 à 18h40 à [Adresse 4] à [Localité 3] et a été placé en garde à vue à 19h20 pour des faits de violence avec arme.

Le 6 septembre 2022, la préfète de [Localité 5] a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant deux ans, ainsi qu’une mesure de placement en rétention administrative, tous deux notifiés le même jour à 18h15 à l’issue de la garde à vue.

M. [L] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 1] en exécution de cette décision.

1) M. [L] a pour sa part saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 7 septembre 2022 à 10h50 pour contester la régularité de la procédure et de l’arrêté en placement en rétention.

2) Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, la préfète de [Localité 5] a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [L] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 7 septembre 2022 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 11h54.

Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, déclaré réguliers la procédure et l’arrêté de placement en rétention administrative, rejeté la demande d’assignation à résidence et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 8 septembre 2022 à 15h32.

M. [L] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 9 septembre 2022 à 14h54.

A l’appui de sa demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise et de mise en liberté, outre le versement de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, le conseil de M. [L] a principalement soutenu que :

– sur la nullité de la procédure, la consultation du fichier des personnes recherchées est irrégulière car l’identité de l’agent n’est pas indiquée dans cette procédure qui a connu les interventions de 5 APJ et la première personne du pluriel est d’ailleurs employée,

– sur l’absence de diligences utiles, aucune pièce ne démontre que le pôle central d’éloignement de la DCPAF ait reçu le courriel adressé par l’administration et qu’il ait saisi le consulat ivoirien.

À l’audience, Maître Galinon a repris oralement les termes de son recours et souligné que :

. l’emploi du pluriel ne permet pas de savoir qui est habilité,

. même si l’accord avec la Côte d’Ivoire impose de passer par les autorités centrales, il manque le justificatif de l’étape de la saisine des autorités ivoiriennes par le pôle central français.

M. [L] qui a demandé à comparaître, n’a pas souhaité s’exprimer.

La préfète de [Localité 5], régulièrement représentée à l’audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en s’en remettant à la motivation de celle-ci et en soulignant que M. [W] qui établit le procès-verbal parle à l’évidence de lui et non de tout son service, et la saisine des autorités centrales conformément à l’accord bilatéral est régulière.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de procédure

En matière de consultation du fichier des personnes recherchées, l’article 5, 2° du décret n° 2017-1219 du 28 mai 2010, précise que ‘Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées :

1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services déconcentrés de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, par le directeur général de la police nationale (…)’

Ces dispositions imposent de vérifier s’il résulte des actes de la procédure, notamment des mentions, faisant foi jusqu’à preuve contraire, du procès-verbal contenant le résultat de la consultation des fichiers, que le fonctionnaire de police les ayant consultés était expressément habilité à cet effet.

En l’espèce, et contrairement à ce qu’il est soutenu, il ressort du procès-verbal de saisine/interpellation, rédigé et signé par M. [R] [W], brigadier de police, que cet APJ a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées et qu’il y est habilité : le consultant est ainsi parfaitement identifié, et s’il utilise la première personne du singulier dès l’en-tête (‘Nous, [R] [W]’), il s’agit d’une figure de style dite ‘ le nous de majesté’ qui n’implique en fait qu’une seule personne comme en l’espèce.

Il apparaît donc que l’APJ, identifié comme le seul rédacteur et signataire du procès-verbal litigieux et dûment habilité à la consultation du fichier des personnes recherchées, y a donc procédé de manière régulière. L’exception de nullité sera en conséquence rejetée.

Sur les diligences

En application des articles L741-1 et 4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

La décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

Toutefois, en application de l’article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

Il s’en évince que les diligences de l’administration doivent être mises en oeuvre dès le placement en rétention et qu’elles doivent être effectives : le maintien en rétention ne se conçoit que s’il existe des perspectives d’éloignement et il convient de se demander non seulement si la préfecture a effectué les démarches nécessaires mais également si les diligences ont une chance d’aboutir dans le délai de la durée légale de la rétention.

Au cas particulier, il n’est pas discuté que c’est le service central, et non la préfecture, qui a pour mission de saisir la représentation de la Côte-d’Ivoire en France.

Pour autant, aucune pièce du dossier ne permet de vérifier que le service central français a bien saisi cette représentation étrangère à ce jour et, en l’absence d’un tel document, il ne peut pas être considéré que les diligences indispensables ont bien été effectuées, ce qui impose de faire cesser la rétention en cause.

La décision entreprise sera donc infirmée et la mise en liberté de M. [L], ordonnée.

L’équité n’impose pas l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Infirmons l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse le 8 septembre 2022,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de maintien en rétention sans délai de M. [J] [L],

Rappelons à M. [J] [L] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,

Disons n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de [Localité 5], service des étrangers, à M. [J] [L], ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI A. MAFFRE

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top