Fichier des personnes recherchées : 11 octobre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/03271

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11 octobre 2022
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/03271

N° RG 22/03271 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JGCX

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 11 OCTOBRE 2022

Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Fanny GUILLARD, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du Préfet du Finistère en date du 06 octobre 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [J] [S], né le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 4] (TUNISIE) ;

Vu l’arrêté du Préfet du Finistère en date du 06 octobre 2022 de placement en rétention administrative de M. [J] [S] ayant pris effet le 06 octobre 2022 à 16 heures 20 ;

Vu la requête de M. [J] [S] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du Préfet du Finistère tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de M. [J] [S] ;

Vu l’ordonnance rendue le 09 octobre 2022 à 12 heures 00 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de M. [J] [S] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 08 octobre 2022 à 16 heures 20 jusqu’au 05 novembre 2022 à la même heure ;

Vu l’appel interjeté par M. [J] [S], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 10 octobre 2022 à 11 heures 42 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 5],

– à l’intéressé,

– au Préfet du Finistère,

– à Me Nejla BERRADIA, avocat au barreau de Rouen, faisant valoir son droit de suite;

– à Madame [L] [I], interprète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [J] [S];

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en la présence de Madame [L] [I], interprète en langue arabe, expert assermenté, en l’absence du Préfet du Finistère et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [J] [S] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5];

Me Nejla BERRADIA, avocat au barreau de Rouen étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [J] [V] [S] a été placé en rétention administrative le 06 octobre 2022.

Saisi d’une requête du préfet du Finistère en prolongation de la rétention et d’une requête de M. [S] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 09 octobre 2022 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt huit jours, décision contre laquelle M. [S] a formé un recours.

A l’appui de son recours, l’appelant conclut à :

– un contrôle irrégulier : le procès-verbal de police se fonde sur les articles 78-2 et suivants du code de procédure pénale, alors qu’il n’y avait aucune suspicion de commettre une infraction de la part de l’étranger, aucun élément justifiant le contrôle n’est cité par le procès-verbal et la procédure suivie ensuite fut la retenue administrative et non pas une garde à vue

– l’absence d’information au procureur de la retenue administrative : simple mention en marge du procès-verbal de fin de retenue sans préciser l’heure

– la violation de l’article L. 813-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par défaut de remise du procès-verbal de fin de retenue administrative à l’étranger, aucune mention au procès-verbal lui-même de la remise d’une copie, ni de transmission au procureur

– la violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : concubinage avec une ressortissante française et enfant commun décédé récemment

– l’absence d’assignation à résidence

– l’absence de diligences récentes pour obtenir un laissez-passer consulaire : courrier fourni du consulat datant de janvier 2022 et donc laissez-passer expiré.

M. [S] demande à la première présidente de :

– infirmer l’ordonnance déférée

– déclarer la procédure irrégulière et rejeter la requête de la préfecture

– ordonner sa libération

– accorder l’aide juridictionnelle provisoire

– condamner l’Etat à verser la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles à Me Nejla Berradia sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à condition que cette dernière renonce à l’aide juridictionnelle.

A l’audience, le conseil de M. [S] développe les moyens de la déclaration d’appel : les réquisitions mentionnent des infractions de trafic de stupéfiants, M. [S] a été arrêté alors qu’il était debout devant la boutique où travaille sa concubine, il n’y a aucune suspicion d’infractions à la législation sur les stupéfiants au dossier, d’ailleurs, il n’a pas été placé en garde à vue pour suspicion d’infraction, M. [S] n’a pas reçu de copie du procès-verbal de fin de retenue même si le procès-verbal le mentionne, il a une concubine depuis deux ans, ils ont eu un enfant qui est décédé, ils n’ont pas encore pu faire leur deuil, Mme [E] est désemparée, elle dit qu’elle ne s’en sortira pas toute seule, elle ne sait pas comment payer la tombe du bébé, un recours a été fait contre l’obligation de quitter le territoire français devant le tribunal administratif, il n’y a pas de diligences récentes, rien depuis janvier 2022, demande de vol mais pas de laissez-passer consulaire.

M. [S] demande à être libéré, il n’a rien fait de mal, il n’a pas fait de prison, il n’a pas fait de mal à quiconque, il a une femme et un enfant décédé, c’est une mauvaise période pour lui, il n’a pas fini de payer le cercueil, il veut sortir, aller avec sa femme, refaire un enfant pour remplacer celui décédé, il y a eu un souci entre eux, elle a porté plainte mais a retiré sa plainte ensuite, il l’a quittée quelques jours, il est parti quinze jours à [Localité 6] chercher du travail, il n’y en a pas à [Localité 3], c’est pour ça qu’il n’a pas respecté l’assignation à résidence, s’il a une assignation à résidence, cette fois, il la respectera, quand il est revenu de [Localité 6], il est retourné avec Mme [E], et maintenant ils sont toujours ensemble, il ne peut pas rentrer dans son pays et laisser son fils ici, il est en France depuis 2020, il avait un travail, il a fait une demande pour régulariser sa situation le 29 septembre 2022.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 10 octobre 2022, sollicite la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [J] [S] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 09 octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

Selon l’article 78-2 alinéa 7 du code de procédure pénale : sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

M. [S] a été contrôlé, le 05 octobre 2022, dans le cadre de réquisitions du procureur de la République, les policiers intervenant [Adresse 7], ‘secteur où plusieurs trafics de stupéfiants et de rixes ont été constatés ces derniers jours’. Les policiers ont contrôlé deux individus à l’entrée d’un hall d’immeuble dont l’un très nerveux. Cet individu a remis aux policiers, pour justifier de son identité, une facture du magasin Carrefour de [Localité 3], ne supportant pas sa photographie au nom de : [S] [J] [V] né le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 4] (Tunisie), de nationalité tunisienne.

La recherche d’éléments objectifs des circonstances de l’existence d’une infraction n’est pas exigée au titre de l’article 78-2 alinéa 7 du code de procédure pénale qui autorise le contrôle d’identité de toute personne dans les conditions de temps et le lieu définies par les réquisitions. M. [S] a été interpellé à 16 heures 30, rue de la 2eme DB à [Localité 3], dans les lieu et horaire prévus aux réquisitions. En outre, le fait que le contrôle révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République (en l’espèce infraction à la législation sur les étrangers), ne constituerait pas une cause de nullité de la procédure,

Passant le nom de M. [S] au fichier des personnes recherchées, il est apparu qu’il faisait l’objet d’une mention pour une ‘obligation de quitter le territoire sans délai’, quant au fichier national des étrangers, apparaissait une mention « reconduite avec assignation à résidence/la mesure est notifiée ».

Selon l’article L 812- : les contrôles des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents prévus à l’article L. 812-1 peuvent être effectués dans les situations suivantes : (…)

2° A la suite d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1 à 78-2-2 du code de procédure pénale, selon les modalités prévues à ces articles, si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger.

Le document donné par M. [S] lui-même mentionnant son lieu de naissance à l’étranger mais surtout sa nationalité étrangère constitue un élément de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger, justifiant le contrôle du droit de circuler et de séjourner en France.

Enfin selon l’article L. 813-1 : si, à l’occasion d’un contrôle mentionné à l’article L. 812-2, il apparaît qu’un étranger n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français.

M. [S] pouvait donc être placé en retenue administrative et non en garde à vue, faute de soupçon de commission d’infraction.

Selon l’article L 813-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le procureur de la République est informé dès le début de la retenue.

Le début de la retenue, au sens de l’article L 813-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en ses dispositions relatives à l’information du procureur de la République, s’entend de la présentation de l’intéressé à l’officier de police judiciaire

M. [S] a été placé en retenue après sa présentation à l’officier de police judiciaire, avec notification des droits en retenue par l’officier de police judiciaire par un procès-verbal rédigé entre 17 heures et 17 heures 05. Il résulte du procès-verbal que le procureur de la République a été informé du placement en retenue à 17 heures 06, cette mention au procès-verbal selon laquelle le parquet a été informé suffit pour justifier de l’information du procureur.

Il résulte de l’article L. 813-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que le procès-verbal de fin de retenue est présenté à la signature de l’étranger intéressé qui est informé de la possibilité de ne pas le signer. S’il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci. Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne intéressée.

La fin de retenue a été notifiée le 06 octobre 2022 à 16 heures 20, il est noté au procès-verbal (p. 88) que M. [S] en a reçu copie, M. [S] a signé sous cette mention, qui fait foi, même si son conseil explique qu’il conteste avoir eu cette copie.

Il n’est pas précisé que copie de ce procès-verbal a été transmis au procureur de la République mais l’absence de justification de transmission au procureur de la République du procès-verbal restituant le déroulement de la retenue administrative ne porte pas atteinte, en elle-même, aux droits de l’étranger, il faut justifier d’un grief, ce qui n’est pas le cas.

M. [S] expose vivre en couple avec une ressortissante de nationalité française, Mme [E] depuis le 2 avril 2020, qu’un enfant est né de leur union le [Date naissance 2] 2020 mais décédé récemment d’un cancer du foie.

M. [S] a été assigné à résidence chez sa compagne, Mme [E] par arrêté préfectoral du 04 mai 2021, il n’a pas respecté les obligations de cette mesure. Dans sa plainte en juin 2021 pour violences psychologiques et physiques répétées, Mme [E] a indiqué aux militaires de la gendarmerie qu’elle n’hébergeait plus M. [S], toutefois, le couple s’est réconcilié, Mme [E] a fait un courrier le 07 octobre 2022, pour l’audience devant le juge des libertés et de la détention et donc, non connue du préfet quand il a pris sa décision, attestation dans laquelle elle indique héberger à titre gratuit M. [S], lequel, bien qu’il soit en France depuis plus de deux ans, a déposé une demande de titre de séjour au titre de la vie privée familiale en date du 29 septembre 2022.

Une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l`administration un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire français n’entre pas en contradiction, en soi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En outre, les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.

La mesure de rétention était proportionnée au but poursuivi et le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation sur la situation de l’intéressé, qui n’a pas respecté une précédente assignation à résidence à la même adresse que celle aujourd’hui invoquée, et n’ayant ni passeport, ni garanties de représentation suffisantes ne peut être assigné à résidence.

M. [S] a été reconnu par les autorités consulaires tunisiennes le 27 janvier 2022, un routing pour un vol à destination de son pays d’origine, la Tunisie, a été sollicité le 07 octobre 2022, il est mentionné sur la demande de routing que la demande de laissez-passer consulaire est en cours, la préfecture a fait toutes diligences.

La décision du premier juge sera confirmée.

L’aide juridictionnelle provisoire sera accordée mais il n’y a pas lieu à allocation d’indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Accorde l’aide juridictionnelle provisoire à Me Berradia, avocat au Barreau de Rouen,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [J] [S] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 09 octobre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Dit n’y avoir lieu à allocation d’indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Fait à Rouen, le 11 octobre 2022 à 11 heures 45.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

 

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