La demande d’expertise judiciaire de la SASU Savenergy
La SASU Savenergy demande en appel qu’une expertise judiciaire soit ordonnée pour vérifier le poids du véhicule hors charge et pour confirmer qu’aucune modification n’a été apportée au véhicule depuis son acquisition en 2016.
L’opposition de la Sarl Socage
La Sarl Socage s’oppose à la demande d’expertise judiciaire, la considérant comme une mesure dilatoire. Elle souligne que le véhicule a été réceptionné sans réserve et utilisé pendant 4 ans sans aucun problème, ce qui remet en question la légitimité de la demande d’expertise.
La position de la SA Crédit mutuel leasing
La SA Crédit mutuel leasing, propriétaire du véhicule, ne souhaite ni s’opposer ni s’associer à la demande d’expertise judiciaire. Elle reste neutre dans cette affaire.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
13/04/2023
N° RG 22/01846 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OZD6
Décision déférée – 30 Mars 2022 – Tribunal de Commerce de MONTAUBAN -2021/32
S.A.S.U. SAVENERGY
C/
S.A. CREDIT MUTUEL LEASING
S.A.R.L. SOCAGE NACELLE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
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ORDONNANCE N°69
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Le treize Avril deux mille vingt trois, nous, V. SALMERON, magistrat chargé de la mise en état, assisté de A. CAVAN, greffier, avons rendu l’ordonnance suivante, dans la procédure suivie entre:
APPELANTE
S.A.S.U. SAVENERGY, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Laurent MASCARAS de l’ASSOCIATION D’AVOCATS MASCARAS CERESIANI – LES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
S.A. CREDIT MUTUEL LEASING SA au capital de 35.353.530 €, inscrite au RCS de NANTERRE
, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Jérôme CARLES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée par Me Ferhat ADOUI de la SCP SCP DIEBOLT ADOUI – DALB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. SOCAGE NACELLE, demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Jean-charles CHAMPOL de la SELARL CABINET CHAMPOL CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE
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Par déclaration en date du 12 mai 2022, la SASU Savenergy a relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Montauban du 30 mars 2022 qui l’a débouté de ses demandes et l’a condamnée à exécuter le contrat de crédit bail conclu avec la société Crédit mutuel leasing du 16 juin 2016 et à prendre en charge les dépens.
Par conclusions en date du 5 décembre 2022, la SASU Savenergy a saisi le magistrat chargé de la mise en état d’un incident de procédure aux fins d’ordonner une expertise judiciaire concernant le véhicule, objet du crédit bail.
L’incident a été fixé à l’audience d’incident du 9 mars 2023 à 10H35
Vu les conclusions du 8 mars 2023 de la SASU Savenergy demandant au visa des articles 143, 144, 789 et 907 du Code de procédure civile, de :
-débouter la SARL SOCAGE NACELLE et la Société CREDIT MUTUEL LEASING de l’ensemble de leurs demandes, fins et moyens ;
-déclarer recevable et bien fondée la demande d’expertise judiciaire de la société SAVENERGY ;
-ordonner une expertise judiciaire ;
– désigner tel expert qu’il plaira au Conseiller de la mise en état ayant pour mission de :
– Convoquer les 3 parties en cause ;
– S’entourer de tout sachant ;
– Se faire communiquer tout document utile à l’accomplissement de la mission ;
– Examiner le véhicule Nissan NT400 140cv immatriculé le EE ‘ 148 ‘ RW appartenant à la société SAVENERGY.
– Examiner les éléments contractuels ;
– Retracer son historique, les conditions de sa maintenance et de son entretien ;
– Décrire les désordres, dysfonctionnements ou non-conformité allégués et donner un avis sur la ou les causes de leur provenance ;
– Rechercher l’origine des dysfonctionnements, désordres ou non-conformité ;
– Procéder à la pesée à vide du véhicule Nissan NT400 140cv immatriculé le EE ‘ 148 ‘ RW appartenant à la société SAVENERGY;
– Préciser si le véhicule litigieux a pu être mis en circulation par le constructeur originaire en conformité ou en non-conformité avec la réglementation en vigueur pour ce type de véhicule ;
– En cas de non-conformité indiquer l’origine de celle-ci en indiquant si cette non-conformité résulte d’une erreur de conception du véhicule ou d’un manquement dans la fabrication au regard des normes administratives en vigueur ;
– Préciser en conséquence si les désordres, dysfonctionnements ou non-conformité étaient décelables au moment de la vente ;
– Dire en conséquence si au jour de la vente le véhicule était conforme aux prescriptions techniques inhérentes aux documents administratifs accompagnant le véhicule ;
– En cas de surpoids à vide dire si ce surpoids rend le véhicule impropre à son usage et préconiser dans la négative et chiffrer les solutions pouvant déterminer un véhicule en état de circulation.
– Fournir les éléments techniques et de faits de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités encourues ;
– Chiffrer un éventuel préjudice ;
Lors de la première visite, l’expert aura pour mission de :
– Dresser une feuille de présence en invitant les parties à se prononcer sur leur accord quant à une communication électronique,
– Apprécier de manière globale la nature et le type des désordres,
– Établir la liste exhaustive des réclamations des parties,
– Établir la liste des intervenants pouvant être concernés par le litige,
– Dresser l’inventaire des pièces contractuelles utiles à l’instruction du litige en invitant les parties à lui transmettre les documents manquants,
– Établir une chronologie succincte des faits,
– Évaluer le coût prévisionnel de la mesure d’expertise,
Apprécier, s’il y a lieu, l’urgence des travaux conservatoires,
– Et du tout, dresser un compte-rendu de première visite qu’il adressera aux parties et déposera au Greffe du service du contrôle des expertises du Tribunal dans le délai d’un mois à compter de la première réunion ;
PRE-RAPPORT ET RAPPORT :
-Dire que l’Expert déposera au Greffe et adressera aux parties un pré-rapport, comprenant son avis motivé sur l’ensemble des chefs de sa mission, dans un délai de QUATRE mois à compter du jour de sa saisine (sauf à solliciter un délai complémentaire auprès du Juge chargé du contrôle des expertises) ;
-Dire qu’il laissera aux parties un délai minimum d’un mois à compter du dépôt de son pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voie de dire récapitulatif et lui communiquer sous format CD l’ensemble des pièces numérotées accompagnées d’un bordereau (chaque pièce devant constituer un fichier informatique distinct) ;
-Dire que, de toutes ses observations et constatations, l’Expert dressera enfin un rapport en un exemplaire « papier » qu’il déposera au Greffe accompagné d’un CD comprenant, d’une part, le rapport définitif, et d’autre part, l’ensemble des annexes (convocation à expertise, notes aux parties, pré-rapport d’expertise, dires des parties, pièces des parties) et adressera aux parties un exemplaire du rapport définitif (sous format CD en cas d’accord des parties et, à défaut d’accord des parties, sous format « papier »), l’exemplaire destiné aux conseils étant un CD comprenant le rapport et les annexes;
-Dire que l’expert déposera ce rapport au secrétariat-greffe de ce Tribunal dans les 10 mois suivant l’avis qui lui sera donné de la consignation de l’avance à valoir sur ses honoraires ;
-Rappeler que, pour l’accomplissement de cette mission, l’expert aura la faculté de :
– se faire communiquer ou remettre tous documents et pièces, y compris par des tiers, sauf à en référer au magistrat chargé de suivre les opérations d’expertise, en cas de difficultés, et entendre tous sachants qu’il estimera utiles ;
– cas de besoin et conformément aux dispositions de l’article 278 du Code de procédure civile, recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, à charge pour l’expert de joindre cet avis à son rapport ;
– en cas de besoin et conformément aux dispositions de l’article 278-1 du Code de procédure civile, se faire assister par la personne de son choix qui interviendra sous son contrôle et sa responsabilité, étant rappelé que son rapport devra mentionner les noms et qualités des personnes ayant prêté leur concours ;
– apporter son aide technique aux parties pour la conclusion d’une transaction ;
-condamner la société SOCAGE NACELLE au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
Vu les conclusions de la SA Crédit mutuel leasing du 5 janvier 2023 demandant de
– lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à la décision du Conseiller de la mise en état, en ce sens que si elle ne s’oppose pas à la désignation d’un expert-judiciaire, elle ne s’y associe pas non plus.
-condamner la société SAVENERGY et la société SOCAGE NACELLE ou celle des deux qui le mieux le devra à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les conclusions de la sarl Socage nacelle en date du 1er mars 2022 demandant, au visa des articles 1604, 1641 et suivant du code civil, 143 et 144 et suivants du code de procédure civile, de :
-débouter la société SAVENERGY de sa demande d’expertise judiciaire
-débouter la société SAVENERGY de sa demande d’article 700
-condamner la société SAVENERGY aux entiers dépens de l’incident
-condamner la société SAVENERGY en cause d’appel à la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700.
Motifs de la décision :
Le tribunal de commerce, saisi d’un litige en défaut de délivrance conforme, de manquement à l’obligation de conseil ou de garantie des vices cachés dans le cadre d’un contrat de crédit bail concernant un véhicule professionnel n’a pas été saisi d’une demande d’expertise judiciaire et a débouté la SASU Savenergy de ses demandes pour défaut d’établissement des vices allégués.
Le litige a été initié par assignations en date des 11 et 23 mars 2021 pour un véhicule porteur acquis le 26 mai 2016 et, à la suite de la découverte d’une anomalie liée au poids total autorisé en charge (PTAC) le 26 février 2020 à l’occasion de la pesée à vide du véhicule par la brigade de recherches de la gendarmerie qui a révélé un poids de 3700 kg, soit un poids supérieur à celui mentionné dans le certificat d’immatriculation de 3500 kg, le véhicule a été immobilisé (cf plainte auprès de la gendarmerie le 10 avril 2020).
La SASU Savenergy demande en appel que soit ordonnée une expertise judiciaire qu’elle considère comme nécessaire pour vérifier le poids du véhicule hors charge, après le relevé effectué par la brigade de recherches de la gendarmerie en février 2020 et pour faire préciser qu’aucune modification n’a été apportée au véhicule depuis son acquisition en 2016 comme elle tente vainement de le justifier par la production de tous les contrôles techniques du véhicule .
La Sarl Socage nacelle s’y oppose comme étant une mesure dilatoire alors que la SASU Sauvenergy a attendu de conclure en appel au fond une seconde fois avant de solliciter une mesure d’expertise judiciaire qui ne vise qu’à pallier ses propres carences dans l’administration de la preuve. Elle fait valoir que le contrat de vente du véhicule a eu lieu entre deux professionnels, que le véhicule a été réceptionné sans réserve et utilisé pendant 4 ans sans aucune observation. Dès lors que le vice allégué est un vice apparent du véhicule, elle considère que le client professionnel ne peut s’en prévaloir sur le fondement des vices cachés ou d’une délivrance non conforme après avoir accepté sans réserve lé véhicule..
La SA Crédit mutuel leasing rappelle qu’elle est toujours propriétaire du véhicule et n’entend ni s’opposer ni s’associer à la demande d’expertise.
En application des articles 907 et 789 du cpc, le magistrat chargé de la mise en état en appel peut ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.
Et en application de l’article 144 du cpc, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
En application de l’article 146 du cpc « Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve ».
La SASU Savenergy vise l’article R313-1 du code de la route, pour dire que les véhicules de catégorie NI sont des véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal inférieur ou égal à 3,5 tonnes.
Or cet article, dans sa version applicable à la date des faits, dispose que « Tout véhicule ne peut être pourvu que des dispositifs d’éclairage ou de signalisation prévus au présent code. Ceux-ci doivent être installés conformément aux prescriptions du présent chapitre.
Ces dispositions ne concernent pas l’éclairage intérieur des véhicules sous réserve qu’il ne soit pas gênant pour les autres conducteurs.
Le fait, pour tout conducteur d’un véhicule à moteur ou à traction animale, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
Le fait, pour tout conducteur d’un engin de déplacement personnel motorisé ou d’un cycle, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe.
Les dispositions des articles R. 313-2, R. 313-3, R. 313-3-1 à R. 313-3-4, R. 313-4-1, R. 313-6 à R. 313-17 et R. 313-17-1 ne sont pas applicables aux engins de déplacement personnel motorisés. »
Toutefois, le véhicule tel qu’il a été contrôlé par les services de la gendarmerie en 2020 ne serait pas en état de circuler dans le respect du code de la route car son poids à vide est supérieur au poids mentionné sur le certificat d’immatriculation du véhicule et, ce d’autant plus qu’il le dépasse d’une marge significative de 200 kg.
Il n’appartient pas à la juridiction de se substituer à une partie pour établir ses prétentions.
En l’espèce, la SASU Savenergy voudrait obtenir la résolution du contrat de leasing du véhicule pour vice caché ou délivrance non conforme, 4 ans après sa formation et livraison sans réserve, sans justifier qu’aucune transformation du véhicule n’a été effectuée depuis 2016 et affirmer d’emblée que le dépassement du PTAC mentionné sur le certificat d’immatriculation préexistait nécessairement à l’acquisition du véhicule sans l’avoir lui-même contrôlé en tant que professionnel ou bien prétendre que la pesée faite par les services de la gendarmerie est erronée.
La SASU Energy ne produit aucune attestation ni expertise amiable de nature à conforter ses thèses, les contrôles techniques produits n’analysant ni le poids du véhicule ni d’éventuelles transformations par rapport aux documents techniques du vendeur.
La demande d’expertise judiciaire sera rejetée en application de l’article 146 du cpc .
Les dépens de l’instance et les frais irrépétibles sont réservés jusqu’à l’arrêt de fond.