Exclusion d’un réseau de distribution sélective

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Notion de pratique discriminatoire

Dans le cadre de l’affaire Rolex, les juges ont eu l’opportunité de rappeler que la résiliation même abusive d’un contrat de distribution sélective ne peut être assimilée à une pratique discriminatoire.  En effet, celles-ci sont caractérisées par l’application discriminatoire des critères de sélection, comme par exemple l’admission, au sein du réseau, de distributeurs ne satisfaisant pas aux critères de présentation du produit ou d’aménagement du magasin ou par le fait de consentir à certains distributeurs des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles.

Une résiliation avec préavis d’un contrat de distribution sélective ne saurait être qualifiée en soi de pratique discriminatoire, s’agissant du droit à mettre fin à tout engagement et de la prohibition des conventions perpétuelles. Par ailleurs, ne pèse sur le fournisseur aucune obligation de conclure un contrat de distribution sélective avec tout distributeur remplissant les critères de sélection, en raison du principe de liberté contractuelle.

Licéité du système de distribution sélective

Un système de distribution sélective peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l’article 101 du TFUE ou de l’article L.420-1 du code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement : 1. la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c’est-à-dire qu’un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d’en préserver la qualité et d’en assurer l’usage, 2. les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, 3. les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire.

Exemption d’application

Le règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant l’application de l’article 81 § 3 du traité de Rome à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, auquel est désormais substitué le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, prévoit une exemption d’application du §1 de l’article 81 (devenu article 101 du TFUE) aux accords de distribution, dits « accords verticaux » conclus entre les distributeurs et un fournisseur, lorsque, notamment, la part détenue par le fournisseur sur le marché pertinent sur lequel il vend ses biens et services ne dépasse pas 30 % et ce, sous réserve que ces accords ne comportent pas de restrictions caractérisées, à savoir, pour l’essentiel, celles qui obligent chaque distributeur à respecter un prix de vente identique, à s’interdire de revendre à un autre distributeur du réseau ou à s’interdire de répondre passivement à des commandes de clients situés hors de sa zone d’exclusivité (article 4 du règlement).

Il en résulte que les pratiques discriminatoires commises par le fournisseur à l’égard de ses distributeurs, qui ne constituent pas des restrictions caractérisées, sont exemptées, lorsque celui-ci a une part de marché inférieure à 30 %.

Responsabilité contractuelle

Dans l’affaire soumise si la société Rolex, en prononçant la résiliation du contrat de distribution  n’a fait que mettre en oeuvre les stipulations de ce contrat, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture. En effet, il s’infère des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil aux termes desquelles les conventions légalement formées « doivent être exécutées de bonne foi » que la faculté de résiliation d’un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d’une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le co-contractant d’une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues ou la soumission à des conditions potestatives. En l’espèce, aucune mauvaise foi ne saurait être imputée à la société Rolex dans la mise en oeuvre de la résiliation.

Enfin, un fournisseur est en droit de résilier les accords de distribution sélective qui le lient à ses distributeurs et de réorganiser son réseau, sous réserve du respect des règles de la concurrence. Dans l’affaire soumise, il n’était pas démontré que cette résiliation ait constitué une entente anti-concurrentielle.

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