L’Exception de Pastiche : Liberté d’Expression et Créativité

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L’Exception de Pastiche : Liberté d’Expression et Créativité

L’Essentiel : La Cour d’appel de Paris a reconnu l’exception de parodie en faveur du magazine « Fientrevue », édité par JALONS EDITIONS et COGENOR, face à la demande d’interdiction de la SCPE concernant le magazine « Entrevue ». Bien que des ressemblances visuelles aient été notées, l’absence de risque de confusion a été établie grâce à des éléments distinctifs dans la présentation et la signification des titres. La parodie, visant à produire un effet comique sans dénigrer l’œuvre originale, a été jugée conforme aux dispositions du code de la propriété intellectuelle, permettant ainsi la publication de « Fientrevue ».

Sur le fondement du droit des marques et du droit d’auteur, la SCPE (éditrice du magazine Entrevue) avait saisi le Président du TGI de Nanterre d’une demande d’interdiction de publication de la revue « Fientrevue » édité par la société JALONS EDITIONS et COGENOR. Le magazine « Entrevue » n’a pas réussi à obtenir la condamnation du magazine « Fientrevue » pour contrefaçon et concurrence déloyale. L’exception de pastiche a été reconnue au magazine « Fientrevue ».

Absence de risque de confusion

Selon les dispositions de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour les produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement est interdit, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion. S’il existait des ressemblances visuelles du fait de la seule déclinaison finale entre ENTREVUE composé de huit lettres grasses, noires et en italique et FIENTREVUE écrit avec dix lettres également grasses, noires et en italique, il n’existait en revanche aucune similitude visuelle du fait des syllabes d’attaque déterminante ‘ENTRE’ qui ne ressemblent pas à ‘FIENTR’. Cette absence de ressemblance se concrétise également dans la prononciation du terme décomposé en trois syllabes FIEN- TRE-VUE où la consonne labiale sourde F suivi de la voyelle I et du son ‘an’ est déterminante et se démarque de la prononciation de EN-TRE-VUE.

Si le terme ENTREVUE possède du point de vue conceptuel une signification positive puisqu’il sert à définir une rencontre concertée entre des personnes qui ont à parler ou à discuter entre elles, en revanche le terme FIENTREVUE opposé fait référence aux déjections de volatiles et sert à qualifier la revue critiquée.

Le risque de confusion allégué entre les magazines ENTREVUE et FIENTREVUE par la société SCPE était donc absent. De surcroît, dans le but d’éviter tout risque de confusion avec la marque semi-figurative ENTREVUE « Toutes les vérités sont bonnes à dire » et d’appuyer ainsi l’effet canular, les sociétés JALONS EDITIONS et COGENOR avaient mis en exergue en haut de la page de couverture les mentions « Attention ! Ceci est une grossière contrefaçon signée JALONS » et, en haut à droite « 3€ comme le vrai! ». L’ensemble de ces éléments contribuent à informer l’acheteur potentiel sur le propos de cette publication et sur l’initiative de la société JALONS EDITIONS, connue pour ses canulars qui a pris l’initiative de sa réalisation et de son édition.

Exception de pastiche

En défense, les sociétés JALONS EDITIONS et COGENOR invoquaient également pour solliciter le rejet des demandes formées par la SCPE au titre de la contrefaçon des droits d’auteur l’application à leur profit des dispositions de l’article L.122-5 4° du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire « la parodie, le pastiche ou une caricature compte tenu des lois du genre ».

Si la parodie est l’imitation satirique d’un texte en le détournant de ses intentions finales afin de produire un effet comique, elle n’est cependant autorisée que si elle révèle une intention humoristique évidente, si elle n’engendre aucune confusion entre l’oeuvre seconde et l’oeuvre parodiée laquelle ne doit pas être dénigrée et avoir pour conséquence de lui nuire.

Les informations figurant sur la couverture, notamment l’avertissement écrit en caractères blancs sur fond noir ‘Attention ! Ceci est une grossière contrefaçon signée JALONS’ cette dernière mention écrite sur fond rouge, ‘3€ comme le vrai’, les indications contenues à la page 3 sous la mention ‘Eté 2003” et à la troisième page de couverture représentant sous le titre ‘FIENTREVUE une nouvelle parodie signée JALONS’ les diverses publications parodiées avec en dessous la mention ‘Toutes nos conneries sont à vendre sur jalons.fr’ sont suffisamment significatives et éloquentes pour que l’acheteur ne se méprenne pas sur l’origine de cette publication de sorte qu’il n’existe aucune risque de confusion entre l’oeuvre seconde et l’oeuvre parodiée ; la deuxième condition du pastiche était par conséquent également remplie.

Pas davantage le magazine ENTREVUE n’était dénigré ou avili dans la mesure où le magazine FIENTREVUE utilise les mêmes méthodes que son modèle en forçant plus encore le trait dans l’outrance et dans les fausses révélations. Il n’était pas démontré que la publication du magazine FIENTREVUE par les sociétés JALONS EDITIONS et COGENOR ait nui aux intérêts de la SCPE.

Mots clés : Exception de parodie

Thème : Exception de parodie

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour d’appel de Paris | Date : 21 septembre 2012 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que l’exception de pastiche?

L’exception de pastiche est une disposition légale qui permet la parodie, le pastiche ou la caricature d’une œuvre préexistante. Elle est prévue par l’article L.122-5 4° du code de la propriété intellectuelle.

Cette exception est essentielle car elle protège la liberté d’expression et la créativité artistique. Pour bénéficier de cette exception, il est crucial que l’œuvre dérivée ne nuise pas à l’œuvre originale.

De plus, l’intention humoristique ou satirique doit être évidente, ce qui permet de distinguer le pastiche d’une contrefaçon. Ainsi, l’exception de pastiche favorise un environnement où l’humour et la critique peuvent s’exprimer sans crainte de représailles juridiques.

Pourquoi la cour a-t-elle jugé qu’il n’y avait pas de risque de confusion?

La cour a conclu qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre « Entrevue » et « Fientrevue » pour plusieurs raisons. Tout d’abord, bien que les deux titres présentent des ressemblances visuelles, il n’existait pas de similitude phonétique ou conceptuelle significative.

Le terme « Entrevue » évoque une rencontre positive, tandis que « Fientrevue » fait référence à des déjections d’oiseaux, ce qui crée une distinction claire entre les deux publications.

De plus, la cour a pris en compte les éléments distinctifs présents sur la couverture de « Fientrevue ». Ces éléments, tels que les mentions humoristiques, ont contribué à clarifier l’intention satirique de la publication, éloignant ainsi le risque de confusion pour le public.

Quels éléments ont été utilisés pour soutenir la défense de « Fientrevue »?

Pour soutenir la défense de « Fientrevue », les sociétés JALONS EDITIONS et COGENOR ont mis en avant plusieurs éléments sur la couverture de leur publication. Parmi ceux-ci, des mentions explicites telles que « Ceci est une grossière contrefaçon signée JALONS » ont été particulièrement significatives.

Ces mentions ont été conçues pour signaler clairement l’intention humoristique et satirique de « Fientrevue ». En ajoutant des phrases comme « 3€ comme le vrai ! », les éditeurs ont renforcé l’idée que leur publication était une parodie, et non une tentative de tromperie.

Ces éléments visuels et textuels ont joué un rôle crucial dans la décision de la cour, en démontrant que « Fientrevue » ne cherchait pas à nuire à « Entrevue », mais plutôt à offrir une critique humoristique.

Conclusion de l’affaire entre SCPE et JALONS EDITIONS

L’affaire entre la SCPE et les sociétés JALONS EDITIONS et COGENOR met en lumière des enjeux importants liés au droit des marques et au droit d’auteur. La reconnaissance de l’exception de pastiche dans ce contexte souligne l’importance de la créativité et de l’humour dans le domaine de l’édition.

Cette décision judiciaire rappelle également aux éditeurs l’importance de clarifier leurs intentions pour éviter des litiges similaires à l’avenir. En protégeant les droits des auteurs tout en permettant la parodie, le système juridique favorise un environnement où la créativité peut s’épanouir.

Ainsi, cette affaire illustre la nécessité d’un équilibre entre la protection des œuvres originales et la liberté d’expression, essentielle dans le paysage culturel contemporain.


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