Examen du statut de coemployeur d’Uber dans le cadre d’un contrat de chauffeur VTC

Notez ce point juridique

1. Il est important de bien comprendre les termes du contrat signé électroniquement avec une société comme Uber. Assurez-vous de connaître les conditions de partenariat et les obligations qui en découlent, notamment en ce qui concerne la liberté de choix des courses et des clients.

2. Vérifiez si vous êtes réellement sous la subordination de l’employeur en analysant les éléments de contrôle et de sanction exercés par la société Uber. Assurez-vous que vous avez la liberté de décider quand vous travaillez, de choisir vos itinéraires et de refuser des courses si nécessaire.

3. En cas de litige sur le statut de travailleur indépendant, il est essentiel de démontrer que vous exercez votre activité de manière autonome et que vous n’êtes pas soumis à une subordination juridique permanente. Présentez des preuves de votre indépendance dans l’organisation de votre travail et de votre relation avec la société Uber.


M. [D] [W] a créé une société de VTC et a conclu un contrat de partenariat avec la société Uber B.V. Il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir la requalification de son contrat en contrat de travail. Le conseil s’est déclaré incompétent et M. [W] a interjeté appel. Les parties demandent des décisions contradictoires : M. [W] demande la requalification en contrat de travail et des indemnités, tandis qu’Uber demande la confirmation de l’incompétence du conseil de prud’hommes. L’affaire est en attente de jugement devant la cour d’appel de Paris.

Contestation du statut de cocontractant et coemployeur des sociétés Uber France et Uber B.V

M. [W] conteste le statut de cocontractant et coemployeur des sociétés Uber France et Uber B.V, arguant que les sociétés ne peuvent être mises hors de cause en l’absence de contrat de travail écrit et en raison des pouvoirs de direction exercés par Uber France.

Compétence du conseil de prud’hommes

M. [W] soutient que le conseil de prud’hommes est compétent pour trancher les différends liés au contrat de travail, tandis que les sociétés Uber rappellent les critères constitutifs d’un contrat de travail et contestent la compétence du conseil de prud’hommes.

Existence d’un lien de subordination

M. [W] invoque divers éléments démontrant un lien de subordination avec Uber, notamment les ordres et directives reçus via l’application, tandis que les sociétés Uber soutiennent que la présomption de non-salariat s’applique et que la géolocalisation n’est pas un indice de subordination.

Contrôle de la rémunération du chauffeur

M. [W] affirme qu’Uber exerce un contrôle sur sa rémunération, tandis que les sociétés Uber expliquent le fonctionnement de la tarification des courses et contestent le pouvoir de contrôle de la rémunération.

Contrôle par la notation du chauffeur

M. [W] souligne le système de notation des chauffeurs par Uber, tandis que les sociétés Uber expliquent que la notation vise à assurer un fonctionnement harmonieux de l’application et n’est pas un indice de subordination.

Pouvoir de sanction de la société Uber

M. [W] évoque divers pouvoirs de sanction de la part d’Uber, notamment la déconnexion du chauffeur, tandis que les sociétés Uber expliquent les motifs de déconnexion et contestent le caractère disciplinaire de ces mesures.

Travail au sein d’un service organisé par Uber

M. [W] affirme que son indépendance est fictive et qu’il est sous la subordination d’Uber, tandis que les sociétés Uber soulignent l’indépendance des chauffeurs et le fonctionnement de la plateforme.

Conclusion sur le statut de travailleur indépendant

Après examen des arguments des deux parties, il est conclu que M. [W] n’a pas réussi à renverser la présomption de non-salariat et à établir l’existence d’un contrat de travail avec les sociétés Uber. Le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé, déclarant l’incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris.

– 6 359,73 euros pour les heures supplémentaires
– 10 454,70 euros pour l’indemnité pour travail dissimulé
– 7 000 euros pour l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

– Article 700 du code de procédure civile
– Article 568 du code de procédure civile
– Article 455 du code de procédure civile

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Jean-Paul TEISSONNIERE
– Me Sylvie TOPALOFF FINKIELKRAUT
– Me Harold HERMAN
– Me Benjamin KRIEF

Mots clefs associés

– Uber B.V.
– Uber France SAS
– M. [D] [W]
– PRIVATE DRIVER AGENCY
– Exploitation de voiture de tourisme avec chauffeur
– Auto entrepreneur
– Conducteur de VTC
– Contrat de partenariat commercial
– Application électronique
– Conseil de prud’hommes de Paris
– Requalification en contrat de travail
– Tribunal de commerce de Paris
– Appel
Assignation à jour fixe
– Audience
– Infirmer la décision
– Juridiction prud’hommale compétente
– Condamnation in solidum
– Article 700 du code de procédure civile
– Entiers dépens
– Tribunal de commerce
– Article 568 du Code de procédure civile
– Mise en état
– Article 455 du code de procédure civile

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02808 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQKX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/09735

APPELANT :

Monsieur [D] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : P0268 et par, Me Sylvie TOPALOFF FINKIELKRAUT, avocat plaidant, inscrit au barreau de Paris,

INTIMÉES :

S.A.S. UBER FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 2]

[Localité 3]/France

Société UBER BV, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 6]

[Localité 1]/Pays-Bas

Toutes deux représentées par Me Harold HERMAN, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : T03 et par, Me Benjamin KRIEF,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Eric LEGRIS, président

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame [E] [K] en présence de Madame [S] [L]

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Uber B.V. est une société de droit néerlandais dont le siège social est situé à Amsterdam aux Pays-Bas.

Uber France SAS a pour activité la fourniture de services d’assistance, de support et de marketing à l’ensemble des filiales du groupe Uber.

M. [D] [W] a crée le 26 mars 2015 la société « PRIVATE DRIVER AGENCY » dont l’activité déclarée est « exploitation de voiture de tourisme avec chauffeur ».

Il a obtenu auprès de la Préfecture une carte professionnelle lui permettant d’exercer, sous le statut d’auto entrepreneur, la profession de conducteur de voitures de transport avec chauffeur (VTC).

M. [W] a conclu par voie électronique avec la société Uber B.V. un contrat de partenariat commercial dont l’objet est la mise à disposition d’une application électronique, chaque course effectuée par l’intermédiaire de cette application donnant lieu au versement de frais de service.

Il a réalisé sa première course au mois de décembre 2014 et sa dernière le 1er mars 2020.

Le 22 décembre 2020, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, au contradictoire des sociétés Uber France SAS, Uber B.V. Uber Managment B.V et Uber Partner support France, afin d’obtenir la requalification de son contrat de partenariat en un contrat de travail à durée indéterminée avec les conséquences indemnitaires découlant de la requalification.

Par jugement en date du 06 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formulées par le demandeur au profit du tribunal de commerce de Paris.

Selon déclaration du 08 avril 2023, M. [W] a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Par requête du 10 avril 2023, il a sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe.

Par ordonnance en date du 15 juin 2023, le premier président de la cour d’appel de Paris l’a autorisé à assigner à jour fixe pour l’audience du 06 décembre 2023 à 09h30.

Les assignations ont été déposées le 1er décembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 4 décembre 2023, M. [W] demande à la cour de :

« Infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Paris rendue le 6 décembre 2022 en toutes

ses dispositions, et

Statuant de nouveau,

– Déclarer la juridiction prud’hommale compétente pour connaître du présent litige opposant Monsieur [D] [W] aux sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V ;

– Prononcer la requalification de la relation contractuelle liant Monsieur [D] [W] et

les sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V. en contrat de travail ;

– Renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Paris ;

– Condamner in solidum les sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V. à verser à Monsieur [D] [W] une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner in solidum les sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V. aux entiers dépens de première instance et d’appel ».

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 1er décembre 2023, les sociétés Uber demandent à la cour de :

« – A titre principal :

o Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris du 6 décembre 2022 en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris ;

o Renvoyer, en conséquence, l’affaire devant le Tribunal de commerce de Paris pour afin qu’il soit statué sur le fond de l’affaire ;

o Condamner l’appelant au versement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– A titre subsidiaire, si la Cour venait à infirmer le jugement et à juger que le Conseil de prud’hommes de Paris est matériellement compétent :

o Renvoyer l’affaire devant le Conseil de prud’hommes de Paris afin qu’il soit statué sur le fond de l’affaire ;

Si la Cour décidait d’user de la faculté d’évocation prévue par les dispositions de l’article 568 du Code de procédure civile, il lui est demandé de :

– Mettre en demeure les sociétés Uber B.V. et Uber France SAS de conclure sur le fond du litige ;

– Renvoyer l’affaire à la mise en état devant la Cour ;

– Réserver les dépens ».

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, M. [W] estime que les sociétés Uber France et Uber B. V doivent être considérées comme les cocontractants et co employeurs.

A cet égard, il fait valoir que :

– il ne dispose pas d’un contrat écrit, celui-ci ayant été signé électroniquement alors que « la seule désignation de la société Uber, sans aucune précision quant à la nationalité de la société, l’appellation de la société, la situation du siège social, le numéro d’enregistrement à la Chambre du commerce de tel ou tel pays rend difficile l’identification de la société cocontractante » ;

– il résulte des échanges avec la société Uber France que cette dernière a directement exercé les pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction propres à l’employeur ;

– au regard des contrats signés, qu’il s’agisse tant des conditions de partenariat que de l’annexe de chauffeur au contrat de prestation de services, il est convenu que le chauffeur est engagé vis-à-vis de la société Uber et de ses sociétés affiliées de sorte que la société Uber France doit être considérée comme affiliée à la société Uber B.V.

Il résulte de la prise en compte de ces éléments tels que justifiés au dossier et, au demeurant, non contestés par les sociétés intimées qu’aucune des sociétés ne doit être mise hors de cause.

À l’opposé, et à ce stade, il ne peut encore leur être reconnu la qualité de co employeurs et ce, avant qu’il soit statué sur l’existence d’un contrat de travail.

Les sociétés intimées seront indifféremment nommées « la société Uber » ou « les sociétés Uber » ou encore Uber.

Sur la compétence du conseil de prud’hommes :

M. [W] fait valoir que :

– le conseil de prud’hommes est compétent pour tous les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient, et règle les différends et litiges nés entre salariés à l’occasion du travail en application des dispositions des articles L. 1411-1 et L. 1411-3 du code du travail, cette compétence s’étendant aux contestations portant sur la formation, la validité, l’interprétation, l’exécution et la cessation du contrat de travail ;

– la preuve de l’existence d’un contrat de travail peut être rapportée par tout moyen alors que la juridiction prud’homale est compétente pour statuer tant sur l’existence d’un contrat de travail que sur la détermination de la qualité de l’employeur ;

– le critère du lien de subordination devient l’élément déterminant du contrat de travail.

Les sociétés Uber rappellent les trois éléments constitutifs sans lesquels il ne peut y avoir de contrat de travail :

– la fourniture d’un travail,

– en contrepartie d’une rémunération,

– l’existence d’un lien de subordination entre les parties se définissant de la manière suivante : l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Elles soutiennent que ces trois critères sont manquants.

Sur l’existence d’un lien de subordination :

M. [W] invoque le pouvoir de donner des ordres et des directives de la part « d’Uber » et fait valoir que :

– il a été contraint de signer électroniquement divers documents contractuels contenant les règles, ordres et directives prescrits par la société Uber ;

– la charte de la communauté Uber, qui contient une liste de principes à respecter pour l’ensemble des chauffeurs, s’impose au chauffeur puisque le non-respect de l’une des clauses peut constituer une violation substantielle des conditions contractuelles et entraîner la révocation de l’accès à la plate-forme ;

– les ordres et directives peuvent être classifiées en trois catégories :

les ordres et directives de nature administrative,

les ordres et directives de nature comportementale,

les ordres et directives de nature opérationnelle.

Les sociétés Uber soutiennent que :

– la présomption de non-salariat prévue à l’article L.8221-6 du code du travail est applicable et qu’il appartient à M. [W] de renverser la présomption de non salariat en démontrant qu’il exerce son activité dans le cadre d’un lien de subordination juridique permanente, ce qu’il ne fait pas ;

– elle n’ont pas exercé de pouvoir de direction à défaut, pour elles, d’avoir donné des ordres et des directives à l’appelant  qui a librement fait le choix d’obtenir une licence de VTC puis de constituer une société de transport en l’absence de toute intervention par Uber.

Elles rappellent les dispositions de l’article L. 3141-2 du code des transports aux termes duquel les plateformes de mise en relation s’assurent que les chauffeurs disposent bien de l’ensemble de la documentation et des autorisations nécessaires ainsi que d’un véhicule conforme.

Sur ce,

Il n’est pas contesté que, souhaitant travailler comme chauffeur VTC, M. [W] a obtenu sa carte professionnelle de conducteur de voitures de transport avec chauffeur et a exercé son activité en qualité d’auto entrepreneur.

Il est donc soumis aux dispositions de l’article L. 8221-6 qui dispose :

« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

(‘)

II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »

La présomption de non salariat édictée par la disposition précitée étant une présomption simple, il incombe à M. [W] de la renverser en démontrant que les conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle sont susceptibles de justifier une relation de travail.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, le chauffeur souhaitant obtenir le statut de VTC doit s’inscrire à une formation afin de pouvoir se présenter à un examen et obtenir son diplôme.

Une fois le diplôme obtenu, le prestataire doit faire une demande auprès de la préfecture afin d’obtenir une carte professionnelle de conducteur de Voiture de Transport avec Chauffeur.

La profession de VTC est une profession réglementée par le code des transports.

Une fois cette qualification professionnelle obtenue, le chauffeur VTC peut constituer sa propre société de transport ou devenir salarié d’une société de transport.

Si le chauffeur a fait le choix de créer une entreprise, il lui faudra obtenir une licence VTC auprès du ministère des transports et sa société sera inscrite au registre des VTC.

Dans cette mesure, il ne peut être utilement considéré que l’intéressé a été contraint de s’inscrire au registre des métiers pour contracter avec la société Uber alors qu’il a fait le choix de créer sa propre entreprise.

Ainsi , force est de considérer que M. [W] a fait le choix de créer sa propre entreprise et d’adhérer à la plate-forme Uber, peu important à ce titre qu’il ait accepté de signer un contrat qui lui était proposé avec la société Hinter France, partenaire d’Uber lui ayant permis de bénéficier de l’utilisation de la carte professionnelle de VTC en attendant d’obtenir la sienne.

Il doit y être ajouté, qu’en l’absence d’une quelconque procédure de sélection ou de recrutement initiée par les sociétés intimées, le critère d’intuitu personae, qui est de l’essence même du contrat de travail, fait nécessairement défaut.

S’agissant des ordres et directives de nature administrative, la société Uber est tenue, en application de l’article L. 3141-2 du code des transports, de vérifier la qualification, les inscriptions et les autorisations nécessaires pour exercer l’activité de chauffeur VTC.

Dès lors, cette vérification nécessaire ne peut être assimilée à un indice de subordination alors qu’il s’agit d’obligations légales pour la société.

Il en est nécessairement de même s’agissant du véhicule utilisé qui doit répondre aux exigences fixées par le code des transports.

À cet égard, il n’est pas contesté que le chauffeur a la liberté de choisir le véhicule qu’il entend utiliser, étant indiqué qu’il est justifié par le procès-verbal de constat sur le fonctionnement de l’application Uber du 29 juillet 2022 produit par les intimées que le chauffeur a le choix de recourir à son véhicule personnel.

Une fois la situation administrative vérifiée et l’inscription validée, le chauffeur a accès à l’application Uber.

Sur le contrôle par la géolocalisation :

M. [W] fait valoir que le système d’exploitation par géolocalisation illustre le pouvoir de contrôle d’Uber par l’exécution de la prestation de transport, le chauffeur étant surveillé et géolocalisé par l’intermédiaire de l’application conducteur et du GPS ;

– la société Uber s’autorise ainsi à contrôler que le trajet effectué est conforme aux indications données par le GPS.

Les sociétés intimées contestent que la géolocalisation des chauffeurs soit un moyen de contrôle de leur activité au motif qu’il s’agit en réalité d’un moyen technique essentiel au fonctionnement de l’application.

Sur ce,

Le contrat de prestation de services accompagné de l’Annexe chauffeurs, prévoit effectivement la géolocalisation des chauffeurs lorsque ces derniers sont actifs sur l’application Uber.

Cette géolocalisation est prévue à des fins de sécurité, de sûreté et pour des raisons techniques.

De fait, la géolocalisation permet nécessairement de mettre en relation les utilisateurs de l’application, eux-mêmes géolocalisés, avec les chauffeurs les plus proches et ce, afin de réduire le temps d’attente de l’utilisateur.

Il doit être précisé que la géolocalisation des chauffeurs est pratiquée par Uber mais également par l’ensemble des plateformes numériques de mise en relation de clients et de conducteurs de voitures de transport avec chauffeur (VTC).

En effet, le dispositif de géolocalisation s’avère nécessairement utile au bon fonctionnement d’une plate-forme et ne caractérise pas, en soi, un lien de subordination.

Ainsi, en l’espèce, à défaut de plus amples éléments autres que contractuels, il n’est nullement démontré que la géolocalisation est destinée à permettre le contrôle des ordres et directives qui seraient donnés.

Dès lors que la géolocalisation est intrinsèque au fonctionnement de l’application et qu’il n’est pas justifié qu’elle soit utilisée pour permettre un contrôle en temps réel de l’activité des chauffeurs, il ne peut être utilement soutenu qu’elle constituerait l’un des indices d’un lien de subordination.

En outre, dès lors qu’il n’utilise pas l’application, le chauffeur n’est pas tenu d’être géolocalisé et donc connecté en permanence.

Le relevé d’état des courses concernant l’intéressé permet de constater que celui-ci a alterné les périodes de forte activité, de moindre activité et même d’absence d’activité, ce qui est de nature à établir une absence de permanence quant à la connexion et à la géolocalisation.

Il n’est donc nullement justifié que l’appelant doive se tenir à la disposition permanente de la société Uber.

Sur le contrôle de la rémunération du chauffeur :

M. [W] soutient que :

– la société Uber exerce un contrôle complet sur sa rémunération puisqu’elle perçoit directement le prix de la course, prélève son pourcentage, émet la facture et reverse le solde au chauffeur ;

– le chauffeur est sous le contrôle économique de la société Uber qui se place en unique décisionnaire du prix de la course et donc de sa rémunération.

Les sociétés Uber répondent que :

– le prix minimal garanti proposé par Uber est un prix recommandé que le chauffeur peut, après négociation avec le client, négocier à la baisse ;

– le prix de la course résulte de l’application de la grille tarifaire sur le trajet estimé par un algorithme entre un point A et un point B ;

– le chauffeur ne peut jamais, sauf s’il en décide autrement avec le passager, percevoir pour une course qu’il a acceptée un prix inférieur à celui affiché au moment de la proposition de course acceptée ;

– le chauffeur peut percevoir un prix supérieur si la course est finalement plus longue que prévue ;

– il n’est procédé à des ajustements tarifaires qu’en cas de situations problématiques telles qu’une accusation de fraude ou de sommes facturées pour des courses qui n’ont pas eu lieu ;

– la fixation du prix de la prestation par Uber ne saurait s’analyser en un indice de subordination du chauffeur dès lors que cette pratique est expressément prévue par l’article L. 7342-1 du code du travail.

Sur ce,

S’agissant de la facturation établie par la société Uber au nom et pour le compte des chauffeurs par le biais de l’application, elle n’est pas un indice de nature à caractériser l’existence d’un lien de subordination.

En effet, ce service fait partie intégrante des services d’intermédiation rendus par la société Uber alors que ce mode de facturation offert aux travailleurs indépendants est parfaitement licite et s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article 289-I-2 du code général des impôts concernant le mandat de facturation.

Le contrat type de prestation de services prévoit expressément l’hypothèse de situations problématiques, en cas d’accusations de fraude ou de sommes facturées pour des courses qui n’ont pas eu lieu, dans lesquelles la société Uber est autorisée à ajuster ou à annuler totalement les tarifs utilisateurs ou les frais supplémentaires de la course.

Ainsi, la fixation des tarifs par la plate-forme ne révèle pas, en soi, l’existence d’un lien de subordination, puisque le prestataire peut, accepter ou non la course, et après avoir l’acceptée, refuser de contracter lorsqu’il a eu connaissance des caractéristiques de cette dernière, dans la limite acceptée par le contrat de partenariat s’agissant du taux d’annulation qui ne doit pas être très largement supérieur à celle de la communauté des autres chauffeurs.

Enfin, la fixation d’un tarif maximum par la plate-forme est insusceptible, à lui seul, de démontrer la réalité d’un lien de subordination alors que ce fait traduit uniquement la volonté de la société Uber, en tant qu’intermédiaire, d’assurer une harmonisation du prix des prestations fournies dans le cadre de l’application.

D’évidence, cette volonté d’harmonisation est conforme à l’intérêt du client.

La possibilité de fixation unilatérale d’un tarif maximal par un cocontractant n’est pas susceptible, en soi, de caractériser l’existence d’un lien de subordination.

Au surplus, au cas d’espèce, les sept réajustements à la baisse et les 10 réajustement à la hausse sur la période pendant laquelle M. [W] s’est connecté à l’application pour avoir accès aux propositions de courses, et qui ont eu lieu dans le cadre d’échanges qui se sont tenus entre les partenaires ne caractérisent pas une subordination juridique.

Sur le contrôle par la notation du chauffeur :

M. [W] fait valoir que :

– la société Uber met à la disposition des passagers un service de notation des chauffeurs alors que le chauffeur doit maintenir une évaluation moyenne par les utilisateurs supérieure à l’évaluation minimale moyenne acceptable fixée par Uber aux termes de l’annexe au contrat de prestation de services ;

– dans son règlement, la société Uber stipule que chaque chauffeur est noté sur 5 et qu’une note inférieure à 4,5/5 est problématique.

Les sociétés intimées exposent que :

-la finalité du système de notation n’est pas de contrôler l’activité des chauffeurs mais d’assurer un fonctionnement harmonieux de l’application avec des chauffeurs et des passagers qui en épousent les standards ;

– ce système de notation croisée est aujourd’hui usuel dans les différents types de plateformes de mise en relation et ne peut en aucun cas constituer un indice de subordination.

Sur ce,

Il ressort des stipulations contractuelles que la fixation d’une note moyenne minimale est prévue afin de continuer à bénéficier de l’accès à l’application chauffeur, le règlement prévoyant qu’une note inférieure à 4,5/5 peut entraîner une désactivation de l’accès à l’application.

Cependant, ces dispositions relatives aux conditions d’utilisation de l’application ne relèvent pas d’un pouvoir de contrôle ni de sanction de l’employeur alors qu’il doit être rappelé que les évaluations émanent des clients.

Cette pratique de l’évaluation des prestations commerciales est, actuellement très répandue, de telle sorte que le professionnel le mieux noté est le plus fréquemment choisi.

En l’espèce, il n’est nullement établi ni d’ailleurs allégué que la société Uber a mis un terme à la relation en raison d’une insuffisance de l’intéressé au regard de la notation.

Bien au contraire, les « compliments » et « félicitations » adressés par la plate-forme qui suivent l’information donnée au chauffeur de la note obtenue permettent à M. [W] de se situer par rapport aux autres partenaires du réseau et surtout d’apprécier les retours de ses clients « Merci super », « a bientôt », « la course parfaite. À recommander malgré une autoroute fermée ».

Sur le pouvoir de sanction exercé par la société Uber :

M. [W] se réfère aux dispositions de l’article L. 1331-1 du code du travail et fait valoir l’existence d’un « pouvoir de connexion » lorsque le chauffeur est empêché de se connecter à l’application soit, parce qu’il n’a pas signé les conditions de partenariat ou les modifications de ces conditions soit, parce qu’il n’a pas mis en ligne les documents exigés par la société Uber.

Les sociétés intimées font valoir que trois cas peuvent donner lieu à la restriction ou à la désactivation de l’accès au regard des conditions de conformité, de sécurité et de qualité.

Sur ce,

Le contrat type de prestation de services stipule :

« Afin de pouvoir utiliser l’application chauffeur et les services et que votre accès ne soit pas révoqué, votre chauffeur et vous devez être titulaires et conserver l’ensemble des autorisations requises par la loi ou le règlement pour exercer l’activité de transport routier de personnes concernées et effectuer des courses dans le territoire ; et vous conformer à l’ensemble des exigences légales et réglementaires applicables à l’activité de transport routier de personnes concernée. Vous devez vous assurer qu’à tout moment vos chauffeurs détiennent et conservent un permis de conduire de la catégorie adéquate, en cours de validité. »

Ainsi qu’il a été rappelé précédemment, l’obligation pour Uber de s’assurer que les chauffeurs présents sur l’application disposent bien de l’ensemble de la documentation et des autorisations nécessaires est une obligation légale.

Dans cette mesure, ce pouvoir de connexion ne peut s’apparenter à un pouvoir de sanction directement imputable à l’employeur.

Sur le pouvoir de sanction économique :

M. [W] soutient que ce pouvoir s’exerce au travers de l’ajustement des tarifs par le service client de la société Uber si le chauffeur ne respecte pas le trajet qui lui est imposé.

Sur ce,

Il résulte effectivement des dispositions contractuelles que « Uber se réserve le droit d’ajuster le tarif utilisateur pour un cas particulier de services de transport (par exemple si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace, si le chauffeur n’a pas dûment mis fin à un service de transport dans l’application chauffeur, en cas d’erreur technique dans les services Uber (‘) ou d’annuler le tarif utilisateur pour un particulier de services de transport, en cas de plainte d’un utilisateur ».

Cependant, ce pouvoir de sanction économique évoqué n’est pas susceptible, en soi, de caractériser l’existence d’un contrat de travail s’agissant, en réalité, d’une notion de droit économique qui a vocation à s’appliquer dans le cadre de relations commerciales, économiques ou d’affaires.

Il n’est donc pas révélateur d’un indice de subordination mais plutôt d’un indice de subordination économique qui n’est pas, en tant que tel, inhérent à une relation de travail.

En effet, le fait que « Uber se réserve le droit d’ajuster le tarif utilisateur pour un cas particulier de services de transport, par exemple si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace », ne s’apparente pas à un pouvoir de sanction de la part d’un employeur mais résulte des conditions d’utilisation du service d’intermédiation proposé par la plate-forme telles qu’elles ont été acceptées par l’intéressé.

À l’aune des conditions contractuelles, ce droit exercé par Uber relève, non pas du droit disciplinaire, mais éventuellement d’une appréciation de ce droit au regard d’un éventuel abus de position économique.

Sur le pouvoir de déconnexion :

M. [W] fait valoir que :

– la déconnexion, même temporaire, doit être analysée en une sanction ;

– la charte de la communauté Uber à laquelle le chauffeur est tenu d’adhérer prévoit toute une série de principes à respecter, dont certains peuvent entraîner une suspension (temporaire) ou une désactivation (définitive) du compte du chauffeur ;

– la société Uber « se permet également d’adresser au chauffeur des menaces de déconnexion permanente ou temporaire de son compte » ;

– parmi toutes les règles et directives imposées au chauffeur, deux d’entre elles servent régulièrement de fondement à ces menaces : une notation en baisse et un taux d’annulation élevé  ;

– la société Uber dispose d’une part, du pouvoir de déconnexion du chauffeur et d’autre part, de la décision quant à la durée de la déconnexion alors que le chauffeur ne dispose d’aucun recours ;

– le pouvoir de sanction concerne également l’exécution même de la prestation puisque si le chauffeur annule trop de courses, suivant un seuil fixé par la société Uber, il peut se voir déconnecté ;

– la société Uber s’est arrogée un pouvoir absolu de contrôle de sanction discrétionnaire et disciplinaire ainsi que cela résulte du contrat de partenariat et de l’annexe de chauffeur ou encore des conditions de partenariat du 1er juillet 2013.

Les sociétés intimées exposent que :

– afin d’assurer un fonctionnement optimal de l’application, il convient de considérer qu’après trois refus de courses par le chauffeur, ce dernier ne souhaite plus recevoir des propositions de course ;

– il serait inutile de continuer à proposer des courses au chauffeur qui ne souhaite plus travailler par le biais de la plate-forme afin de ne pas léser les passagers et les autres chauffeurs souhaitant recevoir les propositions de courses ;

– le chauffeur est néanmoins invité à se reconnecter ultérieurement et peut se reconnecter par un simple clic ;

– il y a lieu de distinguer un refus de course (qui est la non-acceptation de proposition) ne donnant lieu à aucune conséquence, de l’annulation de la course qui a été acceptée, ce qui constitue une inexécution du contrat de transport.

Sur ce,

En premier lieu, il convient d’observer que le pouvoir de sanction invoqué n’est pas lié à l’existence d’ordres et de directives fournis par la société Uber.

Il doit être rappelé que l’existence d’un lien de subordination se caractérise par le pouvoir de contrôle et son corollaire, le pouvoir de sanction.

Au cas d’espèce, la déconnexion ou désactivation est corrélée au respect ou non par l’utilisateur des règles régissant la plate-forme.

S’agissant du non-respect des règles édictées par la charte de la communauté Uber, respect auquel s’est engagé le cocontractant, la déconnexion/désactivation constitue, non pas le pouvoir de sanction dévolu à l’employeur mais, la faculté donnée à l’une des parties de mettre un terme à la relation dans des conditions qui ont été fixées lors de la conclusion du contrat.

Lorsque le chauffeur se connecte à l’application pour recevoir les propositions de courses, il dispose de quelques secondes pour accepter ou refuser la course alors qu’il n’est pas contesté qu’il est libre de refuser une course.

La faculté de refuser une course est établie par la lecture du procès-verbal de constat sur le fonctionnement de l’application Uber du 29 juillet 2022, ce point n’étant d’ailleurs pas discuté entre les parties.

La faculté d’accepter ou de refuser une mission ou tâche offerte par l’employeur présumé ou d’en fixer unilatéralement un nombre maximal est nécessairement exclusive d’un lien de subordination et donc d’une relation de travail.

Les sociétés intimées reconnaissent que la déconnexion peut intervenir après trois refus de courses afin de ne pas pénaliser le fonctionnement du système au regard des chauffeurs qui souhaitent travailler mais également des passagers.

Il n’est pas pertinemment contredit que le chauffeur peut se reconnecter ultérieurement par un simple clic alors qu’il est invité par la plate-forme à se reconnecter.

L’invitation à se reconnecter ultérieurement ne constitue nullement une sanction à l’égard du chauffeur alors que le chauffeur qui a été déconnecté automatiquement peut se reconnecter presque immédiatement, et d’ailleurs il n’est pas justifié ni d’ailleurs allégué d’une rupture de la relation contractuelle en lien avec les annulations de courses.

Au surplus, au cas d’espèce, s’agissant des pièces produites par M. [W] relatives à « la menace de suspension de compte », il est justifié de messages au motif d’un taux d’annulation trop élevé dans des conditions inhabituelles.

Il y est précisé que son taux d’annulation « est largement supérieur au taux d’annulation moyen des autres chauffeurs qui est sensiblement inférieur à 10% », et il est rappelé qu’il est libre d’accepter ou non les courses mais il est recommandé, une fois la course acceptée, d’annuler la course que si le chauffeur ne peut pas l’effectuer ou si le passager ne se présente pas.

Il est conclu que « de nouvelles répétitions d’annulations non justifiées pourraient entraîner la suspension de votre compte chauffeur ».

Il lui est recommandé de passer hors ligne s’il n’est pas en mesure d’accepter les demandes de courses.

S’il est justifié par les pièces versées aux débats, que le compte de M. [W] a été suspendu à deux reprises en avril 2017 et en septembre 2019, il n’est pas pertinemment contesté que cette suspension a été temporaire, étant relevé que si M. [W] n’effectue plus de courses par le biais de l’application Uber, il dispose toujours de son compte chauffeur et a donc conservé la possibilité de s’y connecter.

Sur le travail au sein d’un service organisé par la société Uber :

M. [W] expose que :

– la société Uber a développé un système permettant de dispatcher des courses à des chauffeurs de voiture de transport, son rôle consistant, principalement, à organiser les conditions et modalités de leur connexion au système ;

– en acceptant de signer les documents contractuels édités par la société Uber, le chauffeur est autorisé à avoir accès à l’application développée par Uber à destination des chauffeurs ainsi qu’aux logiciels, sites Web, services de paiement et services d’assistance ;

– dans la mesure où la société Uber autorise ou non l’utilisation et l’accès à la plate-forme, elle a la maîtrise du recrutement par le choix du nombre de chauffeurs alors que le chauffeur ne pourra se connecter que s’il se plie aux conditions éditées par la société Uber ;

– il a été contraint de s’inscrire au registre des métiers pour contracter avec la société Uber qui détermine seule les termes du contrat et a la faculté de les modifier ;

-la société Uber régit la relation entre le chauffeur et le passager alors que la tarification des courses est également définie par Uber ;

– la rémunération de la course, calculée par l’algorithme, est variable suivant les jours et heures de connexion du chauffeur ;

– la société Uber mobilise les chauffeurs par un système d’incitations financières sous forme de bonus afin de pallier une forte demande de courses ;

-la mise en place d’un programme de fidélisation contribue à l’effectivité du pouvoir de direction de la société Uber tout en lui évitant de passer par son pouvoir de sanction.

Les sociétés intimées font valoir que :

– l’application Uber a fondamentalement évolué depuis le mois de juillet 2020 et l’appelant est toujours actif sur l’application ;

– la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a réaffirmé le statut d’indépendant tout en essayant de renforcer les droits sociaux des travailleurs indépendants auquel ont recours les plateformes de mise en relation par voie électronique ;

– l’ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation a permis aux travailleurs indépendants ayant recours aux plateformes d’élire des représentants chargés de négocier avec des représentants des plateformes numériques afin d’assurer un meilleur équilibre entre les acteurs ; cette ordonnance a été ratifiée par la loi du 7 février 2022 et l’ordonnance du 6 avril 2022 a renforcé l’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité et mis en place l’organisation du dialogue social de secteur ;

-L’appelant ne fournit aucun travail pour le compte de la société Uber qui, elle, réalise une prestation technologique pour lui ;

– Uber n’est pas une entreprise de transports qui sous-traiterait aux chauffeurs les prestations de transport mais un intermédiaire mettant en relation des chauffeurs indépendants et des utilisateurs, proposant, à chacun d’eux, ses services technologiques, le contrat de transport étant conclu directement entre la société de transport et le passager.

Sur ce,

Il ressort des pièces produites aux débats que la société Uber ne rémunère pas l’appelant pour la prestation de transport qu’il réalise par l’intermédiaire de l’application mais, prélève sur le prix de la course la commission due en contrepartie de la prestation technologique fournie.

En pratique, la société Uber collecte le prix de la course auprès de l’utilisateur et rétrocède ensuite à la société de transport ou au chauffeur en retenant une commission en rémunération de sa propre prestation technologique.

S’agissant de l’obligation de s’inscrire au registre des métiers, il a été précédemment reconnu que l’intéressé avait fait le choix d’obtenir une licence de VTC et d’exercer en tant qu’auto entrepreneur, peu important, ainsi que cela a été précisé plus haut, qu’il ait accepté de signer un contrat qui lui était proposé avec la société Hinter France, ce qui lui a permis de bénéficier de l’utilisation de la carte professionnelle de VTC en attendant d’obtenir la sienne.

De même, le chauffeur a le libre choix de l’acquisition ou de la location d’un véhicule sous réserve que ce dernier soit conforme aux conditions légales pour que celui-ci puisse être utilisé dans le cadre d’une activité de VTC.

Ainsi, il en résulte que l’appelant a choisi de créer son activité indépendante et d’utiliser l’application Uber afin d’avoir accès au vivier de clients potentiels utilisant cette plate-forme, en recevant les propositions de courses, et de bénéficier des prestations technologiques de la plate-forme.

S’agissant de l’intégration à un service organisé, il doit être rappelé que cette intégration constitue simplement un indice mais, est insuffisante, à elle seule, à caractériser une relation salariale.

En effet, le fait d’effectuer son travail au sein d’un service organisé ne constitue pas en soi un indice de l’existence d’un lien de subordination si le travailleur a la liberté d’organiser son activité, n’est astreint à aucune contrainte horaire ni à aucune directive autre qu’organisationnelle au regard de l’utilisation de la plate-forme.

Au demeurant, les chauffeurs utilisateurs de la plate-forme Uber ne sont liés par aucune obligation de non-concurrence ou d’exclusivité.

Ainsi, ils ont la liberté de s’inscrire et travailler par le biais d’autres applications ou bien, d’exercer leur activité en dehors de toute application numérique.

Bien plus, le chauffeur a la possibilité de ne pas se connecter ou se déconnecter de l’application afin d’effectuer des courses en dehors de la plate-forme ou au titre de sa clientèle personnelle.

Encore plus, le chauffeur qui vient d’effectuer une course via la plate-forme Uber peut, avec ou sans déconnexion, se connecter à une autre plate-forme et effectuer une autre course via cette autre application.

Ces éléments sont l’expression des différentes modalités d’utilisation des services.

A cet égard, le contrat de prestation de services accompagné de l’annexe chauffeur rappelle sans ambiguïté la liberté des chauffeurs de travailler en dehors de l’application :

« Vous êtes entièrement libres de choisir d’exercer votre activité de manière indépendante (auprès de votre clientèle personnelle) ou en ayant recours aux services d’autres centrales de réservation ou de toute autre catégorie d’intermédiaires, y compris des concurrents d’Uber. En particulier, vos chauffeurs sont libres d’utiliser une application mobile éditée par tout concurrent d’Uber, alors même qu’ils utilisent l’application chauffeur. »

Cette absence d’obligation d’exclusivité a d’ailleurs été constatée par le procès verbal de constat sur le fonctionnement de l’application Uber.

À cet égard, les dispositions contractuelles s’agissant du contrat de prestation de services et de la Charte de la communauté Uber prohibent uniquement le fait pour le chauffeur de contacter le passager sans l’accord de celui-ci et ce, pour des raisons évidentes de sécurité.

En effet, le contrat de prestation de services prévoit uniquement que « ni vos chauffeurs ni vous ne devez contacter, sauf accord exprès de sa part, aucun utilisateur ni utiliser ces informations personnelles à d’autres fins que la fourniture de la course concernée ».

Sur le caractère fictif du statut d’indépendant du chauffeur :

M. [W] soutient que :

– son indépendance n’est qu’apparente alors qu’il n’a pas le choix de la course et du client ;

– s’agissant de l’obligation de travailler, le droit du travail n’interdit pas que le salarié décide du moment où il se tient à la disposition de l’employeur, l’obligation de se tenir à la disposition de l’employeur n’étant pas un critère de qualification du contrat de travail mais un effet de ce dernier ;

– à partir du moment où il se connecte à l’application, il se tient à la disposition de la société Uber, dans cette mesure, dans l’attente d’une course et jusqu’au moment où le client arrive à destination, il est sous la subordination de la société Uber ;

– s’agissant de la liberté du chauffeur de choisir le moment où il se tient à la disposition de la société Uber, cette liberté est indifférente pour la société Uber qui dispose en permanence d’une réserve de main-d »uvre disponible ;

– il n’est pas libre de décider quand il travaille puisque c’est la société Uber qui attribue les courses.

Sur ce,

Le contrat de prestation de services stipule :

« Sauf accord contraire entre vous et vos chauffeurs, ces derniers sont responsables du choix de la manière la plus efficace et la plus sûre pour se rendre à destination. Vos chauffeurs ou vous devez aussi fournir (à vos frais) l’ensemble de l’équipement, des outils et du matériel requis, à l’exception de l’application chauffeur que nous fournissons. »

L’annexe chauffeur du contrat de prestation de services indique s’agissant de la relation entre le chauffeur et Uber que « Uber ne contrôle ni ne dirige le chauffeur, et ne sera pas réputée diriger ou contrôler le chauffeur, de manière générale ou plus précisément en ce qui concerne l’exécution des services de transport ou l’entretien de quelconques véhicules ».

Il en résulte que le chauffeur est totalement indépendant dans la réalisation de sa prestation de transport alors qu’il n’est nullement établi par l’appelant que la société Uber formule des directives ou des ordres durant l’exécution de la prestation de transport.

En effet, les règles édictées par la charte de la communauté, relatives à un comportement approprié et professionnel, ne sauraient à elles seules s’apparenter à un pouvoir de direction de la part de l’employeur alors qu’il s’agit d’une adhésion nécessaire au regard de l’application des règles légales en matière de transport mais également en considération d’éventuelles infractions pénales.

Au demeurant, il convient de relever que la charte de la communauté ne peut s’analyser en un règlement intérieur alors qu’elle concerne tant les chauffeurs que les usagers.

Il ressort des pièces produites au débat et il n’est d’ailleurs pas contesté que le chauffeur est libre de se connecter ou non, il ne lui est adressé par la plate-forme aucune demande de se connecter lorsqu’il n’a pas activé son application aux fins de recevoir les propositions de course, il choisit le secteur sur lequel il sollicite les propositions de course, et détermine, en restant connecté ou non, le temps pendant lequel il sollicite les propositions de courses, qu’il accepte ou non.

Au cas d’espèce, si M. [W] n’a plus sollicité des propositions de courses par le biais de la plate-forme depuis mars 2020, il n’a pas été procédé à la désactivation de son compte à l’initiative de la société Uber.

En effet, il n’est pas soutenu que M. [W] a perdu l’accès a son compte, ou que Uber a désactivé l’accès du chauffeur à l’application chauffeur et aux services d’Uber.

De même, le travail au sein d’un service organisé ne peut établir, à lui seul, le caractère fictif du statut d’indépendant et ce, en l’absence de démonstration que l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

Il est rappelé aussi, ainsi que l’a relevé la cour, qu’en restant actif sur l’application Uber, c’est à dire sans se déconnecter, le chauffeur peut se connecter à d’autres applications de mise en relation et accepter des courses proposées par d’autres plateformes.

Ainsi, l’appelant ne démontre nullement qu’il est sous la subordination juridique de la société Uber durant le temps où il assure le transport d’un client.

Il convient d’y ajouter que le critère de la dépendance économique n’est pas de nature, à lui seul, à caractériser l’existence d’un contrat de travail et ce, en l’absence de démonstration d’une subordination juridique.

L’absence de choix de la course n’est pas établie alors qu’à l’opposé, il est justifié que l’appelant reçoit des propositions de course en fonction de sa localisation et de celle du passager. En l’espèce, une course est proposée en priorité au chauffeur se trouvant le plus proche de l’utilisateur.

L’appelant dispose donc du pouvoir d’accepter ou de refuser la proposition de prestation qu’il a sollicitée en se connectant à l’application, et il a été établi plus haut qu’il dispose de la possibilité d’annulations de courses après les avoir acceptées (si le chauffeur par exemple estimait que les conditions des courses ne lui convenaient pas après avoir pris connaissance de l’évaluation de la distance et du prix de la course et du temps de distance de la course), tant que son taux ne se situe pas « très largement supérieur à la moyenne des autres chauffeurs », et que dans cette hypothèse, la plate-forme a mis en garde M. [W] et a suspendu temporairement son compte à deux reprises, éléments qui ne sont pas de nature à caractériser un lien de subordination juridique.

En outre, l’absence de choix du client en tant que tel n’est pas déterminante au regard du lien de subordination étant rappelé qu’à côté de l’application Uber, le chauffeur a la possibilité, de créer sa propre clientèle, alors qu’à l’opposé, la société Uber ne fait pas le choix du client mais est simplement un intermédiaire entre le chauffeur VTC et l’usager.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que M. [W] échoue à renverser la présomption de non salariat édictée par l’article L. 8221-6 du code du travail et donc à établir l’existence d’un contrat de travail qui le lierait aux sociétés intimées.

Le jugement est donc confirmé en ce que le conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris en considération de l’inscription au répertoire des exploitants de voiture de tourisme avec chauffeur.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

L’appelant, qui succombe, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

À l’opposé, aucune raison d’équité ne commande de faire application de cet article au profit des sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, publiquement et en dernier ressort

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [D] [W] aux dépens d’appel,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 

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