L’Essentiel : La société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) locataire a engagé une procédure judiciaire contre une propriétaire d’un bien immobilier devant le président du tribunal judiciaire de Valenciennes. La société demande la fixation du montant du loyer renouvelé à 8 400 euros hors taxes et hors charges par an, ainsi que le remboursement de frais de justice. La propriétaire conteste les demandes, arguant que les travaux réalisés dans la commune ont amélioré les conditions commerciales. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer la valeur locative du bien, suspendant le jugement sur toutes les demandes en attendant les résultats.
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Contexte de l’affaireLa société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) PIC’FRIT a engagé une procédure judiciaire contre une défenderesse, propriétaire d’un bien immobilier, devant le président du tribunal judiciaire de Valenciennes. La société demande la fixation du montant du loyer renouvelé à 8 400 euros hors taxes et hors charges par an, ainsi que le remboursement de frais de justice. Demandes de la société PIC’FRITDans ses requêtes, la société PIC’FRIT maintient ses demandes initiales et sollicite également une expertise pour évaluer la valeur locative de l’immeuble loué. Elle justifie sa demande de réduction de loyer par la situation géographique de l’immeuble, sa superficie, et la concurrence dans la commune modeste d'[Localité 8]. Réponse de la défenderesseLa défenderesse conteste les demandes de la société PIC’FRIT, arguant que les travaux réalisés dans la commune ont amélioré les conditions commerciales et que les clauses du bail ont été acceptées par la société. Elle demande le rejet des demandes de la société et la condamnation de celle-ci aux dépens. Décision du tribunalLe tribunal a constaté que le bail commercial a été renouvelé par tacite reconduction et que la société PIC’FRIT a demandé une révision du loyer. Cependant, le tribunal a noté que les parties n’ont pas fourni suffisamment de preuves pour étayer leurs prétentions respectives. Par conséquent, une expertise a été ordonnée pour évaluer la valeur locative du bien. Ordonnance d’expertiseLe tribunal a désigné un expert pour réaliser une évaluation des locaux litigieux et a fixé les modalités de la mission. Les frais de l’expertise seront partagés entre les parties, et le loyer provisionnel sera maintenu au montant actuel jusqu’à la conclusion de l’expertise. Le tribunal a également suspendu le jugement sur toutes les demandes en attendant les résultats de l’expertise. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la procédure applicable pour la fixation du loyer lors du renouvellement d’un bail commercial ?La procédure applicable pour la fixation du loyer lors du renouvellement d’un bail commercial est régie par les articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce. Selon l’article L.145-34, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, est plafonné, à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.145-33. L’article L.145-33 précise que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : 1. Les caractéristiques du local considéré ; Ainsi, la société PIC’FRIT a demandé la fixation judiciaire du loyer en se basant sur ces critères, tandis que la défenderesse a contesté cette demande en arguant que les éléments avancés ne justifiaient pas une baisse du loyer. Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise dans le cadre d’un litige sur le loyer commercial ?Les conditions pour ordonner une expertise dans le cadre d’un litige sur le loyer commercial sont définies par l’article R.145-30 du code de commerce. Cet article stipule que lorsque le juge s’estime insuffisamment éclairé sur des points qui peuvent être élucidés par une visite des lieux ou si les prétentions des parties divergent sur de tels points, il se rend sur les lieux aux jour et heure décidés par lui, en présence d’un consultant. Si les divergences portent sur des points de fait qui ne peuvent être tranchés sans recourir à une expertise, le juge désigne un expert dont la mission porte sur les éléments de fait permettant l’appréciation des critères définis aux articles R.145-3 à R.145-7, L.145-34, R.145-9, R.145-10 ou R.145-11. Dans le cas présent, le tribunal a constaté que les pièces versées par les parties n’étaient pas suffisamment éclairantes pour se prononcer sur les prétentions de chacun, justifiant ainsi la nécessité d’une expertise. Quels sont les effets de la consignation sur la désignation de l’expert ?Les effets de la consignation sur la désignation de l’expert sont précisés par l’article 271 du code de procédure civile. Cet article stipule que, faute de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet. Cela signifie que si la partie demanderesse et la partie défenderesse ne consignent pas la somme fixée pour la rémunération de l’expert dans le délai maximum de six semaines, la décision de désignation de l’expert ne pourra pas être mise en œuvre. Dans le jugement rendu, il a été fixé à la somme de 2000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, à consigner par moitié par les parties. Le non-respect de cette obligation entraînerait la caducité de la désignation de l’expert. Comment le tribunal a-t-il statué sur les demandes des parties ?Le tribunal a statué sur les demandes des parties en ordonnant une expertise et en sursis à statuer sur toutes les demandes. Il a constaté que la société PIC’FRIT avait sollicité le renouvellement du bail commercial et la fixation du loyer à un montant inférieur à celui pratiqué jusqu’alors, tandis que la défenderesse contestait cette demande. Le tribunal a jugé qu’aucune des pièces versées aux débats n’était suffisamment éclairante pour se prononcer sur les prétentions de chacun, ce qui a conduit à la décision d’ordonner une expertise pour déterminer la valeur locative des lieux loués, conformément aux critères de l’article L.145-33 du code de commerce. En conséquence, le tribunal a réservé les dépens et a ordonné que les frais de l’expertise soient avancés par moitié par les parties. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES
JUGEMENT – N° RG 24/00203 – N° Portalis DBZT-W-B7I-GMNZ
Code NAC : 30C Nature particulière : 0A
LE QUATRE FEVRIER DEUX MIL VINGT CINQ
DEMANDERESSE
La S.A.S.U. “PIC’FRIT” FRITERIE GERARD, dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par l’AARPI DE ABREU – GUILLEMINOT – PHILIPPE, avocats au barreau de VALENCIENNES,
D’une part,
DEFENDERESSE
Mme [D] [B], née le 07 août 1946 à [Localité 10], demeurant [Adresse 5] – [Localité 8];
représentée par la SCP SPEDER DUSART FIEVET MAILLARD, avocats au barreau de VALENCIENNES,
D’autre part,
LE JUGE DES LOYERS COMMERCIAIX : Louis-Benoît BETERMIEZ, président,
LE GREFFIER : Stéphanie BUSIER, adjoint administratif faisant fonction de greffier,
DÉBATS : en audience publique le 07 janvier 2025,
JUGEMENT: rendu par mise à disposition au greffe le 04 février 2025,
Par acte du 16 août 2024, la société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) PIC’FRIT a assigné madame [D] [P] [B] devant le président du tribunal judiciaire de Valenciennes, statuant en matière de loyers commerciaux, aux fins que :
– à titre principal, le montant du bail renouvelé soit fixé, à compter du 23 septembre 2022, à la somme de 8 400 euros hors taxes et hors charges par an,
– la défenderesse soit condamnée aux dépens et à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans son dernier mémoire, repris à l’audience, la demanderesse maintient ses demandes initiales et sollicite, à titre subsidiaire, l’organisation d’une expertise ayant pour objet de déterminer la valeur locative de l’immeuble loué.
A l’appui de ses prétentions, la société PIC’FRIT expose que madame [B] a consenti un bail commercial à monsieur [F] [C] le 19 mai 1992 avec prise d’effet le 1er mai 1992; que par acte notarié en date du 31 mars 1994, les consorts [C] ont cédé à la société PIC’FRIT leur fonds de commerce en ce compris le droit au bail en cours; que le bail devait expirer le 30 avril 2001 et s’est poursuivi par tacite reconduction; que, par acte du 23 juin 2022, la société PIC’FRIT a sollicité le renouvellement du bail commercial dans son principe mais a sollicité que le montant du loyer annuel soit ramené à la somme de 8 400 euros hors taxes et hors charges par an; que la défenderesse n’y a pas apporté réponse.
Elle fait valoir que l’immeuble, de 70 m2, comprend une cave sinistrée et un jardin non-accessible au public; qu’il se situe dans une commune modeste, celle d'[Localité 8], où d’importants travaux ont eu pour effet de diminuer son chiffre d’affaires, tout comme la concurrence d’autres commerces ; que les loyers pratiqués habituellement dans le voisinage sont inférieurs à celui actuel du bien loué.
Elle estime que ces éléments justifient la réduction de loyer qu’elle sollicite.
En réponse, madame [B] fait observer que la commune d'[Localité 8] est intégrée dans une communauté d’agglomération importante centrée sur [Localité 11] ; que les clauses du bail sont communes et ont été acceptées par la demanderesse à la signature du bail; que les travaux réalisés par la commune d'[Localité 8] ont eu pour effet d’améliorer les facteurs locaux de commercialité; que les loyers pratiqués habituellement dans le voisinage sont inférieurs à celui actuel du bien loué.
Elle conclut au débouté des demandes de la société PIC’FRIT, à sa condamnation aux dépens de l’instance et à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendue ce jour.
Aux termes de l’article L.145-34 du code de commerce, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, est plafonné, à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du même code.
En outre, selon l’article L,145-33 du même code, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Enfin, d’après l’article R.145-30 du même code, lorsque le juge s’estime insuffisamment éclairé sur des points qui peuvent être élucidés par une visite des lieux ou s’il lui apparaît que les prétentions des parties divergent sur de tels points, il se rend sur les lieux aux jour et heure décidés par lui le cas échéant en présence d’un consultant.
Toutefois, s’il estime que des constatations purement matérielles sont suffisantes, il peut commettre toute personne de son choix pour y procéder.
Si les divergences portent sur des points de fait qui ne peuvent être tranchés sans recourir à une expertise, le juge désigne un expert dont la mission porte sur les éléments de fait permettant l’appréciation des critères définis, selon le cas, aux articles R. 145-3 à R. 145-7, L. 145-34, R. 145-9, R. 145-10 ou R. 145-11, et sur les questions complémentaires qui lui sont soumises par le juge.
Toutefois, si le juge estime devoir limiter la mission de l’expert à la recherche de l’incidence de certains éléments seulement, il indique ceux sur lesquels elle porte.
En l’espèce, il ressort des pièces versées par les parties aux débats que monsieur [X] [C] a pris à bail commercial à madame [B], par acte du 19 mai 1992, un immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 8] ; que par acte du 31 mars 1994, les consorts [C] ont cédé à la société PIC’FRIT leur fonds de commerce, en ce compris le droit au bail en cours; que le bail devait expirer le 30 avril 2001; qu’il s’est poursuivi par tacite reconduction.
Il en ressort également que la société PIC’FRIT avait demandé la fixation judiciaire du loyer en se prévalant d’un bail en date du 19 mai 1992, alors que madame [B] se prévalait d’un bail en date du 20 mai 1998 ; que le Tribunal Judiciaire de VALENCIENNES, par un jugement en date du 22 mai 2021, a considéré que le bail applicable entre les parties était celui du 20 mai 1998 ; que la société PIC’FRIT a, par conséquent, été déboutée de ses demandes.
Il en ressort, enfin, que, par acte du 23 juin 2022, la société PIC’FRIT a sollicité le renouvellement du bail commercial et la fixation du loyer renouvelé à la somme de 8 400 euros hors taxe et hors charge par an, soit un montant inférieur à celui pratiqué jusqu’à présent ; que madame [B] n’a pas répondu à cette sollicitation.
La société PIC’FRIT justifie sa demande de loyer révisé à la baisse par la localisation et la superficie du bien loué, ainsi que par les prix pratiqués dans le voisinage en termes locatifs.
Madame [B] conteste formellement les motifs de la baisse demandée du loyer, en arguant que la localisation du bien ne justifie pas une baisse du loyer, que sa superficie est en lien avec son prix et qu’il n’est pas prouvé que les loyers pratiqués dans le voisinage proportionnellement à la superficie des locaux soient inférieurs à celui pratiqué dans le bail.
Si les parties versent aux débats diverses pièces à l’appui de leurs moyens, aucune n’apparaît suffisamment éclairante pour se prononcer sur les prétentions de chacun.
Il s’ensuit qu’une expertise, avant dire droit, s’impose.
En conséquence, elle sera ordonnée, aux frais avancés par moitié par les parties.
En outre, il sera sursis à statuer sur toutes les demandes des parties et les dépens seront réservés.
NOUS, Louis-Benoît BETERMIEZ, président du tribunal judiciaire de Valenciennes, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
Avant dire droit,
ORDONNONS une expertise confiée à M. [S] [V], domicilié [Adresse 4] [Localité 7] – tél : [XXXXXXXX02]. fax : [XXXXXXXX01]. – port. : [XXXXXXXX03]. – Mèl : [Courriel 9] – qui aura pour mission de :
– convoquer les parties, et, dans le respect du principe du contradictoire,
– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
– visiter les locaux litigieux situés [Adresse 6] à [Localité 8], les décrire,
– entendre les parties en leurs dires et explications,
– procéder à l’examen des faits qu’allèguent les parties,
– rechercher la valeur locative des lieux loués au regard des critères de l’article L. 145-33 du code de commerce,
– donner son avis motivé sur le montant du loyer applicable à compter du renouvellement du bail,
– rendre compte du tout et donner son avis motivé,
– dresser un rapport de ses constatations et conclusions,
DISONS que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original au greffe du tribunal de Valenciennes, service du contrôle des expertises, dans le délai de quatre mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d’un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties) ;
DISONS que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera a une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu’à l’issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle ;
DISONS que, sauf accord contraire des parties, l’expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l’ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction ;
DISONS que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelons qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;
DÉSIGNONS le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;
DISONS que l’expert désigné pourra, en cas de besoin, s’adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties et le magistrat chargé du contrôle des expertises,
DISONS que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément 48 aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;
FIXONS à la somme de 2000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui devra être consignée par moitié, par la partie demanderesse et par la partie défenderesse entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal judiciaire de Valenciennes, dans le délai maximum de six semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;
DISONS que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;
RAPPELONS qu’à défaut de versement avant cette date, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile,
DISONS que l’expert commencera sa mission dès qu’il sera avisé par le greffe du dépôt de la consignation,
DISONS qu’à l’issue de la première réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations, soumettra au magistrat chargé du contrôle des expertises et communiquera aux parties un état prévisionnel détaillé de ces frais et honoraires et, en cas d’insuffisance de la provision allouée, pourra, le cas échéant, demander la consignation d’une provision supplémentaire,
FIXONS le loyer provisionnel, dû dans l’attente des conclusions de l’expert désigné, au montant du loyer actuel, actualisé en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction ;
SURSOYONS à statuer sur toutes les demandes des parties ;
RESERVONS les dépens.
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président et le greffier, le 4 février 2025.
Le greffier Le président,
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