Évaluation de la valeur vénale des biens immobiliers et contestation des droits de mutation : enjeux de la donation-partage et des abattements fiscaux.

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FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 mai 2010, Monsieur [L] [N] et son épouse, Madame [G] [S], ont procédé à une donation à titre de partage anticipé, en faveur de leurs deux enfants, Monsieur [V] [N] et Monsieur [I] [N]. Cette donation, réalisée devant Maître [A] [K], notaire à [Localité 5] (Var), concernait la nue-propriété de divers biens immobiliers situés dans le Val de Marne et dans le 5ème arrondissement de [Localité 4]. Les biens donnés comprenaient plusieurs lots d’un ensemble immobilier, notamment des appartements et des caves, pour une valeur déclarée de 410 000 €.

L’acte de donation a été publié et enregistré auprès des services compétents, mais a suscité des interrogations quant à la valeur réelle des biens au moment de la donation. En effet, le service de la fiscalité immobilière a proposé une rectification en mai 2013, rehaussant la valeur des biens à 2 467 760 €, en raison d’une insuffisance de la valeur déclarée.

PROPOSITION DE RECTIFICATION ET OBSERVATIONS

Suite à la proposition de rectification, Monsieur [I] [N] a présenté des observations en juin 2013, qui ont conduit à une réévaluation de la valeur des biens à 1 941 260 €. Cette réévaluation a pris en compte divers éléments, tels que des travaux réalisés par la copropriété et des ajustements basés sur la surface loi Carrez. Cependant, l’administration fiscale a également appliqué une majoration de 40 % pour manquement délibéré, en raison de l’importance de l’insuffisance constatée et de la connaissance présumée de la sous-estimation des biens.

Un avis de mise en recouvrement a été adressé à Monsieur [I] [N], entraînant une réclamation contentieuse en avril 2016. En l’absence de réponse dans le délai imparti, le tribunal de grande instance de Paris a été saisi en mars 2018.

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

Le tribunal de grande instance de Paris a rendu son jugement le 3 juin 2020, en prononçant une décharge des droits de mutation à titre gratuit dus par Monsieur [I] [N]. Le tribunal a également appliqué des décotes pour vétusté et occupation locative, établissant une valeur vénale des biens à 1 372 090 €. En outre, la majoration de 40 % pour manquement délibéré a été annulée, le tribunal considérant que les éléments de preuve ne justifiaient pas une telle sanction.

APPEL DE L’ADMINISTRATION FISCALE

L’administration fiscale a interjeté appel de cette décision en décembre 2020, demandant à la cour d’infirmer le jugement du tribunal et de reconnaître la validité des rectifications effectuées. Dans ses conclusions, elle a soutenu que la sous-évaluation des biens était manifeste et que les donateurs avaient agi de manière délibérée pour éluder l’impôt.

ÉVALUATION DES BIENS ET ABATTEMENTS

Les parties ont convenu de la méthode d’évaluation retenue par l’administration fiscale, qui consistait à comparer les biens à des immeubles similaires, tout en appliquant des abattements pour vétusté et occupation locative. L’administration a justifié ses évaluations par des éléments de marché, tandis que Monsieur [I] [N] a contesté la pertinence de ces évaluations, invoquant des expertises antérieures et l’absence de mise en garde de la part du notaire.

MAJORATION POUR MANQUEMENT DÉLIBÉRÉ

L’administration a soutenu que le manquement délibéré était établi par la sous-évaluation significative des biens et la connaissance des donateurs des prix du marché. En revanche, Monsieur [I] [N] a contesté cette majoration, arguant que plusieurs juridictions avaient déjà reconnu l’absence d’intention frauduleuse. Il a également souligné que la charge de la preuve incombait à l’administration, qui devait démontrer l’intention d’éluder l’impôt.

DÉCISION DE LA COUR D’APPEL

La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal de grande instance, en considérant que la majoration de 40 % pour manquement délibéré n’était pas justifiée. Elle a également condamné l’administration fiscale aux dépens et a accordé une indemnité de procédure à Monsieur [I] [N]. La décision a été fondée sur l’absence de preuve d’une intention frauduleuse et sur le fait que les donataires n’avaient pas joué un rôle actif dans l’évaluation des biens.

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