Dans la relation contractuelle qu’il entretient avec son client, l’établissement bancaire est soumis à un devoir de vigilance qui lui impose de vérifier la régularité formelle et intellectuelle des opérations qu’il exécute.
La vigilance dont il est ici question a pour objectif essentiel de s’assurer que l’ordre de paiement émane effectivement de celui qui a qualité pour l’émettre et non qu’il va profiter à un destinataire digne de confiance.
Dans ce cadre, il s’agit déceler toute anomalie apparente, d’une évidence telle qu’elle est susceptible d’être mise en exergue par un employé de banque normalement diligent.
Tout manquement en la matière doit donner lieu à dédommagement au titre de l’article 1231-1 du code civil qui fait peser la charge d’une réparation sur celui qui n’a pas exécuté l’obligation au respect de laquelle il était contractuellement tenu.
L’obligation de vigilance en jeu est néanmoins encadrée par un devoir de non-ingérence faisant interdiction au banquier de s’immiscer dans la gestion des comptes de son client et donc de procéder à un contrôle d’opportunité relativement aux opérations réalisées par l’intéressé.
Monsieur [J] [U] a assigné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est devant le tribunal judiciaire de LYON, reprochant à la banque un défaut de vigilance suite à une escroquerie dont il a été victime lors d’investissements financiers en 2016. Il réclame une somme de 20 000 € en réparation de son préjudice financier, ainsi que 2 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le Crédit Agricole conteste toute faute de sa part, affirmant que les opérations en question n’étaient pas anormales et que Monsieur [U] aurait dû se renseigner sur le bénéficiaire des fonds. Il demande également une limitation de l’indemnité accordée au demandeur.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé à titre liminaire que l’article 9 du code de procédure civile impose à celui qui entend obtenir satisfaction de sa demande de rapporter la preuve des faits nécessaires à son succès.
DEVOIR DE VIGILANCE DE L’ÉTABLISSEMENT BANCAIRE
Dans la relation contractuelle qu’il entretient avec son client, l’établissement bancaire est soumis à un devoir de vigilance qui lui impose de vérifier la régularité formelle et intellectuelle des opérations qu’il exécute. La vigilance dont il est ici question a pour objectif essentiel de s’assurer que l’ordre de paiement émane effectivement de celui qui a qualité pour l’émettre et non qu’il va profiter à un destinataire digne de confiance. Tout manquement en la matière doit donner lieu à dédommagement au titre de l’article 1231-1 du code civil qui fait peser la charge d’une réparation sur celui qui n’a pas exécuté l’obligation au respect de laquelle il était contractuellement tenu. L’obligation de vigilance en jeu est néanmoins encadrée par un devoir de non-ingérence faisant interdiction au banquier de s’immiscer dans la gestion des comptes de son client et donc de procéder à un contrôle d’opportunité relativement aux opérations réalisées par l’intéressé.
LES FAITS DE L’AFFAIRE
Les éléments du dossier attestent que Monsieur [U] est titulaire d’un compte chèque n°[Numéro identifiant 2] ouvert auprès du Crédit Agricole. Le présent litige a pour objet trois virements opérés depuis ce compte : un virement de 5 000 € en date du 8 septembre 2016, un virement de 5 000 € en date du 15 septembre 2016, un virement de 20 000 € en date du 8 octobre 2016. Monsieur [U] entendait ainsi réaliser des placements financiers via une plateforme en ligne dénommée Colonus et indique avoir été victime d’une escroquerie, faits pour lesquels il a déposé plainte.
ANALYSE DE LA JURIDICTION
Monsieur [U] estime que ces agissements frauduleux n’ont été rendus possibles qu’en raison du défaut de vigilance dont le Crédit Agricole a fait preuve alors même que les opérations bancaires en cause dérogeaient singulièrement de sa pratique habituelle. L’intéressé ne conteste pas que les trois virements litigieux ont bien été ordonnés par ses soins, grâce à l’activation de sa signature électronique. Enfin, l’extranéité du bénéficiaire, à la supposer connue du banquier, ne saurait en elle-même constituer un motif de vérification ou d’alerte.
DÉCISION DE LA COUR
Il convient donc de considérer que les griefs émis par Monsieur [U] contre le Crédit Agricole ne sont pas fondés, de sorte que l’intéressé sera débouté pour l’intégralité de ses prétentions. En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [U] sera condamné aux dépens qui pourront être directement recouvrés par l’avocat du Crédit Agricole conformément à l’article 699 de ce même code. Il sera également tenu de régler à la partie adverse une somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
– Monsieur [J] [U] est débouté de toutes ses demandes.
– Monsieur [J] [U] doit supporter le coût des dépens de l’instance.
– Monsieur [J] [U] est condamné à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST une somme de 1 500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Réglementation applicable
Tout manquement de la Banque à son devoir de vigilance doit donner lieu à dédommagement au titre de l’article 1231-1 du code civil qui fait peser la charge d’une réparation sur celui qui n’a pas exécuté l’obligation au respect de laquelle il était contractuellement tenu.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Timo RAINIO
– Maître Catherine TERESZKO
– Maître Gael COLLIN
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Preuve des faits
– Devoir de vigilance
– Anomalie apparente
– Dédommagement
– Obligation de vigilance
– Devoir de non-ingérence
– Compte chèque
– Virements
– Escroquerie
– Défaut de vigilance
– Signature électronique
– Approvisionnement du compte
– Extranéité du bénéficiaire
– Griefs
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Motifs de la décision : Raisons juridiques et factuelles qui justifient la décision rendue par un juge ou un tribunal.
– Preuve des faits : Éléments ou documents utilisés pour démontrer la véracité d’un fait dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Devoir de vigilance : Obligation légale pour certaines entreprises de surveiller et de limiter les risques de violations des droits humains et environnementaux dans leur chaîne d’approvisionnement.
– Anomalie apparente : Défaut ou irrégularité visible ou qui aurait pu être détecté lors d’un contrôle normal.
– Dédommagement : Compensation financière accordée à une personne pour réparer un préjudice subi.
– Obligation de vigilance : Responsabilité d’une personne ou d’une entité de faire preuve de prudence et d’attention dans ses actions pour éviter de causer un dommage.
– Devoir de non-ingérence : Principe selon lequel un État ou une entité ne doit pas intervenir dans les affaires internes d’un autre État ou dans la vie privée d’une personne.
– Compte chèque : Compte bancaire sur lequel le titulaire peut émettre des chèques pour effectuer des paiements.
– Virements : Opérations bancaires permettant le transfert d’argent d’un compte à un autre.
– Escroquerie : Délit caractérisé par la tromperie d’une personne dans le but d’obtenir un avantage indû, souvent financier.
– Défaut de vigilance : Manquement à l’obligation de faire preuve de prudence et d’attention, pouvant entraîner un préjudice.
– Signature électronique : Méthode permettant de valider un document de manière numérique, ayant une valeur juridique équivalente à une signature manuscrite.
– Approvisionnement du compte : Action de déposer des fonds sur un compte bancaire pour augmenter son solde.
– Extranéité du bénéficiaire : Situation où le bénéficiaire d’une transaction ou d’un acte juridique n’a pas de lien direct ou apparent avec les autres parties impliquées.
– Griefs : Plaintes ou reproches formulés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative.
– Dépens : Frais de justice qui doivent être payés par une partie à l’autre en vertu d’une décision judiciaire.
– Frais irrépétibles : Frais engagés par une partie dans le cadre d’une procédure judiciaire et qui ne sont pas couverts par les dépens.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON
Quatrième Chambre
N° RG 21/05849 – N° Portalis DB2H-W-B7F-WDWN
Jugement du 12 Mars 2024
Notifié le :
Grosse et copie à :
Me Timo RAINIO – 1881
Maître Catherine TERESZKO de la SELARL SELARL ASCALONE AVOCATS – 572
Copie dossier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 12 Mars 2024 devant la Quatrième Chambre le jugement contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 24 octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 12 Décembre 2023 devant :
Stéphanie BENOIT, Président,
siégeant en formation Juge Unique,
Assistée de Sylvie ANTHOUARD, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDEUR
Monsieur [J] [D] [U]
né le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 7] (01),
demeurant [Adresse 4] – [Localité 1]
représenté par Me Timo RAINIO, avocat au barreau de LYON et par Maître Gael COLLIN du cabinet COLMAN Avocats SELARL, avocat plaidant au barreau de PARIS
DEFENDERESSE
La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST, société coopérative à capital variable
dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Catherine TERESZKO de la SELARL SELARL ASCALONE AVOCATS, avocats au barreau de LYON
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte d’huissier en date du 2 septembre 2021, Monsieur [J] [U] a fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est devant le tribunal judiciaire de LYON.
Il expose avoir procédé à des investissements financiers courant 2016 au moyen de virements effectués depuis un compte détenu auprès de la banque assignée et avoir été victime d’une escroquerie, reprochant au Crédit Agricole un défaut de vigilance.
Dans ses dernières conclusions prises au visa des articles 1104 et 1231-1 du code civil, Monsieur [U] attend de la formation de jugement qu’elle condamne la partie adverse à lui régler une somme de 20 000 € en réparation de son préjudice financier, au titre d’une perte de chance, outre le paiement d’une somme de 2 700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.
L’intéressé se plaint de ce que le banquier n’a pas détecté les anomalies intellectuelles qui affectaient les ordres de paiement.
Aux termes de ses ultimes écritures, le Crédit Agricole conclut au débouté de Monsieur [U] dont elle réclame en retour la condamnation à prendre en charge les dépens de l’instance distraits au profit de son avocat ainsi que les frais irrépétibles à hauteur de 3 000 €.
L’établissement bancaire conteste avoir commis une quelconque faute, indiquant qu’il appartenait à son client de se renseigner au sujet de la société au profit de laquelle les fonds ont été décaissés. Il soutient que les opérations en cause ne présentaient pas de caractère anormal, faisant valoir que Monsieur [U] avait déjà pu procéder à des mouvements financiers du même ordre, que le bénéficiaire ne se trouvait pas dans un pays à risque et que le nombre des paiements en jeu ne traduisait pas une récurrence particulière.
Subsidiairement, il sollicite une limitation de l’indemnité accordée au demandeur selon un partage de responsabilités, avec une quote-part de 10 % mise à sa charge.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé à titre liminaire que l’article 9 du code de procédure civile impose à celui qui entend obtenir satisfaction de sa demande de rapporter la preuve des faits nécessaires à son succès.
Dans la relation contractuelle qu’il entretient avec son client, l’établissement bancaire est soumis à un devoir de vigilance qui lui impose de vérifier la régularité formelle et intellectuelle des opérations qu’il exécute.
La vigilance dont il est ici question a pour objectif essentiel de s’assurer que l’ordre de paiement émane effectivement de celui qui a qualité pour l’émettre et non qu’il va profiter à un destinataire digne de confiance.
Dans ce cadre, il s’agit déceler toute anomalie apparente, d’une évidence telle qu’elle est susceptible d’être mise en exergue par un employé de banque normalement diligent.
Tout manquement en la matière doit donner lieu à dédommagement au titre de l’article 1231-1 du code civil qui fait peser la charge d’une réparation sur celui qui n’a pas exécuté l’obligation au respect de laquelle il était contractuellement tenu.
L’obligation de vigilance en jeu est néanmoins encadrée par un devoir de non-ingérence faisant interdiction au banquier de s’immiscer dans la gestion des comptes de son client et donc de procéder à un contrôle d’opportunité relativement aux opérations réalisées par l’intéressé.
Les éléments du dossier attestent que Monsieur [U] est titulaire d’un compte chèque n°[Numéro identifiant 2] ouvert auprès du Crédit Agricole.
Le présent litige a pour objet trois virements opérés depuis ce compte :
-un virement de 5 000 € en date du 8 septembre 2016
-un virement de 5 000 € en date du 15 septembre 2016
-un virement de 20 000 € en date du 8 octobre 2016.
Monsieur [U] entendait ainsi réaliser des placements financiers via une plateforme en ligne dénommée Colonus et indique avoir été victime d’une escroquerie, faits pour lesquels il a déposé plainte.
Monsieur [U] estime que ces agissements frauduleux n’ont été rendus possibles qu’en raison du défaut de vigilance dont le Crédit Agricole a fait preuve alors même que les opérations bancaires en cause dérogeaient singulièrement de sa pratique habituelle : des fonds virés ayant crédité un compte détenu au Portugal, un montant global élevé et une fréquence d’exécution soutenue.
L’intéressé ne conteste pas que les trois virements litigieux ont bien été ordonnés par ses soins, grâce à l’activation de sa signature électronique.
Le compte débité afin de couvrir ces opérations était par ailleurs suffisamment approvisionné pour permettre ces trois ponctions, aussi volumineuses soient-elles, que le demandeur avait la pleine liberté d’effectuer sans devoir encourir le moindre contrôle de la part de sa banque.
Enfin, l’extranéité du bénéficiaire, à la supposer connue du banquier, ne saurait en elle-même constituer un motif de vérification ou d’alerte, y compris en présence d’un payeur n’effectuant habituellement que des transactions au niveau national, sauf à admettre qu’une banque puisse méconnaître l’interdiction d’interférer dans les affaires de son client en s’interrogeant sur l’opportunité des opérations exécutées par celui-ci.
Il convient donc de considérer que les griefs émis par Monsieur [U] contre le Crédit Agricole ne sont pas fondés, de sorte que l’intéressé sera débouté pour l’intégralité de ses prétentions.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [U] sera condamné aux dépens qui pourront être directement recouvrés par l’avocat du Crédit Agricole conformément à l’article 699 de ce même code.
Il sera également tenu de régler à la partie adverse une somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire,
Déboute Monsieur [J] [U] de l’ensemble de ses demandes
Condamne Monsieur [J] [U] à supporter le coût des dépens de l’instance, avec droit de recouvrement direct au profit de l’avocat de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST
Condamne Monsieur [J] [U] à régler à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Stéphanie BENOIT, vice-président
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, Stéphanie BENOIT, et Sylvie ANTHOUARD, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier Le Président