1. Vérifiez toujours les délais de prescription applicables à votre demande en paiement, afin de ne pas être forclus et de garantir la recevabilité de votre action.
2. Assurez-vous que les vérifications nécessaires sont effectuées avant d’encaisser des chèques de montants importants, notamment en ce qui concerne l’authenticité des signatures et la conformité des opérations avec les habitudes du titulaire du compte.
3. En cas d’opérations de paiement contestées, demandez à votre prestataire de services de paiement de fournir des preuves de l’authentification des opérations et de respecter les procédures de sécurité prévues par la loi, afin de protéger vos droits en cas de litige.
L’affaire concerne un litige entre M. [Z] et la société BNP Paribas. En décembre 2017, M. [Z] a ouvert un compte de dépôt dans cette banque. En septembre 2018, des opérations bancaires douteuses ont été effectuées sur son compte, notamment des chèques rejetés pour défaut de provision. M. [Z] a déposé plainte pour escroquerie et émission de chèques volés. La banque a ensuite réclamé le remboursement du solde débiteur du compte, ce qui a conduit à un procès. En mars 2022, le juge a débouté la banque de ses demandes, estimant qu’elle avait commis une faute en ne vérifiant pas correctement les opérations sur le compte de M. [Z]. La banque a fait appel de cette décision. Les parties ont exposé leurs arguments lors de l’audience du 5 décembre 2023.
Sur la recevabilité de la demande en paiement
En application de l’article R. 312-35 du code de la consommation, la société BNP Paribas est recevable dans sa demande en paiement, ayant agi dans le délai imparti de deux ans à compter de l’événement ayant donné naissance à l’action.
Sur la demande en paiement de la société BNP Paribas
La société BNP Paribas a été déboutée de sa demande en paiement pour l’encaissement des chèques et l’exécution des virements. La banque a commis une faute en acceptant de créditer les chèques sans vérifications suffisantes et n’a pas prouvé que les virements ont été authentifiés de manière sécurisée. De plus, M. [Z] a déclaré sa carte bancaire volée, ce qui le protège en cas d’opérations non autorisées.
Sur les autres demandes
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles ont été confirmées. La société BNP Paribas est tenue de payer les dépens d’appel et une somme de 2 000 euros à M. [Z] en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– Société BNP Paribas condamnée à verser à M. [Y] [Z] : 2 000 euros (au titre de l’article 700 du code de procédure civile)
– Société BNP Paribas condamnée aux dépens d’appel
Réglementation applicable
– Articles L. 131-1-1, L. 131-16, L. 131-19 du code monétaire et financier
– Article 700 du code de procédure civile
– Articles 1134 et suivants anciens, 1103 et suivants nouveaux du code civil
– Articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation
– Articles 1184 ancien, 1224 et 1227 nouveaux du code civil
– Articles L. 133-16, L. 133-4, L. 133-44 du code monétaire et financier
– Article 1343-5 du code civil
– Article 455 du code de procédure civile
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS
– Me Guillaume METZ, avocat au barreau de VERSAILLES
– Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
– Me Sarah LEVY, avocat au barreau de PARIS
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Convention d’ouverture
– Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010
– Code de la consommation
– Recevabilité de la demande en paiement
– Article R. 312-35 du code de la consommation
– Forclusion
– Compte de dépôt
– Relevés du compte
– Incident de paiement
– Virements
– Société BNP Paribas
– Chèques
– Endossement
– Numéro de compte
– Facilité de caisse
– Mouvements réguliers
– Virements litigieux
– Faute de la banque
– Exécution des virements
– Dispositif de sécurité personnalisé
– Authentification forte
– Clé digitale
– Plainte pour vol
– Carte bancaire
– Règlement par carte bancaire
– Retrait d’espèces
– Dépens et frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs de la décision : Raisons juridiques et factuelles qui justifient la décision rendue par un tribunal.
– Convention d’ouverture : Accord contractuel entre une banque et un client définissant les modalités d’ouverture et de gestion d’un compte bancaire.
– Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 : Loi relative à la réforme du crédit à la consommation en France, aussi connue sous le nom de loi Lagarde.
– Code de la consommation : Ensemble de règles législatives régissant les droits et les obligations des consommateurs et des professionnels.
– Recevabilité de la demande en paiement : Critère juridique permettant de déterminer si une demande de paiement peut être examinée par un tribunal.
– Article R. 312-35 du code de la consommation : Article réglementaire spécifiant certaines conditions et modalités en matière de crédit à la consommation.
– Forclusion : Perte du droit d’agir en justice en raison du non-respect des délais légaux.
– Compte de dépôt : Compte bancaire où les fonds peuvent être déposés et retirés par le titulaire du compte.
– Relevés du compte : Documents bancaires périodiques récapitulant toutes les opérations effectuées sur un compte.
– Incident de paiement : Situation où un paiement ne peut être réalisé, souvent en raison de fonds insuffisants.
– Virements : Transferts électroniques de fonds d’un compte à un autre.
– Société BNP Paribas : Banque française, l’une des plus grandes banques de l’Union européenne.
– Chèques : Documents écrits permettant le transfert de fonds d’un compte bancaire à un autre.
– Endossement : Signature au dos d’un chèque permettant le transfert de la propriété du chèque à une autre personne.
– Numéro de compte : Identifiant unique attribué à un compte bancaire.
– Facilité de caisse : Accord par lequel une banque permet à un client de disposer temporairement de fonds excédant le solde de son compte.
– Mouvements réguliers : Opérations habituelles et récurrentes sur un compte bancaire.
– Virements litigieux : Transferts de fonds contestés pour des raisons de légitimité ou d’autorisation.
– Faute de la banque : Manquement par une banque à ses obligations contractuelles ou légales.
– Exécution des virements : Réalisation effective des transferts de fonds ordonnés par le client.
– Dispositif de sécurité personnalisé : Mécanisme de sécurité spécifique à chaque utilisateur pour sécuriser les transactions.
– Authentification forte : Processus de vérification de l’identité de l’utilisateur nécessitant au moins deux facteurs d’authentification.
– Clé digitale : Outil de sécurité utilisé pour accéder à des services en ligne de manière sécurisée.
– Plainte pour vol : Action en justice initiée suite à un vol.
– Carte bancaire : Carte permettant à son titulaire de réaliser des transactions financières.
– Règlement par carte bancaire : Paiement d’achats ou de services via l’utilisation d’une carte bancaire.
– Retrait d’espèces : Opération consistant à retirer de l’argent liquide d’un compte bancaire.
– Dépens et frais irrépétibles : Frais de justice non récupérables par la partie gagnante auprès de la partie perdante.
– Article 700 du code de procédure civile : Disposition permettant à une partie de demander une indemnisation pour les frais de justice non couverts par les dépens.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 25 JANVIER 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09701 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF25J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mars 2022 – Tribunal de proximité d’AULNAY SOUS BOIS – RG n° 11-20-001721
APPELANTE
La société BNP PARIBAS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 662 042 449 00014
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377
ayant pour avocat plaidant Me Guillaume METZ, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉ
Monsieur [Y] [L] [Z]
né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 8] (93)
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
assisté de Me Sarah LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0471
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 22 décembre 2017, M. [Y] [Z] a ouvert un compte de dépôt dans les livres de la SA BNP Paribas sous le numéro [XXXXXXXXXX04].
Le 13 septembre 2018, à partir du compte de dépôt de M. [Z], deux chèques de 19 300 euros et 22 600 euros ont été crédités d’une part et six virements de 2 500 euros chacun, un virement de 4 999 euros et un paiement par carte de 849,90 euros ont été opérés d’autre part.
Le 14 septembre 2018, différentes opérations bancaires ont eu lieu sur le compte de dépôt de M. [Z] :
– un retrait d’espèces pour un montant de 500 euros a été effectué au distributeur,
– un virement a été opéré à hauteur de 2 300 euros,
– six virements de 2 500 euros chacun,
– un virement de 2 700 euros.
A la même date, M. [Z] a formé opposition à sa carte bancaire auprès de la banque et a déposé plainte au commissariat du [Localité 6] contre X pour usage frauduleux de son numéro de carte bancaire alors qu’il n’était plus en possession de celle-ci.
Le 21 septembre 2018, les deux chèques d’un montant respectif de 19 300 euros et de 22 600 euros ont été rejetés par la banque pour défaut de provision.
Le 15 février 2019, M. [Z] a déposé plainte au commissariat de police du [Localité 6] contre X pour des faits d’escroquerie et d’émission de chèques volés.
Par courrier recommandé en date du 22 février 2019, envoyé avec avis de réception revenu non réclamé, la banque a notifié à son client un solde débiteur du compte à hauteur de 41 686,62 euros, l’a informé de la clôture du compte et l’a mis en demeure de régler sous 15 jours le solde débiteur de compte.
Le 22 février 2019, la banque a informé M. [Z] qu’à défaut de régularisation sous 30 jours, il serait inscrit au fichier des incidents de remboursement des crédits des particuliers géré par la Banque de France pour une durée de cinq années.
Par exploit d’huissier en date du 10 août 2020, la société BNP Paribas a fait citer M. [Z] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois aux fins de voir constater la déchéance du terme prononcée et la dire régulière et, à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire pour manquements graves du défendeur à son obligation principale de remboursement et de condamner le défendeur à lui payer la somme de 42 220,20 euros au titre du solde débiteur du compte-chèques, avec intérêts de droit à compter du 22 février 2019, date de la mise en demeure et ce, jusqu’à parfait paiement.
Par jugement contradictoire en date du 17 mars 2022, le juge des contentieux de la protection a, en application des articles L. 131-1-1, L. 131-16 alinéa 1er L. 131-19 du code monétaire et financier :
– débouté la société BNP Paribas de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– condamné la société BNP Paribas à payer à M. [Z] la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge des contentieux de la protection a retenu que la banque avait manqué de vigilance et commis une faute au regard :
– du caractère inhabituel du montant respectif des deux chèques déposés en comparaison avec les sommes régulièrement versées sur le compte de M. [Z] depuis l’ouverture du compte qui ne dépassaient jamais 1 055 euros, justifiant une attention particulière de sa part et une vérification de leur conformité,
– de l’absence totale de concordance entre les signatures portées au verso des chèques pour l’endos et l’exemplaire de la signature de M. [Z] que détenait la banque depuis l’ouverture du compte et de la signature portée sur la carte nationale d’identité de M. [Z].
Le juge a conclu que M. [Z] ne pouvait pas être tenu responsable des virements, retraits et paiements par carte intervenus sur son compte, d’autant plus qu’il n’avait pas été mis en cause durant l’enquête pénale qui a suivi ces faits.
Par déclaration en date du 17 mai 2022, la société BNP Paribas a formé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées par RPVA le 17 janvier 2023, la société BNP Paribas demande à la cour de :
– la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée ;
– réformer le jugement du 17 mars 2022 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, au visa des articles 1134 et suivants anciens, 1103 et suivants nouveaux du code civil, L. 311-1 et suivants du code de la consommation, subsidiairement 1184 ancien et 1224 et 1227 nouveaux du code civil, L. 133-16, L. 133-4 et L. 133-44 du code monétaire et financier,
– la dire et juger recevable et bien fondée en sa demande ;
– juger qu’elle n’a commis aucune faute à l’égard de M. [Z] ;
– dire et juger M. [Z] mal fondé en ses moyens et demandes et l’en débouter en toutes fins qu’ils comportent ;
– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 42 220,20 euros au titre du solde débiteur du compte-chèques n° 01450329, avec intérêts de droit à compter du 22 février 2019, date de la mise en demeure, et ce jusqu’à parfait paiement ;
– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Au soutien de son appel, la banque rappelle tout d’abord qu’elle est tenue à un principe de non-immixtion et de non-ingérence, imposant aux banques de ne pas intervenir dans les affaires de leurs clients, et ce afin d’une part d’assurer la protection du client contre les ingérences du banquier dans ses propres affaires et afin d’autre part de préserver l’établissement des actions en responsabilité qui pourraient être engagées contre lui par son client en raison d’opérations accomplies par celui-ci qui se seraient révélées préjudiciables.
Elle estime ne pas disposer d’un pouvoir d’investigation sur l’origine et l’importance des fonds versés et ne peut que vérifier la régularité formelle de l’encaissement d’un chèque, en particulier elle n’a aucune obligation de s’enquérir de l’existence d’une provision.
Elle considère par ailleurs que M. [Z] avait connaissance de la remise de cet appoint, et que c’est la raison pour laquelle il a aussitôt utilisé la provision correspondante par des débits du même montant, sans affecter ainsi le solde de son compte courant, et que les opérations de virements ont été effectuées avec ses identifiants et mots de passe et à l’aide de son code secret.
Elle ajoute avoir dès le lendemain de la remise des chèques, procédé manuellement à une écriture d’isolement de la provision par débit le 14 septembre 2018 mais qu’entre temps des virements, un paiement et un retrait d’espèces avaient été effectués.
S’agissant de la réalisation de ces paiement, retrait et virements litigieux, la banque fait valoir que les virements ont été effectués par M. [Z] à l’aide de son code secret avec ses identifiant et mot de passe, soit une authentification forte et qu’ainsi il a participé par négligence ou par complicité à la commission de son préjudice.
Elle soutient que le titulaire du compte ne peut s’exonérer de cette obligation de remboursement qu’en établissant la faute prétendue de la banque et le lien de causalité direct entre le manquement allégué et la réalité du dommage subi ; elle considère que M. [Z] porte l’entière responsabilité des opérations enregistrées à son compte puisque ces dernières répondaient à ses ordres et qu’il a ainsi volontairement apporté son concours à des opérations « marginales » ; que le préjudice qu’il allègue serait la conséquence des retraits d’espèces et virements qu’il a volontairement effectués.
Elle conclut à la tardiveté de la plainte pour disparition de sa carte bleue par M. [Z] qui n’a eu lieu qu’après le débit de l’ensemble des opérations litigieuses sur son compte. Elle estime que son client a manqué à son devoir de garde de ses moyens de paiement alors qu’il n’a jamais signalé en temps utile leur perte à la banque.
Enfin, elle allègue que M. [Z] ne peut qu’être à l’origine des retraits et virements opérés sur son compte alors que l’activation de nouveaux bénéficiaires pour les virements a été réalisée à partir de son compte personnel sur l’application « mabanque », présente sur son téléphone portable dont il n’a jamais argué du vol, grâce à une clé digitale qui est un système d’authentification forte pour les opérations en ligne.
Par conclusions du 28 octobre 2022, M. [Z] demande à la cour :
À titre principal, de :
– débouter purement et simplement la société BNP Paribas de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
À titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement entrepris et faire droit aux demandes de la société BNP Paribas, de :
– lui accorder un report de paiement de 24 mois de toutes condamnations, intérêts et frais prononcés à son encontre, à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, au titre de l’article 1343-5 du code civil ;
À titre infiniment subsidiaire, de :
– lui accorder un délai de paiement de 24 mois de toutes condamnations, intérêts et frais prononcés à son encontre, à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, au titre de l’article 1343-5 du code civil ;
En tout état de cause de,
– condamner la société BNP Paribas à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de son argumentation, l’intimé fait valoir que la BNP Paribas a commis une faute en ne contrôlant pas l’endos des chèques remis, malgré leur montant inhabituel, en ne procédant pas à des opérations lui permettant de mettre à jour la différence manifeste entre la signature présente sur les deux justificatifs de dépôt et celle présente sur sa carte d’identité , et en ne suspendant pas les ordres de virements passés sur son compte bancaire en dépit de leur multiplicité, du montant et de leurs destinataires non habituels pour partie situés à l’étranger.
Il souligne également qu’il a, le 14 septembre 2018, soit en temps utile, déposé plainte et pris attache avec la société BNP Paribas pour faire opposition à sa carte bancaire en raison d’une utilisation frauduleuse ; que la banque n’a contesté que les oppositions relatives au retrait d’espèces et à l’achat par carte bancaire.
Il rappelle que la procédure pénale pour escroquerie, initiée par lui, s’est achevée le 29 décembre 2020 sans qu’il ne soit inquiété, alors que l’auteur des faits a été identifié mais n’a pas été retrouvé.
Si la cour faisait droit aux demandes de la société BNP Paribas, M. [Z] demande des délais de paiement au regard du fait qu’il n’est pas en capacité financière de rembourser cette somme puisqu’il a souhaité ne plus être salarié pour se concentrer sur sa nouvelle entreprise, qu’il emploie son temps disponible bénévolement au service d’une association et qu’il est hébergé chez ses parents dont les ressources sont très faibles.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience le 5 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le présent litige est relatif à une convention d’ouverture en date du 22 décembre 2017 soumise aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la recevabilité de la demande en paiement
En application de l’article R. 312-35 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. En application de l’article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d’une demande en paiement de vérifier d’office, même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur, que l’action du prêteur s’inscrit bien dans ce délai.
En l’espèce, par acte sous seing privé du 22 décembre 2017, M. [Y] [Z] a ouvert auprès de la société BNP Paribas un compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX04] ne comportant aucune autorisation de découvert.
Les relevés du compte communiqués pour la période du 25 février 2018 au 25 mars 2019 attestent de ce que le compte a fonctionné en position créditrice de manière continue jusqu’au 10 septembre 2018, et que le premier incident de paiement non régularisé date du 13 septembre 2018 lors de la remise de deux chèques de 19 300 et 22 600 euros qui se sont révélés être sans provision le 21 septembre 2018, puis de 15 virements au débit du compte les 13 et 14 septembre 2018 pour des sommes de 2 500 euros (12 virements), 4 999 euros, 2 700 euros et 2 300 euros, soit une somme totale de 39 999 euros.
La société BNP Paribas devait donc agir avant le 10 septembre 2020.
En introduisant son action par acte du 10 août 2020, soit dans le délai imparti, la société BNP Paribas est par conséquent recevable.
Sur la demande en paiement de la société BNP Paribas
1/ sur l’encaissement des chèques
L’article L. 131-19 du code monétaire et financier dispose que : « L’endossement doit être inscrit sur le chèque ou sur une feuille qui y est attachée, dite allonge. Il doit être signé par l’endosseur. La signature de celui-ci est apposée, soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit ». La banque est tenue de relever les anomalies apparentes qu’elles soient matérielles (retouches, surcharges sur documents bancaires) ou intellectuelles, lorsque certains éléments laissent penser à une opération illicite.
En l’espèce, il est acquis que les chèques de 19 300 euros et de 22 600 euros remis à l’encaissement le 13 septembre 2018 au crédit du compte de M. [Z] se sont révélés sans provision le 21 septembre 2018 et que dans l’intervalle, le 13 septembre 2018, sept virements pour 19 999 euros ont été inscrits au débit de son compte, puis le 14 septembre 2018, huit virements pour 20 000 euros, ont été inscrits au débit de son compte, de sorte que le compte présentait un solde débiteur de 41 518,17 euros au 25 septembre 2018.
Il est communiqué aux débats copie des chèques litigieux de la lecture desquels il ressort que :
– le premier chèque a été émis le 7 septembre 2018 à [Localité 7] du compte de la société HC Consulting ouvert dans les livres de la société BNP Paribas, pour une somme de 19 300 euros au bénéfice de [Y] [Z],
– le deuxième chèque a été émis le 7 septembre 2018 à [Localité 7] du compte de la société HC Consulting ouvert dans les livres de la société BNP Paribas, pour une somme de 22 600 euros au bénéfice de [Y] [Z].
Les chèques comportent en leur dos le numéro du compte bénéficiaire lequel correspond au numéro de compte de M. [Z] à la BNP Paribas à savoir le n° 00001450329. Une signature est apposée au dos de chacun des chèques.
La banque ne fournit aucune explication sur le mode de dépôt des chèques sur le compte de M. [Z] : aucun bordereau de dépôt de ces chèques n’est fourni et la banque n’indique pas de quelle manière ces chèques lui ont été remis (dépôt en agence, au guichet, à une borne, par envoi postal).
Il résulte de la convention de compte de dépôt que M. [Z] bénéficiait d’une facilité de caisse de 300 euros.
A la lecture de l’historique de compte produit, il apparaît que le compte bancaire n° [XXXXXXXXXX04] ouvert par M. [Z] dans les livres de la société BNP Paribas depuis neuf mois présentait des mouvements réguliers mais ne portant que sur de très faibles montants, les opérations en crédit étant seulement constituées de son salaire d’un montant de 1 000 euros en moyenne outre un virement en espèces de 350 euros le 28 juillet 2018.
Ses dépenses n’étaient constituées que par des paiements de factures, des règlement d’achats par carte bancaire pour des montants généralement inférieurs à 130 euros (l’immense majorité des règlements s’échelonnant entre 2 et 20 euros), prélèvements Navigo ou Bouygues, retraits d’espèces entre 20 et 300 euros et hormis les virements litigieux, son compte n’a jamais été émetteur du moindre virement.
Dès lors l’encaissement de deux chèques de 19 300 euros et 22 600 euros émis par la société HC Consulting constituait non seulement un événement inhabituel, mais dans le cas de M. [Z] un événement pouvant être qualifié d’exceptionnel puisqu’il ne s’était jamais produit, lequel ne pouvait donc qu’attirer l’attention de la banque et lui imposait, du fait de son devoir de vigilance, une vérification plus poussée des éléments apparents desdits chèques.
Le fait que le numéro de compte de M. [Z] figure au dos n’était pas de nature à la dispenser de cette vérification, le rôle de cette mention étant de permettre l’identification du compte à créditer mais non la sincérité de la signature qui doit aussi y être apposée et ne dispense en outre en aucun cas la banque de son devoir de vérification de cette signature. En outre le numéro de compte bancaire d’une personne ne fait pas partie des éléments confidentiels à ne jamais transmettre, apparaît sur tous les chèques qui sont remis par lui à ses créanciers et sur les relevés d’identité bancaire qui sont réclamés par de nombreuses administrations et établissements. Il s’agit donc d’un élément d’information qui circule sans faute du détenteur du compte, entre de très nombreuses mains, sans que l’on puisse exiger du titulaire qu’il ait le moindre contrôle sur cette circulation.
La signature de l’endosseur est donc un élément déterminant de l’accord du titulaire du chèque pour l’encaissement et la banque se doit de vérifier la conformité de cette signature avec celle qu’elle détient, d’autant que le chèque est d’un montant très important et parfaitement inhabituel, ce qu’elle n’a pas fait. Or la banque disposait d’un spécimen de la signature de M. [Z] sur la fiche de recueil de signature réalisé lors de l’ouverture du compte et de la copie de sa carte nationale d’identité. La comparaison de ces éléments et des signatures qui apparaissent au dos des chèques litigieux démontrent suffisamment que la signature apposée au dos des chèques et similaire sur les deux n’est pas celle de M. [Z].
La cour ne peut que constater que la société BNP Paribas est curieusement taisante dans ses écritures sur les vérifications par elle effectuées lors de cet encaissement et paraît de fait ne pas en avoir fait du tout puisqu’elle se borne à soutenir que dès lors que le numéro du compte apparaissait, elle n’avait pas à vérifier cette signature et ne met l’accent que sur les circonstances des virements.
La banque a donc accepté de créditer immédiatement ces chèques sur le compte de M. [Z] sans faire de vérifications suffisantes, ce qui constitue une faute.
Or c’est parce qu’elle a accepté de créditer ces chèques en les portant immédiatement au crédit du compte de M. [Z] et en laissant donc la possibilité de débiter le compte d’un montant équivalent sans en isoler la provision sur un compte d’attente, que le compte a présenté un solde créditeur permettant la réalisation des virements pour des montants d’un total cumulé atteignant 39 999 euros.
2/ sur l’exécution des virements
Aux termes des articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l’utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité des dispositifs de sécurité personnalisés et d’informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées. Cependant, c’est à ce prestataire qu’il appartient en application des articles L. 133-19 IV et L. 133-23 du même code de rapporter la preuve que l’utilisateur qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations.
Il est admis que cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.
En cas d’utilisation d’un dispositif de sécurité personnalisé, il appartient également au prestataire de prouver que l’opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
En vertu de l’article L. 133-44 du même code, le prestataire de services de paiement applique l’authentification forte du client définie au f de l’article L. 133-4 lorsque le payeur :
1° Accède à son compte de paiement en ligne ;
2° Initie une opération de paiement électronique ;
3° Exécute une opération par le biais d’un moyen de communication à distance, susceptible de comporter un risque de fraude en matière de paiement ou de toute autre utilisation frauduleuse.
L’article L. 133-4 f définit l’identification forte comme reposant sur l’utilisation de deux éléments ou plus appartenant aux catégories « connaissance » (quelque chose que seul l’utilisateur connaît), « possession » (quelque chose que seul l’utilisateur possède) et « inhérence » (quelque chose que l’utilisateur est) et indépendants en ce sens que la compromission de l’un ne remet pas en question la fiabilité des autres et qui est conçue de manière à protéger la confidentialité des données d’authentification.
En l’espèce, la banque soutient que les virements effectués par internet au profit de tiers ont nécessité l’activation de ces nouveaux bénéficiaires enregistrés sur le compte personnel de l’application « Mabanque » via le service de la clé digitale de M. [Z] sur son téléphone portable, que l’activation de la clé digitale nécessitait de connaître le numéro client et le mot de passe de connexion outre le SMS de validation d’enrôlement de la clé digitale adressé sur le numéro de téléphone du titulaire du compte et qu’une fois la clé digitale activée, tout ajout d’un nouveau bénéficiaire de virement nécessitait de saisir le code secret du numéro associé à la clé digitale sur l’espace en ligne.
Pour autant elle ne démontre aucunement que c’est ce processus qui a été suivi pour la totalité des virements étant observé qu’elle ne produit comme preuves que les pièces 5 et 6 qui ne permettent pas de vérifier que ce processus a été suivi ni qu’il l’a été pour tous les virements.
Il convient de souligner que les virements litigieux ont eu lieu en un trait de temps : les sept du 13 septembre ont eu lieu en deux minutes en pleine journée et les huit du 14 septembre ont eu lieu en six minutes en pleine nuit.
M. [Z] a déposé plainte dès le 14 septembre 2018 à 15h49 au commissariat de police pour vol de sa carte bancaire et a fait opposition sur sa carte pour utilisation frauduleuse le même jour auprès de sa banque à effet le jour même à 10h57 alors que les virements venaient d’avoir lieu quelques heures auparavant.
Cette enquête pénale a permis d’identifier un auteur pour ces opérations mais pas de le retrouver et lui-même n’a pas été poursuivi pour complicité. Il faut donc admettre comme établi qu’il n’est pas l’auteur des virements et que ces éléments personnels d’identification n’ont pas été volontairement communiqués par M. [Z] à des tiers.
Dès lors la banque doit être déboutée de sa demande en remboursement des virements.
3/ sur les opérations réalisées avec la carte bancaire
S’agissant du règlement par carte bancaire et du retrait d’espèces effectué grâce à la carte, M. [Z] l’a déclarée volée dès le 14 septembre 2018. Même s’il ne donne pas de détails sur les circonstances de ce vol, il reste qu’en application de l’article L. 133-24 du code monétaire et financier, il peut en obtenir remboursement et il n’est pas non plus démontré qu’il a commis une imprudence, ceci ne pouvait se déduire de la seule utilisation du code secret de la carte dont au surplus la banque ne précise pas qu’il a été nécessaire pour procéder à ces opérations.
L’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III.
La banque doit donc également être déboutée de sa demande sur ce point.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté la banque de toutes ses demandes.
Sur les autres demandes
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées. La société BNP Paribas succombante est tenue aux dépens d’appel et à verser 2 000 euros à M. [Z] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société BNP Paribas de l’intégralité de ses demandes ;
Condamne la société BNP Paribas à verser à M. [Y] [Z] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens d’appel.
La greffière La présidente