1. Vérifiez toujours la recevabilité de votre recours avant de saisir une commission de recours amiable. Assurez-vous d’avoir formulé une réclamation préalable auprès de l’organisme concerné, conformément aux dispositions légales en vigueur.
2. En cas de contestation des droits à la retraite, n’hésitez pas à demander un relevé de situation individuelle pour vérifier les informations fournies par l’organisme de retraite. Ce document peut constituer une base solide pour contester les décisions prises par l’organisme.
3. Assurez-vous que le calcul de vos points de retraite est effectué conformément aux dispositions légales en vigueur. Vérifiez que l’assiette de cotisation utilisée est correcte et que les abattements appliqués sont justifiés. En cas de doute, n’hésitez pas à demander des explications à l’organisme de retraite et à contester les calculs si nécessaire.
Mme J a contesté les points de retraite attribués par la CIPAV dans son relevé de situation individuelle, et a saisi la commission de recours amiable qui n’a pas répondu. Le Tribunal judiciaire de Vienne a condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite de base et complémentaire de Mme J, à lui remettre un relevé conforme, et à lui verser une somme de 2.000 euros. La CIPAV a fait appel de cette décision, demandant notamment que le recours soit déclaré irrecevable et proposant une attribution différente des points de retraite. Mme J demande la confirmation du jugement, une indemnisation pour préjudice moral, des dommages et intérêts pour les années non renseignées, ainsi que des sommes supplémentaires.
Sur la recevabilité du recours
La CIPAV conteste la recevabilité du recours de Mme [J] en se basant sur l’absence de réclamation préalable formalisée auprès de ses services et sur le caractère indicatif et provisoire du relevé de situation individuelle. Mme [J], quant à elle, estime que le relevé constitue une décision de la caisse susceptible d’un recours immédiat et conteste la minoration de ses points de retraite.
Sur le calcul des points de retraite
La CIPAV justifie le calcul des points de retraite de Mme [J] en se basant sur un abattement sur le chiffre d’affaires pour les points de retraite de base et complémentaire. Mme [J] conteste cet abattement et affirme que l’assiette des droits à retraite doit être le chiffre d’affaires déclaré. Le tribunal confirme les rectifications de points pour certaines années.
Sur la demande de dommages et intérêts pour les années 2012 à 2015
Mme [J] demande des dommages et intérêts pour les années où des données obligatoires sont manquantes dans son relevé de situation individuelle. La CIPAV conteste cette demande en se basant sur l’irrecevabilité du recours.
Sur la demande au titre du préjudice moral
Mme [J] demande des dommages et intérêts pour préjudice moral, affirmant avoir subi une minoration de droits à la retraite et un stress lié à l’impossibilité d’obtenir la rectification de ses droits. La CIPAV conteste cette demande en arguant qu’aucune faute ne peut lui être imputée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
Mme [J] demande des dommages et intérêts pour appel abusif, accusant la CIPAV de décourager les démarches des affiliés. La CIPAV conteste cette demande en soulignant une divergence d’interprétation des textes applicables.
Sur les frais de procédure
Les dépens seront supportés par la CIPAV, qui sera également condamnée à verser une indemnité à Mme [J] en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamnation de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse à verser à Mme [M] [J] :
– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de renseignements.
– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse condamnée aux dépens de la procédure d’appel.
Réglementation applicable
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 455 du code de procédure civile
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Malaury RIPERT
– Me Manon ALLOIX
– Me Dimitri PINCENT
Mots clefs associés
– Recevabilité du recours
– Relevé de situation individuelle
– Commission de recours amiable
– Droits à la retraite
– Autoentrepreneur
– Cotisations
– Abattement
– Points de retraite
– Forfait social
– Régime de retraite complémentaire
– Compensation de l’État
– Obligation d’information
– Préjudice moral
– Responsabilité civile
– Dommages et intérêts
– Appel abusif
– Frais de procédure
– Dépens
– Indemnité de l’article 700 du code de procédure civile
– Recevabilité du recours : Critères juridiques qu’une demande doit remplir pour être examinée par un tribunal ou une autorité compétente, incluant généralement la compétence du tribunal, le respect des délais de recours et l’intérêt à agir.
– Relevé de situation individuelle : Document récapitulatif de l’ensemble des droits acquis par une personne dans le cadre des différents régimes de retraite auxquels elle a cotisé.
– Commission de recours amiable : Instance de la sécurité sociale permettant de contester une décision prise par une caisse de sécurité sociale avant de saisir le tribunal compétent.
– Droits à la retraite : Ensemble des droits accumulés par un individu en fonction de ses années de travail et de ses cotisations, lui permettant de percevoir une pension de retraite.
– Autoentrepreneur : Statut juridique en France permettant à une personne de créer facilement une activité économique indépendante avec un régime fiscal et social simplifié.
– Cotisations : Sommes versées par les employeurs et les travailleurs aux différents régimes de sécurité sociale ou de retraite, servant à financer les prestations.
– Abattement : Réduction appliquée sur une base imposable ou sur un montant à payer, souvent utilisée pour des raisons fiscales ou pour calculer les cotisations sociales.
– Points de retraite : Unités comptabilisées dans certains régimes de retraite complémentaire, déterminant le montant de la pension en fonction du nombre de points accumulés et de la valeur du point.
– Forfait social : Contribution payée par les employeurs sur certains éléments de rémunération ou de prévoyance complémentaire non soumis aux cotisations sociales classiques.
– Régime de retraite complémentaire : Système permettant d’obtenir une pension en plus de la retraite de base, souvent géré par des organismes spécifiques comme l’ARRCO ou l’AGIRC.
– Compensation de l’État : Mécanisme par lequel l’État compense financièrement certains organismes ou individus pour des charges ou des missions d’intérêt général.
– Obligation d’information : Devoir légal de certaines professions ou institutions de fournir des informations claires, précises et complètes à leurs clients ou usagers.
– Préjudice moral : Dommage non matériel subi par une personne du fait d’une atteinte à ses sentiments, à son honneur, à sa réputation ou à son intégrité psychique.
– Responsabilité civile : Obligation de réparer les dommages causés à autrui, que ce soit par négligence, imprudence ou non-respect des lois.
– Dommages et intérêts : Somme d’argent versée à une personne pour compenser les préjudices subis du fait d’un acte illicite ou d’un manquement contractuel.
– Appel abusif : Recours en appel considéré comme non fondé et ayant pour but de retarder l’exécution d’une décision de justice ou de harceler la partie adverse.
– Frais de procédure : Dépenses engagées par les parties dans le cadre d’un litige judiciaire, incluant les honoraires d’avocat, les frais de dossier, etc.
– Dépens : Frais engagés pour les besoins de la procédure judiciaire et qui doivent être remboursés par la partie perdante, incluant les frais d’huissier, de greffe, etc.
– Indemnité de l’article 700 du code de procédure civile : Somme allouée par un tribunal à une partie pour couvrir les frais non inclus dans les dépens, souvent liés aux honoraires d’avocat.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C5
N° RG 22/02300
N° Portalis DBVM-V-B7G-LNAC
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP LECAT ET ASSOCIES
Me Dimitri PINCENT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 25 JANVIER 2024
Appel d’une décision (N° RG 21/00237)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne
en date du 08 juin 2022
suivant déclaration d’appel du 17 juin 2022
APPELANTE :
Organisme CIPAV – CAISSE INTERPROFESSIONELLE DE PREVOYANCE ET D’ASSURANCE VIEILLESSE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Manon ALLOIX, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Madame [M] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Mme Elsa WEIL, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 28 novembre 2023,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations et dépôt de conclusions,
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [M] [J] a édité le 1er août 2020 un relevé de situation individuelle, synthèse de ses droits dans ses régimes de retraite obligatoires, sur le site internet Info Retraite, qui mentionnait concernant la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV), et en sa qualité de diététicienne’:
– en 2009, 26,9 points au régime de base et 10 points au régime complémentaire,
– en 2010, 110,4 points au régime de base et 10 points au régime complémentaire,
– en 2011, 132,3 points au régime de base et 10 points au régime complémentaire,
– en 2016, 291,9 points au régime de base et 42 points au régime complémentaire,
– en 2017, 268,6 points au régime de base et 37 points au régime complémentaire,
– en 2018, 215,8 points au régime de base et 29 points au régime complémentaire,
– en 2019, 278,7 points au régime de base et 37 points au régime complémentaire.
Elle a saisi par courrier du 28 août 2020 la commission de recours amiable de la CIPAV, qui n’a pas répondu à sa contestation.
Le Pôle social du Tribunal judiciaire de Vienne, saisi d’un recours de Mme [J] contre la CIPAV, a par jugement du 8 juin 2022′:
– déclaré le recours recevable,
– condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [J] (37,6 points en 2009, 167,3 en 2010, 200,4 en 2011, 248,9 en 2012, 314,7 en 2013, 366,5 en 2014, 382,5 en 2015, 419,9 en 2016, 393,6 en 2017, 323,4 en 2018 et 417,4 en 2019),
– condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [J] (40 points de 2009 à 2012, 36 en 2013 et 2014, 72 de 2015 à 2017, 36 en 2018 et 72 en 2019),
– condamné la CIPAV à remettre à Mme [J] un relevé de situation individuelle conforme,
– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,
– débouté Mme [J] de ses autres demandes,
– condamné la CIPAV à payer à Mme [J] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens à la charge de la CIPAV.
Par déclaration du 17 juin 2022, la CIPAV a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 27 novembre 2023 et reprises oralement à l’audience devant la cour, la CIPAV demande’:
– l’infirmation du jugement, sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte et débouté Mme [J] de ses autres demandes,
– que le recours soit déclaré irrecevable,
– subsidiairement l’attribution des points de retraite de base suivants’: 24,8 en 2009, 110,4 en 2010, 132,3 en 2011, 164,3 en 2012, 207,7 en 2013, 241,9 en 2014, 252,5 en 2015, 291,9 en 2016, 268,7 en 2017, 215,8 en 2018, 278,8 en 2019′; et l’attribution des points de retraite complémentaire suivants’: 10 pour chaque année de 2009 à 2012, 9 en 2013, 27 en 2014, 27 en 2015, 42 en 2016, 37 en 2017, 29 en 2018 et 37 en 2019,
– le débouté des demandes de Mme [J],
– la condamnation de Mme [J] à lui verser 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et reprises oralement à l’audience devant la cour, Mme [J] demande’:
– la confirmation du jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– la condamnation de la CIPAV à lui verser 3.000 euros en réparation de son préjudice moral,
– en cas de décision d’irrecevabilité sur les exercices 2012-2015, la condamnation de la CIPAV à lui verser 3.000 euros par année non renseignée, soit 12.000 euros,
– la condamnation de la CIPAV à lui verser 5.000 euros pour appel abusif,
– la condamnation de la CIPAV à lui verser 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
Sur la recevabilité du recours
1. – La CIPAV, qui se prévaut de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, estime que le relevé de situation individuelle que Mme [J] s’est procuré via le site internet Info Retraite n’est pas une décision de la caisse, et qu’elle n’a pas formé de demande préalable auprès de ses services. Elle rappelle que figure en bas de chaque page du relevé la mention selon laquelle le document est délivré en l’état de la réglementation et des informations détenues, qu’il présente un caractère indicatif et provisoire, et ne saurait engager les régimes de retraite. La caisse considère donc que Mme [J] ne pouvait pas saisir directement la commission de recours amiable sans réclamation préalable formalisée auprès de la CIPAV.
L’organisme ajoute que l’absence de mention, dans le relevé de situation individuelle, de renseignements pour les années 2012 à 2019 (en fait 2012 à 2015) ne peut pas caractériser une décision de la caisse et doit entrainer l’irrecevabilité du recours.
2. – Mme [J] estime, pour sa part, que le tribunal a jugé à juste titre que le relevé de situation individuelle constituait une décision de la caisse susceptible d’un recours immédiat, cette recevabilité ayant été reconnue par la Cour de cassation et par de nombreuses cours d’appel, un tel relevé étant une comptabilisation de ses droits à la retraite qui est susceptible de lui faire grief. Elle précise que la caisse a pour mission d’enregistrer les renseignements et les droits acquis des assurés autoentrepreneurs et que la consultation des relevés est le seul moyen d’avoir accès à cette comptabilisation des droits actualisés, la caisse refusant de transmettre des informations en cas de demande expresse. Elle ajoute que la CIPAV, membre du groupement d’intérêt public Info Retraite, est légalement tenue de mettre à jour le relevé de situation individuelle de ses adhérents en application de l’article L. 161-17-III du code de la sécurité sociale, et qu’elle a ainsi pu constater la minoration de ses points en violation de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 par application d’un abattement sur ses forfaits de points et par absence de renseignement de tous ses droits acquis pour les périodes de cotisations réglées, en violation de son obligation d’information. Selon Mme [J], un relevé renseigné même partiellement montre un travail accompli sur son compte et implique une décision de la caisse sur le calcul de ses droits à retraite.
Mme [J] ajoute que l’absence de renseignement pour les années 2012 à 2015 est un manquement dont elle n’a pas à pâtir, ayant procédé à ses déclarations à l’URSSAF et ayant réglé son forfait social sur ces années, ce qui doit lui permettre de faire valoir le non-respect par la caisse de ses obligations légales et la comptabilisation de ses droits à retraite sur cette période.
3. – L’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 31 mars 2019, dispose que’: «’Les réclamations relevant de l’article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme.’»
L’article L. 161-17 du même code dans sa version en vigueur du 1er janvier 2017 au 1er septembre 2023, prévoit que’: «’I.- Les assurés bénéficient gratuitement d’un droit à l’information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes.
II.- (…)
III.- Toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.
(‘) L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés.’»
L’article R. 161-10, dans sa version en vigueur depuis le 8 juillet 2019, précise que’: «’Les organismes ou services en charge des régimes de retraite dont relèvent ou ont relevé les bénéficiaires du droit à l’information sur leur retraite prévu par l’article L. 161-17 et qui sont autorisés à collecter et conserver le numéro d’inscription des intéressés au répertoire national d’identification des personnes physiques pour la mise en ‘uvre des droits à l’information sur la retraite prévus à l’article précité sont :
(…)
6° Le groupement d’intérêt public institué par l’article L. 161-17-1.’»
L’article R. 161-11, dans sa version en vigueur depuis le 11 mai 2017, ajoute que’: «’Sauf accord du bénéficiaire portant sur une ou plusieurs autres catégories de données pertinentes au regard de ses droits à retraite et mentionnées dans cet accord, seules peuvent être échangées pour la mise en ‘uvre des droits à l’information sur la retraite prévus à l’article L. 161-17 tout ou partie des données suivantes :
(‘)
5° Selon les régimes, les dates de début et, s’il y a lieu, de fin d’affiliation ou de services ou les années au titre desquelles des droits ont été constitués ;
(‘)
8° Pour chaque année pour laquelle les droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, en mentionnant, s’il y a lieu, le fait générateur de cette prise en compte lorsqu’il a une incidence sur l’âge d’ouverture ou le montant de la pension’».
L’article D. 161-2-1-5 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 12 mai 2017, prévoit que’: «’Le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.
(…)
Le relevé est accessible en ligne pour l’assuré.’»
L’article D. 161-2-1-4, dans sa version en vigueur depuis le 12 mai 2017, prévoit enfin que’: «’Sous réserve de l’application des dispositions des 3° et 4° de l’article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l’information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’État), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l’article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :
1° Les données mentionnées à l’article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s’il y a lieu, des cotisations dont l’assuré est redevable à cette date ;
2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d’affecter l’âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.
L’indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l’absence d’engagement de l’organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé.’»
5. – Il est constant qu’une demande d’un assuré social tendant à la prise en compte de périodes d’affiliation et de cotisations susceptibles d’ouvrir des droits à pension est recevable à la seule réception d’un relevé de situation individuelle, sans que les droits de l’assuré ne doivent être appréciés qu’au moment de la liquidation de ses droits à pension (Civ. 2, 11 octobre 2018, 17-25.956).
En l’espèce, qu’il s’agisse d’un relevé de situation individuelle que les organismes adressent d’initiative à partir d’un certain âge à leurs assurés, ou d’un relevé individuel sollicité par l’assuré auprès d’une caisse de retraite en particulier ou du site Info Retraite, les dispositions combinées des articles cités sont identiques.
Le relevé de situation individuelle de Mme [J] traduit, à la date où il est établi ou édité, l’état des droits à retraite de l’assurée auprès des caisses, en en particulier ici de la CIPAV, et son caractère informatif permet précisément d’en contester le contenu s’il fait grief.
Il en résulte que Mme [J] était recevable, dès lors qu’elle l’estimait erroné, à contester devant la commission de recours amiable, puis la juridiction du contentieux de sécurité sociale, le report des durées d’affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur son relevé de situation individuelle, sans attendre la liquidation de ses droits à retraite.
Toutefois, l’absence de renseignements, dans le relevé de situation individuelle litigieux, au titre des années 2012 à 2015 comprises, rend irrecevables les demandes de Mme [J] relative à la fixation des points de retraite de base et complémentaire se rapportant à ces quatre années.
En effet, un relevé de situation individuelle délivré à un assuré qui fait état d’une absence de données ou ne comporte pas de renseignement sur une période ne peut caractériser une décision prise par l’organisme de sécurité sociale compétent pour la détermination des droits à retraite de cet assuré social, à la différence d’un relevé dont les mentions feraient apparaître une absence de validation de droits pour une période considérée (Civ. 2, 1er décembre 2022, 21-12.784).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a jugé le recours de Mme [J] recevable, sauf en ce qui concerne ses prétentions relatives à la fixation de ses points de retraite pour les années 2012 à 2015 comprises.
Sur le calcul des points de retraite
6. – La CIPAV rappelle que Mme [J] relevait du statut d’autoentrepreneur, avec un taux unique de cotisation sur le chiffre d’affaires déclaré, dit forfait social, ouvert aux travailleurs non-salariés dont le chiffre d’affaires était inférieur à un certain seuil fixé réglementairement, l’article D. 131-5-1 prévoyant un taux de 22’% depuis janvier 2018. La caisse ajoute que les cotisations versées à l’URSSAF sont réparties entre différents régimes, qu’elle ne perçoit que 52,5’% du forfait social de l’autoentrepreneur, et que le système de retraite français repose sur un système contributif de sorte qu’il doit y avoir une stricte proportionnalité entre les cotisations payées et les droits acquis.
La CIPAV considère que les revenus à prendre en compte dans le calcul des points de retraite avant 2016 correspondaient au bénéfice non commercial (BNC), et non au chiffre d’affaires. Or, les autoentrepreneurs déclarent un chiffre d’affaires brut mensuel ou trimestriel, c’est-à-dire un montant de recettes brutes sans déduction de charges. La caisse applique donc un abattement de 38’% pour reconstituer un revenu correspondant aux BNC et obtenir une assiette de cotisation équivalente au régime de droit commun, en appliquant les dispositions des articles L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts.
Ainsi, en ce qui concerne les points de retraite de base, la caisse justifie de calculs des points de Mme [J] en retenant ses chiffres d’affaires déclarés après déduction d’un abattement de 38’%.
En ce qui concerne les points de retraite complémentaire, la caisse procède également à un abattement de 38’%, en se fondant sur les dispositions du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 et celles de ses statuts approuvés par arrêté ministériel et applicables à tous ses affiliés. L’article 2 du décret définit les conditions dans lesquelles les cotisations des assujettis sont déterminées en fonction du revenu d’activité, avec une possibilité de réduction des cotisations en fonction du montant de ces revenus. La CIPAV applique donc les réductions, non demandées, en application des dispositions réglementaires applicables et du principe de proportionnalité des droits à la retraite et des cotisations versées. La caisse estime ainsi que les autoentrepreneurs qui sont soumis à un seuil de chiffre d’affaires ne peuvent pas prétendre à 40 points sur la période de 2009 à 2012 ni à 36 points au-delà de 2013, et qu’une distinction doit être opérée entre la période antérieure au 1er janvier 2016 et la période postérieure, date à laquelle a pris fin une compensation du régime par l’État, selon une loi 2015-1702 du 21 décembre 2015. Il était en effet prévu auparavant par les articles L. 131-7 et R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale une compensation pour couvrir la perte de recette induite par le régime de protection sociale des autoentrepreneurs, dans des conditions assurant une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont ils pourraient être redevables. L’article 3-12 bis des statuts de la CIPAV est ainsi venu prévoir à compter de janvier 2016 que pour les bénéficiaires du régime de l’autoentrepreneur, le nombre de points attribué au titre de la retraite complémentaire est proportionnel aux cotisations effectivement réglées. La caisse applique ainsi à Mme [J] un calcul retenant la cotisation la plus faible non nulle dont elle aurait pu être redevable, et souligne que l’attribution de 40 points à l’adhérente reviendrait à rompre l’égalité entre les adhérents de la CIPAV selon qu’ils relèvent ou non du régime de l’autoentrepreneur.
La CIPAV se prévaut également du fait que sa position est validée par le ministère de l’Économie, celui des Affaires sociales et le secrétariat d’État du Budget selon un rapport de la Cour des comptes de 2017, Mme [J] devant assumer le choix qu’elle a fait d’opter pour le statut d’autoentrepreneur.
7. – Mme [J], qui rappelle qu’aucune contestation n’existe sur le paiement effectif des cotisations, se prévaut de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui prévoit une cotisation forfaitaire unique pour les autoentrepreneurs, calculée sur le chiffre d’affaires du mois ou du trimestre précédent. Elle ajoute que l’article 2 du décret n° 79-262 a prévu un régime obligatoire de retraite complémentaire avec un nombre de points attribué annuellement procédant directement de la classe de cotisation de l’affilié déterminée en fonction du revenu d’activité.
Mme [J] conteste l’application d’un abattement sur le chiffre d’affaires pour le calcul des points de retraite de base qui aboutit à une minoration injustifiée de ses droits.
Sur le revenu de référence, Mme [J] fait valoir que l’assiette du calcul des cotisations est le chiffre d’affaires en se fondant sur l’article L. 133-6-8 qui déroge aux dispositions de l’article L. 131-6 consacré au régime classique des professionnels libéraux, pour garantir aux autoentrepreneurs l’acquisition de droits identiques à ceux des autres professionnels libéraux par référence à un niveau de contribution réputé équivalent. L’intimée ajoute que la détermination des trimestres acquis se fait par référence au chiffre d’affaires également, en application de l’article D. 643-3 du code de la sécurité sociale, et que l’application de l’abattement de 38’% n’a aucun fondement textuel pour aboutir à un BNC théorique à proscrire.
Mme [J] estime que les relations financières entre l’État et la CIPAV sont étrangères à la comptabilisation de ses droits à la retraite, et que seul l’article 2 du décret fixe la méthode de calcul des points de retraite complémentaire, le principe de proportionnalité dont se prévaut la caisse n’étant fondé sur aucun texte ni sur aucune jurisprudence, et incompatible avec les termes du décret qui vise un octroi de points forfaitaires et non proportionnels. Elle ajoute que le décret prime sur les statuts qui n’ont que valeur d’arrêté ministériel, et intéressent seulement le fonctionnement interne de la CIPAV ainsi que cela a été jugé par la Cour de cassation.
8. – L’article L. 133-6-8 a disposé, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2009 au 23 avril 2009, que’: «’Par dérogation aux cinquième et dernier alinéas de l’article L. 131-6 (à l’article L. 131-6-2 à compter du 23 décembre 2011), les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts’», étant ajouté dans la version en vigueur du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2016, «’de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.’»
La version en vigueur depuis le 1er janvier 2016 prévoit de la même manière que’: «’Les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée aux mêmes articles, de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas du régime prévu au présent article.’»
L’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 relatif au régime d’assurance vieillesse complémentaire des architectes, agrées en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils prévoyait, entre le 21 juin 1985 et le 1er janvier 2023 que la cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l’article 5, son revenu professionnel net provenant de l’activité libérale, et à compter du 30 décembre 2012, son revenu d’activité tel que défini à l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.
Il est constant qu’il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux autoentrepreneurs affiliés à la CIPAV, que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité, et qu’il n’existe pas de lien direct et impératif entre l’absence de compensation appropriée par l’État des ressources de la CIPAV et le montant des prestations que celle-ci sert à ses affiliés, les dispositions des articles 3.12 ou 3.12 bis de ses statuts n’étant pas applicables aux assurés (Civ. 2, 23 janvier 2020, 18-15.542).
9. – En l’espèce, et en application de ces dispositions, l’assiette des droits à retraite de base de Mme [J] doit être le chiffre d’affaires déclaré par l’assurée et non un bénéfice non commercial reconstitué après une déduction de 38 %.
S’agissant du régime de retraite complémentaire, s’il est pris en compte par le décret précité, pour la détermination de la classe de cotisation, du montant de la cotisation et du nombre de points attribués, le revenu d’activité tel que défini à l’article L. 131-6, soit pour les travailleurs individuels le revenu pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu, il est prévu par dérogation expresse à ces dispositions qu’il est pris en compte, d’après l’article L. 133-6-8, pour le calcul de l’assiette des cotisations des autoentrepreneurs sous forme de forfait social, le montant de leur chiffre d’affaires.
De plus, cet article L. 133-6-8 spécifie que ce forfait social dont sont redevables les autoentrepreneurs est ainsi fixé «’de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas du régime prévu au présent article’». Le principe de proportionnalité entre les droits attribués et le montant des cotisations versées, dépendant d’un forfait social fixé par l’État dans le cadre d’un dispositif simplifié de création d’entreprise individuelle voulu attractif, n’est donc pas opposable à Mme [J].
Par ailleurs, si les montants de cotisations ainsi calculés pour un travailleur indépendant ordinaire et pour un travailleur indépendant relevant du régime de l’autoentrepreneur ne sont pas forcément identiques, le système de compensation versée par l’État en application du principe contenu à l’article L. 131-7, auquel il a été mis fin à partir de 2016, ne concerne que les rapports entre l’État et la CIPAV et n’est pas opposable à Mme [J], en sa qualité d’ affiliés comme autoentrepreneur.
Enfin, la CIPAV ne peut davantage se prévaloir de l’article 3-12 bis de ses statuts, approuvés par arrêté ministériel et de valeur juridique inférieure à celle du décret de 1979, ou de l’article 3-12 de ses mêmes statuts faute de demande expresse de Mme [J] pour voir réduites ses cotisations.
Le jugement sera donc confirmé en ce qui concerne les rectifications de points pour les années 2009 à 2011 et 2016 à 2019.
Sur la demande de dommages et intérêts portant sur les années 2012 à 2015
10. – A titre subsidiaire en cas d’irrecevabilité de ses demandes principales pour les années 2012 à 2015, Mme [J] fait valoir qu’elle prouve avoir payé les cotisations dues pour ces exercices et que la caisse devra l’indemniser pour le manquement à son obligation d’information au titre de cette période, au regard des dispositions des articles L. 161-17-II, R. 161-11, D. 161-2-1-4 appliquées par la Cour de cassation. Dès lors que des données obligatoires sont éludées dans le relevé de situation individuelle du 1er août 2020, la CIPAV a commis une faute au visa de l’article 1240 du code civil.
Mme [J] précise qu’elle devait pouvoir s’assurer de la réalité des droits à la retraite acquis correspondant aux cotisations effectivement payées, et qu’elle a souffert d’un préjudice moral du fait de l’indifférence de la caisse au regard des cotisations versées et de l’anxiété découlant du fait de cotiser à fonds perdu.
11. – La CIPAV fait seulement valoir que l’absence de mention devait entraîner l’irrecevabilité du recours.
12. – Au visa des articles L. 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale déjà cités, il a été jugé que, selon le troisième de ces textes, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte les données mentionnées au second de ces textes ; selon celui-ci, ces données comportent notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, en mentionnant, s’il y a lieu, le fait générateur de cette prise en compte lorsqu’il a une incidence sur l’âge d’ouverture ou le montant de la pension, ainsi que les mêmes données non susceptibles d’être rattachées à une année donnée (Civ. 2, 16 février 2012, 11-10.646).
13. – En l’espèce, Mme [J] a obtenu le 1er août 2020 sur le site en ligne Info Retraite un relevé de situation individuelle ne comportant ses droits acquis auprès de la CIPAV que pour les années 2009 à 2011 et 2016 à 2019, alors qu’il n’est pas contesté qu’elle s’est bien acquittée du forfait social pour les années 2012 à 2015.
Manifestement, la CIPAV a manqué sans s’en expliquer à ses obligations de mise à jour des informations disponibles pour Mme [J] sur l’étendue de ses droits à retraite constitués année par année en contrepartie des cotisations versées, la mettant tout à la fois dans l’impossibilité de les vérifier et d’exercer utilement un recours immédiat, et la plaçant dans l’incertitude quant à l’étendue et au montant de ses droits futurs à pension.
Cette omission fautive lui a causé un préjudice moral spécifique pour ces quatre années ouvrant droit à des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun de l’article 1240 du code civil, qui seront évalués à la somme de 2.000 euros par année manquante, soit 8 000 euros au total, somme que la CIPAV sera condamnée à lui verser.
Sur la demande au titre du préjudice moral
14. – Mme [J] fait valoir de manière générale qu’elle a subi une minoration de droits à la retraite et un stress lié à un sentiment d’impossibilité d’obtenir la rectification de ses droits, et l’impression d’une indifférence et d’un mépris de la CIPAV à son égard lorsque celle-ci a prétendu n’avoir pas pris de décision à son encontre. Elle conteste donc le débouté de sa demande sur ce point par le tribunal.
15. – La CIPAV estime qu’aucune faute ne peut lui être imputée en présence d’une divergence d’interprétation des textes applicables et de décisions de cours d’appel ou de pôles sociaux ayant confirmé sa position.
16. – En l’espèce, le fait pour la CIPAV, à l’occasion de la divergence d’interprétation de dispositions complexes, d’opposer le principe de proportionnalité entre les cotisations versées et les points attribués prévu par ses statuts pour assurer l’égalité entre ses affiliés, n’est pas en soi une faute ouvrant droit à dommages et intérêts, mais relève de l’exercice normal des voies de droit. Au surplus, Mme [J] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct des frais irrépétibles qu’elle expose à l’occasion de la procédure engagée devant la juridiction de sécurité sociale.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
17. – Mme [J] fait valoir, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, que la CIPAV n’ignore pas que son attitude est illicite puisqu’elle ne conteste pas les décisions d’appel rendues à son encontre, qu’elle entend décourager les démarches des affiliés et profiter de l’effet suspensif lié à l’appel. Elle souligne que la caisse continue à refuser de mettre en ‘uvre les principes dégagés par la Cour de cassation depuis 2020 et qu’aucune démarche de régularisation des autoentrepreneurs français n’est entreprise, obligeant chacun à engager une procédure fastidieuse et dissuasive, provoquant un engorgement des rôles des juridictions. Elle ajoute que la caisse condamnée sur une période circonscrite ne régularise pas davantage les années ultérieures.
18. – La CIPAV se limite à contester l’absence de préjudice pour Mme [J] et une divergence d’interprétation des textes applicables.
19. – En l’espèce, le jugement est partiellement infirmé quant à la recevabilité du recours de l’intimé et l’appel ne peut donc pas être qualifié d’abusif.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur les frais de procédure
20. – Les dépens seront supportés par la CIPAV qui succombe.
L’équité et la situation des parties justifient que Mme [J] ne conserve pas l’intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et la CIPAV sera condamnée à lui payer une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi’:
Confirme le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Vienne du 8 juin 2022 sauf en ce qu’il a condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite de base et les points de retraite complémentaire acquis par Mme [M] [J] entre 2012 et 2015,
Et statuant à nouveau,
Déclare irrecevable le recours de Mme [M] [J] portant sur la rectification de ses points de retraite complémentaire et de retraite de base acquis auprès de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse pour les années 2012 à 2015,
Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse à verser à Mme [M] [J] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de renseignements sur ses droits acquis à la retraite de base et complémentaire pour les années 2012 à 2015,
Y ajoutant,
Déboute Mme [M] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à payer à Mme [M] [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président