Une société a constaté que la saisie sur le moteur de recherche Google des lettres « kriss / » ou « kriss laure », faisait apparaître la suggestion « kriss laure secte » (1). Soutenant que l’association de ces mots constituait une injure publique envers un particulier, la société a poursuivi la société Google.
L’usage du terme secte a été jugé injurieux (délit d’injure publique). L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne referme l’imputation d’aucun fait », tandis que la diffamation consiste en l’allégation ou l’imputation d’un fait précis qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visé. Le terme de « secte » s’il désignait à l’origine une communauté spirituelle, religieuse ou philosophique, est aujourd’hui empreint d’une connotation péjorative qui désigne sous ce vocable celles qui, parmi ces communautés se livrent à des pratiques moralement ou pénalement condamnables. Faute de toute précision complémentaire et n’étant pas autrement circonstancié, le qualificatif « secte » constitue une invective et caractérise, en tout état de cause, un propos outrageant.
Le directeur de Google (CEO) Larry Page a été jugé comme responsable. En effet, l’article 92-2 de la loi du 29 juillet 1982 prévoit l’obligation pour « tout service de communication au public par voie électronique » d’avoir un « directeur de la publication » précisant que lorsque le service est fourni par une personne morale le directeur de la publication est son représentant légal. La circonstance que cette personne morale est soumise à un droit étranger ne fait pas obstacle à l’application de la loi du 29 juillet 1982 dès lors que le représentant est celui désigné par le droit auquel est soumis la personne morale. Rien ne s’opposait non plus à l’application de la responsabilité en cascade prévue par le droit français dès lors que c’est bien ce droit français qui s’applique au litige.
A noter qu’aucune violation de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’a été retenue (droit à la liberté d’expression). En effet, la fonction de suggestion de recherche de Google ne participe pas à la circulation des idées mais a pour objet de faire gagner du temps au internautes ou a attirer leur attention sur des associations de mots auxquelles ils n’auraient pas spontanément pensé.
La sanction de propos injurieux est également prévue par la loi et par l’alinéa 2 de l’article 10 invoqué, nécessaire dans une société démocratique pour protéger les droits des tiers et parfaitement proportionnée au regard de l’objet de ce service.
(1) La fonctionnalité dénommée Google Suggest propose aux internautes qui effectuent une recherche, à partir des premières lettres du mot qu’ils ont saisies, un menu déroulant de propositions qui comporte une liste de requêtes possibles les dispensant d’avoir à taper le libellé complet de leur recherche. La société KRISS LAURE a pour activité la « vente directe, en marketing de réseaux, de gammes de produits diététiques naturels destinés aux régimes hypocaloriques ».
Mots clés : Responsabilite des moteurs de recherche
Thème : Responsabilite des moteurs de recherche
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 15 fevrier 2012 | Pays : France