En raison de nombreuses vidéos diffusées sur le site Youtube, les sociétés TFl, TFl VIDEO, LCI, e-TFl et TFl INTERNATIONAL ont poursuivi la société YouTube devant le tribunal de commerce de Paris pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitaire. La somme de 150 millions d’euros de dommages et intérêts était demandée à titre d’indemnisation.
Les sociétés du groupe TF1 n’ont pas obtenu la condamnation de la société Youtube pour contrefaçon, cette dernière ayant bénéficié du régime d’exonération de responsabilité des hébergeurs. Une faute distincte a néanmoins été retenue contre la société Youtube : la société n’a pas agit promptement pour retirer les extraits d’oeuvres audiovisuelles en cause (grand prix TF1, extraits du journal télévisé …). Le délai de retrait des vidéos litigieuses n’a été effectué au mieux que dans un délai de 5 jours, ce qui ne pouvait pas être qualifié de délai raisonnable.
L’article 6-1-2 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) définit les prestataires d’hébergement comme “Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services”.
L’article 6-1-7 de la LCEN pose que les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance des informations qu’ils transmettent ou qu’ils stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. Les hébergeurs ne peuvent toutefois pas bénéficier de leur régime dérogatoire de responsabilité s’ils sont en réalité des éditeurs (ce n’était pas le cas en l’espèce). L’éditeur est défini comme « la personne qui détermine les contenus qui doivent être mises à la disposition du public sur le service qu’il a créé ou dont il a la charge. ». L’hébergeur conserve son statut même s‘il:
– Effectue des opérations purement techniques de ré-encodage ou de formatage (cela ne constitue pas « une sélection » des contenus mis en ligne) ;
– Met en place des outils de cadres de présentation et de classification des contenus ; il s’agit là d’opérations visant à « rationnaliser l’organisation du service » et à en «faciliter l’accès à l’utilisateur sans lui commander un quelconque choix quant au contenu qu’il entend mettre en ligne » ;
– Commercialise des espaces publicitaires : cette opération n ‘induit pas une capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne.
La jurisprudence de la Cour de Cassation ainsi que de la CJUE a reconnu le recours à la publicité par un hébergeur comme licite sans que cela le prive de son statut. La « Sélection Vidéo » proposée par Youtube (Vidéos visionnées en ce moment, Les plus récentes, Les plus regardées, Les mieux notées …) ne signifie pas que le site organise le contenu ou contrôle le contenu des vidéos postées et n’emporte pas la qualité d’éditeur.
Aucun contrôle du contenu des vidéos postées ne doit être fait a priori ou a posteriori par la société YouTube. Celle-ci ne peut être tenue pour responsable que si les vidéos ont un caractère manifestement illicite ce qui dans ce cas, l’oblige à déréférencer d’elle-même et sans attendre une décision de justice, les vidéos en matière de pédophilie, de crime contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale (« contenus manifestement illicites »).
Pour tous les autres cas, l’hébergeur qui stocke en vue de leur mise en ligne des signaux d’écrits, d’images et de sons de toute nature fournis par des destinataires de ces services, n’est tenu responsable que pour autant qu’il ait eu une connaissance effective du caractère manifestement illicite des vidéos stockées ou de faits faisant apparaître ce caractère.
Il a été jugé que la société Youtube avait également remplit sa mission d’information auprès des internautes puisqu’elle démontrait avoir mis en place des systèmes d’alerte et de signalement des vidéos à contenu illicite et d’autre part, qu’elle avait avertit les internautes de l’obligation de ne proposer aucune vidéo reproduisant des émissions de télévision, de clips musicaux, de concerts ou de publicités sans avoir obtenu d’autorisation préalable (interdiction stipulée aux conditions générales d’utilisation).
A noter qu’aucun filtrage préalable n’est imposé aux hébergeurs et les contraindre à surveiller les contenus stockés au motif que des internautes indélicats ont posté ou déjà posté des vidéos portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle, reviendrait à instituer ce filtrage a priori interdit par la CJUE.
La connaissance effective du caractère manifestement illicite d’une atteinte aux droits patrimoniaux ou moraux des auteurs ou producteurs ne relève d’aucune connaissance préalable et nécessite de la part des victimes de la contrefaçon qu’ils portent à la connaissance de la société qui héberge les sites des internautes, les droits qu’ils estiment bafoués, dans les conditions prévues à l’article 6-5 de la loi du 21 juin 2004 (la notification de contenus illicites).
Mots clés : Responsabilite des hebergeurs
Thème : Responsabilite des hebergeurs
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 29 mai 2012 | Pays : France