Droit du Logiciel : décision du 24 janvier 2024 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02498

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Arrêt n° 24/00032

24 Janvier 2024

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N° RG 21/02498 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FTEU

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

16 Septembre 2021

20/00354

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt quatre Janvier deux mille vingt quatre

APPELANTE :

S.A.S. BAOMARC AUTOMOTIVE SOLUTIONS FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me Ariane SOSTRAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMÉ :

M. [M] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me Anne-laure MARTIN-SERF, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, en présence de Pauline PRIEUR, Greffier stagiaire

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Jocelyne WILD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat écrit à durée indéterminée et à temps complet, M. [M] [J] a été embauché à compter du 12 janvier 2009 par la SAS Fremac, en qualité d’approvisionneur, niveau 5 coefficient 305, moyennant une rémunération annuelle de 25 200 euros brut.

Par lettre du 15 octobre 2018, la société Baomarc automotive solutions France a notifié à M. [J] une mise à pied disciplinaire d’une journée pour non-respect de la procédure budgétaire.

Par courrier du 3 décembre 2019, à la suite d’une ‘erreur lourde de conséquences dans l’exercice de (ses) fonctions’, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 décembre 2019.

Par lettre du 9 janvier 2020, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Estimant infondé son licenciement pour motif personnel, M. [J] a saisi, par acte introductif d’instance du 26 juin 2020, la juridiction prud’homale.

Par jugement contradictoire du 16 septembre 2021 assorti de l’exécution provisoire, la formation paritaire de la section industrie du conseil de prud’hommes de Metz a notamment :

– dit le licenciement de M. [J] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– dit que la sanction disciplinaire du 15 octobre 2018 n’était pas justifiée ;

– condamné la société Baomarc automotive solutions France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [J] la somme de 39 753,21 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Baomarc automotive solutions France de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Baomarc automotive solutions France aux dépens.

Par déclaration transmise par voie électronique le 13 octobre 2021, la société Baomarc automotive solutions France a interjeté appel.

Saisi par la société Baomarc automotive solutions France, le premier président de la cour d’appel de Metz a, par ordonnance du 6 janvier 2022, dit n’y avoir lieu à sursis à l’exécution provisoire du jugement du 16 septembre 2021, ordonné l’aménagement de l’exécution provisoire et dit que l’employeur devrait consigner la somme de 41 003,21 euros entre les mains de la DRFIP de Meurthe-et-Moselle avant le 4 février 2022.

Le montant a été consigné le 18 janvier 2022.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 30 juin 2022, la société Baomarc automotive solutions France requiert la cour :

– de la recevoir en son appel ;

– d’infirmer le jugement ;

– de dire que le salaire moyen de référence de M. [J] est de 3 507,90 euros brut ;

– de ‘réformer’ le jugement, en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a dit que la sanction disciplinaire du 15 octobre 2018 n’est pas justifiée, en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [J] la somme de 39 753,21 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire sur la totalité du jugement, en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens.

statuant de nouveau,

– de débouter M. [J] de l’intégralité de ses demandes ;

– de condamner M. [J] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de son appel, la société Baomarc automotive solutions France expose:

– qu’elle doit veiller à conserver une chaîne d’approvisionnement à des niveaux de stock minimum, comme tout fournisseur automobile ;

– que le service achats a transféré l’intégralité des besoins en matières premières concernant les références R02 et R06 à la société Robert au cours du second trimestre de l’année 2019, l’ancien fournisseur étant la société ArcelorMittal ;

– que M. [J] était mis en copie des échanges entre ArcelorMittal et le responsable logistique de l’entreprise au sujet du changement de fournisseur, l’intimé devant gérer ce changement ;

– qu’en vertu de son contrat de travail, M. [J] était notamment chargé de l’envoi des prévisions et commandes fermes aux fournisseurs, du niveau de stocks matières premières, du contrôle de la disponibilité de celles-ci avec comme support les systèmes informatiques (‘Galion’) avant le lancement de la fabrication et du suivi des flux d’approvisionnement (gérer les stocks) ;

– que M. [J] étant le seul approvisionneur, il a bénéficié d’une formation sur le système de gestion « Galion ».

Elle estime :

– que, le 9 septembre 2019, M. [J] a adressé à la société ArcelorMittal un programme de livraisons qui n’était pas à jour, le stock n’ayant pas été apuré, alors qu’il avait été mis au courant du tonnage restant dès le 9 juillet 2019 ;

– que le 11 septembre 2019, le salarié a commandé les références R02 et R06 auprès du nouveau fournisseur, la société Robert, sans avoir mis à jour le stock de l’ancien fournisseur, la société ArcelorMittal, sur le système informatique  » Galion  » ;

– que M. [J] a été informé de cette erreur par message électronique de la société ArcelorMittal du 13 septembre 2019, mais n’a pas réagi ;

– que la société Robert, par courriel du 18 septembre 2019, interpellait M. [J] sur le volume de la commande effectuée le 11 septembre 2019 et lui demandait de confirmer l’exactitude de la quantité sollicitée pour le mois de décembre 2019 ;

– que M. [J] n’a pas répondu immédiatement, alors qu’il disposait de tous les éléments ;

– que le fournisseur, contraint par les délais et sans réponse du salarié, a effectué la commande conformément aux données communiquées le 11 septembre 2019 ;

– que M. [J] n’a procédé à la rectification de la commande que le 30 septembre 2019 ;

– qu’elle a appris au mois de novembre 2019 que son fournisseur, la société Robert, avait un surplus de stock, alors que le prix de l’acier était alors en baisse ;

– que c’est seulement après enquête qu’elle a compris que M. [J] avait commis une erreur en ne remettant pas à jour le stock d’ArcelorMittal dans le système informatique ‘Galion’ ;

– que le salarié avait pourtant été mis en garde, à deux reprises, sur sa pratique consistant à utiliser les tableaux Excel à la place du système informatique « Galion »;

– qu’elle a dû, pour ramener sa perte de 37 200 euros à 9 300 euros, accepter de confier l’exclusivité de sa fourniture d’acier à la société Robert, alors qu’elle souhaitait continuer à travailler sur d’autres formats avec la société ArcelorMittal ;

– que les faits reprochés à M. [J] sont très clairement qualifiés d’insuffisance professionnelle ;

– que, si par extraordinaire, le licenciement était requalifié en licenciement pour faute, il est constant que le grief reproché au salarié n’est pas prescrit, au regard de la date de la convocation à l’entretien préalable et du moment auquel elle a ‘appris le problème’, étant observé que tous les échanges ont eu lieu uniquement entre M. [J] et les fournisseurs.

Elle ajoute :

– que M. [J] était chargé de rechercher les transporteurs nécessaires à l’approvisionnement, notamment en cas de risque de rupture, et d’en valider le coût avec sa hiérarchie ;

– que, le 14 novembre 2019, Mme [U], superviseur logistique opérationnelle, a demandé à M. [J] de faire établir un devis urgent auprès d’un transporteur partenaire ;

– que, le jour même, les échanges entre M. [J] et ce transporteur ont abouti à un devis de 757 euros accepté par le salarié sans information et sans accord de sa direction ;

– que n’ayant eu aucun retour de M. [J], Mme [U] a choisi de faire effectuer le transport directement par le fournisseur en raison de l’urgence ;

– que le transporteur mandaté par M. [J] s’est déplacé pour rien, le client étant fermé le samedi ;

– que M. [J] avait déjà été sanctionné pour des faits similaires ;

– que cette nouvelle erreur grossière et répétée dans l’exercice des missions du salarié justifiait le licenciement de celui-ci pour insuffisance professionnelle.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 23 mars 2022, M. [J] sollicite que la cour :

– rejette l’appel de la société Baomarc automotive solutions France ;

– confirme l’intégralité des dispositions du jugement ;

y ajoutant,

– condamne la société Baomarc automotive solutions France, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser, la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il réplique :

– que le licenciement prononcé à son encontre revêt en réalité un caractère disciplinaire et n’est pas un licenciement pour insuffisance professionnelle, étant constaté que la lettre de convocation à l’entretien préalable mentionne une  » erreur lourde de conséquences  » et le fait que l’employeur envisage une  » sanction disciplinaire  » ;

– que ce caractère disciplinaire conduit à l’application du délai de prescription de deux mois concernant l’invocation des faits fautifs ;

– que le grief relatif à l’envoi du 11 septembre 2019 des programmes de livraison n’a fait l’objet d’aucune sanction dans le délai de deux mois ;

– que la société Baomarc automotive solutions France ne prouve pas qu’elle n’a eu connaissance des faits reprochés à l’appui du premier grief qu’à la fin du mois de novembre 2019, alors qu’elle disposait en réalité de tous les éléments dès le 30 septembre 2019 ;

– que la convocation à l’entretien préalable datant du 3 décembre 2019, il y a lieu de considérer cette première faute comme prescrite.

Il affirme :

– que le problème de l’apurement des stocks existait et était connu de l’employeur, ce dernier ayant l’obligation d’absorber le stock résiduel de la société ArcelorMittal ;

– qu’il avait demandé des livraisons de la société Robert, en vertu des accords passés antérieurement au mois de juin 2019, selon lesquels cette entreprise devait fournir 30% du besoin de la société Baomarc ;

– que l’édition du programme de livraison du 11 septembre 2019 lui a été demandée par son chef, M. [B], responsable logistique ;

– qu’il avait indiqué que le programme n’était pas correct, car n’intégrant pas les stocks résiduels de la société ArcelorMittal, mais M. [B] lui demandait tout de même de transmettre ledit programme en l’état et l’a validé avant envoi ;

– qu’il n’était pas responsable des approvisionnements, mais approvisionneur, comme cela est indiqué sur ses fiches de salaire ;

– qu’il utilisait le programme informatique  » Galion  » depuis onze ans sans difficulté ;

– que le logiciel  » Galion  » ne permet pas de faire apparaître un stock séparé et extérieur et donc la prise en compte des stocks de matières d’ArcelorMittal ;

– que certains partenaires de la société Baomarc automotive solutions France rencontraient des difficultés lors de l’utilisation du logiciel  » Galion « , ce qui s’est vraisemblablement produit lors de la commande effectuée auprès de la société Robert;

– que le préjudice invoqué par l’appelante n’a jamais été justifié.

Il ajoute :

– que les fonctions détaillées dans son contrat de travail ne comprennent pas la gestion de transports ;

– que, le 14 novembre 2019, il a été particulièrement réactif, puisque seulement 45 minutes ont séparé le courriel de Mme [U] et la demande d’établissement de devis transférée au transporteur ;

– que Mme [U] n’a procédé à aucune relance ;

– que Mme [U] était bien informée du fait qu’il avait mandaté un transporteur afin d’effectuer l’enlèvement des marchandises et le transport de ces dernières jusqu’au magasin du client ;

– que le transporteur a confirmé qu’il avait échangé téléphoniquement avec Mme [U] au sujet du transport litigieux ;

– que le préjudice allégué par la société Baomarc automotive solutions France n’est pas prouvé;

– qu’il a fermement contesté sa mise à pied du 15 octobre 2018, n’ayant jamais accepté les frais d’immobilisation du transporteur mentionné ;

– qu’il a remis une lettre de contestation dès le 7 octobre 2018, puis fait adresser un courrier par son avocat le 10 novembre 2018.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.

Motivation

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit n’y avoir lieu de statuer concernant le caractère justifié ou non de la sanction disciplinaire du 15 octobre 2018 ;

Confirme le jugement déféré, sauf sur le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la SAS Baomarc automotive solutions France à verser à M. [M] [J] la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne d’office le remboursement par la SAS Baomarc automotive solutions France à Pôle emploi, devenu France travail depuis le 1er janvier 2024, des indemnités de chômage versées à M. [M] [J] du jour du licenciement au jour de l’arrêt prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités ;

Déboute la SAS Baomarc automotive solutions France de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Baomarc automotive solutions France à verser à M. [M] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci en cause d’appel ;

Condamne la SAS Baomarc automotive solutions France aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

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