Droit du Logiciel : décision du 15 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/09926

Notez ce point juridique

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 15 FEVRIER 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09926 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3N5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 février 2022 – Tribunal de proximité de LONGJUMEAU – RG n° 11-21-000176

APPELANTE

La société CAPSOLEIL, société par actions simplifiée à associé unique prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 793 988 361 00051

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Shirly COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0486

INTIMÉS

Monsieur [W] [R] [F]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 8] (CAMBODGE)

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

La société CA CONSUMER FINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N°SIRET : 542 097 522 03309

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l’ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre chargée du rapport

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sixtine GUESPEREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 20 juillet 2017 suite à un démarchage à domicile, M. [W] [F] a passé commande auprès de la société Capsoleil de panneaux photovoltaïques, d’un ballon thermodynamique et d’une isolation sous toiture et il a le même jour souscrit avec la société CA consumer Finance un contrat de crédit destiné à financer ces installations pour un montant de 25 000 euros remboursable sur 125 mois en 120 mensualités.

Par courrier recommandé posté le 8 décembre 2017, M. [F] a sollicité auprès du vendeur l’annulation du contrat avec copie du courrier adressé au préteur. Il faisait valoir que le projet ne pouvait s’autofinancer et qu’il existait des fuites d’eau dans le garage et dans la pergola. Il pointait également les différences de taux, de mensualité et de coût de crédit existant entre le bon de commande et le document émanant du prêteur. Il indiquait en outre que les travaux d’isolation n’avaient pas été réalisés.

Par actes d’huissier du 30 octobre 2020, M. [F] a fait assigner les sociétés Capsoleil et CA Consumer Finance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Longjumeau en annulation des contrats de vente et de crédit lequel, par jugement contradictoire du 24 février 2022, a :

– prononcé la nullité du contrat de vente,

– prononcé la nullité subséquente du contrat de crédit affecté,

– dit que la société Capsoleil devra procéder à la reprise à ses frais des éléments de l’installation au domicile de M. [F] en respectant un délai de prévenance de deux semaines, que la société Capsoleil devra remettre à ses frais la toiture en l’état dans lequel elle se trouvait avant son intervention, que M. [F] devra permettre à la société Capsoleil de venir récupérer les éléments de l’installation installés à son domicile et que la société Capsoleil devra réaliser ces opérations dans le délai de quatre mois suivant la signification du titre exécutoire devenu définitif,

– condamné la société Capsoleil à restituer à M. [F] la somme de 25 000 euros au titre de l’annulation du contrat principal,

– fixé à la somme de 11 000 euros le préjudice subi par M. [F] et en conséquence condamné M. [F] à payer à la société CA Consumer Finance la somme totale de 14 000 euros en remboursement du capital emprunté, déduction faite de son préjudice,

– ordonné la compensation avec les sommes versées jusqu’à présent au titre du prêt,

– condamné la société Capsoleil à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 5 500 euros à titre de dommages intérêts,

– condamné in solidum les sociétés Capsoleil et CA Consumer Finance à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– écarté l’exécution provisoire de la décision.

Le premier juge a relevé des différences entre le bon de commande produit par M. [F] et celui produit par le vendeur. Il a noté qu’aucun des deux ne mentionnait le prix des différents biens, ni la marque de l’isolant sous toiture ni la surface de l’isolation ni ses modalités non plus que le prix global et que l’exemplaire de M. [F] ne mentionnait pas le nombre des panneaux lequel avait manifestement été rajouté sur l’exemplaire acheteur.

Il a écarté toute confirmation de cette nullité en relevant que l’acceptation de la livraison et le remboursement du crédit étaient insuffisants d’autant qu’il n’était pas établi qu’il connaissait les vices dont le contrat était entaché et qu’il avait sollicité son droit de rétractation par courrier posté le 8 décembre 2017 que le vendeur ne contestait pas avoir reçu.

Il a ensuite retenu que le prêteur avait commis une faute dans la remise des fonds au regard des causes de nullité affectant le contrat principal et de l’incohérence existant entre le contrat principal qui mentionnait trois opérations et la demande de financement qui n’en reprenait qu’une. Il a considéré que cette faute avait causé au demandeur un préjudice moral du fait de la procédure et du sentiment de tromperie lié à la signature d’un contrat lacunaire et un trouble de jouissance du fait des travaux réalisés à son domicile et des travaux de désinstallation à venir.

Il a également souligné que le demandeur ne faisait pas état de préjudices supplémentaires, de sorte qu’il devait être débouté de sa demande de condamnation à des dommages intérêts supplémentaires, que le prêteur était bien fondé à demander la condamnation du vendeur en paiement de dommages intérêts et que le vendeur était mal fondé à invoquer un enrichissement sans cause du demandeur puisque ses agissements étaient à l’origine de l’annulation des contrats.

Par déclaration du 20 mai 2022, la société Capsoleil a formé appel de ce jugement.

Par conclusions du 20 juillet 2022, la SAS Capsoleil demande à la cour d’infirmer le jugement du 24 février 2022 et statuant à nouveau, de débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’appelante soutient que l’instance introduite constitue une instance de pure opportunité, le demandeur ne lui ayant jamais adressé de mise en demeure préalable.

Elle fait valoir que M. [F] n’apporte aucun élément de nature à prouver qu’elle lui aurait promis un quelconque rendement de l’installation ou qu’il s’agissait d’une opération blanche et que l’intérêt de l’opération n’est pas uniquement financier mais également écologique.

La société Capsoleil affirme que le bon de commande mentionne les caractéristiques essentielles des produits à savoir le nombre, le type et la marque des panneaux, la puissance unitaire et globale et la durée de la garantie de l’onduleur et des panneaux. Elle ajoute que le prix comprend la livraison, la pose, les pièces, la main d »uvre et le déplacement, la prise en charge des démarches administratives et d’obtention du contrat d’achat avec ERDF comme de l’attestation du CONSUEL, des frais de raccordement.

Elle relève qu’aucun élément n’est produit de nature à étayer le dol invoqué qu’elle conteste.

Elle ajoute que le demandeur, ayant commencé à régler les échéances du crédit depuis deux ans et ayant commencé à revendre de l’électricité, a nécessairement couvert toute éventuelle irrégularité du contrat principal.

Elle souligne que les demandes indemnitaires formulées par la banque à son encontre doivent être rejetées dans la mesure où elle n’a commis aucune faute lors de la conclusion et l’exécution du contrat alors que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds et la vérification du bon de commande.

Par dernières conclusions du 14 octobre 2022, la société CA Consumer Finance demande à la cour :

– de déclarer M. [F] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter ;

– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

– d’infirmer le jugement du 24 février 2022 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de condamner M. [F] à poursuivre l’exécution du contrat de prêt, conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d’amortissement ;

– à titre subsidiaire, si la Cour venait à confirmer le jugement sur la nullité des conventions, d’infirmer le jugement, en ce qu’il lui a reproché d’avoir libéré les fonds au vu d’une attestation de livraison insuffisamment précise et d’avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité, en ce qu’il a jugé que M. [F] avait subi un préjudice et statuant à nouveau de le condamner à lui rembourser la totalité du capital, soit la somme de 25 000 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées, en l’absence de faute et en toute hypothèse en l’absence de préjudice et de lien de causalité ;

– à titre plus subsidiaire, si la cour venait à dispenser les emprunteurs du remboursement du capital, d’infirmer le jugement sur les conséquences de la nullité et de ses fautes et statuant à nouveau de condamner la société Capsoleil à lui payer la somme de 35 151,60 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;

– à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Capsoleil à lui payer la somme de 25 000 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;

– en tout état de cause, de condamner la société Capsoleil à la relever et la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [F] et de condamner tout succombant à lui payer une indemnité d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir que M. [F] ne démontre pas que le vendeur se serait rendu coupable de dol. Elle relève qu’il a exécuté volontairement le contrat en toute connaissance de la cause de nullité en faisant procéder au raccordement, en signant une demande de financement et en revendant le surplus de son électricité à EDF et qu’elle n’a pas manqué à son devoir de mise en garde puisqu’il ressort de la fiche dialogue que le crédit était proportionné aux ressources de l’emprunteur.

Subsidiairement, elle soutient qu’en cas de nullité des contrats, l’emprunteur doit être condamné à rembourser la totalité du capital car elle n’a commis aucune faute en libérant les fonds au vu d’une attestation, d’un procès-verbal de réception sans réserve et d’une attestation de conformité desquels il ressort que l’installation était raccordée sur le réseau domestique, la banque n’ayant pas à vérifier la mise en service et l’obtention des autorisations administratives.

Elle fait également valoir que le demandeur ne fait état d’aucun préjudice en lien avec sa prétendue faute dans la mesure où le vendeur est in bonis et où le matériel a été livré, posé, raccordé au réseau ERDF et mis en service.

Elle ajoute enfin que le vendeur doit être condamné en raison de sa responsabilité délictuelle ou sur le fondement de l’enrichissement injustifié consécutif à la dispense de l’emprunteur de rembourser le capital.

Par ses dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2023, M. [F] demande à la cour :

– de confirmer le jugement du 24 février 2022 en toutes ses dispositions ;

– de débouter les sociétés Capsoleil et CA Consumer Finance de l’ensemble de leurs moyens, fins et conclusion ;

– de déclarer ses demandes recevables et les déclarer bien fondées ;

– à titre subsidiaire, si la Cour ne faisait pas droit à ses demandes considérant que la banque n’a pas commis de fautes, de prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté ;

– en tout état de cause, de condamner la société CA Consumer Finance et la société Capsoleil in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Il fait valoir que le contrat principal est nul car il ne respecte pas les dispositions impératives prévues par le code de la consommation en cas de démarchage à domicile, en particulier celles relatives aux mentions obligatoires devant figurer sur le bon de commande qui n’indique pas la désignation précise des biens, les conditions d’exécution du contrat, le délai de mise en service et de livraison des panneaux et les éléments relatifs au paiement, celles relatives à la rédaction des clauses du contrat en caractères apparents ou de façon claire et compréhensible et celles relatives aux dispositions concernant le bordereau de rétractation qui fait partie intégrante du contrat et ne peut être détaché sans amputer le contrat principal.

Il soutient que le contrat principal est également nul en raison du dol commis par la société Capsoleil qui lui a présenté un bon de commande non conforme, qui a passé sous silence les informations relatives au délai de raccordement, à l’assurance obligatoire à souscrire en cas d’acquisition de tels matériels, à la location obligatoire d’un compteur de production et à la durée de vie des matériels, qui lui a menti sur la rentabilité de l’installation et qui lui a présenté l’opération comme une candidature sans engagement.

Il souligne que l’annulation du contrat principal entraîne celle du contrat de crédit en raison du caractère indivisible de l’ensemble contractuel, et en conséquence leur anéantissement rétroactif et par conséquent la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture.

Il conteste toute confirmation des contrats nuls, faisant valoir son absence de connaissance des vices l’affectant comme le fait qu’il n’avait pas l’intention de les réparer.

Il soutient encore que la responsabilité personnelle de la banque doit être engagée en raison des fautes qu’elle a commises d’une part en octroyant un crédit accessoire d’un contrat nul et d’autre part en libérant les fonds avant l’achèvement de l’installation sur la foi d’une attestation de fin de travaux incomplète comme ne couvrant pas le raccordement au réseau ni sa mise en service, pourtant à la charge du vendeur. Il considère que ces fautes doivent la priver de son droit à restitution du capital car si la banque avait fait preuve de vigilance, il n’aurait pas à rembourser un crédit excessif sur la base d’un contrat nul et souligne que l’opération n’a été possible que grâce au concours de la banque.

A titre subsidiaire, il fait valoir le manquement de la banque à son obligation de conseil, le crédit étant excessif au regard de ses revenus et en déduit que celle-ci doit être privée de son droit aux intérêts contractuels.

M. [F] ajoute enfin qu’il a subi un trouble de jouissance et un préjudice moral au regard des désagréments liés à la réalisation d’importants travaux pour l’installation solaire, du temps perdu en démarches administratives et de l’angoisse d’avoir à supporter le remboursement d’un crédit.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience le 13 décembre 2023.

Motivation

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société Capsoleil de toutes ses demandes ;

Déboute la société CA consumer Finance de ses demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société Capsoleil aux dépens d’appel ;

Condamne la société Capsoleil à payer à M. [W] [F] la somme de 2 500 euros et à la société CA consumer Finance la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top