Droit du Logiciel : décision du 10 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01642

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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/01642 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQYI

Monsieur [MR] [AW]

c/

S.A.R.L. I.B.C

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 mars 2020 (R.G. n°F 19/00030) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 08 avril 2020,

APPELANT :

Monsieur [MR] [AW]

né le 14 Février 1982 à [Localité 3] de nationalité Française Profession : Agent commercial, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Claire COURAPIED, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

SARL IBC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 489 015 859

représentée par Me Franck DELEAGE de la SELARL FRANCK DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [MR] [AW], né en 1982, a été engagé en qualité de VRP exclusif par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 mars 2010 par la SARL IBC, dont l’objet social est la commercialisation de maisons individuelles pour le compte de sociétés de construction.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des voyageurs représentants placiers.

Par lettre du 17 septembre 2018, M. [AW] a demandé à la société une rupture conventionnelle, acceptée le 21 septembre 2018 et signée le 1er octobre 2018, moyennant une indemnité de rupture d’un montant de 7.500 euros.

Par courrier en date du 18 octobre 2018, la DIRECCTE a informé les parties que, sauf décision expresse de sa part, la demande d’homologation de la rupture conventionnelle serait réputée acquise le 7 novembre 2018.

Par courrier recommandé du 24 octobre 2018, M. [AW] a sollicité le paiement de l’indemnité de rupture.

En réponse, par courrier recommandé du 3 novembre 2018, la société IBC a indiqué à M. [AW] que la rupture conventionnelle serait réputée acquise le 7 novembre 2018 et que la fin de son contrat de travail ne pourrait intervenir avant le 8 novembre 2018. Elle lui a également indiqué qu’il bénéficiait d’un droit de suite sur les dossiers ventes qu’il aurait générés et pour lesquels il lui resterait à percevoir la deuxième partie des commissions, mais qu’une éventuelle future annulation ou remise commerciale non autorisée et non connue à ce jour lui serait imputée.

Par courrier daté du 13 décembre 2018, M. [AW] a contesté son solde de tout compte et sollicité le paiement de son indemnité de rupture conventionnelle ainsi que des sommes retenues indûment pat la société sur son salaire et de ses commissions.

Par courrier du 8 janvier 2019, la société IBC a indiqué à M. [AW] les modalités de calcul de son solde de tout compte, l’informant que son solde de commissions à percevoir serait à nouveau imputé et la commission vente perçue reprise, invoquant la découverte d’un courrier d’annulation client et refusant en conséquence de le modifier.

Le 9 avril 2019, M. [IZ], représentant légal de la société, a déposé plainte à l’encontre de M. [AW] au motif d’une soustraction frauduleuse de données informatiques de la société.

Sollicitant le paiement de diverses sommes indûment déduites de son salaire, selon lui, ainsi qu’au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et des dommages et intérêts, M. [AW] a saisi le 7 février 2019 le conseil de prud’hommes de Périgueux qui, par jugement rendu le 9 mars 2020, a :

– condamné la société IBC à verser à M. [AW] la somme de 9.603 euros bruts au titre des salaires et congés payés des mois d’octobre et novembre 2018,

– dit que la somme de 2.487,95 euros représentant les annulations de ventes [AY]-[B] et versée indûment à M. [AW] sera déduite de cette créance,

– condamné la société IBC à remettre un bulletin de salaire rectifié à M. [AW],

– débouté M. [AW] de ses autres demandes,

– débouté la société IBC de ses autres demandes,

– laissé à chaque partie la charge de ses dépens et ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 8 avril 2020, M. [AW] a relevé appel de cette décision.

Moyens

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [AW] sollicite la cofirmation du jugement déféré qui a condamné la société IBC à à lui verser la somme de 9.603 euros bruts au titre des salaires et congés payés des mois d’octobre et novembre 2018.

Au vu de la motivation retenue par le conseil, cette somme correspond en réalité à :

– 2.478,36 euros retenus par la société en avril 2018,

– 1.803,35 euros retenus en octobre 2018,

– 4.448,29 euros retenus en novembre 2018,

– 873 euros pour les congés payés afférents.

*

M. [AW] fait grief à la société d’avoir procédé à des retenues sur ses salaires de mars, avril, mai, juin, octobre et novembre 2018 au titre d’annulations de commissions qu’il a perçues et ce, pour ne pas avoir à lui verser l’indemnité de rupture conventionnelle à lui revenir d’un montant de 7.500 euros. Il soutient que certaines des retenues opérées intéressent des annulations de contrats de 2010, 2011, 2012 et 2013 de sorte qu’elles sont injustifiées car prescrites en vertu des dispositions de l’article L.3245-1 du code du travail. Il affirme que contrairement à ce que prétend la société, les remises commerciales appliquées à certains contrats ne peuvent lui être reprochées et en conséquence retenues à double titre – remises non autorisées et perte sèche pour l’entreprise – car elles ne pouvaient être octroyées sans l’accord de l’employeur.

En revanche, il ne conteste pas la déduction de ses salaires des commissions pour le contrat [AY] et le contrat [B] tous deux annulés.

L’employeur répond notamment que les retenues pratiquées sur les salaires de M. [AW] sont conformes aux dispositions contractuelles et ne sauraient être atteintes par la prescription car le salarié ayant dissimulé à dessein les annulations des contrats pour lesquels il avait indûment perçu des commissions, ce n’est qu’à l’occasion d’un contrôle opéré en mars 2018 sur l’ensemble des commissions versées depuis octobre 2010 que ces annulations ont été découvertes.

***

Le contrat de travail liant les parties prévoit au titre de la rémunération, que M. [AW] percevra, à compter du 1er janvier 2010,un salaire fixe mensuel de 610 euros auquel s’ajouteront les commissions calculées comme suit :

– 1,3 % du chiffre d’affaires (montant de la vente hors taxe) versés en deux fois soit : 50% le mois de la vente de la maison (après constitution du dossier administratif et enquête terrain) et 50% dès que les factures 1 et 2 de la construction seront réglées par le client ;

– en cas d’annulation de la vente pour quelque cause que ce soit, la commission sera reprise en totalité.

Aux termes des dispositions de l’article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit à l’expiration d’un délai de trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Le contrat ayant été rompu le 8 novembre 2018, l’employeur qui indique n’avoir découvert les annulations des contrats litigieux qu’en mars 2018, ne peut prétendre à la restitution des commissions portant sur les contrats annulés antérieurement à novembre 2015, étant précisé qu’en vertu de son pouvoir de direction et de contrôle de l’activité de ses salariés, il lui appartenait de s’assurer que les ventes étaient honorées et qu’il ne peut dès lors se retrancher derrière sa propre négligence.

***

Tenant compte de l’état d’annulation dressé par l’employeur au 16 avril 2019 et de l’état de régulation établi à la même date, il convient dés lors de condamner la société à verser à M. [AW] la somme de 10.686,09 euros au titre des décommisionnements injustifiés pour les ventes Lavaurd d’octobre 2011, [K] de mai 2012, [S] (date indéterminée), [T] de novembre 2013, une vente en mars 2014 sans autre précision, les ventes [O] et [U] en 2010, [W] et [A] en 2012, [P] et [D] en 2013, [LV] et [L] en 2014, [E] et [RI] en mars et avril 2015.

***

S’agissant de l’annulation de la commission relative au contrat Gavinet de novembre 2015, le salarié ne la conteste pas dans son principe mais dans son quantum. Il indique qu’elle est justifiée à hauteur de la somme de 1.005,28 euros telle qu’elle figure sur le tableau établi par l’employeur mais que ce dernier a procédé à une retenue de 1.803,28 euros sur son salaire de sorte qu’il reste redevable du solde, soit la somme de 798,07 euros outre les congés payés afférents.

En réponse, la société précise que le montant de 1.803,28 euros retenu sur le salaire d’octobre 2018 correspond à la commission relative à la vente Gavinet à laquelle s’ajoute celle relative à la vente Noailhac pour un montant de 798,07 euros.

*

Dans la mesure où la société a été condamnée à rembourser le montant de la commission portant sur la vente [L] intervenue en 2014, la demande du salarié, devenue sans objet, sera rejetée.

***

S’agissant de l’annulation des commissions relatives aux contrats [VW], [V], [C] et [Z], le salarié ne la conteste pas dans son principe mais dans son quantum. Il indique qu’elle est justifiée à hauteur de la somme de 4.042,81 euros telle qu’elle figure sur le tableau établi par l’employeur mais que ce dernier a procédé à une retenue de 4.800,81 euros à ce titre de sorte qu’il reste redevable du solde, soit la somme de 758 euros outre les congés payés afférents.

En réponse, la société précise que le montant retenu est conforme à l’addition des quatre commissions litigieuses, soit 4.800,81 euros, ce qui est exact.

Par voie de conséquence le salarié sera débouté de ce chef de demande.

***

S’agissant des retenues sur salaire représentant les régularisations de commissions pour les ventes [Y], [ID]-[GL] et [X]-[G] au motif de remises commerciales octroyées non autorisées, pour un montant total de 4.448,29 euros, le salarié qui en sollicite le paiement, fait valoir d’une part, que la société Maisons Babeau-Seguin pour laquelle l’employeur vend les contrats de construction de maisons individuelles, a développé un logiciel de chiffrage des devis qui génère les contrats si le chiffrage pratiqué par le commercial est compatible avec les prix prévus par la société et d’autre part, que la validation de l’employeur et de la société Maisons Babeau-Seguin est nécessaire dans la base de données pour que le contrat soit édité en conséquence. Il ajoute qu’aucune déduction n’est prévue à son contrat de travail au titre des «’pertes sèches’» de l’entreprise consécutives aux remises commerciales en cause.

L’employeur conteste les affirmations du salarié relatives aux autorisations qu’il aurait obtenues pour l’octroi des remises contestées et soutient que M. [AW] a calculé sa commission sur un chiffre d’affaires dont il n’avait pas déduit les remises accordées par ses soins de sorte qu’il était bien fondé à retenir les commissions indûment perçues ainsi que des sommes au titre du préjudice subi du fait de ces remises accordées, non autorisées.

*

Si l’employeur produit le contrat de construction de la maison individuelle des consorts [ID]-[GL], en revanche il s’abstient de fournir la notice devant y être annexée relative à la description et au chiffrage des travaux «’qui comporte une mention manuscrite et signée du maître de l’ouvrage pour en accepter le coût et la charge’» alors que l’exemplaire de contrat fourni par le salarié, non contesté, conclu pour la société Babeau-Seguin, comporte outre les mentions contractuelles habituelles, le coût de l’ouvrage détaillé poste par poste, la signature et le paraphe de M. [J] [R], représentant de ladite société, de sorte que l’employeur ne peut soutenir qu’avant le démarrage des travaux de construction, il est impossible de savoir si le commercial a accordé ou non une remise pour l’édification de la maison.

Par voie de conséquence, la demande de M. [AW] sera accueillie dans son intégralité.

***

S’agissant de la demande de l’employeur tendant à la condamnation du salarié à lui verser la somme de de 3.986,30 euros représentant des commissions indûment obtenues pour les ventes [F]-[H], [I]-[M] et [DP]-[N] ensuite de remises commerciales non autorisées, il convient au regard des éléments qui sont soumis à la cour d’adopter la même solution que précédemment, le contrat fourni par le salarié comportant une notice détaillée des prix pratiqués ainsi que la signature de M. [R].

Par voie de conséquence les demandes de la société à ce titre seront rejetées.

En outre, au regard du démarrage des travaux de ces trois ventes de construction de maisons individuelles dont il est justifié par le salarié, ce dernier se verra allouer la deuxième partie de sa commission conformément aux dispositions contractuelles, soit la somme totale de 3.985,50 euros.

Au total, la société doit verser à M. [AW] la somme de 19.119,88 euros dont il convient de déduire la somme de 2.487,95 euros au titre de l’annulation des commissions pour les ventes [AY] et [B], point sur lequel les parties s’accordent.

Par voie de conséquence, la société sera condamnée à verser à M. [AW] la somme de 16.631,93 euros outre celle de 1.663,19 euros au titre des congés payés afférents.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

Sur l’indemnité de rupture conventionnelle

Ainsi que le fait valoir M. [AW], la société a déduit de l’indemnité de rupture les sommes dont elle estimait être créancière de sorte qu’il n’a rien perçu au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle.

Il convient par conséquent, eu égard aux développements ci avant, de condamner la société à lui verser la somme de 7.500 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de rupture.

Sur les demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat

La société a indûment retenu une partie non négligeable de la rémunération due au salarié et ne lui a pas réglé l’indemnité de rupture conventionnelle de 7.500 euros, manquant en cela à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.

M. [AW] a subi un préjudice dans la mesure où il a été privé de sommes qui lui étaient dues alors qu’il était dans une situation financière difficile l’ayant contraint à déposer un dossier de surendetemment.

Il lui sera alloué la somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts et la soiété sera en conséquence déboutée de la demande qu’elle a formée sur le même fondement, la décision déférée étant infirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

En considération des condamnations prononcées, la société devra délivrer au salarié un bulletin récapitulatif des sommes allouées, l’attestation destinée à Pôle emploi, un solde de tout compte ainsi qu’un certificat de travail rectifiés en considération du présent arrêt, dans le délai de deux mois suivant la signification de celui-ci.

Par application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil, il convient de dire que les sommes ayant le caractère de créance salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les autres sommes porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef

La société, partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à M. [AW] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamnne la SARL IBC à verser à M. [AW] les sommes suivantes :

– 16.631,93 euros au titre des décommissionnements injustifiés et des commissions dues,

– 1.663,19 euros au titre des congés payés afférents,

– 7.500 euros au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle,

– 2.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Dit que l’employeur devra délivrer à M. [AW] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnation prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SARL IBC aux dépens.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire

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