Droit du logiciel : 7 avril 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08045

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Droit du logiciel : 7 avril 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08045

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/08045 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MWVS

[L]

C/

Société LIDL

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 17 Octobre 2019

RG : 14/05148

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 07 AVRIL 2023

APPELANTE :

[Z] [L]

née le 02 Mai 1991 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Christophe VIGNEAU, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Clotilde FAUROUX, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/036594 du 19/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

INTIMÉE :

Société LIDL

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Nicolas BES de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substituée par Me Emma KUMANI, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société Lidl (ci-après, la société) exerce une activité de commerce à prédominance alimentaire.

Elle applique la convention collective nationale du commerce de détail de gros à prédominance alimentaire.

Elle a embauché Mme [Z] [L], étudiante, à compter du 2 janvier 2012 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 60, 676 heures par mois, en qualité de caissière employée libre-service.

Par plusieurs avenants, la durée de travail de Mme [L] a été modifiée dans les conditions suivantes:

5 novembre 2012 pour un horaire de 30,338 heures par mois, soit 7 heures par semaine,

1er juillet 2013 pour un horaire de 121,35 heures par mois,

11 septembre 2013 pour un horaire de 60,676 heures par mois, soit 14 heures par semaine,

29 avril 2014 pour un horaire de 121,35 heures par mois du 5 mai au 29 juin 2014,

1er juin 2014 pour un horaire de 121,35 heures par mois du 1er juin au 31 août 2014.

Le 31 décembre 2014, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ainsi que le versement de rappels de salaire et de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de visite médicale.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 août 2017, Mme [L], par le biais de son conseil, a pris acte de la rupture de son contrat de travail. Par courrier du 13 septembre 2017, la société a accusé réception de ce courrier.

Par jugement de départage du 17 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a débouté Mme [L] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 16 novembre 2019, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées, déposées le 24 novembre 2020, Mme [L] demande à la cour de :

Débouter la société de ses demandes ;

Infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Prononcer la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein avec effet à partir du 2 janvier 2012 ;

Condamner la société à lui verser la somme de 73 563,64 euros pour non-respect des dispositions légales en matière de temps de travail à temps partiel du 2 janvier 2012 au 31 août 2017, outre 7 356,36 euros de congés payés afférents ;

Condamner la société au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause légal et conventionnel ;

Ordonner la remise d’un bulletin conforme ;

Condamner la société à verser la somme de 3 000 euros à Me Vigneau, au titre de l’article 700, 2° du Code de procédure civile et de l’article 37 de la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle ;

Dire que les condamnations à intervenir porteront intérêts à partir de chaque échéance mensuelle avec capitalisation à partir de la date de la saisine ;

Condamner la société aux dépens et aux frais d’exécution éventuels.

Dans ses uniques conclusions notifiées, déposées le 13 mai 2020, la société demande pour sa part à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et en toutes hypothèses, de :

Débouter Mme [L] de ses demandes ;

Condamner Mme [L] à la somme de 801,90 euros au titre de salaires trop perçus ;

Condamner Mme [L] à la somme de 1 750,58 euros au titre de trop perçus sur les congés payés ;

Condamner la même aux dépens.

La clôture est intervenue le 10 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

Il convient en outre de constater que la demande présentée par Mme [L] au titre de l’absence de visite médicale n’est pas maintenue en cause d’appel.

1-Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat à temps plein

Aux termes de l’article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Cette exigence légale d’un écrit s’applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modifiant la durée du travail ou sa répartition.

En l’espèce, le contrat de travail initial contient la mention suivante : « Le contrat de travail est conclu et accepté pour un horaire mensuel de 60,676 heures. La répartition de la durée du travail entre les semaines du mois se fera à raison de 14 heures par semaine ».

Ainsi, le contrat de travail prévoit la répartition de la durée du travail entre les semaines du mois.

De la même manière, les 5 avenants conclus postérieurement précisent la répartition de la durée de travail entre les semaines du mois.

S’agissant du respect du délai de prévenance, l’article L. 3123-21 du code du travail dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016 dispose que : « Toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu. »

L’article 4 du contrat de travail prévoit qu’en cas de modification de la répartition des heures de travail convenue, Mme [L] en serait informée au moins 2 semaines à l’avance, et que son planning lui serait communiqué par voie d’affichage dans les locaux de travail.

Le contrat de travail étant conforme aux dispositions légales, il revient à Mme [L] d’apporter la preuve que le délai de prévenance n’était pas respecté ou qu’elle était dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu’elle devait se tenir constamment à la disposition de l’employeur. Or elle ne verse aux débats que des attestations imprécises qui ne peuvent constituer une preuve suffisante et le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

S’agissant des heures complémentaires et supplémentaires, Mme [L] soutient qu’au cours des mois d’août 2013, mai, juin et juillet 2014, elle a travaillé plus de 35 heures au moins une semaine par mois.

Toutefois, l’employeur produit des relevés de pointage dont il ressort que sur les périodes litigieuses Mme [L] n’a pas dépassé la durée de travail de 35 heures par semaine civile, puisqu’il convient de déduire du temps de travail comptabilisé ses temps de pause, affichés sous la rubrique « P ».

Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.

2- Sur les temps de pause

Il résulte de l’article L. 3121-33 du code du travail dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016, que dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes.

La preuve du respect de ce plafond incombe à l’employeur.

L’article 5.2.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire énonce que « On entend par « pause » un temps de repos-payé ou non-compris dans le temps de présence journalier dans l’entreprise pendant lequel l’exécution du travail est suspendue.

Une pause payée est attribuée à raison de 5 % du temps de travail effectif.

Les conditions de prise des pauses sont fixées au niveau de chaque entreprise ou établissement.

À défaut d’entente sur ce point, tout travail consécutif d’au moins 4 heures doit être coupé par une pause payée prise avant la réalisation de la 5e heure. Il est, en outre, rappelé qu’en application de l’article L. 220-2 du code du travail aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre 6 heures sans que le salarié bénéficie d’une pause d’une durée minimale de 20 minutes.

La durée des pauses et le paiement correspondant doivent figurer sur une ligne distincte du bulletin de paie ».

Mme [L] affirme qu’elle n’a pas pu bénéficier de ses temps de pause du 1er au 13 juillet 2013.

Elle communique un rapport de travail hebdomadaire pour le mois de juillet 2013 qui le confirme.

La société, qui conteste ce manquement, réplique que la salariée a pu bénéficier de ses temps de pause sans affichage sur le relevé de la badgeuse car celle-ci ne permettait pas de les inclure avant le 16 juillet 2013. Elle ajoute que les temps de pause de la salariée lui ont été réglés et qu’ils apparaissent sur ses bulletins de salaire.

Les bulletins de salaire sont toutefois insuffisants à démontrer la réalité du respect des temps de pause sur la période litigieuse. En outre, l’employeur n’apporte aucun élément à l’appui de ses explications techniques sur les enregistrements de la badgeuse.

La cour condamnera donc la société à verser à Mme [L] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause.

3- Sur la demande reconventionnelle de la société Lidl de remboursement de salaires et congés payés indus

La société fait valoir qu’elle a rémunéré à tort Mme [L] sur la période allant du 22 février au 27 mars 2016, alors qu’elle était absente.

Elle ajoute que la salariée a été indûment réglée de congés payés en raison d’une défectuosité de son logiciel.

S’agissant du salaire perçu malgré son absence, Mme [L] réplique avoir usé de son droit de retrait à la suite de plusieurs braquages dont l’un avait eu lieu la veille dans le magasin dans lequel elle travaillait.

Aux termes de l’article L. 4131-3 du code du travail le salarié ne peut se retirer d’une situation de travail que s’il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut dans ce cas être prise à son encontre.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [L] ne s’est plus présentée sur son lieu de travail à compter du 22 février 2016.

Elle a adressé le 26 février 2016, un courrier à son employeur et au CHSCT pour les informer de l’usage de son droit de retrait en raison du climat d’insécurité généré par les récents braquages ayant eu lieu dans plusieurs magasins, dont celui dans lequel elle travaillait, ainsi que par la défectuosité des stores de sécurité et des portes de sortie du magasin.

La société n’a répondu à la salariée que par courrier du 18 mars 2016 afin de l’informer du bon fonctionnement des portes de sortie, de la volonté délibérée de l’enseigne de ne plus placer de rideaux devant les fenêtres du magasin et de la mise en place d’un agent de sécurité à l’arrivée et au départ du personnel.

Compte tenu de la réalité des braquages reconnus par l’employeur qui ont lieu lors de la sortie du personnel pour les contraindre à retourner dans le magasin, et de la réponse tardive de celui-ci, Mme [L] avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Elle a légitimement exercé son droit de retrait.

S’agissant des congés payés, Mme [L] ne s’oppose pas à la demande, si bien que la cour y fera droit.

4- Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement de départage prononcé le 17 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Lidl à verser à Mme [Z] [L] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;

Déboute la société Lidl de sa demande de remboursement de salaires ;

Condamne Mme [Z] [L] à verser à la société Lidl la somme de 1 750,58 euros au titre d’un trop perçu sur les congés ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Le Greffier La Présidente

 


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