COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 6 avril 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 21/02244 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MB4T
S.A.S. SFR DISTRIBUTION
c/
Monsieur [C] [I]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 mars 2021 (R.G. n°F19/00869) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 15 avril 2021.
APPELANTE :
S.A.S. SFR DISTRIBUTION RCS 410 358 865 Agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité au siége [Adresse 1]
Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée de Me BOUIN substituant Me BENETEAU de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[C] [I]
né le 08 Septembre 1964 à [Localité 5]
de nationalité Française
Profession : Agent Contractuel, demeurant [Adresse 2]
Représenté et assisté par Me Doriane DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
FAITS ET PROCEDURE
Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 10 novembre 1992, la société Eaf a engagé M. [I] en qualité de technicien.
Le contrat de travail de M. [I] a été plusieurs fois transféré. Au denier état de la relation contractuelle, M.[I] était salarié de la société SFR DISTRIBUTION; il occupait le poste de vendeur confirmé, affecté à l’espace SFR du centre Leclerc Grand ‘Tour de [Localité 6].
La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale des commerces et services de l’électronique, de l’audiovisuel et de l’équipement ménager.
Le 31 août 2018, M. [I] a été informé de son placement en plan d’action individuel
( PDI en suivant) et invité à préparer son PDA pour le 5 septembre 2018.
Le 5 septembre 2018, la société SFR DISTRIBUTION a confirmé à M. [I] la mise en oeuvre d’un plan de développement individuel pendant deux mois.
Par un courrier du 31 octobre 2018, la société SFR DISTRIBUTION a notifié à M. [I] un rappel de procédures.
Par un courrier du 3 décembre 2018, la société SFR DISTRIBUTION a convoqué M. [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 18 décembre 2018.
M. [I] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par un courrier du 7 janvier 2019, libellé comme suit:
‘Monsieur,
Suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 18 décembre 2018, en présence de Monsieur [B], Chef des ventes, [F] [D], Chargée des Ressources Humaines, et pour lequel vous étiez assisté de Monsieur [N] [Z], délégué syndical, nous vous notifions votre licenciement pour les raisions exposées lors de cet entretien et que nous vous rappelon ci-après.
Vous occupez le poste de Conseiller de vente au sein de la société depuis 2001, et avez évolué Conseiller de Vente Confirmé en 2013, de sorte que vous avez parfaitement connaissance des compétences attendues à ce poste, qui sont développées dans la fiche de fonction portée à votre connaissance.
Nous vous rappelons que la mission fondamentale confiée à un conseiller de vente est ‘ de réaliser ses objectifs commerciaux, de développer le chiffre d’affaires et de participer à la gestion courante du point de vente dans le respecte des processe de l’Enseigne. Et de veiller à la satisfaction et à la fidélisation des clients’.
Cependant, nous constatons depuis maintenant plus d’une année un réel « lâcher prise » de votre part dans l’exécution de vos missions, se manifestant par une tendance persistante à ne pas appliquer avec sérieux les incontournables de votre fonction commerciale et en conséquence, par des résultats totalement insuffisants et décalés par rapport aux objectifs et aux résultats des autres conseillers de vente de l’espace SFR de [Localité 3] [Localité 6].
Nous déplorons la récurrence, de résultats, tant quantitatifs que qualitatifs, largement en-dessous des objectifs fixés.
Nous constatons que cette situation vous est imputable dès lors que les différentes actions que nous avons mis en oeuvre pour vous permettre d’améliorer vos résultats se sont révélées vaines.
Vos résultats ne sont pas aux objectifs attendus notamment sur les segments prioritaires que sont l’offre fixe, l’offre abonnement mobile, et les ventes additionnelles d’accessoires et de contenu, et sont en fort décalage par rapport à ceux de la boutique, du secteur, de la région Sud-Ouest et du niveau national.
Face à une telle situation, votre manager vous a alerté sur la nécessité de vous ressaisir. En ce sens, votre manager a mis en place un plan de développement individuel d’une durée de 2 mois qui a débuté le 5 septembre 2018.
Celui-ci avait pour but de vous améliorer sur les items suivants :
– Des résultats quantitatifs sur les segments fixes, mobiles et accessoires égaux ou supérieurs à ceux du secteur
– Un taux de proposition des offres et de transformations (vente réalisée) supérieur ou égal à celui du secteur, mesuré grâce à notre outil interne le Funnel
– La connaissance et la vente des options fixes et mobiles
– Une découverte du foyer plus approfondie
– La maîtrise des techniques de vente au moyen de grilles d’écoutes
Pour vous permettre de réaliser vos objectifs, vous avez bénéficié d’un ensemble de moyens, notamment:
– Un accompagnement quotidien de son supérieur hiérarchique sur ces items, avec un point hebdomadaire formalisé les : 05/09 ; 11/09 ; 18/09 ; 01/10 ; 08/10 ; 29/10
– Un accompagnement de votre Chef des ventes lors de ses visites les : 05/09 ; 9/11 et 7/12
– Un coaching formation : formation avec [P] le 18/09
– Des grilles d’écoutes
– La feuille découverte foyer : explication par le formateur (donner du sens)
– Les funnel
– La démonstration Box
– Un débrief après chaque entretien client avec votre manager
Un bilan hebdomadaire a été effectué afin d’apprécier l’état d’avancement de ce plan d’action.
Lors de l’entretien du 18 décembre dernier, vous avez contesté les différents moyens mis en place par votre RPV dans le cadre de votre PDI à savoir les grilles la démontration, les debriefs avec votre manager. Vous vaez également indiqué ne pas avoir eu l’accompagnement nécessaire de la part de votre responsable ce que contredit votre responsable.
Malgré ce plan d’action et l’accompagnement constant de vos managers N+1 et N+2, nous sommes au regret de constater de façon récurrente vos carences dans l’exercice de votre fonction ayant pour conséquence une insuffisance de résultats.
Vos insuffisances professionnelles ont nécessairement un impact sur vos résultats, qui sont en fort baisse. Nous vous les rappelons ci-après :
RESULTATS FIXES Productivité (‘)
RESULTATS ABONNEMENT Productivité (…)
R/O FIXE (…)
R/O ABO (…)
Après analyse de vos résultats en comparaison à ceux du point de vente, du secteur, nous constatons que vos résultats sont bien inférieurs.
Suite au bilan effectué le 7 décembre 2018, il a été constaté que :
– La découverte de la structure du foyer et les propositions commerciales font défaut, ainsi que la mise en avant des contenus, ce qui explique les résultats quantitatifs largement en deçà des attentes.
– Non mise en oeuvre des moyens associés, avec l’utilisation des grilles d’écoutes ou du debrief auprès de votre responsable après chaque client.
– Non mise en place des actions demandées ou des conseils donnés.
A l’issue du PDI votre RPV a indiqué le commentaire final suivant ‘ Lors de notre entretien de départ du PDI, [C] avait dit qu’il n’était plus motivé. Je l’ai bien vu tout au long du PDI, tout ce que j’ai pu ou voulu mettre en place n’a pas été fait par [C]. Et même quand j’ai voulu lui laisser la main quand j’ai voulu qu’il me propose des actions de lui-même à mettre en palce, je n’ai aps eu de réponses ou d’actions. J’avais l’impresion qu’il écoutait mes conseils, écoutait ce que je lui demandais mais ne les appliquait pas Et même quand [P] est venu piur aider [C], son retour fut le même que ce que je pouvais ressentir. [C] est quelqu’un de très gentil, qu’lqu’un qui connaît parfaitement les procédures maus aujourd’hui pour moi [C] n’est pas un conseiller de vente’ .
2/Faible implication professionnelle
Lors de l’entretien de lancement du PDI le 5 septembre 2018, vous vous êtes présenté sans préparation, alors même que votre responsable vous a demandé le 1er septembre de préparer un PDA.
Lors de ce 1er entretien, en présence de votre RPV, votre Chef des ventes et votre DCR, vous avez indiqué ‘ ne plus être motivé par le métier et plus en adéquation avec la société et l’image de marque SFR ‘. Lors de l’entretien préalable du 18 décembre dernier, vous avez également affirmé ‘ ne plus être à l’aise sur le poste de conseiller de vente’.
Lors de votre PDI, il a été constaté :
– Une attitude démontrant un manque d’implication et de motivation
– Un manque d’application des moyens et les conseils donnés par son RPV
– L’absence de commentaire sur les remarques du RPV
– Aucune proposition d’action, de proposition
D’autre part, constatant votre manque d’implication dans la mise en oeuvre de votre Plan de Développement Individuel, votre Responsable de Point de Vente vous a proposé, courant novembre 2018, de participer à la définition des moyens à mettre en place ou actions de développement, ce que vous n’avez pas souhaité faire.
Lors de l’entretien, le 18 décembre 2018, nous vous avons rappelé que la réussite d’un PDI nécessite obligatoirement l’implication des deux parties.
Nous n’avons constaté jusqu’à ce jour aucune amélioration significative et pérenne de votre implication professionnelle, de sorte que nous déplorons encore une dégradation de vos résultats sur les items principaux. Vous avez démontré une tendance persistante à ne pas appliquer avec sérieux les incontournables de la fonction commerciale, qui constitue la première cause de votre manque de résultats.
Cette situation qui vous est imputable est bien entendu préjudiciable à l’activité commerciale du point de vente et entrave sa capacité à garantir une couverture commerciale de qualité, et cela dans une proportion incompatible avec la poursuite de notre relation de travail.
Ainsi, malgré tous les dispositifs d’accompagnement mis en place et les moyens fournis par l’entreprise pour vous former, vous accompagner dans la maîtrise de votre poste et l’atteinte des objectifs commerciaux du point de vente dont vous avez la responsabilité, les éléments précités montrent que les résultats ne sont toujours pas aux attendus.
L’ensemble de ces faits met en avant votre incapacité à assurer les missions qui vous sont confiées, dénotant ainsi une insuffisance professionnelle.
Par conséquent et compe-tenu de l’ensemble de c’s éléments nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. (…)’.
Le 17 juin 2019, estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux de demandes en paiement subséquentes.
Par jugement du 22 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :
– jugé que le licenciement de M. [I] est sans cause réelle et sérieuse
– condamné la société SFR DISTRIBUTION à payer à M. [I] 32.355 euros de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et 1 000 euros au titre de l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté M. [I] du surplus de ses demandes
– condamné la société Sfr Distribution aux entiers dépens de l’instance.
La société SFR DISTRIBUTION a relevé appel de la décision par une déclaration du 15 avril 2021, dans ses dispositions qui la condamnent à payer 32.355 euros de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et 1 000 euros au titre de l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui la déboutent de ses demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles.
L’ordonnance de clôture est en date du 13 décembre 2022.
L’audience a été fixée à l’audience du 18 janvier 2023, pour être plaidée.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le du 9 mars 2022, la société SFR DISTRIBUTION demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré dans ses dispositions qui jugent le licenciement de M. [I] sans cause réelle et sérieuse et la condamnent à lui payer 32. 355 euros de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et 1 000 euros au titre de l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile; statuant de nouveau, de débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La société SFR DISTRIBUTION fait valoir en substance:
– ses résultats établissent que M. [I], en dépit de l’accompagnement mis en place à son profit, ne remplissait pas les fondamentaux attendus d’un conseiller de vente et le nouveau responsable du point de vente l’en a alerté dès le mois de février 2018 à l’occasion de l’entretien d’appréciation
– elle n’a jamais proposé à M. [I] de le reclasser sur un poste de technicien et l’intéressé n’a d’ailleurs ni déposé sa candidature sur la plate forme dédiée ni remis son curriculum vitae et de lettre de motivation à son n+1
– M. [I] s’est présenté à l’entretien du 5 septembre 2018 sans avoir préparé le PDA, qui constitue la phase de lancement du PDI, dont son n+ 1 lui avait indiqué le 28 août 2018 et rappelé le 31 août 2018 qu’il était indispensable
– bien qu’ayant bénéficié d’un point de situation chaque semaine avec son n+1 , d’un accompagnement de son chef des ventes lors de ses visites les 5 septembre, 9 novembre et 12 décembre 2018, d’une séance de coaching formation le 18 septembre 2018, de grilles d’écoute, de démontration Box, des explications données par un formateur sur les feuilles découverte foyer et les funnel, M. [I] ne respectait pas au mois d’octobre 2018 les Basiques Non Négociables composés de 10 items constituant les fondamentaux du métier de point de vente, occultant quatre d’entre eux, singulièrement Accueillir systématiquement chaque client, avec sourire et considération, Gérer activement la file d’attente, Découvrir la structure du foyer et proposer des offres complémentaires adaptées, Raccompagner le client avec demande de recommandation si possible à son entourage ;
La lettre du 31 octobre 2018 ne caractérise pas une sanction s’agissant simplement d’un rappel de procédures
– M. [I], qui ne rapporte pas la preuve d’un préjudice, encore moins à la hauteur de la somme qu’il revendique, ne saurait prétendre à une indemnité supérieure au minimum de trois mois de salaire
– il serait particulièrement inéquitable qu’elle conserve la charge des frais qu’elle a dû engager.
Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 octobre 2022, M. [I] demande à la Cour de débouter la société SFR DISTRIBUTION de l’ensemble de ses demandes; en conséquence de confirmer le jugement déféré dans ses dispositions qui la condamnent à lui payer 32. 355 euros de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et 1 000 euros au titre de l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens; y ajoutant de condamner la société SRF DISTRIBUTION à régler 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et frais d’exécution.
M. [I] fait valoir en substance :
– son licenciement étant en réalité un licenciement disciplinaire, en ce qu’il a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement et qu’il lui est reproché de ne pas appliquer délibérément les procédures dont la lettre du 7 janvier 2019 indique qu’il les maîtrise parfaitement, la société SFR DISTRIBUTION avait épuisé son pouvoir disciplinaire par l’effet de l’avertissement qu’elle lui a délivré le 31 octobre 2018
– son contrat de travail ne prévoit aucun objectif, la rémunération étant conditionnée à la réalisation d’objectifs mensuels de rentabilité et de priorités sur des segments variables fixés au plan national par le siège et donc en l’absence de toute discussion préalable, répercutés par les directeurs régionaux auprès des différents points de vente, à charge pour le responsable de chaque agence de les répartir entre les vendeurs et de les en informer via le logiciel Picasso; l’accord d’entreprise relatif au plan de rémunération variable du réseau des points de vente l’exclut d’ailleurs du champ contractuel
– la période d’appréciation retenue par l’employeur s’agissant des objectifs dans tous les cas est trop brève pour être probante puisque de neuf mois seulement hors ses congés, les conditions de travail, le management et le potentiel de l’agence de [Localité 4] sur laquelle il a été affecté pendant les deux mois de fermeture de celle de [Localité 6] étant trop différents pour permettre toute comparaison pertinente
– la société ne pouvait pas valablement le licencier au motif de résultats en décalage avec une moyenne sur laquelle elle ne s’explique pas, qui ne tient d’ailleurs pas compte des différences de potentiels entre les boutiques
– la décision de le licencier a en réalité été prise dès le 12 novembre 2018 avant même la fin du PDI fixée au 7 décembre 2018
– les griefs tenant à une motivation insuffisante, à un manque d’implication et à un désintérêt manifeste pour le poste , outre qu’ils relèvent de considérations subjectives, ne sont aucunement étayés, les attestations produites par l’employeur n’y suppléant pas, de plus fort compte-tenu de l’ancienneté de la relation de travail exempte de quelque incident et/ou rappel à l’ordre et des appréciations positives de son n+1 le 9 février 2018, quelques mois avant son placement en PDI, et le 9 décembre 2018, trois jours seulement avant sa convocation à un entretien préalable
– la société n’ayant pas respecté la procédure qui le régit, puisqu’elle ne lui a soumis pour signature ni le compte-rendu de la réunion de mise en place ni celui du suivi hebdomadaire pas plus la synthèse rédigée en réalité pour les besoins de la cause postérieurement à son licenciement et ne l’a en réalité pas fait bénéficier du suivi qui y est attaché, le PDI ne peut valablement fonder son licenciement
– en ne le faisant bénéficier d’aucune formation à compter du 28 avril 2015, les deux jours de formation générale et non individualisée dispensée au mois de février 2018 n’y suppléant pas, la société a manqué à l’obligation de formation et d’adaptation qui lui incombe
– le licenciement est dans tous les cas une mesure dispropotionnée en regard de la brièveté de la période d’insuffisance professionnelle retenue, de plus fort dès lors que la société envers laquelle sa loyauté n’avait jamais été prise en défaut se devait de le repositonner, comme il l’avait accepté, sur un autre poste
– ayant perçu des indemnités de Pôle Emploi jusqu’au mois d’octobre 2020 et n’ayant jamais retrouvé d’emploi en contrat à durée indéterminée, le préjudice qui est résulté de la perte de celui qu’il a occupé 26 années durant sans incident sera entièrement réparé par le versement d’une indemnité équivalente à 13 mois de salaire
– il serait inéquitable qu’il conserve la charge des frais qu’il a du exposer.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
La Cour relève qu’en l’état de ses conclusions M. [I] ne discute pas les dispositions du jugement qui le déboutent de ses demandes en dommages intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation et exécution déloyale du contrat de travail, qui ne pourront dès lors qu’être confirmées.
I- SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur la nature du licenciement
Selon le principe ‘non bis in idem’ une même faute ne peut faire l’objet de deux sanctions successives; il s’en déduit qu’un licenciement motivé par les seuls griefs déjà sanctionnés sur le plan disciplinaire est illégitime.
De même l’employeur qui, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés à un salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d’entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits connus avant la date de notification de la première sanction.
Selon l’article L.1331-1 du code du travail ‘ constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales prises par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération’. Il s’en déduit que la qualification de sanction suppose la réunion de deux conditions cumulatives, singulièrement l’existence d’un agissement considéré comme fautif par l’employeur et la caractérisation d’une volonté de l’employeur de sanctionner cet agissement.
La mise en garde ou le rappel à l’ordre qui s’accompagne de reproches et, soit d’une menace de sanction à défaut de réaction du salarié, soit fait référence à une précédente sanction constitue une sanction disciplinaire. A l’inverse, n’est pas une sanction, à défaut de traduire la volonté de l’employeur et sa décision de sanctionner un salarié, le compte rendu d’un entretien au cours duquel il lui a reproché divers griefs et insuffisances.
En l’espèce, la lettre du 31 octobre 2018 par laquelle la société SFR DISTRIBUTION a adressé des reproches à M. [I] pour ne pas avoir le 12 juillet 2018 respecté les process connus de lui à suivre face à un client désireux de résilier son abonnement et l’a informé d’une menace de sanction disciplinaire dans l’hypothèse où de tels faits devaient se reproduire constitue une sanction disciplinaire.
Aucun des deux griefs mentionnés dans la lettre du 7 janvier 2019 ne reprenant les faits sanctionnés le 31 octobre 2018, le moyen invoqué par M. [I] tenant à l’application de la régle non bis in idem ne sera pas retenu.
C’est le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement.
Selon la lettre de licenciement que M. [I] a été licencié en raison, de première part d’un ‘ réel lâcher prise’ de sa part dans l’exécution de ses missions, se manifestant par une tendance persistante à ne pas appliquer avec sérieux les incontournables de la fonction commerciale, avec pour conséquence des résultats qualitatifs et quantitatifs insuffisants et en décalage par rapport aux objectifs et aux résultats des autres conseillers de l’espace de [Localité 6], de deuxième part d’une faible implication professionnelle à l’occasion de son PDI, avec pour conséquence une dégradation de ses résultats sur les items principaux de la fonction. Il s’en déduit que M. [I] a été licencié au motif de son incapacité à exécuter correctement son travail hors de tout comportement délibéré, partant pour insuffisance professionnelle.
L’insuffisance professionnelle doit reposer sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l’employeur; elle ne peut justifier le licenciement que si elle perturbe la bonne marche de l’entreprise ou le fonctionnement d’un service; l’insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement que lorsque le fait de ne pas avoir atteint les objectifs fixés résulte soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une faute commise par le salarié.
M. [I] en sa qualité de conseiller vendeur devait, selon la fiche attachée à son poste, réaliser, suivre et piloter ses objectifs, dont les éléments du dossier établissent qu’ils étaient portés à sa connaissance via le logiciel Picasso, au plus tard le premier jour du mois pour une prise d’effet sur le mois concerné. La lecture des résultats produits par la société SFR DISTRIBUTION établit que ses résultats sur le segment mobile et sur le segment fixe étaient à la fois en deçà des objectifs fixés et en décalage avec la moyenne des agences.
Force est de relever toutefois que :
– nonobstant sa contribution dans le compte-rendu de la réunion de mise en place du PDI du 5 septembre 2018 ( page 4) rédigée le 26 juillet 2019 et son attestation du 25 août 2021, au demeurant non conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, M. [Y] mentionnait dans l’entretien d’appréciation des compétences pour 2017 qu’il a renseigné le 9 février 2018 au titre des points forts de M. [I] sa rigueur, sa connaissance et l’application des procédures, sa curiosité, son implication, son intérêt pour les actions proposées, puis le 9 décembre 2018, soit trois jours après l’expédition par l’employeur de la lettre de convocation à l’entretien préalable fixé au 18 décembre 2018, que M. [I] ferait un très bon tuteur et/ou maître d’apprentissage car très compétent en matière de procédures
– il ne résulte, en l’absence de mise au point et/ou rappel des process, d’aucun des éléments du dossier une carence de M.[I] dans l’exécution de son travail entre le mois de février 2018 et sa convocation par l’employeur le 28 août 2018 à l’entretien du 31 août 2018
– si la société SFR DISTRIBUTION soutient que M. [I] n’a pas amélioré ses résultats durant le PDI en raison de son manque de motivation et de la non application des moyens mis à sa disposition et des conseils prodigués par M. [Y] et par M.[B], elle n’en rapporte pas la preuve, le compte-rendu PDI du rendez-vous du 5 septembre 2018 rédigé le 26 juillet 2019, les suivis hebdomadaires du PDI, les grilles d’écoute, les comptes-rendus des debriefings tenant aux BNN, la synthèse du PDI, lesquels ne comportent pas la signature du salarié, et les attestations de M. [Y] et de M. [B], qui ne satisfont au demeurant pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, établies le 25 août 2021, n’y suppléant pas, pas plus le courriel de M. [B] au service des ressources humaines du 12 novembre 2018.
Au regard des éléments produits par les parties, aucune insuffisance professionnelle ne peut être retenue à l’encontre de M. [I], ce dont il résulte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières du licenciement
S’agissant des dommages-intérêts sollicités sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail à raison du caractère injustifié du licenciement dont M. [I] a fait l’objet, il sera observé que l’intéressé était âgé de 54 ans et justifiait de plus de vingt six sept années d’ancienneté au jour de la rupture de son contrat de travail, qu’ il a été admis au bénéfice de l’allocation de retour à l’emploi du 28 juin 2019 au 31 octobre 2020, qu’il justifie d’avoir retrouvé du travail à compter du 30 novembre 2020 en qualité d’agent d’entretien du bâtiment, en contrat de remplacement temporaire, régulièrement renouvelé jusqu’au 12 juillet 2022, puis du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022.
Dans ces conditions, en application du barême prévu par les dispositions précité prévoyant une indemnité comprise entre 3 et 18,5 mois, il sera alloué à M. [I] une somme de 32.355 euros. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
II- SUR LES DEPENS, LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES FRAIS D’EXECUTION
Le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions qui condamnent la société SFR DISTRIBUTION aux dépens et à régler à M. [I] 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société SFR DISTRIBUTION, qui succombe devant la Cour, supportera les dépens d’appel en même temps qu’elle conservera la charge de ses propres frais.
L’équité commande de ne pas laisser à M. [I] la charge des frais irrépétibles d’appel. La société SFR DISTRIBUTION sera condamnée à lui payer 2000 euros à ce titre.
Il n’y a pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d’exécution forcée d’une décision dont l’exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoit la possibilité qu’ils restent à la charge du créancier lorsqu’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, étant rappelé qu’en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d’exécution forcée.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions
Y ajoutant
Condamne la SAS SFR DISTRIBUTION à payer à M. [I] 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la SAS SFR DISTRIBUTION aux dépens d’appel; en conséquence la déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles
Dit n’y avoir lieu à statuer sur les frais d’exécution forcée éventuels
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps M.P. Menu
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