Droit à l’information v. vie privée
Les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes et à venir le respect de sa vie privée et de son image. L’article 10 de cette même convention garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse, dans la limite du respect des droits d’autrui.
La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public, d’une part aux éléments relevant de la vie officielle des personnes publiques, et d’autre part aux informations et images personnelles livrées avec l’autorisation des intéressés ou justifiées par une actualité d’intérêt général.
A la lumière de ces principes, l’orientation sexuelle relève de la stricte intimité de chacun, ainsi que l’a encore très récemment jugé la Cour de Justice de l’Union Européenne en rappelant que la notion de vie privée ‘englobe de multiples aspects de l’identité d’un individu, tels l’identification et l’orientation sexuelle’ (CJUE 12 juin 2014 affaire Couderc- Hachette Filipacchi Associés c. France). Dès lors l’homosexualité d’une personne, n’a pas lieu d’être exposée publiquement sans autorisation de l’intéressé sauf à justifier que cette révélation s’inscrit dans un débat d’intérêt général ou une actualité légitimant l’information du public.
Affaire Philippot : pas d’exception d’actualité
Dans l’affaire soumise, Florian Philippot, membre du FN n’avait pas, à la date de la publication litigieuse, souhaité afficher publiquement son homosexualité et ce pour des motifs qui lui appartiennent ; la révélation en a été faite contre son gré, et ce dans un magazine dit ‘people’ qui consacre un article ‘exclusif’ à un séjour privé de l’intéressé passé à l’étranger en compagnie d’un ami. La société éditrice du magazine à l’origine de cette divulgation a tenté sans succès de faire valoir son droit à la liberté d’expression, évoquant un contexte d’actualité et de débat d’intérêt général sur l’évolution de la position du parti FN sur la cause des homosexuels et le mariage entre personnes du même sexe. Certes l’actualité du débat sur les droits des homosexuels notamment au sein du Front National est incontestable, toutefois l’article est publié dans un magazine dit ‘people’ qui ne saurait revendiquer une appartenance à la presse d’opinion, et qui ne révèle manifestement l’homosexualité de M. Philippot que dans un souci de sensationnel, que démontrent suffisamment les vignettes racoleuses en couverture et sur chaque page de l’article assurant :’exclusif’, et ‘scoop CLOSER’, la part du contenu de l’article évoquant le rôle de l’homme au sein de son parti n’étant destinée qu’à le présenter au lecteur, sans pouvoir prétendre contribuer à un débat d’intérêt général alors que suit immédiatement le récit détaillé d’un week-end de détente passé à l’étranger et loin des médias français, accompagné de photographies volées. En conséquence, il n’était pas justifié de l’utilité au débat public de l’information sur lesdites préférences sexuelles personnelles, et d’imposer à l’intéressé cette révélation d’un élément de son intimité.
Atteinte à la vie privée
La révélation brutale de cette homosexualité publiée dans un magazine dit ‘people’ à la suite d’une véritable traque, dont il est traité ci-après, ne relève pas d’un intérêt légitime du public devant lequel devrait céder la protection à laquelle l’individu a droit ; cette information était donc fautive. Par ailleurs, les sept photographies illustrant l’article, montrant M. Philippot aux côtés de son ami dans les rues de Vienne, ont été manifestement captées à l’insu de l’intéressé, à l’aide d’un téléobjectif, à l’occasion de ces moments de loisirs, elles portent manifestement atteinte au respect dû tant à sa vie privée qu’à son droit à l’image.