Limites de la liberté d’expression
Selon l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.
L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
Abus de la liberté d’expression
Les juges ont considéré que le retrait et l’interdiction de commercialisation d’un DVD de Dieudonné étaient strictement nécessaires dans une société démocratique, correspondent à un besoin social impérieux et sont proportionnées au but légitime poursuivi. Pour faire droit à la demande d’interdiction les juges ont pris en considération les éléments suivants :
– le DVD poursuivi comporte de nombreux passages, relevés ci-avant, constitutifs d’infractions à la loi sur la liberté de presse, qui émaillent et ponctuent le spectacle, et ne sont donc nullement limités à un sketch en particulier ;
– les éléments de contexte rappelés montrent aussi, au-delà des passages poursuivis, des attaques nombreuses et variées à l’encontre de l’ensemble des personnes de confession juive, qui dépassent de loin les limites admissibles de la liberté d’expression dans une société démocratique ;
– les infractions en cause, en ce qu’elles comportent des faits de provocation à la haine et à la violence envers les personnes de confession juive, de contestation de crimes contre l’humanité et d’apologie de crimes commis durant la seconde guerre mondiale, sont gravement attentatoires à la dignité humaine et troublent durablement l’ordre public ;
– le spectacle « Le Mur » a donné lieu à une décision du Conseil d’Etat, statuant en référé, qui a considéré comme justifiée son interdiction préalable par le préfet de Loire-Atlantique par arrêté du 07 janvier 2014, se fondant notamment sur un risque sérieux d’atteintes graves au respect des valeurs et principes, notamment de la dignité humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; or, a fortiori, l’effectivité de telles atteintes est à l’évidence consacrée et renforcée par leur fixation sur un DVD ; la couverture du DVD fait en outre référence au fait qu’il s’agit d’un spectacle « interdit en France », précision de nature à confirmer pleinement la volonté d’assumer le caractère illégal du spectacle ainsi diffusé, en en faisant même un argument publicitaire.
Le retrait et l’interdiction de commercialisation du seul DVD du spectacle « Le Mur » correspondent bien à la nécessité de prohiber la commission des graves et multiples infractions en cause et apparaissent proportionnés, étant observé qu’il n’apparaît pas possible, compte tenu de leur multiplicité, d’ordonner le seul retrait des passages constitutifs d’infractions.