Droit de la Presse : Journaliste professionnel pigiste

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Un journaliste professionnel peut-il rester pigiste ou la requalification en contrat de travail s’impose- t-elle ? La pige constitue simplement un mode de rémunération et non un contrat de travail en soi. Dans cette affaire, les juges, après avoir analysé la nature des relations entre les parties, ont fait droit à la demande de requalification du contrat de travail d’un reporter photographe de l’AFP en contrat de journaliste permanent à durée indéterminée. L’employeur doit justifier des raisons objectives de l’application du statut conventionnel de pigiste au lieu de celui de journaliste permanent.

Présomption de contrat de travail

En application de l’article L. 7112-1 du code du travail : «Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties».

 

Si la pige a été effectivement retenue par les parties, le journaliste ne démontrait pas que le recours à la pige avait pour seul but d’éluder les dispositions impératives de la loi et de l’accord collectif applicable à l’entreprise et l’élément intentionnel de recours à la fraude n’était pas suffisamment établi en l’espèce.

Question de l’égalité de traitement du pigiste

 

En revanche, sur le fondement du principe d’égalité de traitement, les juges ont vérifié si les conditions d’exercice effectives et concrètes du journaliste étaient celles d’un salarié permanent, en sorte qu’il pourrait bénéficier des mêmes avantages conventionnels que le salarié permanent.

 

Il résulte du principe « à travail égal, salaire égal », dont s’inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l’article 1315 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ‘à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.

 

En l’occurrence, pendant toute la durée de la collaboration, les rémunérations du journaliste étaient d’un montant relativement stable. Par ailleurs, le journaliste justifiait également avoir travaillé exclusivement pour l’AFP: la comparaison de ses bulletins de salaire annuel avec ses avis d’imposition et déclarations de revenus montraient que ses revenus étaient tirés essentiellement de son activité au sein de l’AFP (près de 90% des revenus). Il devait également réaliser les reportages selon diverses consignes qu’il devait suivre, et à défaut il ne pouvait recevoir aucune rémunération. Les avis d’expédition du journaliste montraient en outre que le salarié travaillait avec du matériel envoyé par l’AFP. Enfin, l’employeur ne pouvait opposer au salarié le fait qu’il n’était astreint à aucune obligation contractuelle de mobilité similaire à celle des permanents, ni interdiction de concurrence et qu’il était  titulaire d’une carte de journaliste mention pigiste.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il était établi que le journaliste exerçait son activité de journaliste photographe dans un lien de subordination dans des conditions similaires à celles d’un reporter photographe permanent et que l’employeur ne justifiait pas des raisons objectives de l’application du statut conventionnel de pigiste au lieu de celui des permanents.

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