Affaire Guéant c/ Le Monde
Une conversation n’est pas nécessairement privée en raison du nombre restreint d’interlocuteurs ou des liens affectifs existants entre eux. Les juges s‘attachent surtout aux contenus des échanges, toujours appréciés à l’aune de la liberté d’expression des journaux.
Suite à la parution d’un article du Monde intitulé « Placé sur écoutes M. Guéant promet de ne pas balancer » retranscrivant des conversations téléphoniques avec ses proches, la fille de l’ex-ministre de l’intérieur, a poursuivi le journal pour atteinte à sa vie privée. L’article évoquait notamment le placement sous écoute de Claude Guéant en 2013, dans le cadre d’une commission rogatoire de juges d’instruction chargés de l’affaire du financement supposé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par le régime libyen.
L’article avait fait grand bruit puisqu’il retranscrivait mot à mot les conversations de Claude Guéant mettant en scène d’autres interlocuteurs et notamment « Nadine Morano qui avait besoin d’un contact à un haut niveau en Libye pour une implantation d’entreprise » et des « socialistes, lesquels auraient proposé à l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, une levée du mandat d’interpol ».
Atteinte à la vie privée éludée par le droit à l’information
En l’espèce, le dialogue rapporté était une conversation téléphonique privée dans laquelle Marie-Sophie Guéant exprimait à son père ses sentiments de colère et de dégoût envers d’anciens alliés de celui-ci. Il relevait donc bien du droit au respect de la vie privée. Partant, les juges ont mis en balance le droit à la vie privée de la demanderesse et le droit à la liberté d’expression des défendeurs.
Les propos en cause ont été publiés sans autorisation mais provenaient d’écoutes téléphoniques réalisées dans le cadre d’une commission rogatoire dans le cadre d’une information judiciaire. Les écoutes étaient donc licites. Le secret de l’instruction n’est pas opposable en tant que tel aux journalistes puisqu’ils ne concourent pas à la procédure d’information judiciaire. Le mode d’obtention de ces informations relevait du secret des sources des journalistes et les informations données par la conversation privée étaient fiables, précises et produites de bonne foi.
Par ailleurs, l’objet de l’article n’était pas la vie familiale des Guéant mais les affaires judiciaires ayant trait à l’utilisation des deniers publics par un haut fonctionnaire et au financement de la campagne d’un président de la République, les relations entre des acteurs politiques ainsi que les secrets que l’homme politique détiendrait sur ses alliés politiques. Ces sujets, qui intéressent au plus haut point les citoyens qui ont le droit d’en être informés, relevaient à l’évidence d’un débat d’intérêt général. L’article était donc lié à un sujet d’intérêt général, qui justifiait une publication, en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression. Dès lors, l’atteinte à la vie privée n’était pas constituée.
Contrôle de proportionnalité des juridictions
Conformément à l’article 9 du Code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. Cependant, ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ils peuvent céder devant la liberté d’informer, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression.
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