Les journaux sont-ils en droit, au titre de la liberté d’expression, de rappeler le passé pénal de certains hommes politiques occupant des mandats locaux ou nationaux ? C’était la question posée à la Cour de cassation dans cette affaire opposant Nice Matin à plusieurs hommes politiques.
Affaire Nice Matin
En l’espèce, des articles de presse du journal Nice Matin circulant sur Internet et titrés « Web les aventures de deux jeunes parisiens en goguette avaient défrayé la chronique » relataient que deux hommes politiques notoires s’étaient fait remarquer durant l’été 1965 pour une affaire de siphonage et plusieurs vols (ils avaient été condamnés par le tribunal correctionnel à un an de prison avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve).
Article 35 de la loi du 29 juillet 1881
Saisis de l’affaire, les juges suprêmes ont rappelé que le fait de porter à la connaissance du public les agissements dans leur jeunesse d’hommes politiques est sanctionnable lorsqu’elle consiste dans le rappel de condamnations amnistiées. En effet, l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, pose que la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée par les journalistes, sauf i) lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ; ii) lorsque l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ; iii) lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision. C’était donc à tort que les juges d’appels avaient retenu le bénéfice de la bonne foi aux auteurs des articles en cause (1).
(1) La cour d’appel avait énoncé à tort qu’il était légitime, pour les journalistes, de rendre compte à leurs lecteurs, d’un fait d’actualité, à savoir les nombreux articles, circulant sur des sites internet, relatifs aux agissements, dans leur jeunesse, de deux hommes publics, ayant obtenu par la suite des mandats municipaux et législatifs, puis exercé des fonctions ministérielles. « Au vu des pièces du dossier et des débats, contrairement à ce qui est soutenu, l’animosité personnelle n’est pas établie, que sont produits des articles, relatifs aux faits précités de 1965, ayant été diffusés sur cinq sites internet différents ainsi que des articles publiés dans Le Petit Varois et Nice-Matin au sujet desquels n’est versée aucune pièce permettant d’en contester l’authenticité, qu’ils disposaient dès lors d’une base factuelle suffisante, qu’ils ont interrogé des membres du cabinet de la victime de la diffamation et recueilli leur commentaire, que le ton de l’article est plutôt humoristique et bienveillant à l’égard de l’intéressé et de son camarade, citant un parlementaire de la majorité ayant qualifié les faits de « connerie de jeune », rappelant que les faits ont été amnistiés et précisant que « la prescription l’emporte pour ces faits datant de plus de 40 ans ».
Mots clés : Diffamation
Thème : Diffamation
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour de cassation, ch. civ. | Date : 16 mai 2013 | Pays : France