Requalification du contrat de pige
Dans cette affaire, une pigiste a obtenu la requalification de sa collaboration aux magazines ‘Voici’, ‘Capital’ et ‘Télé loisirs’ en contrat de travail (15 années de collaboration). L’article L. 7111-3 du Code du travail dispose que : « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». Selon l’article L. 7112-1 du même code, « toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».
En l’espèce, la rédactrice pigiste avait travaillé au moins huit mois par an pour le groupe de presse, PRISMA MEDIA, entre 1993 et 2007 et, dans cette période, les douze mois des années comprises entre 2001 et 2006. Si la rémunération de la pigiste a été variable au cours des années visées, il n’en demeure pas moins que la société PRISMA PRESSE a fourni régulièrement sur une très longue période, soit pendant quatorze ans, un travail de nature journalistique à la rédactrice. Les tâches journalistiques de la pigiste constituaient bien une occupation principale, régulière et rétribuée. Au surplus, sur un plan administratif, elle était titulaire de la carte d’identité des journalistes professionnels de 1992 à 2007, à l’exception de l’année 2004, sachant que cette carte ‘ne peut être délivrée qu’aux personnes qui, conformément aux dispositions des articles L. 7111-3 à L.7111-5, sont journalistes professionnels ou sont assimilés à des journalistes professionnels’ en application de l’article R. 7111-1 du Code du travail. En conclusion il était clairement démontré que la pigiste tirait le principal de ses ressources de son activité journalistique.
Contrat de travail
Par ailleurs, selon l’article L. 7112-1 du même code, « toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ». Il appartenait à la S.N.C. PRISMA MEDIA de démontrer que la pigiste n’a pas exercé son activité dans le cadre d’un contrat de travail.
L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s’est exercée l’activité. Le contrat de travail se caractérise par l’existence d’un lien de subordination dont il résulte que l’activité est exercée sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. En l’espèce, il appartenait à la S.N.C. PRISMA MEDIA de démontrer que la journaliste ne lui était pas attachée par un lien de subordination dans le mode d’exercice de l’activité journalistique et dans le degré d’indépendance dont l’intéressée disposait dans l’organisation de son travail. La société n’a pu lever la présomption de l’existence d’un contrat de travail.
Sur le degré d’indépendance de l’organisation du travail de l’intéressée, si la pigiste ne disposait pas de bureau dans les locaux de presse, travaillait à son domicile, n’avait pas d’astreinte horaire et ne participait pas aux réunions de la rédaction, elle exerçait tout de même son activité sans indépendance ni liberté puisqu’il résultait notamment des différents emails échangés entre les parties que l’intéressée ne disposait pas d’une totale indépendance, dans la rédaction de ses articles, ni dans le choix de leur sujet ou de leur présentation. Elle se contentait ainsi de faire des propositions pour lesquelles elle sollicitait approbation ou confirmation. En conséquence, le lien de subordination était parfaitement établi.
Quel contrat de travail ?
Aux termes de l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. La pigiste était liée par un contrat de travail à durée indéterminée à la S.N.C. PRISMA MEDIA. Le fait d’avoir cessé de fournir du travail à la pigiste a été analysé comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si en principe, une entreprise de presse n’a pas l’obligation de procurer du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n’en est pas de même si, en fournissant régulièrement du travail à ce journaliste pendant une longue période, elle a fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulier auquel l’entreprise est tenue de fournir du travail. Il en est ainsi lorsque l’entreprise a régulièrement versé, pendant quinze années, des piges à l’intéressée et que la régularité de ces paiements sur une longue période attestait le caractère constant du concours qu’elle apportait à l’entreprise de presse. La société avait, par conséquent, l’obligation de demander à la journaliste, de manière constante et régulière, une prestation de travail. L’interruption de celle-ci s’analysait en un licenciement.
Mots clés : Contrat de pigiste
Thème : Contrat de pigiste
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour d’appel de Versailles | Date : 28 novembre 2013 | Pays : France