Droit de la Presse : Conditions de l’atteinte à la présomption d’innocence

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Selon les dispositions de l’article 9-1 du code civil, chacun a droit au respect de la présomption d’innocence et lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte.

La violation de la présomption d’innocence au sens de ces dispositions suppose que les propos dénoncés contiennent des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité d’une ou plusieurs personnes identifiable(s).

Personne identifiée ou identifiable

En l’espèce, l’article de presse litigieux ne citait pas le nom complet de la victime supposée à l’atteinte à la présomption d’innocence, mais seulement son prénom et l’initiale de son patronyme. Il indiquait  toutefois son âge et son grade au sein de la police, ainsi que la date depuis laquelle il est en détention provisoire dans le cadre de l’information judiciaire en cours. En outre, à la date de la publication litigieuse, d’autres titres de presse avaient déjà révélé son implication dans l’affaire de vol de drogue au sein de la police judiciaire parisienne, en ne citant que l’initiale de son patronyme mais en publiant une photographie de lui en uniforme ou en indiquant son identité complète. Dans ces conditions, le demandeur était identifiable non seulement par des collègues qui attestent l’avoir reconnu, mais aussi par le public des lecteurs.

Absence d’atteinte à la présomption d’innocence

En ce qui concerne toutefois le contenu de l’article de presse en cause, l’indication que le mis en cause, dont il est établi qu’il a gardé le silence lors de son interrogatoire de première comparution devant les magistrats instructeurs, n’a ni reconnu les faits ni ne les a niés, n’implique aucun préjugé sur sa culpabilité, mais seulement la relation de son positionnement initial dans l’information judiciaire. Quant au fait de rapporter qu’il aurait annoncé que des têtes tomberaient, ce qu’il dément, il importe peu de rechercher si cette affirmation est exacte, puisqu’elle n’implique, elle non plus, aucun préjugé sur la culpabilité, mais se borne à relayer un élément de l’information judiciaire.

Lorsque l’auteur fait ensuite état de la conviction de la « police des polices » sur les liens réels ou supposés du demandeur avec le « milieu », il prend le soin d’utiliser des guillemets, justement pour éviter de donner au lecteur l’impression qu’il s’approprie ce point de vue et pour ne pas le lui imposer comme une vérité acquise.

Il procède de la même manière quand il rapporte, sous forme de citations, l’opinion des enquêteurs sur la personnalité de l’intéressé : « pas aussi lisse qu’il paraissait », et sur son train de vie : « pas en relation avec celui d’un simple flic ».

Quant aux éléments de l’enquête sur la situation financière et patrimoniale du demandeur, l’article en cause s’attache à en faire la relation la plus objective et la plus distanciée possible, en utilisant des guillemets, même pour évoquer la révélation d’un « patrimoine immobilier » et de « mouvements de fonds » peu « en rapport avec un salaire de brigadier ».

De plus, il ne peut être reproché à l’auteur de rapporter les éléments à charge de l’information judiciaire sans les contrebalancer par des éléments à décharge, puisqu’il conclue son article par le rappel de l’incertitude persistante sur l’issue de la procédure pénale : «Ce qui ne préjuge en rien, selon les sources, de ce que peut « encore révéler l’enquête ». Et la drogue n’a toujours pas été retrouvée. »

En conclusion, l’article de presse n’exprimait pas un préjugé quelconque de l’auteur, aucune conclusion définitive ne pouvant en être déduite sur la culpabilité ou l’innocence du mis en cause.

licence01

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