Affaire Fugain
L’épouse de Michel Fugain et directrice artistique de spectacle a qualifié, dans une interview à Gala, l’ancien manager artistique de son mari, d’escroc. Ces propos imputaient à l’ancien manager, non nommé dans l’article mais aisément identifiable, d’avoir détourné des fonds au préjudice de Michel Fugain.
Vérité des imputations
L’imputation d’escroc est attentatoire à l’honneur et à la considération (car susceptible de recevoir des qualifications pénales telles que l’escroquerie, l’abus de confiance ou l’abus de biens sociaux) mais elle est assez précise pour faire l’objet d’un débat sur la preuve de la vérité.
Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.
Ces critères s’apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause et la qualité de la personne qui s’y exprime et, notamment, avec une moindre rigueur lorsque l’auteur des propos diffamatoires n’est pas un journaliste qui fait profession d’informer, mais une personne elle même impliquée dans les faits dont elle témoigne (ce qui était le cas en l’espèce).
Diffamation non constituée
En l’occurrence, la diffamation n’a pas été retenue en raison d’une base factuelle suffisante (factures suspicieuses) pour qualifier les faits en cause d’escroquerie. La compagne de Michel Fugain disposait de suffisamment d’éléments factuels pour tenir dans l’article de Gala les propos litigieux sans manquer de prudence.
Extension de la bonne foi au journaliste
Si, en vertu des dispositions de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, le directeur de la publication est responsable comme auteur principal de tous les délits commis par la voie du journal qu’il dirige -cette responsabilité de plein droit étant la conséquence du devoir de vérification et de surveillance qu’il tient de ses fonctions-, la bonne foi ne doit pas être appréciée en sa personne, mais en celle de l’auteur des propos litigieux. En principe, l’existence de faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi du journaliste qui conduit l’interview a pour effet d’exclure tant la responsabilité de ce dernier que celle du directeur de la publication du journal dans lequel les propos incriminés ont été publiés.
En effet, une solution contraire se heurterait aux principes fondamentaux que sont la liberté d’expression et le devoir d’informer. Sanctionner un journaliste pour avoir aidé à la diffusion de déclarations émanant d’un tiers entraverait la contribution de la presse aux débats d’intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses.
Le journaliste qui, dans le cadre d’un entretien, se borne à reproduire les propos de la personne interviewée, sans les déformer ni les reprendre à son compte, peut ainsi bénéficier du fait justificatif personnel de la bonne foi sans avoir à justifier d’une enquête sérieuse. En l’espèce, le journaliste intervieweur a aussi bénéficié de l’excuse de bonne foi et, partant, le directeur de publication aussi.
Conditions de la diffamation
L’article 29 al. 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure -caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait »- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée.
L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises.
La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
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