Droit de communication des données salariales

Notez ce point juridique

Or, la politique de rémunération de l’entreprise est bien un axe de la mission que le CSE confie à l’expert tel qu’il ressort de l’application combinée des articles L.2312-26 et L.2318-28 du code du travail et l’accès à des données individuelles relatives à la rémunération ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de salariés.

Les données brutes sollicitées existent puisque la société accepte de les transmettre mais uniquement de manière retraitée et consolidée, en faisant figurer les salaires moyens et médians des cadres dirigeants, néanmoins cette transmission ne permet pas d’en vérifier la fiabilité et elle empêche toute approche analytique notamment de dispersion, écart type ou encore l’égalité homme/femme.

Le refus de la société est motivé par le risque d’identification des personnes concernées au regard du faible nombre des collaborateurs concernés, ce qui n’est pas fondé, l’expert opérant les retraitements nécessaires à la non divulgation d’informations individuelles. La position de la société revient à retirer plus de 20 % des salariés des effectifs, soit près de 185 cadres bénéficiant des plus hauts salaires sur les 544 que comptent l’entreprise.

L’évolution de la masse salariale entre bien dans le cadre des dispositions de l’article L.2311-26 du code du travail et dans les prescriptions du guide de l’expert-comptable auprès des CSE.

 


 

AFFAIRE CIVILE

RAPPORTEUR

N° RG 20/01395 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M4CT

S.A.S. CASINO SERVICES

C/

Organisme COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DELA SOCIETE CASINO ANCE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Président du TJ de SAINT ETIENNE

du 14 Février 2020

RG : 20/51

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2020

APPELANTE :

S.A.S. CASINO SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Yann BOISADAM de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SOCIETE CASINO SERVICES SAS, pris en la personne de Monsieur [W] [V],

élu titulaire dûment mandaté,

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Septembre 2020

Présidée par Laurence BERTHIER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, président

– Laurence BERTHIER, conseiller

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Octobre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SAS Casino Services a pour objet social la prestation de services administratifs et fonctionnels à l’intention des autres entités du Groupe CASINO.

Le 22 octobre 2019, elle a réuni le Comité Social et Economique en vue de la procédure annuelle d’information et de consultation sur la politique sociale de l’entreprise conformément aux dispositions de l’article L.2312-17 du code du travail.

Au cours de la réunion, le Comité Social et Economique a voté le recours à un expert-comptable. Le cabinet SYNDEX a été désigné à cet effet.

Par courrier du 25 octobre 2019, le cabinet SYNDEX a sollicité auprès de la société Casino Services une liste de documents et informations et le 5 décembre 2019, il a actualisé cette liste.

Par courriel du 11 décembre 2019, le cabinet SYNDEX rappelait que ‘le refus de la direction de communiquer des informations sociales individuelles sur la totalité des effectifs de l’entreprise, et notamment son choix d’exclure du périmètre déjà communiqué 25 % de la population relevant des qualifications les plus élevées ou des métiers comprenant moins de 5 salariés, est présenté comme une volonté de ne pas divulguer des informations salariales relatives à des populations très peu nombreuses dans leurs métiers/fonctions ou services, et sujette à ce titre à une potentielle identification individuelle de notre part…proposition qui vous a été faite de modifier le périmètre des informations demandées pour prendre en compte vos motifs de refus…que nous reformulons ici…

Nous vous demandons la transmission (…)

– pour les salariés jusqu’au niveau 8 inclus : précision du lieu de travail pour chacun des matricules et chacune des années et réintégration de l’ensemble des informations anonymisées relatives aux populations inférieures à 5 salariés relevant de la même fonction

– pour les salariés relevant des niveaux 9, 9+ et HC : extractions brutes des informations anonymisées sous une forme identique à celles déjà reçues, intégrant en plus le lieu de travail mais excluant les informations suivantes : ‘unité structurelle’ et ‘qualification’ regroupées dans les colonnes Q et R des fichiers déjà communiqués…’.

La direction de la société Casino Services n’ayant pas donné suite à cette demande, le Comité Social et Economique a, considérant que des informations manquaient pour la consultation engagée, par acte d’huissier du 21 janvier 2020, fait citer la SAS Casino Services, selon la procédure accélérée au fond, devant le président du tribunal judiciaire de Saint Etienne, sur le fondement des articles 481-1 du code de procédure civile, L.2312-15, L.2312-26, L.2315-17, L.2315-91, 8.2312- 5 à R.2312-7 du code du travail, aux fins de voir ordonner à la SAS Casino Services de :

– mettre à jour et à disposition du CSE Casino Services la base de données économiques et sociales, conforme à l’article L.2312-26 du code du travail, notamment en ce qu’elle doit comporter des données actualisées à la date de la consultation,

– transmettre au Comité Social et Economique diverses informations et documents,

– mettre à jour la base de données économiques et sociales avec des données actualisées de 2019,

– transmettre à la société d’expertise comptable SYNDEX les informations individuelles pour les trois années 2017-2018-2019 selon le format suivant :

*pour les salariés jusqu’au niveau 8 inclus : précision du lieu de travail pour chacun des matricules et chacune des années et réintégration de l’ensemble des informations anonymisées relatives aux populations inférieures à 5 salariés relevant de la même fonction

*pour les salariés relevant des niveaux 9, 9+ et HC : extractions brutes des informations anonymisées sous une forme identique à celles déjà reçues, intégrant en plus le lieu de travail mais excluant les informations suivantes : ‘unité structurelle’ et ‘qualification’ regroupées dans les colonnes Q et R des fichiers déjà communiqués;

– assortir ces condamnations d’une astreinte de 1000 euros par jour et par document, à compter du 8ème jour, suivant la décision à intervenir,

– se réserver la liquidation de l’astreinte,

– juger inopposable le délai de deux mois de consultation en raison de la carence de la société Casino Services dans l’information sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi,

– juger que le délai de consultation ne commencera à courir qu’à compter de la remise par la société Casino Services des éléments précités, tant au CSE qu’à l’expert, en vue de la consultation du CSE,

– Subsidiairement,

– prolonger de deux mois le délai de consultation du CSE, à compter de la remise des éléments précités à l’expert

– en tout état de cause, condamner la société Casino Services la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 14 février 2020, le président du tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :

-Rejeté la demande de mise à jour de la base de données économiques et sociales;

– Rejeté la demande de communication au Comité Social et Economique des pièces visées à l’article L.2312-26 du code du travail;

– Rejeté la demande de mise à jour de la base de données économiques et sociales avec des données actualisées de 2019;

– Condamné la SAS Casino Services à transmettre à la société d’expertise comptable SYNDEX, dans un délai de dix jours à compter de la signification de la présente décision, sous peine d’une astreinte de 300 euros par jour de retard, les informations individuelles sous matricule pour les trois années 2017-2018-2019 selon le format suivant :

– pour les salariés jusqu’au niveau 8 inclus : précision du lieu de travail pour chacun des matricules et chacune des années et réintégration de l’ensemble des informations anonymisées relatives aux populations inférieures à 5 salariés relevant de la même fonction

– pour les salariés relevant des niveaux 9, 9+ et HC : extractions brutes des informations anonymisées sous une forme identique à celles déjà reçues, intégrant en plus le lieu de travail mais excluant les informations suivantes: ‘unité structurelle’ et ‘qualification’ regroupées dans les colonnes Q et R des fichiers déjà communiqués;

– S’est réservé la liquidation de l’astreinte;

– Fixé le point de départ du délai de deux mois dont dispose le Comité Social et Economique au jour de la remise au cabinet SYNDEX des éléments précités;

– Condamné la SAS Casino Services à verser au Comité Social et Economique la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamné la SAS Casino Services aux dépens.

La société Casino Services a régulièrement interjeté appel du jugement le 20 février 2020.

Par ses dernières conclusions, elle demande à la Cour de :

– INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Casino Services à transmettre à la société d’expertise comptable SYNDEX des informations individuelles, dans un délai de dix jours à compter de la signification de la présente décision, sous peine d’astreinte, a fixé le point de départ du délai de deux mois dont dispose le Comité Social et Economique au jour de la remise au cabinet SYNDEX des éléments précités et a condamné la société Casino Services à verser au Comité Social et Economique la somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le CSE de sa demande de mise à jour de la base de données économiques et sociale et de communication des pièces visées à l’article L.2312-26 du code du travail, et de sa demande de mise à jour de la base de données économiques et sociales avec les données actualisées de 2019.

– Débouter en conséquence, le CSE de l’intégralité de ses demandes.

– Y ajoutant, condamner le CSE aux dépens de première d’instance et d’appel.

Par ses dernières conclusions, le Comité Social et Economique demande à la Cour, au visa des articles 481-1 du Code de Procédure civile, L2312-15, L.2312-26, 1.2312-28, L.2315-17, L.2315-91, L2312-18, R.2312-5 à R2312- 9 du code du travail, de la Directive 2002/14/CE, des articles L.131-3 et R.131-1 du Code des procédures civiles d’exécution, de :

SUR L’APPEL PRINCIPAL,

– JUGER l’appel partiel principal recevable mais non fondé.

– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

-CONDAMNÉ la SAS Casino Services à transmettre à la société d’expertise comptable

SYNDEX, dans un délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, sous peine d’une astreinte de 300 euros par jour de retard. les informations individuelles sous matricule pour les trois années 2017-2018-2019 selon le format suivant :

-pour les salariés jusqu’au niveau 8 inclus : précision du lieu de travail pour

chacun des matricules et chacune des années et réintégration de l’ensemble des informations anonymisées relatives aux populations inférieures à 5 salariés relevant de la même fonction,

-pour les salariés relevant des niveaux 9, 9+ et HC : extractions brutes des

informations anonymisées sous une forme identique à celles déjà reçues, intégrant en plus le lieu de travail mais excluant les informations suivantes : « unité structurelles » et « qualification » regroupées dans les colonnes Q et R des fichiers déjà communiqués

– FIXÉ le point de départ du délai de deux mois dont dispose le Comité Social et Economique au jour de la remise au cabinet SYNDEX des éléments précités

Subsidiairement,

– JUGER que les difficultés particulières d’accès à l’information par l’expert ont fait obstacle à la remise du rapport nécessaire à la formulation de l’avis motivé du CSE ;

– PROLONGER de deux mois le délai de consultation du CSE à compter de la remise par la société CASINO SERVICES des éléments précités à l’expert en vue de l’avis qui doit être

remis par le CSE dans les 15 jours de la présentation du rapport.

Y AJOUTANT :

– LIQUIDER l’astreinte provisoire ordonnée par le Tribunal Judiciaire de Saint-Etienne le 14 février 2020 :

-à la somme de 3 900 € pour la période du 28 février 2020 au 11 mars 2020 ;

-à la somme de 25 800 € pour la période du 24 juin 2020 au 17 septembre 2020.

– CONDAMNER en conséquence la société CASINO SERVICES à la somme de 29 700 € ;

– JUGER que le montant de l’astreinte sera à parfaire à la date de prononcé de l’arrêt ;

– DIRE que les informations devront être transmises à la société d’expertise comptable SYNDEX dans le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard ;

SUR L’APPEL INCIDENT :

– JUGER l’appel incident formé par le Comité Social et Economique recevable, justifié et bien fondé.

– INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

-rejeté la demande de mise à jour de la base de données économiques et sociales,

-rejeté la demande de communication au Comité Social et Economique de pièces visées à l’article L2312-26 du code du travail ;

– rejeté la demande de mise à jour de la base de données économiques et sociales avec des données actualisées de 2019 ;

-limité la condamnation de la société CASINO SERVICES au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1.200 €.

STATUANT A NOUVEAU,

– ENJOINDRE à la société CASINO SERVICES d’avoir à mettre à jour la Base de données économiques et sociales conformément à l’article L.2312-26 du Code du travail avec les données actualisées de 2019 nécessaires à la consultation en cours du CSE sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi,

– ORDONNER à la société CASINO SERVICES d’avoir à transmettre au Comité Social et Economique :

« 1° Les informations sur l’évolution des qualifications, sur les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, et les conditions d’accueil des stagiaires ;

2° Les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, mentionnés au 2° de l’article L. 2312-36, ainsi que l’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes issu de la négociation mentionnée au 2° de l’article L. 2242-1 ou, à défaut, le plan d’action mentionné à l’article L. 2242-3 ;

3° Les informations sur le plan de développement des compétences du personnel de l’entreprise,

4° Les informations sur la mise en oeuvre des contrats de professionnalisation et du compte personnel de formation ;

4 bis Les informations sur la mise en oeuvre des entretiens professionnels et de l’état des lieux récapitulatifs prévus à l’article L. 6315-1 ;

5 Les informations sur la durée du travail portant sur les points suivants :

-Le nombre de demandes individuelles formulées par les salariés à temps partiel pour déroger à la durée hebdomadaire minimale prévue au premier alinéa de l’article L. 3123-7 et aux articles L. 3123-19 et L. 3123-27 ;

-La durée, l’aménagement du temps de travail, la période de prise des congés payés prévue aux articles L. 3141-13 à L. 3141-16, les conditions d’application des aménagements de la durée et des horaires prévus à l’article L. 3121-44 lorsqu’ils s’appliquent à des salariés à temps partiel, le recours aux conventions de forfait et les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés ;

6° Les informations sur les mesures prises en vue de faciliter l’emploi des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils et des travailleurs handicapés, notamment celles relatives à l’application de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés;

7° Les informations sur l’affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l’entreprise se propose de recruter ;

8° Les informations sur les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés prévues à l’article L. 2281-11

9° Les informations relatives aux contrats de mise à disposition conclus avec les entreprises de travail temporaires, aux contrats d’accompagnement dans l’emploi, aux contrats initiative emploi et les éléments qui l’ont conduit à faire appel, au titre de l’année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l’année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial’.

– ASSORTIR la mise à jour de la BDES, la délivrance des documents et informations précitées d’une astreinte de 1 000 € par jour et par document, à compter du 8ème jour, suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;

– SE RESERVER le droit de liquider l’astreinte ;

– CONDAMNER la société CASINO SERVICES à payer au CSE de la société CASINO SERVICES la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu’en cause d’appel ;

– REJETER toutes demandes, fins et conclusions contraires présentées par la société CASINO SERVICES

– CONDAMNER la même aux entiers dépens ;

*

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu’elles ont fait viser par le greffier lors de l’audience de plaidoiries et qu’elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n’avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient pour les besoins du raisonnement d’examiner en premier lieu la demande relevant de l’appel incident formé par le Comité Social et Economique.

Sur la demande de mise à jour de la base de données économiques et sociales

Le Comité Social et Economique soutient que le tribunal s’est mépris quant à la question de la mise à jour de la base de données économiques et sociales, du fait d’un apparent respect des règles, alors que la base de données n’avait pas été mise à jour par la société Casino Services et que la note remise par celle-ci aux élus lors de la réunion du 22 octobre 2019 était insuffisante et ne pouvait pallier la carence de la base de données. Il précise en effet que la note n’a mentionné que des données arrêtées au 31 décembre 2018 alors qu’il s’agit de la consultation annuelle du CSE pour l’année 2019. Les élus ont d’ailleurs sollicité la mise à jour de la BDES lors de la réunion du 13 décembre 2019 et la note ne comporte pas les informations relatives aux points 1° à 9° de l’article L.2312-26 du code du travail. Il en veut pour preuve l’analyse des effectifs et des mouvements de personnels qui est limitée aux contrats de travail à durée indéterminée ou encore celle des rémunérations.

La mise à jour de la base de données, le jour de la délivrance de l’assignation, est un aveu judiciaire qu’avant cette date rien n’a été fait et cette mise à jour a d’ailleurs été découverte la veille de l’audience par la production de la pièce 11 de la société Casino Services. Le CSE ne pouvait donc pas vérifier la mise en conformité, la qualité et l’exhaustivité de l’information déposée. Le tribunal ne pouvait donc pas retenir que la base de données avait été actualisée à partir du 21 et 23 janvier 2020 et reprocher au CSE de ne pas justifier de ce que les éléments nécessaires à la consultation étaient manquants puisqu’il ne pouvait y accéder.

Le Comité Social et Economique ajoute que la base de données est toujours inaccessible aux nombreux nouveaux élus du CSE et ce en dépit de diverses interpellations des élus auprès de la direction, en juillet et décembre 2019.

Il soutient que le délai préfix ne pouvait donc pas commencer à courir à compter du 22 octobre 2019 en vue de la consultation du CSE alors que des données sont toujours manquantes à ce jour (évolution en matière d’égalité hommes femmes, bilans sociaux 2015 et 2017, évolution salariale…). Les documents contenus dans la base de données sont protégés et ne peuvent être imprimés et il appartient par conséquent à la société Casino Services de les produire pour que la Cour puisse contrôler le (non) respect des obligations.

La société Casino Services soutient au contraire que tribunal a exactement apprécié les faits en retenant que la base de données avait été mise à jour et que le Comité disposait des documents visés à l’article L.2312-26 du code du travail. A défaut pour celui-ci de justifier des éléments/items manquants, il doit être admis que le Comité dispose bien, depuis l’actualisation, de toutes les informations utiles.

*

L’article L.2312-18 alinéa 2 du code du travail prévoit qu’une base de données économiques et sociales rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l’employeur met à disposition du Comité Social et Economique. Ces informations comportent en particulier des indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération et les informations sur la méthodologie et le contenu des indicateurs prévus à l’article L. 1142-8.

Les éléments d’information transmis de manière récurrente au Comité sont mis à la disposition de leurs membres dans la base de données et cette mise à disposition actualisée vaut communication des rapports et informations au Comité, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d’Etat.

Aux termes de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Le Comité Social et Economique qui invoque le non respect par l’employeur de la mise à disposition des élus, en application de l’article R.2312-12 du code du travail, de la base de données, ne forme aucune demande au terme du dispositif de ses écritures, de la remise des codes d’accès dont ne disposeraient pas certains élus. Force est de constater en outre qu’aucune demande de ce chef n’a été formulée dans le procès-verbal du 13 décembre 2019 de la réunion du Comité Social et Economique, seul le problème de la mise à jour de la base de données ayant alors été évoqué.

Il n’y a donc pas lieu de tenir pour acquise la difficulté de certains (nouveaux) élus d’accéder désormais à cette base.

Il est constant qu’une mise à jour de la base de données est intervenue le 21 janvier 2020.

Le Comité Social et Economique prétend cependant qu’elle est incomplète.

Il verse aux débats des captures d’écran de la base de données du 5 août 2020, soit postérieurement à la mise à jour, laissant apparaître l’absence d’informations sur un certain nombre d’items, en matière notamment, d’égalité hommes femmes : les données chiffrées par sexe des embauches, départs, rémunérations, la seule rubrique existant étant relative aux ‘mesures prises’ et elle date du 6 juin 2014.

Il en est de même s’agissant des mesures prises au titre de l’emploi des personnes handicapées (Point 1.4.1 dont la dernière modification date du 19/02/2018), les conditions de travail (1.7 : dernière modification le 09/05/2014), du bilan social (années 2015, 2017).

La société Casino Services n’apporte aucun élément de nature à démontrer que les dites rubriques ont été renseignées et ainsi que la base de données a bien été mise à jour intégralement. Il y a lieu de faire droit à l’appel incident du Comité Social et Economique sur ce point, sous astreinte, dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt.

Il n’y a pas lieu de faire droit pour le surplus à la demande de communication de l’ensemble des éléments visés à l’article L.2312-26 II du code du travail, la mise à la disposition dans la base de données, dont l’actualisation est ordonnée par ailleurs, valant communication des rapports et informations au Comité.

Sur l’appel principal de la société Casino Services

La société Casino Services sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à remettre à la société d’expertise SYNDEX commis par le Comité Social et Economique dans un délai de dix jours à compter de la signification de la décision, sous peine d’une astreinte de 300 euros par jour de retard, les informations individuelles sous matricule pour les trois années 2017-2018-2019 selon le format suivant :

– pour les salariés jusqu’au niveau 8 inclus : précision du lieu de travail pour chacun des matricules et chacune des années et réintégration de l’ensemble des informations anonymisées relatives aux populations inférieures à 5 salariés relevant de la même fonction

– pour les salariés relevant des niveaux 9, 9+ et HC : extractions brutes des informations anonymisées sous une forme identique à celles déjà reçues, intégrant en plus le lieu de travail mais excluant les informations suivantes: ‘unité structurelle’ et ‘qualification’ regroupées dans les colonnes Q et R des fichiers déjà communiqués.

La société Casino Services soutient que le premier juge s’est mépris sur l’étendue du droit d’accès par l’expert-comptable aux documents dont elle dispose et qu’il n’a pas véritablement procédé à la vérification qu’il lui appartenait de faire, sur la nécessité des documents sollicités au regard de la mission confiée à l’expert. En particulier, il appartenait à la juridiction de vérifier si les éléments litigieux sollicités figuraient bien dans la liste d’informations devant être exhaustivement communiquées au CSE dans le cadre de sa consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

S’agissant des éléments manquants, selon le CSE, la demande de communication ne peut prospérer dès lors que :

– La société est fondée, comme le prévoit l’article R.2312-9 du code du travail, à retenir les catégories professionnelles pertinentes au sein de l’entreprise et celle regroupant les cadres de niveaux 9, 9+ et HC en est une. Les éléments transmis concernant les rémunérations moyennes et médianes desdits cadres sont suffisants.

– La production de tous autres éléments serait de nature, compte tenu du nombre réduit d’individus concernés, à porter atteinte à la confidentialité des données correspondantes.

– Les éléments réclamés n’entrent pas dans la mission de l’expert-comptable au regard de la liste limitative des thèmes faisant l’objet de la consultation sociale de l’entreprise, l’évolution de la masse salariale n’étant pas visée par les dispositions de l’article L.2312-26 du code du travail. La demande du CSE tend en réalité à obtenir des données individuelles relatives aux rémunérations des salariés des niveaux les plus élevés.

Il n’est pas légitime de solliciter des informations sur le thème égalité professionnelle entre hommes et femmes au sein de l’entreprise, portant sur les emplois et les rémunérations individuellement perçues par les salariés relevant des niveaux 9,9+ et HC, au regard de la construction du diagnostic de la politique des rémunérations appelée par le cabinet SYNDEX..

Le Comité Social et Economique réplique que les documents et informations auxquels a accès l’expert-comptable ne sont pas limités aux informations dues aux membres du CSE et contenus dans la base de données économiques et sociales, l’article R.2315-45 du code du travail prévoyant la possibilité pour l’expert de solliciter des informations complémentaires nécessaires à sa mission dans des délais déterminés. Il appartient à la société de démontrer en quoi l’accès aux informations excéderait l’objet de l’expertise, ce qu’elle ne fait pas.

Or, la politique de rémunération de l’entreprise est bien un axe de la mission que le CSE confie à l’expert tel qu’il ressort de l’application combinée des articles L.2312-26 et L.2318-28 du code du travail et l’accès à des données individuelles relatives à la rémunération ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de salariés.

Les données brutes sollicitées existent puisque la société accepte de les transmettre mais uniquement de manière retraitée et consolidée, en faisant figurer les salaires moyens et médians des cadres dirigeants, néanmoins cette transmission ne permet pas d’en vérifier la fiabilité et elle empêche toute approche analytique notamment de dispersion, écart type ou encore l’égalité homme/femme.

Le refus de la société est motivé par le risque d’identification des personnes concernées au regard du faible nombre des collaborateurs concernés, ce qui n’est pas fondé, l’expert opérant les retraitements nécessaires à la non divulgation d’informations individuelles. La position de la société revient à retirer plus de 20 % des salariés des effectifs, soit près de 185 cadres bénéficiant des plus hauts salaires sur les 544 que comptent l’entreprise.

L’évolution de la masse salariale entre bien dans le cadre des dispositions de l’article L.2311-26 du code du travail et dans les prescriptions du guide de l’expert-comptable auprès des CSE.

*

Le président du tribunal judiciaire a exactement rappelé aux termes du jugement à la lecture duquel il renvoyé sur ce point les conditions et le cadre dans lequel le Comité Social et Economique pouvait décider de recourir à un expert-comptable, aux termes des articles L.2312-17, L.2312-18, L.2315-83, et L.2315-91 du code du travail.

Il ressort des dispositions des articles L.2312-26, L.2312-28 et L.2315-91 du code du travail que la mission de l’expert-comptable porte notamment sur l’évolution des salaires et les informations et indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, mentionnés au 2° de l’article L.2312-36 (‘égalité professionnelle…diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise en matière de …analyse des écarts de salaire et de déroulement de carrière…’).

Il appartient à l’expert en application de l’article L.2315-83 de déterminer les documents utiles à sa mission.

L’expert-comptable, tenu à des obligations de secret et de discrétion, ne peut se voir opposer le caractère confidentiel des données dont il demande la communication à l’employeur.

Il s’ensuit que la société Casino Services n’est pas fondée à s’opposer à la communication d’informations sollicitées par l’expert-comptable, individualisées et anonymisées, alors qu’il n’est pas contesté que les documents en question existent, en se bornant à soutenir qu’elle a répondu aux exigences de l’article R.2312-9 du code du travail portant sur la composition de la base de données prévue à l’article L.2312-18, ce qui au demeurant n’est pas établi au regard des motifs qui précèdent.

La production de ces éléments ‘bruts’, pris à la source, s’avère en effet nécessaire à la réalisation de la mission d’analyse de l’expert et ne constitue pas un abus de droit. Ces éléments sont en effet de nature à permettre une analyse complète sur 20 % de la population exclue des données fournies par l’employeur, en matière de promotion, de qualification et d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, et ce sur la totalité du périmètre social, alors que l’agglomération des données produites par la société, est susceptible de fausser l’analyse notamment en gommant les écarts de salaire qui pourraient s’avérer importants dans ces catégories professionnelles ainsi que les changements annuels de ces populations de cadres.

Le jugement doit par conséquent être confirmé de ce chef.

Sur l’astreinte

La société Casino Services fait valoir qu’elle a fourni les meilleurs efforts pour satisfaire aux demandes de l’expert-comptable et qu’elle a fait preuve de diligence de sorte qu’il y a lieu de considérer qu’elle a valablement exécuté le jugement. A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction à de plus justes proportions du montant de la liquidation de l’astreinte. Elle rappelle qu’en tout état de cause l’astreinte a été suspendue jusqu’au 24 juin 2020 en application des articles 1° et 2° de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.

Le Comité Social et Economique rappelle que le jugement a été signifié par voie d’huissier de justice le 17 février 2020 et que l’astreinte court depuis le 28 février 2020. Or, la société Casino Services n’a communiqué le 9 mars 2020 qu’une partie des informations demandées sur la base du jugement du président du tribunal judiciaire, se réfugiant derrière ses obligations en matière de RGPD et la confidentialité des informations pour ne pas communiquer, sans faire état d’une cause étrangère lui permettant d’échapper à l’injonction.

Il sollicite donc la liquidation de l’astreinte fixée comme suit :

Du 17.02.2020 au 11.03.2020 : 300 € x 13 jours = 3 900 Euros

Du 24.06.2020 au 17.09.2020 jour de l’audience : 300 € x 86 jours = 25 800 Euros

Total : 29 700 Euros.

Il sollicite en outre le renforcement de l’astreinte provisoire.

*

Aux termes de l’article L 131-3 du Code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.

En cas d’appel, le pouvoir de liquidation est réservé à la Cour.

L’article L 131-4 précise que : ‘le montant de l’astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter (…). L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère’.

Il ressort des correspondances échangées entre la société Casino Services et le cabinet d’expertise-comptable SYNDEX que la société a indiqué, pour s’opposer à la transmission de l’intégralité des informations sollicitées et retenues par le jugement, que :

– ‘vous disposez d’ores et déjà de l’ensemble des informations utiles à votre mission d’assistance auprès du CSE de Casino Services via la base de données économiques et sociales (BDES) mise à jour (…) et le bilan social (…). S’agissant de votre demande d’informations brutes, individuelles et anonymisées, au-delà de son caractère nécessairement surabondant…nous considérons pour notre part l’avoir satisfaite…les fichiers que nous vous avons communiqués le 9 mars dernier concernent les seuls collaborateurs travaillant directement pour le compte de la société Casino Services, à l’exclusion de ceux expatriés et/ou ceux qui exercent leur activité pour le compte d’autres entités (…), les fichiers qui vous ont été communiqués le 9 mars dernier concernent en effet les salariés présents sans discontinuité au sein de l’entreprise sur l’ensemble de la période 2017, 2018, 2019…’ (Courrier du 25 mars 2020 – pièce 20).

Le Cabinet SYNDEX a maintenu que les éléments transmis n’étaient pas complets et que les arguments opposés pour retirer du champ des informations ne reposaient sur aucune base légale et que le tribunal avait donné accès aux données brutes (sauf les points 4.22 (service de rattachement – unité structurelle) et 4.23 (libellé d’emploi- qualification) (pièce 29 courrier du 27 mai 2020).

Les motifs invoqués par la société Casino Services ne constituent pas la cause étrangère susceptible de justifier l’inexécution ou le retard, et ont été rejetés par le premier juge dans sa décision, confirmée sur ce point par cette Cour.

Il y a lieu de faire droit à la demande de liquidation d’astreinte telle que présentée et d’ordonner une nouvelle astreinte provisoire dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt.

Sur les dépens et l’indemnité procédurale

Le jugement sera confirmé du chef des dépens et de l’indemnité procédurale.

la société Casino Services qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et au versement d’une indemnité procédurale de 2 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de mise à jour de la base de données économiques et sociales.

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Ordonne à la société CASINO SERVICES d’avoir à mettre à jour la Base de données économiques et sociales conformément à l’article L.2312-26 du Code du travail avec les données actualisées de 2019 nécessaires à la consultation en cours du Comité Social et Economique sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi et ce dans un délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d’astreinte de 1 000 Euros par jour de retard.

Se réserve le droit de liquider l’astreinte.

Y ajoutant,

Liquide l’astreinte provisoire ordonnée par le Tribunal Judiciaire de Saint-Etienne le 14 février 2020 :

– à la somme de 3 900 Euros pour la période du 28 février 2020 au 11 mars 2020 ;

– à la somme de 25 800 Euros pour la période du 24 juin 2020 au 17 septembre 2020.

Condamne en conséquence la société CASINO SERVICES à payer au comité économique et social la somme de 29 700 Euros.

Dit que les informations devront être transmises à la société d’expertise comptable SYNDEX dans le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 1 000 Euros par jour de retard.

Condamne la société Casino Services à verser au Comité Social et Economique la somme de 2 500 Euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Condamne la société Casino Services aux dépens d’appel.

Le greffier, Le Président,

Elsa SANCHEZ Joëlle DOAT

 

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