Il est toujours opportun de le rappeler : les exceptions aux droits de l’auteur sont nécessairement d’interprétation restrictive. Ce principe s’applique aussi au droit de citation des œuvres graphiques. Cette nouvelle affaire illustre les limites de la liberté de création et de l’utilisation des oeuvres de tiers pour créer sa propre œuvre.
Alix MALKA photographe de mode, a, notamment, réalisé trois photographies, représentant le visage maquillé d’une jeune femme, publiées avec mention de son nom en décembre 2005, sous l’intitulé GLAM & SHINE’, dans la rubrique ‘BELLEZZA’ d’une édition limitée du magazine italien ‘flair’. Ayant découvert que l’artiste peintre Peter KLASEN avait intégré ses trois visuels dans plusieurs de ses oeuvres au mépris, selon lui, de ses droits de propriété intellectuelle, il a fait procéder à un constat d’huissier de justice sur divers sites internet ainsi qu’à une saisie-contrefaçon au domicile de Peter KLASEN (lequel a reconnu avoir intégré et colorisé en bleu les photographies d’Alix MALKA précisant ‘ les avoir trouvées dans un journal de mode’).
Originalité des photographies en cause
En premier lieu, la protection du droit d’auteur a été reconnue aux photographies qui avaient été reprises de façon fautive : si des éléments qui composaient les clichés étaient manifestement connus (notamment cadre serré, effets de brillance et de clair obscur) ou, que pris séparément, ils étaient susceptibles d’appartenir au fonds commun de l’univers de la photographie dite ‘glamour’, leur combinaison conférait à ces photographies une physionomie propre qui les distinguait des autres photographies du même genre (critère de l’originalité).
Les choix opérés par le photographe traduisaient, au-delà du savoir faire d’un professionnel de la photographie contribuant à valoriser des produits du commerce dans une revue de mode, un réel parti-pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur.
Exception de parodie exclue
L’artiste ayant repris ces photographies n’a pas bénéficié de l’exception de parodie. L’exercice de la liberté d’expression artistique est susceptible d’être limité pour protéger d’autres droits individuels et la reprise de visuels qu’un auteur entendrait contester à travers sa propre création ne saurait raisonnablement lui permettre d’occulter les droits de l’auteur de ces visuels.
La recherche d’un juste équilibre entre les intérêts en présence ne peut permettre l’exercice de ces droits au mépris des droits d’autrui attachés aux oeuvres premières. Les droits sur des oeuvres arguées de contrefaçon ne sauraient en effet, faute d’intérêt supérieur, l’emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci sont dérivées, sauf à méconnaître le droit à la protection des droits d’autrui en matière de création artistique. En l’espèce les juges ont aussi exclu l’exception de parodie, l’utilisation en cause n’étant qu’une simple utilisation, non autorisée, des photographies d’Alix MALKA.
Pas de courte citation
L’exception de courte citation a également été exclue. L’artiste ne pouvait invoquer un droit de courte citation alors que les photographies utilisées occupent une place non négligeable dans les oeuvres litigieuses, le pourcentage du visuel utilisé s’établissant entre 20 et 56% de l’oeuvre seconde.
Contrefaçon établie
En matière de contrefaçon, la bonne foi est inopérante en la matière, étant au surplus relevé que Peter KLASEN en sa qualité d’artiste, averti de l’art, ne pouvait pas ignorer que de tels clichés sont susceptibles de relever du droit d’auteur, a fortiori lorsqu’ils ont été publiés comme en l’espèce avec mention du nom de leur auteur (50.000 euros à titre de dommages et intérêts).
Mots clés : Droit de citation
Thème : Droit de citation
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour d’appel de Paris | Date : 18 septembre 2013 | Pays : France