Il ressort des conclusions des parties qu’aucune demande de communication des documents contenant des données personnelles, sur le fondement des articles 12 et 15 précités, ne semble avoir été adressée à la société BRAGARD préalablement à la saisine du conseil des prud’hommes. Il convient dès lors d’ordonner la réouverture des débats pour inviter les parties à conclure sur ce point et ses conséquences procédurales notamment sur la validité de la saisine de formation de référés du conseil de prud’hommes d’Epinal.
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Cour d’appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 30 mars 2023, 22/01381 ARRÊT N° /2023
PH
DU 30 MARS 2023
N° RG 22/01381 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E7YQ
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EPINAL
12 avril 2022
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANT :
Monsieur [O] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Alain CHARDON, avocat au barreau de NANCY substitué par Me PRORELIS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. BRAGARD prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Pauline CHANEL de l’AARPI 186 Avocats, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : BRUNEAU Dominique,
STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 26 Janvier 2023 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 23 Mars 2023 puis à cette date le délibéré a été prorogé au 30 Mars 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Le 30 Mars 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Monsieur [O] [F] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.S BRAGARD à compter du 20 janvier 2020, en qualité de directeur administratif et financier.
La convention collective nationale des industries de l’habillement s’applique au contrat de travail.
Monsieur [F] était soumis à un forfait annuel de 218 jours travaillés, en application des dispositions de l’accord collectif d’entreprise en date du 20 décembre 2018 relatif à la mise en place des conventions de forfait annuel en jours.
Par courrier du 15 novembre 2021, Monsieur [O] [F] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 novembre 2021, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 09 décembre 2021, Monsieur [O] [F] a été licencié pour insuffisance professionnelle.
Par requête du 03 février 2022, Monsieur [O] [F] a saisi la formation de référés du conseil de prud’hommes d’Epinal, aux fins :
– d’ordonner à la société S.A.S BRAGARD de communiquer, sous astreinte de 1 000,00 euros par jour de retard dans le délai de 15 jours suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir les éléments, les données, informations, documents et/ou pièces suivants et relatifs :
– à son recrutement,
– à son historique de carrière,
– à l’évaluation de ses compétences professionnelles,
– à ses demandes de formations et leur éventuelle évaluation,
– aux données utilisées pour le suivi de son temps de travail et spécialement les dates et heures de connexion au réseau interne de l’entreprise et d’utilisation de l’ordinateur mis à sa disposition,
– à l’évaluation de sa charge de travail (compte-rendu d’entretiens notamment),
– aux données issues d’un dispositif de télésurveillance et/ou de contrôle des entrées/sorties sur le lieu de travail (cf. badge d’entrée-sortie),
– aux éléments ayant servi à prendre une décision à son égard,
– à sa messagerie professionnelle (courriels envoyés et reçus, agenda, etc.), dans sa version intégrale et non expurgée,
– à l’ensemble des dossiers contenus sur l’ordinateur portable restitué à son employeur,
– d’ordonner à la société S.A.S BRAGARD d’autoriser l’accès et de donner les moyens et/ou outils nécessaires à Monsieur [O] [F] pour accéder aux bases de données de l’entreprise auxquelles il avait accès dans l’exercice de ses fonctions, pendant une durée de 7 jours calendaires, et ce sous astreinte de 1 000,00 euros à compter du 7ème jour calendaire suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir,
– de condamner la société S.A.S BRAGARD à verser à Monsieur [O] [F] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu l’ordonnance de référé de la formation de référés du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 12 avril 2022, laquelle a :
– débouté Monsieur [O] [F] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné Monsieur [O] [F] à verser à la société S.A.S BRAGARD la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [O] [F] aux entiers dépens.
Vu l’appel formé par Monsieur [O] [F] le 15 juin 2022,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Monsieur [O] [F] déposées sur le RPVA le 09 novembre 2022, et celles de la société S.A.S BRAGARD déposées sur le RPVA le 01 décembre 2022,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 07 décembre 2022,
Monsieur [O] [F] demande :
– d’infirmer l’ordonnance de référés rendue le 12 avril 2022 par le conseil de prud’hommes d’Epinal en ce qu’elle a :
– débouté Monsieur [O] [F] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné Monsieur [O] [F] à verser à la société S.A.S BRAGARD la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [O] [F] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
– de dire et juger Monsieur [O] [F] recevable et bien fondé en son appel, ses demandes, fins et conclusions,
– d’ordonner à la société S.A.S BRAGARD de communiquer, sous astreinte de 1 000,00 euros par jour de retard dans le délai de 15 jours suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir les éléments, les données, informations, documents et/ou pièces suivants et relatifs :
– à son recrutement,
– à son historique de carrière,
– à l’évaluation de ses compétences professionnelles,
– à ses demandes de formations et leur éventuelle évaluation,
– aux données utilisées pour le suivi de son temps de travail et spécialement les dates et heures de connexion au réseau interne de l’entreprise et d’utilisation de l’ordinateur mis à sa disposition,
– à l’évaluation de sa charge de travail (compte-rendu d’entretiens notamment),
– aux données issues d’un dispositif de télésurveillance et/ou de contrôle des entrées/sorties sur le lieu de travail (cf. badge d’entrée-sortie),
– aux éléments ayant servi à prendre une décision à son égard,
– à sa messagerie professionnelle (courriels envoyés et reçus, agenda, etc.), dans sa version intégrale et non expurgée,
– à l’ensemble des dossiers contenus sur l’ordinateur portable restitué à son employeur,
– d’ordonner à la société S.A.S BRAGARD d’autoriser l’accès et de donner les moyens et/ou outils nécessaires à Monsieur [O] [F] pour accéder aux bases de données de l’entreprise auxquelles il avait accès dans l’exercice de ses fonctions, pendant une durée de 7 jours calendaires, et ce sous astreinte de 1 000,00 euros à compter du 7ème jour calendaire suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir,
– de condamner la société S.A.S BRAGARD à verser à Monsieur [O] [F] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens (première instance et appel).
La société S.A.S BRAGARD demande :
– de constater le caractère injustifié et/ou manifestement disproportionné des demandes de Monsieur [O] [F],
– en conséquence, de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
– de débouter Monsieur [O] [F] de toutes ses demandes,
En tout état de cause :
– de condamner Monsieur [O] [F] à verser à la société S.A.S BRAGARD la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Monsieur [O] [F] aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 1er décembre 2022, et en ce qui concerne le salarié le 09 novembre 2022.
Sur la demande de communication de pièces, et d’accès aux bases de données de l’entreprise
M. [O] [F] précise fonder sa demande sur l’article 145 du code de procédure civile, et sur l’article 15 du RGPD.
La société BRAGARD considère que le juge judiciaire est incompétent pour ordonner la production de pièce sur le fondement du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Motivation
L’article 15 du règlement général sur la protection des données 2016/679/UE dispose que toute personne concernée a un droit d’accès à ses données à caractère personnel détenues par le responsable du traitement.
L’alinéa 3 de l’article 15 précise que la personne concernée a le droit d’obtenir une copie des données à caractère personnel.
Le paragraphe 3 de l’article 12 du même règlement impose au responsable de traitement de fournir à la personne concernée des informations sur les mesures prises à la suite d’une demande formulée en application des articles 15 à 22, dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Au besoin, ce délai peut être prolongé de deux mois, compte tenu de la complexité et du nombre de demandes. Le responsable du traitement informe la personne concernée de cette prolongation et des motifs du report dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Si le responsable du traitement ne donne pas suite à la demande formulée par la personne concernée, il informe celle-ci sans tarder et au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande des motifs de son inaction et de la possibilité d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle et de former un recours juridictionnel (art. 12, § 4).
Il ressort des conclusions des parties qu’aucune demande de communication des documents contenant des données personnelles, sur le fondement des articles 12 et 15 précités, ne semble avoir été adressée à la société BRAGARD préalablement à la saisine du conseil des prud’hommes.
Il convient dès lors d’ordonner la réouverture des débats pour inviter les parties à conclure sur ce point et ses conséquences procédurales notamment sur la validité de la saisine de formation de référés du conseil de prud’hommes d’Epinal.
Dans l’attente de l’audience de renvoi, il sera sursis à statuer sur l’ensemble des demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt avant-dire droit, contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes ;
Invite les parties à présenter leurs observations, pour le 13 avril 2023, sur une demande préalable de communication de documents, sur le fondement de l’article 15 du règlement général sur la protection des données 2016/679/UE, et sur ses conséquences procédurales ;
Renvoie à l’audience du Jeudi 04 mai 2023 à 09h30 ;
Réserve les dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Céline PERRIN, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en cinq pages