Droit à l’oubli et déréférencement

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Un condamné pour crime sexuel (sept ans de prison pour attouchements sexuels sur mineur) qui a purgé sa peine et qui bénéficie de mesures de suivi socio-judiciaire est en droit d’obtenir le déréférencement de Google, des articles de presse faisant état de sa condamnation.

Condamnation pour crime sexuel

Le condamné avait occupé les fonctions de surveillant et animateur scolaire. A la suite d’attouchements sexuels sur mineurs, il a été mis en examen puis condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Grasse à une peine de sept ans d’emprisonnement, qui a été exécutée, assortie d’un suivi socio-judiciaire de dix ans et d’une interdiction d’exercer une activité impliquant un contact avec des enfants.

Incidence du suivi socio-judiciaire

Eu égard à la nature et au contenu des informations litigieuses, qui donnent au public un accès direct et permanent à la condamnation dont a fait l’objet le condamné alors même que, en application du code de procédure pénale, l’accès à des données relatives aux condamnations pénales d’un individu n’est en principe possible que dans des conditions restrictives et pour des catégories limitées de personnes, à l’absence de notoriété de la personne qu’elles concernent, à l’ancienneté des faits et de la condamnation pénale ainsi qu’aux répercussions qu’est susceptible d’avoir sur la réinsertion du condamné, qui allègue avoir perdu deux emplois du fait du référencement en cause, le maintien des liens permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur son nom, la CNIL a retenu à tort, que le maintien des liens litigieux était strictement nécessaire à l’information du public.  

Droit au déréférencement et procédures pénales

Pour rappel, en ce qui concerne le  » droit au déréférencement  » de données à caractère personnel relatives à des procédures pénales, l’article 46 de la loi du 6 janvier 1978 (version applicable aux faits) posait le principe que les traitements de données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes ne pouvaient être effectués que par :

1° Les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales ainsi que les personnes morales de droit privé collaborant au service public de la justice et appartenant à des catégories dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la CNIL, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission ;

2° Les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi ;

3° Les personnes physiques ou morales, aux fins de leur permettre de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice en tant que victime, mise en cause, ou pour le compte de ceux-ci et de faire exécuter la décision rendue, pour une durée strictement proportionnée à ces finalités. La communication à un tiers n’est alors possible que sous les mêmes conditions et dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de ces mêmes finalités ;

4° Les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d’atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d’assurer la défense de ces droits ;

5° Les réutilisateurs des informations publiques figurant dans les décisions mentionnées à l’article L. 10 du code de justice administrative et à l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, sous réserve que les traitements mis en oeuvre n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées « .

Ces dispositions assurent la mise en oeuvre en droit national de celles de l’article 10 du règlement général sur la protection des données (RGDP), lesquelles ont abrogé et remplacé celles de l’article 8 paragraphe 5 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995.

Aux termes de cet article 10 du RGDP, le traitement des données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes, ne peut être effectué que sous le contrôle de l’autorité publique, ou si le traitement est autorisé par le droit de l’Union ou par le droit d’un État membre qui prévoit des garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées. Tout registre complet des condamnations pénales ne peut être tenu que sous le contrôle de l’autorité publique.

La CJUE a considéré, par son arrêt du 24 septembre 2019, que les informations relatives à une procédure judiciaire dont une personne physique a été l’objet ainsi que, le cas échéant, celles relatives à la condamnation qui en a découlé constituent des données relatives aux  » infractions  » et aux « condamnations pénales ».

L’interdiction ou les restrictions relatives au traitement des catégories particulières de données à caractère personnel, s’appliquent, sous réserve des exceptions, également à l’exploitant d’un moteur de recherche dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités en tant que responsable du traitement effectué lors de l’activité de ce moteur, à l’occasion d’une vérification opérée par cet exploitant, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, à la suite d’une demande introduite par la personne concernée.

L’exploitant d’un moteur de recherche est en principe obligé, de faire droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web sur lesquelles figurent des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières. Il peut refuser de faire droit à une demande de déréférencement lorsqu’il constate que les liens en cause mènent vers des contenus comportant des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières mais dont le traitement est couvert par une exception. Pour ces données, le moteur de rechercher doit vérifier si l’inclusion de ce lien dans la liste de résultats, qui est affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de cette personne, s’avère strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche, consacrée à l’article 11 de cette charte des droits fondamentaux.


S’agissant des données à caractère personnel relatives à des procédures pénales, la CJUE a également rappelé que le l’exploitant d’un moteur de recherche est tenu de faire droit à une demande de déréférencement portant sur des liens vers des pages web, sur lesquelles figurent de telles informations, lorsque ces informations se rapportent à une étape antérieure de la procédure judiciaire en cause et ne correspondent plus, compte tenu du déroulement de celle-ci, à la situation actuelle, dans la mesure où il est constaté, dans le cadre de la vérification des motifs d’intérêt public que, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, les droits fondamentaux de la personne concernée, garantis par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, prévalent sur ceux des internautes potentiellement intéressés.

Quand bien même l’exploitant d’un moteur de recherche constate que tel n’est pas le cas en raison du fait que l’inclusion du lien en cause s’avère strictement nécessaire pour concilier les droits au respect de la vie privée et à la protection des données de la personne concernée avec la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés, cet exploitant est, en tout état de cause, tenu, au plus tard à l’occasion de la demande de déréférencement, d’aménager la liste de résultats de telle sorte que l’image globale qui en résulte pour l’internaute reflète la situation judiciaire actuelle, ce qui nécessite notamment que des liens vers des pages web comportant des informations à ce sujet apparaissent en premier lieu sur cette liste (au moins un lien doit mener vers une ou des pages web comportant des informations à jour, afin que l’image qui en résulte reflète exactement la situation judiciaire actuelle de la personne concernée). Téléchargez la décision

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