1. Assurez-vous de saisir la commission de recours amiable et la juridiction compétente dans les délais prévus par la loi en cas de contestation d’un relevé de situation individuelle concernant vos droits à la retraite.
2. Vérifiez que les points attribués pour votre retraite complémentaire sont calculés en fonction de votre chiffre d’affaires déclaré et non d’un bénéfice non commercial reconstitué après déduction d’un abattement, conformément aux dispositions légales en vigueur.
3. En cas de préjudice causé par l’absence de mise à jour des informations sur vos droits à la retraite dans votre relevé de situation individuelle, vous pouvez demander des dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi, en vous appuyant sur la responsabilité civile de droit commun.
M. [U] a été affilié en tant qu’auto-entrepreneur à la CIPAV de juillet 2014 à juin 2021 en tant que coach sportif. Après avoir demandé une rectification de ses points de retraite pour les années 2014 à 2019, la CIPAV a rejeté sa demande. Le tribunal judiciaire de Valence a jugé le recours de M. [U] fondé et a ordonné à la CIPAV de rectifier ses points de retraite. La CIPAV a interjeté appel de ce jugement.
La CIPAV conteste la recevabilité du recours de M. [U] et propose un calcul différent des points de retraite de base et complémentaire. Elle affirme que le statut d’auto-entrepreneur implique un calcul spécifique des cotisations et des points de retraite.
M. [U], de son côté, soutient que son recours est recevable et demande la confirmation du jugement initial. Il conteste le calcul proposé par la CIPAV et demande des dommages et intérêts pour préjudice moral.
L’affaire est en attente de décision de la cour après les débats qui ont eu lieu en novembre 2023.
1. Sur la recevabilité du recours
La CIPAV n’a pas contesté la recevabilité du recours de M. [U] concernant l’absence de saisie de la juridiction du contentieux de la sécurité sociale dans les deux mois suivant la saisine de la commission de recours amiable. Les textes réglementaires stipulent que tout assuré a le droit d’obtenir un relevé de sa situation individuelle concernant ses droits à la retraite. M. [U] a donc agi conformément à la loi en sollicitant un relevé de situation individuelle auprès du Groupement d’Intérêt Public UNION RETRAITE, qui n’incluait que les données pour les années 2014 et 2015. Il est jugé recevable à contester ce relevé devant les instances compétentes.
2. Sur la comptabilisation des points de la retraite complémentaire (années 2014 et 2015)
La CIPAV est chargée de la gestion du régime de retraite complémentaire des professions libérales. M. [U], ayant cotisé selon les classes de revenus définies, devrait se voir attribuer des points de retraite complémentaire proportionnels à ses cotisations. Cependant, il a été attribué moins de points que prévu pour les années 2014 et 2015. Le jugement a donc ordonné la rectification des points de retraite complémentaire de M. [U] pour ces années.
3. Sur la comptabilisation des points de la retraite de base (années 2014 et 2015)
Il n’y a pas de désaccord sur le calcul des points de retraite de base en fonction du revenu. Toutefois, la CIPAV a tenté de calculer les points sur une base réduite en appliquant un abattement de 34 %, ce qui a été jugé incorrect. Le jugement a confirmé que les points de retraite de base devraient être calculés sur la base du chiffre d’affaires déclaré sans abattement.
4. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l’absence de renseignements sur les années 2016 à 2019 dans le relevé de situation individuelle
La CIPAV a omis de mettre à jour les informations relatives aux droits à retraite de M. [U] pour les années 2016 à 2019, malgré ses cotisations. Cette omission a causé un préjudice à M. [U], qui a droit à des dommages et intérêts évalués à 2 000 euros par année manquante, soit un total de 8 000 euros.
5. Sur les autres demandes de dommages et intérêts
M. [U] a également demandé des dommages et intérêts pour la minoration de ses droits à la retraite et pour le préjudice moral, mais ces demandes ont été rejetées car il n’a pas apporté de preuve de préjudice matériel ou moral. De plus, sa demande de dommages et intérêts pour l’appel interjeté par la CIPAV a été rejetée, car l’appel ne constituait pas une faute.
6. Sur les autres demandes
Les dépens sont à la charge de la CIPAV, qui a été jugée responsable. Il est également jugé équitable d’allouer à M. [U] une somme de 2 000 euros pour couvrir ses frais irrépétibles d’appel.
Chargement en cours…
Réglementation applicable
– Article 700 du code de procédure civile
– Article D.131-5-1 du code de la sécurité sociale
– Articles L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale
– Article 102 ter du code général des impôts
– Article D. 131-5-3 du code de la sécurité sociale
– Article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979
– Articles L 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale
– Article 455 du code de procédure civile
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Malaury RIPERT
– Me Manon ALLOIX
– Me Dimitri PINCENT
– Me Alexia JACQUOT
Mots clefs associés
– M. [P] [U]
– Auto-entrepreneur
– Coach sportif
– CIPAV (Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse)
– Recours contre rejet implicite
– Rectification points de retraite (régime de base et complémentaire)
– Tribunal judiciaire de Valence
– Jugement favorable à M. [U]
– Appel de la CIPAV
– Calcul des points de retraite
– Statut dérogatoire auto-entrepreneur
– Cotisations spécifiques
– Forfait social
– Bénéfice non commercial (BNC)
– Répartition des cotisations (invalidité-décès, assurance vieillesse de base, assurance vieillesse complémentaire)
– Proportionnalité des droits aux cotisations
– Contestation de la réduction appliquée par la CIPAV
– Demande de réparation du préjudice moral
– Appel abusif
– Frais irrépétibles
– Recevabilité du recours contre relevé de situation individuelle
– Obligation légale d’information de la caisse
– Application de l’article 2 du décret 79-262
– Règle de proportionnalité contestée
– Référence au chiffre d’affaires pour le calcul des points
– Indemnisation pour non actualisation du relevé de situation
– Articles L 161-17, R. 161-11, D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale
– M. [P] [U]: Personne physique dont l’identité est mentionnée
– Auto-entrepreneur: Personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou libérale en bénéficiant d’un régime fiscal et social simplifié
– Coach sportif: Professionnel accompagnant des individus dans la pratique d’une activité sportive
– CIPAV (Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse): Organisme de sécurité sociale gérant la retraite complémentaire des professions libérales
– Recours contre rejet implicite: Procédure permettant de contester une décision administrative non explicite
– Rectification points de retraite (régime de base et complémentaire): Correction des points attribués pour le calcul de la retraite de base et complémentaire
– Tribunal judiciaire de Valence: Juridiction compétente pour traiter le litige
– Jugement favorable à M. [U]: Décision de justice en faveur de M. [U]
– Appel de la CIPAV: Recours formé par la CIPAV contre une décision de justice
– Calcul des points de retraite: Évaluation des droits à la retraite en fonction des cotisations versées
– Statut dérogatoire auto-entrepreneur: Régime spécifique applicable à certains auto-entrepreneurs
– Cotisations spécifiques: Contributions financières particulières dues par les assurés
– Forfait social: Contribution sociale sur les revenus de remplacement
– Bénéfice non commercial (BNC): Revenus tirés d’une activité non commerciale
– Répartition des cotisations: Répartition des contributions entre différents régimes de sécurité sociale
– Proportionnalité des droits aux cotisations: Principe selon lequel les droits à la retraite sont proportionnels aux cotisations versées
– Contestation de la réduction appliquée par la CIPAV: Contestation de la diminution des droits à la retraite par la CIPAV
– Demande de réparation du préjudice moral: Réclamation d’une compensation pour un dommage moral subi
– Appel abusif: Recours jugé injustifié
– Frais irrépétibles: Frais non remboursables engagés lors d’une procédure judiciaire
– Recevabilité du recours contre relevé de situation individuelle: Possibilité de contester un relevé de situation individuelle
– Obligation légale d’information de la caisse: Devoir de la caisse de renseigner ses assurés
– Application de l’article 2 du décret 79-262: Mise en œuvre des dispositions réglementaires prévues par cet article
– Règle de proportionnalité contestée: Principe remis en cause
– Référence au chiffre d’affaires pour le calcul des points: Utilisation du chiffre d’affaires comme base de calcul des droits à la retraite
– Indemnisation pour non actualisation du relevé de situation: Compensation pour le défaut de mise à jour du relevé de situation
– Articles L 161-17, R. 161-11, D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale: Dispositions légales relatives à la sécurité sociale.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C3
N° RG 22/02092
N° Portalis DBVM-V-B7G-LMJG
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
La SCP LECAT ET ASSOCIES
Me Dimitri PINCENT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 16 JANVIER 2024
Appel d’une décision (N° RG 21/00429)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence
en date du 03 mai 2022
suivant déclaration d’appel du 30 mai 2022
APPELANTE :
La CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ASSURANCE VIEILLESSE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Manon ALLOIX, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
Monsieur [P] [U]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Alexia JACQUOT, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Mme Elsa WEIL, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 novembre 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [P] [U] a été affilié sous le statut d’auto-entrepreneur à la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à compter du 1er juillet 2014 jusqu’au 16 juin 2021 du fait de son activité de coach sportif.
Le 7 juillet 2021, il a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Valence d’un recours à l’encontre du rejet implicite par la commission de recours amiable de la CIPAV saisie le 7 juillet 2020 de sa demande de rectification du nombre de ses points de retraite acquis au titre du régime de base et du régime complémentaire, pour les années 2014 à 2019, après avoir pris connaissance de son relevé de situation individuelle du 8 mai 2020.
Par jugement du 3 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :
– reçu M. [U] en son recours,
– l’a déclaré bien fondé,
– enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par M. [U] comme il suit :
36 points en 2014
36 points en 2015
36 points en 2016
36 points en 2017
36 points en 2018
36 points en 2019
– enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par M. [U] comme il suit :
7 points en 2014
14.2 points en 2015
29.8 points en 2016
60.5 points en 2017
126.8 points en 2018
76 points en 2019
– enjoint la CIPAV à procéder à la rectification du relevé de situation individuelle, dans le délai d’un mois à compter du caractère définitif de la décision,
– dit n’y avoir lieu à astreinte,
– condamné la CIPAV aux entier dépens,
– débouté les parties de leurs demandes indemnitaires fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le 30 mai 2022, la CIPAV a interjeté appel de ce jugement.
Les débats ont eu lieu à l’audience du 14 novembre 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 16 janvier 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La CIPAV selon ses conclusions notifiées par RPVA le 26 juillet 2023 reprises à l’audience demande à la cour de :
– infirmer le jugement dont appel et,
A titre principal,
– déclarer irrecevable le recours formé par M. [U],
A titre subsidiaire,
– juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de M. [U],
– attribuer à M. [U] les points de retraite de base suivants :
4,7 points de retraite de base en 2014
9,4 points de retraite de base en 2015
20,7 points de retraite de base en 2016
41,3 points de retraite de base en 2017
84,6 points de retraite de base en 2018
50,8 points de retraite de base en 2019
– attribuer à M. [U] les points de retraite complémentaire suivants :
1 points de retraite complémentaire en 2014
3 points de retraite complémentaire en 2015
3 points de retraite complémentaire en 2016
6 points de retraite complémentaire en 2017
11 points de retraite complémentaire en 2018
7 points de retraite complémentaire en 2019
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner M. [U] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.
Sur la recevabilité du recours, elle soutient que le recours de M. [U] est irrecevable dès lors qu’il n’est pas fondé sur une décision qu’elle aurait prise, faisant grief et susceptible de contestation devant la commission de recours amiable mais uniquement sur un document indicatif et provisoire consistant en un extrait du site internet « GIP INFO RETRAITE », n’émanant pas de ses services.
Elle estime que M. [U] n’a pas formulé de demande préalable auprès d’elle et qu’il ne pouvait donc saisir directement la commission de recours amiable, puis la juridiction sociale.
Elle observe que ce document ne renseigne aucun trimestre ni aucun point à compter de 2016 inclus jusqu’à 2019 et ne peut donc être considéré comme une décision contestable de la CIPAV.
Sur le calcul des points de retraite de M. [U], à titre liminaire, elle rappelle que le statut auto-entrepreneur est un statut dérogatoire au régime « normal » ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique et permettant, pour chaque période d’affiliation, en fonction du chiffre d’affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d’acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire.
Elle explique que la simplification du mode de calcul s’est traduite par l’application d’un taux unique de cotisations, dit forfait social, au chiffre d’affaires déclaré couvrant l’ensemble des cotisations et contributions sociales de l’auto-entrepreneur.
Selon l’article D.131-5-1 du code de la sécurité sociale, pour les professionnels libéraux affiliés à la CIPAV relevant du régime de l’auto-entrepreneur, le taux du forfait social est fixé à 22 % depuis le 1er janvier 2018 (22,9 % en 2015).
Pour les exercices antérieurs à 2016, elle affirme que ce n’est pas le chiffre d’affaires (CA) qui est pris en compte dans le calcul des cotisations mais bien le bénéfice non commercial (BNC) déclaré et que précisément, dans le cadre du statut d’auto-entrepreneur, afin d’obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun, les cotisations de l’auto-entrepreneur sont calculées sur le CA après un abattement de 34 % reconstituant ainsi un revenu correspondant au BNC. Elle se réfère aux dispositions des articles L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts.
Quant au régime de retraite de base elle détaille année par année, tranche par tranche, le nombre de points acquis par M. [U], tout en indiquant notamment que, selon l’article D. 131-5-3 du code de la sécurité sociale, à compter du 13 décembre 2018, les montants des cotisations recouvrées pour les adhérents de la CIPAV relevant du régime de l’auto-entrepreneur sont répartis dans les proportions suivantes :
– cotisation invalidité-décès : 2,5 %,
– cotisation d’assurance vieillesse de base tranche 1 : 25 %,
– cotisation d’assurance vieillesse de base tranche 2 : 5 %,
– cotisation d’assurance vieillesse complémentaire : 20 %.
Ainsi la CIPAV ne perçoit que 52,5 % du forfait social acquitté par l’auto-entrepreneur dont 30 % sont affectés au régime de base, 20 % au régime complémentaire et 2,5 % pour l’invalidité-décès.
En application du principe de proportionnalité des droits accordés par rapport aux cotisations versées, elle a recalculé les points de retraite du régime de base :
– pour les années antérieures à 2016 : en divisant le BNC par la valeur du point des tranches I et II ;
– à partir de 2016 : en divisant les cotisations découlant du forfait social appliqué au chiffre d’affaires par la valeur du point des tranches I et II.
Elle retient ainsi les nombres de points suivants selon les calculs figurant dans ses écritures auxquelles il est renvoyé pour plus amples détails.
Au titre de l’année 2014 (BNC : 330 euros) : elle retient 4,7 points de retraite de base (tranche 1).
Au titre de l’année 2015 (BNC : 673 euros): elle retient 9,4 points de retraite de base.
Au titre de l’année 2016 (chiffre d’affaires : 2 170 euros): elle retient 20,7 points de retraite de base.
Au titre de l’année 2017 (chiffre d’affaires : 4 479 euros) : elle retient 41,3 points de retraite de base.
Au titre de l’année 2018 (chiffre d’affaires : 9 505 euros): elle retient 84,6 points de retraite de base.
Au titre de l’année 2019 (chiffre d’affaires : 5 814 euros): elle retient 50,8 points de retraite de base.
S’agissant du régime de retraite complémentaire, elle oppose que ses statuts approuvés par arrêté ministériel s’appliquent à tous les assurés, qu’ils relèvent du régime général ou auto-entrepreneur.
Elle soutient d’une part qu’il convient d’opérer une distinction avant et après le 1er janvier 2016, date à compter de laquelle a été supprimée la compensation du régime par l’Etat qui correspondait à la différence entre la plus faible cotisation non nulle dont le revenu d’activité permettait à l’assuré de bénéficier et la part du forfait social affectée au régime complémentaire et acquittée par l’assuré.
D’autre part, elle explique qu’à compter du 1er janvier 2016, le nombre de points attribués au titre du régime complémentaire est proportionnel aux cotisations effectivement réglées et que selon ce principe de proportionnalité, pour chaque année d’affiliation, le rapport entre le montant des cotisations payées par l’adhérent et la valeur du point détermine directement le nombre de points devant être attribués à ce titre.
Sur la contestation de M. [U] portant sur l’application d’une réduction non sollicitée, elle répond que la détermination des points acquis par M. [U] ne résulte que de l’application des dispositions réglementaires applicables au régime de l’auto-entrepreneur et elle estime que l’ACOSS était légitime à utiliser comme référence la première classe de cotisation réduite de 75 % qu’elle a donc appliquée pour le calcul des droits au titre de la retraite complémentaire.
Sur la demande d’indemnisation de M. [U], elle soutient qu’elle n’a fait qu’appliquer les textes et que, sauf à invoquer une divergence d’interprétation de textes complexes, l’intimé ne justifie pas du caractère fautif de sa position.
M. [U] au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 18 juillet 2023 reprises à l’audience demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence du 3 mai 2022, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande en réparation du préjudice moral et de sa demande indemnitaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice moral,
Y ajoutant,
En cas de décision d’irrecevabilité sur les exercices 2016-2019,
– condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3.000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l’obligation légale d’information de la caisse soit 12 000 euros pour les années 2016 à 2019,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation de l’appel abusif,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Il soutient que son action est recevable en ce qu’il a été jugé par la Cour de cassation suivant arrêt du 11 octobre 2018, qu’un recours contre un relevé de situation individuelle était recevable puisqu’il retranscrivait les droits à la retraite comptabilisés pour chaque caisse de retraite dont le professionnel relève, la CIPAV renvoyant d’ailleurs sur le site dédié au groupement d’intérêt public Info Retraite et qu’il vaut décision individuelle dématérialisée de la caisse qui peut lui faire grief.
Il fait valoir qu’il a obtenu la confirmation au moyen de son relevé de situation tel qu’établi par la CIPAV que celle-ci refusait de lui faire bénéficier, comme à tous ses adhérents auto-entrepreneurs, de l’article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979 en procédant jusqu’en 2015 à un abattement sur le forfait de points prévu par cet article et, après, en ne renseignant aucun droit acquis en violation de l’obligation légale d’information.
Il ajoute que la CIPAV est tenue de mettre à jour ce relevé de situation et ne peut donc se prévaloir de l’absence d’indications qu’il contient.
Sur le calcul des points de retraite s’agissant du régime complémentaire, il précise que selon plusieurs arrêts définitifs de diverses cours d’appel, le nombre de points de retraite alloués ne peut être inférieur à ceux de la classe A et que la règle de proportionnalité alléguée par la CIPAV est sans fondement textuel ou jurisprudentiel et est incompatible avec l’octroi de points forfaitaires.
Il considère que le revenu de référence est le chiffre d’affaires ou les recettes et non le bénéfice et ce, sans qu’il y ait lieu d’appliquer un abattement de 34 % comme l’a fait la CIPAV pour le calcul des points de retraite de base.
Sur sa demande de réparation d’un préjudice moral, il explique qu’il subit une minoration de ses droits à la retraite et éprouve un stress considérable pour parvenir à la rectification de ses droits.
Si sa demande de rectification était jugée irrecevable pour les années 2016-2019 non renseignées dans le relevé de situation individuelle, il réclame des dommages et intérêts à la CIPAV pour n’avoir pas actualisé ce relevé, ainsi qu’elle en a l’obligation par application des dispositions des articles L 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale.
Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1. Sur la recevabilité du recours.
En cause d’appel la CIPAV ne soulève plus la forclusion du recours de M. [U] pour n’avoir pas saisi la juridiction du contentieux de la sécurité sociale dans les deux mois suivant la saisine de la commission de recours amiable sur refus implicite.
L’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 dispose que :
I.-Les assurés bénéficient gratuitement d’un droit à l’information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes (…)
III.-Toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.
Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes.
L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés’.
Ainsi l’article R. 161-10 du code de la sécurité sociale a prévu que :
‘Les organismes ou services en charge des régimes de retraite dont relèvent ou ont relevé les bénéficiaires du droit à l’information sur leur retraite prévu par l’article L. 161-17 et qui sont autorisés à collecter et conserver le numéro d’inscription des intéressés au répertoire national d’identification des personnes physiques pour la mise en ‘uvre des droits à l’information sur la retraite prévus à l’article précité sont (…) :
– 6° Le groupement d’intérêt public institué par l’article L. 161-17-1″.
Enfin l’article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale énonce que :
‘Le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.
Le délai d’un an fixé au premier alinéa du présent article est décompté de date à date à partir de la réception de la précédente demande par l’organisme ou le service y ayant répondu.
Le relevé est accessible en ligne pour l’assuré.
La demande est adressée à l’un des organismes ou services mentionnés à l’article R. 161-10 parmi ceux en charge de la gestion de l’un des régimes dont le bénéficiaire relève ou a relevé et dont il n’a pas obtenu, à la date laquelle il adresse sa demande, la liquidation ou, en cas de retraite progressive, la liquidation provisoire de la ou des pensions dont cet organisme ou service a la charge’.
Et l’article D. 161-2-1-4 :
‘Sous réserve de l’application des dispositions des 3° et 4° de l’article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l’information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’Etat), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l’article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :
1° Les données mentionnées à l’article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s’il y a lieu, des cotisations dont l’assuré est redevable à cette date;
2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d’affecter l’âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.
L’indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l’absence d’engagement de l’organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé’.
En application de ces textes, M. [U] a sollicité le 8 mai 2020 sur le site en ligne INFO RETRAITE du Groupement d’Intérêt Public UNION RETRAITE un relevé de situation individuelle comportant ses droits acquis auprès de la CIPAV qui ne comporte d’informations quant aux points acquis au 1er janvier 2020 pour la retraite de base (12,2) et la retraite complémentaire (4) que pour les années 2014 et 2015 (sa pièce 1.1b) et comme information complémentaire : ‘Seules sont mentionnées les données relatives à votre carrière, d’autres éléments pourront être pris en compte au moment de la retraite’.
Qu’il s’agisse d’un relevé de situation individuelle que les organismes adressent d’initiative à partir d’un certain âge à leurs assurés ou d’un relevé individuel sollicité par l’assuré auprès d’une caisse de retraite en particulier ou du GIP info retraite à laquelle elles adhèrent, les dispositions combinées applicables des articles L. 161-17, R. 161-10 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale sont donc identiques.
Ce relevé de situation individuelle comporte d’après les dispositions de l’article R. 161-11 du code de la sécurité sociale :
– 5° : Selon les régimes, les dates de début et, s’il y a lieu, de fin d’affiliation ou de services ou les années au titre desquelles des droits ont été constitués. (…)
– 8° : Pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, en mentionnant, s’il y a lieu, le fait générateur de cette prise en compte lorsqu’il a une incidence sur l’âge d’ouverture ou le montant de la pension’.
Le relevé de situation traduit donc, à la date où il est établi, l’état des droits à retraite d’un assuré auprès d’une caisse. Qu’il soit délivré à titre informatif permet précisément d’en contester le contenu s’il fait grief, sans qu’il puisse être opposé un délai de forclusion à cette contestation de l’assuré qui justifie d’un intérêt à agir né et actuel.
Il en résulte que l’assuré est recevable, s’il l’estime erroné, à contester devant la commission de recours amiable, puis la juridiction du contentieux général, le report des durées d’affiliation, montant des cotisations ou nombre de points figurant sur son relevé de situation individuelle, sans attendre la liquidation de ses droits à retraite.
En revanche le relevé de situation individuelle délivré à l’assurée qui fait état d’une absence de données, ne peut caractériser une ou des décisions prises par un organisme de sécurité sociale compétent pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, à la différence d’un relevé dont les mentions feraient apparaître une absence de validation de droits pour une période considérée.
L’assuré ne peut dès lors former une réclamation en se fondant sur un tel relevé qui ne matérialise aucune décision de la CIPAV (cf cassation civile 2 – 1er décembre 2022 pourvoi n° 21-12.784).
Par conséquent, c’est sans méconnaître les dispositions de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige prévoyant que les décisions d’un organisme de sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable, que M. [U] était fondé à saisir le 7 juillet 2020 ladite commission d’un recours, puis la juridiction de sécurité sociale le 7 juillet 2021 sur rejet implicite de la commission de recours amiable qui ne lui a pas accusé réception de son recours et notifié les délais et voies de recours, mais uniquement pour les années 2014 et 2015.
Le recours sera donc jugé recevable en partie et le jugement confirmé en ce qu’il a reçu M. [U] en son recours pour les années 2014 et 2015 mais infirmé pour les années 2016 à 2019.
La demande de dommages et intérêts formée par M. [U] contre la CIPAV pour n’avoir pas tenu à jour ce relevé sera examinée ci-après.
– 2. Sur la comptabilisation des points de la retraite complémentaire (années 2014 et 2015).
Le régime de retraite complémentaire obligatoire des professions libérales est géré par dix sections professionnelles assurant la gestion du régime de vieillesse de base, du régime de retraite complémentaire et d’assurance invalidité-décès, dont la CIPAV regroupant tous les autres professionnels libéraux ne relevant pas d’une autre section particulière.
La pension de retraite servie par ce régime est égale au nombre de points acquis chaque année portés au compte du cotisant, multiplié par la valeur du point fixée annuellement par le conseil d’administration de chaque section.
Le régime de retraite complémentaire géré par la CIPAV est régi par le décret n° 79-262 du 21 mars 1979 qui prévoyait six classes de cotisations forfaitaires et huit à compter du décret n° 2012-1522 du 28 décembre 2012.
La classe de cotisation dont relève un cotisant dépend de son revenu professionnel compris dans une certaine tranche de revenus et correspond à un nombre de points et un montant de cotisations fixes déterminés chaque année (ex : 36 points et 1 214 euros de cotisations retraite complémentaire en classe A minimale pour un revenu 2015 inférieur à 26 580 euros).
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a créé le régime de l’auto-entrepreneur au bénéfice des travailleurs indépendants optant pour le régime de la micro-entreprise.
Ainsi l’article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 énonce que :
‘Par dérogation aux cinquième et dernier alinéas de l’article L. 131-6, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts. Des taux différents peuvent être fixés par décret pour les périodes au cours desquelles le travailleur indépendant est éligible à une exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Ce taux ne peut être, compte tenu des taux d’abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du même code, inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l’article L. 136-3 du présent code et à l’article 14 de l’ordonnance no 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.’
Ce régime micro-social a été étendu aux professions libérales affiliées à la CIPAV par l’article 34 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009.
Ainsi, les auto-entrepreneurs versent à l’ACOSS un montant de cotisations global calculé par application d’un pourcentage de l’ordre de 22 % selon les catégories d’activité, dénommé taux du forfait social, appliqué sur le chiffre d’affaires encaissé, sans considération du montant réel des charges d’exploitation.
L’affectation des cotisations forfaitaires ainsi perçues est ensuite opérée entre les différents régimes selon les règles prévues aux articles L. 133-6-8-3 de D. 131-6-5 déterminant un ordre de priorité entre chaque catégorie de cotisations ou contributions (CSG-CRDS, maladie, maternité, allocations familiales, vieillesse régime de base et complémentaire, invalidité-décès).
Les montants de cotisations ainsi calculés pour un travailleur indépendant ordinaire et pour un travailleur indépendant relevant du régime de l’auto-entrepreneur n’étant pas forcément identiques, un système de compensation versée par l’Etat en application du principe contenu à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale a été mis en oeuvre, compensation à laquelle il a été mis fin à partir de 2016.
En application de ce principe de compensation prévu à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale l’article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale prévoyait que :
‘Pour l’application des dispositions de l’article L. 131-7 au régime prévu à l’article L. 133-6-8, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale notifie à l’Etat la différence entre :
‘a) D’une part, le montant des cotisations et contributions sociales dont les travailleurs indépendants auraient été redevables au cours de l’année civile en application des articles L. 131-6, L. 136-3, L. 635-1, L. 635-5, L. 642-1, L. 644-1 et L.644-2 du code de la sécurité sociale et de l’article 14 de l’ordonnance no 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, et,
b) D’autre part, le montant des cotisations et contributions sociales calculées en application de l’article L. 133-6-8.’
Et au cas particulier des travailleurs indépendants affiliés à la CIPAV le dernier alinéa précisait :
‘Pour l’application des dispositions du présent article aux travailleurs indépendants relevant de l’organisme mentionné au 11° de l’article R. 641-1 du code de la sécurité sociale (ndr : section des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l’article L. 382-1, enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques, et de toute profession libérale non rattachée à une autre section), est retenue au titre des régimes mentionnés aux articles L. 644-1 (ndr : vieillesse complémentaire) et L. 644-2 (ndr : invalidité-décès), la plus faible cotisation non nulle dont ils auraient pu être redevables en fonction de leur activité en application des dispositions mentionnées au a) du présent article’.
La CIPAV soutient en substance qu’en application du principe général de proportionnalité régissant tous les systèmes contributifs, le nombre de points attribués à M. [U] pour la retraite complémentaire objet du présent litige doit être calculé proportionnellement aux cotisations qu’il a versées et non en seule considération de la classe de cotisation dont il dépendrait en fonction de son revenu.
À ce titre, elle ajoute à titre subsidiaire que la classe de cotisations dont il dépend doit être déterminée non pas en fonction de son chiffre d’affaires brut, mais en fonction de son bénéfice reconstitué à partir de ce chiffre d’affaires pour déterminer son bénéfice non commercial et son revenu professionnel.
L’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 qui antérieurement définissait six classes de cotisations est depuis le 1er janvier 2013 rédigé ainsi :
‘Le régime d’assurance vieillesse complémentaire institué par l’article 1er comporte huit classes de cotisation :
– la classe A portant attribution annuelle de 36 points ;
– la classe B portant attribution annuelle de 72 points ;
– la classe C portant attribution annuelle de 108 points ;
– la classe D portant attribution annuelle de 180 points ;
– la classe E portant attribution annuelle de 252 points ;
– la classe F portant attribution annuelle de 396 points ;
– la classe G portant attribution annuelle de 432 points ;
– la classe H portant attribution annuelle de 468 points.
Les montants des cotisations des classes B, C, D, E, F, G et H sont respectivement égaux à 2,3,5,7,11,12 et 13 fois le montant de la cotisation de la classe A.
La cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l’article 5, son revenu d’activité tel que défini à l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale et pour les architectes et agréés en architecture visés à l’article 35 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, le revenu net salarié provenant de l’activité exercée en qualité d’associé d’une société d’architecture’.
Il est donc pris en compte par le décret précité régissant l’assurance vieillesse complémentaire de la CIPAV pour la détermination de la classe de cotisation, du montant de la cotisation et du nombre de points attribués, le revenu d’activité tel que défini à l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, soit pour les travailleurs individuels le revenu pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu.
Or par dérogation expresse à ces dispositions de l’article L. 131-6, il est pris en compte d’après l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale pour les auto-entrepreneurs pour le calcul de l’assiette de leurs cotisations sous forme de forfait social, le montant de leur chiffre d’affaires.
La classe de cotisation dont ils dépendent et le nombre de points attribués doit par conséquent se faire en application du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 en fonction de leur chiffre d’affaires, non de leur revenu imposable estimé, après application d’un abattement forfaitaire de 34 % sur ce chiffre d’affaires comme opéré à tort par la CIPAV pour les années antérieures à 2016.
De plus cet article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 précitée spécifie que ce forfait social dont sont redevables les auto-entrepreneurs est fixé ‘de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas du régime prévu au présent article’.
Le principe de proportionnalité entre les droits attribués et le montant des cotisations versées dépendant d’un forfait social fixé par l’Etat dans le cadre d’un dispositif simplifié de création d’entreprise individuelle voulu attractif, n’est donc pas opposable à son bénéficiaire.
Ainsi l’absence de compensation de l’Etat depuis 2016 ne concerne que les rapports entre l’Etat et la CIPAV et n’est pas opposable aux affiliés auto-entrepreneurs de la CIPAV.
La CIPAV ne peut non plus se prévaloir de l’article 3-12 bis de ses statuts, approuvés par arrêté ministériel, de valeur juridique inférieure selon lequel : ‘Le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui est exclu de la compensation de l’Etat prévue à l’article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées’.
Elle ne peut non plus opposer l’article 3-12 de ses mêmes statuts, faute de demande expresse de M. [U] en ce sens selon lequel :
‘La cotisation peut, sur demande expresse de l’adhérent, être réduite de 25, 50 ou 75 %, en fonction du revenu professionnel de l’année précédente (..) L’adhérent, qui conserve la faculté de s’acquitter de la cotisation à taux plein, ne bénéficie, en cas de réduction, que du nombre de points proportionnel à la fraction de cotisation réglée.
Cette demande de réduction doit être formulée à peine de forclusion dans les trois mois suivant l’exigibilité de la cotisation telle que définie à l’article 3-7 (….)
L’adhérent qui justifie avoir perçu, au titre de l’année précédente, un revenu professionnel inférieur à 15 % du plafond de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l’année en cours, peut, à sa demande expresse, être dispensé de cette cotisation’.
Au cas d’espèce M. [U] en 2014 a déclaré un revenu de 500 euros et en 2015 de 1 020 euros (cf sa pièce 1-2).
Ce revenu étant inférieur à 26 420 euros en 2014 ou 26 580 euros en 2015, il relevait donc de la première classe A de revenus.
Il devait donc lui être attribué au titre de la retraite complémentaire 36 points annuels, au lieu de 1 point en 2014 et 3 points en 2015.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire de M. [U] sur la base de 36 points en 2014 et 36 points en 2015 et à procéder à la rectification correspondante de son relevé de situation individuelle.
– 3. Sur la comptabilisation des points de la retraite de base (années 2014 et 2015).
Les parties ne sont pas en opposition sur le mode de calcul du nombre de points attribués en fonction du revenu soit :
– en 2014 un point pour 70,92 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 558,25 euros de revenus en tranche II ;
– en 2015 : un point pour 72, 45 euros de revenus en tranche I et un point pour 7 608 euros de revenus en tranche II.
En revanche, la CIPAV entend pour déterminer les droits de M. [U] opérer sur ses revenus 2014 et 2015 qui ont été de 500 euros et 1020 euros, un abattement de 34 % applicable aux professions libérales pour reconstituer son bénéfice non commercial et ainsi calculer ses points de retraite de base sur une assiette réduite à 330 euros en 2014 (500 euros x 0,66) et 673 euros en 2015 (1 020 euros x 0,66).
Il a cependant déjà été répondu à ce moyen au § 2 précédent de sorte que, l’assiette des droits à retraite de base doit être le chiffre d’affaires déclaré par l’assuré et non un bénéfice non commercial reconstitué après déduction de 34 %, étant rappelé que les auto-entrepreneurs bénéficient également d’un forfait fiscal consistant en un prélèvement libératoire de 2,2 % de leur chiffre d’affaires pour le paiement de l’impôt sur le revenu (article 151-0 du code général des impôts).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite de base de M. [U] sur la base de 7 points en 2014 et 14,2 points en 2015 selon son calcul et à procéder à la rectification correspondante de son relevé de situation individuelle.
– 4. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l’absence de renseignements sur les années 2016 à 2019 dans le relevé de situation individuelle.
Il ressort des textes précités du code de la sécurité sociale que :
– article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 :
I.-Les assurés bénéficient gratuitement d’un droit à l’information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes (…)
III.-Toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.
Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes.
L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés’.
– article R. 161-10 du code de la sécurité sociale :
‘Les organismes ou services en charge des régimes de retraite dont relèvent ou ont relevé les bénéficiaires du droit à l’information sur leur retraite prévu par l’article L. 161-17 et qui sont autorisés à collecter et conserver le numéro d’inscription des intéressés au répertoire national d’identification des personnes physiques pour la mise en ‘uvre des droits à l’information sur la retraite prévus à l’article précité sont (…) :
– 6° Le groupement d’intérêt public institué par l’article L. 161-17-1″.
– article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale :
‘Le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.
Le délai d’un an fixé au premier alinéa du présent article est décompté de date à date à partir de la réception de la précédente demande par l’organisme ou le service y ayant répondu.
Le relevé est accessible en ligne pour l’assuré.
La demande est adressée à l’un des organismes ou services mentionnés à l’article R. 161-10 parmi ceux en charge de la gestion de l’un des régimes dont le bénéficiaire relève ou a relevé et dont il n’a pas obtenu, à la date laquelle il adresse sa demande, la liquidation ou, en cas de retraite progressive, la liquidation provisoire de la ou des pensions dont cet organisme ou service a la charge’.
– article D. 161-2-1-4 :
‘Sous réserve de l’application des dispositions des 3° et 4° de l’article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l’information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’Etat), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l’article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :
1° Les données mentionnées à l’article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s’il y a lieu, des cotisations dont l’assuré est redevable à cette date;
2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d’affecter l’âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.
L’indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l’absence d’engagement de l’organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé’.
M. [U] a obtenu le 8 mai 2020 sur le site en ligne INFO RETRAITE du Groupement d’Intérêt Public UNION RETRAITE un relevé de situation individuelle à jour au 1er janvier 2020, ne comportant ses droits acquis auprès de la CIPAV que pour les années 2014 et 2015, alors qu’il n’est pas contesté qu’il s’est bien acquitté du forfait social pour les années postérieures.
Manifestement, la CIPAV a manqué sans s’en expliquer à ses obligations de mise à jour des informations disponibles pour M. [U] sur l’étendue de ses droits à retraite constitués année par année en contrepartie des cotisations versées, le mettant tout à la fois dans l’impossibilité de les vérifier et d’exercer utilement un recours immédiat et le plaçant dans l’incertitude quant à l’étendue et au montant de ses droits futurs à pension.
Cette omission fautive lui cause donc un préjudice ouvrant droit à dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun de l’article 1240 du code civil, qui seront évalués à la somme de 2 000 euros par année manquante soit 8 000 euros au total, somme que la CIPAV sera condamnée à lui verser.
– 5. Sur les autres demandes de dommages et intérêts.
M. [U] sollicite des dommages et intérêts pour la minoration de ses droits à la retraite mais en a obtenu la rectification pour les années 2014 et 2015 pour lesquelles son recours est jugé recevable et ne peut donc plus faire valoir un préjudice matériel indemnisable.
Quant au préjudice moral qu’il allègue, il n’en a rapporté aucun commencement de preuve.
Il sera par conséquent débouté de cette demande.
En cause d’appel il réclame également des dommages et intérêts à la CIPAV pour avoir relevé appel du jugement ayant fait droit à ses demandes.
Outre que ce jugement est partiellement infirmé quant à la recevabilité du recours de l’intimé pour les années à compter de 2016, le fait pour la CIPAV à l’occasion de la divergence d’interprétation de dispositions complexes d’opposer le principe de proportionnalité entre les cotisations versées et les points attribués prévu par ses statuts pour assurer l’égalité entre ses affiliés, n’est pas en soi une faute ouvrant droit à dommages et intérêts mais relève de l’exercice normal des voies de droit.
Enfin, M. [U] n’a pas rapporté la preuve d’un préjudice distinct que les frais irrépétibles qu’il a exposé à l’occasion de l’instance en appel pour lesquels il a formulé une demande distincte.
Il sera donc également débouté de ce chef de dommages et intérêts.
6. Sur les autres demandes.
Les dépens seront supportés par la CIPAV qui succombe.
Il parait équitable d’allouer à l’intimé la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel à la charge de la CIPAV qui succombe aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n° 21/00429 rendu le 3 mai 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence en ses dispositions soumises à la cour d’appel, sauf en ce qu’il a reçu M. [U] en son recours pour les années 2016 à 2019 et enjoint la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à rectifier ses points de retraite complémentaire et de retraite de base acquis pour ces années 2016 à 2019 ainsi qu’à rectifier son relevé de situation individuelle pour ces années et l’infirme de ces chefs.
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable le recours de M. [U] portant sur la rectification de ses points de retraite complémentaire et de retraite de base acquis auprès de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019.
Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à verser à M. [U] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de renseignements sur ses droits acquis à la retraite de base et complémentaire pour les années 2016 à 2019.
Déboute M. [U] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour appel abusif.
Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) aux dépens d’appel.
Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à verser à M. [P] [U] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la our, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président