Données nominatives et Fraude aux transports ambulanciers

Notez ce point juridique

Sans atteinte au droit des données personnelles, la caisse primaire d’assurance maladie est en droit d’analyse les transports des ambulanciers aux fins de lutter contre la « fraude aux trajets ».  

La société Cristal Ambulances (la société) est une société privée de transport sanitaire conventionnée avec l’assurance maladie. La société a fait l’objet d’un contrôle de facturation par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) qui a analysé les transports réalisés au cours de la période du 31 octobre 2013 au 28 avril 2017 et qui ont été remboursés entre le 26 mai 2015 et le 22 mai 2017.

Par courrier en date du 26 juillet 2017, la caisse a notifié à la société les anomalies suivantes :

– 2 749 transports effectués par des personnels non autorisés (absence diplôme, absence d’autorisation de l’agence régionale de santé (ARS) et de la caisse) ;

– 3 548 transports réalisés avec des véhicules non autorisés ;

– une anomalie d’horaire ;

– 646 anomalies de sur facturation kilométrique.

Le montant de l’indu était de près de 400 000 euros. La juridiction a confirmé cette dette et a condamné la société à rembourser cet indu.

Pour rappel, par délibération n° 88-31 du 22 mars 1988, portant avis sur le projet de décision présenté par le directeur de la caisse nationale d’assurance maladie concernant la mise à disposition des caisses primaires d’assurance maladie d’un système d’analyse des fichiers, dénommé SIAM’, la CNIL a émis un avis favorable, sous réserve de la constitution d’un groupe de concertation, les caisses devant présenter :

– une demande d’avis allégée de référence comportant un engagement de conformité et un projet d’acte réglementaire conforme à l’acte réglementaire national et précisant que les thèmes de recherche entrepris par les caisses seront tenus à disposition du public par affichage dans les locaux des caisses ;

– une demande d’avis allégée, préalablement à chaque mise en oeuvre de traitement nécessaire pour réaliser un ou plusieurs thèmes de recherche comportant un projet d’acte réglementaire précisant l’objet de la recherche ou des recherches entreprises ainsi qu’une annexe mentionnant les critères utilisés, la durée de la recherche, le nombre et la qualité des personnes habilitées à procéder au traitement des données, les conditions d’exercice du droit d’accès.’

Par délibération n° 89-117 du 24 octobre 1989 portant avis de la création d’un répertoire national de thèmes de recherche utilisables dans le cadre du SIAM, la CNIL a émis un avis favorable. Par une autre délibération n° 96-002 du 16 janvier 1996 portant avis sur un projet de règlement d’acte réglementaire modificatif présenté par la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés relatif au SIAM, la CNIL a émis un avis favorable à l’ajout de quatre thèmes du répertoire national.

Dans cette même délibération la CNIL a considéré qu’il n’y avait ‘plus lieu d’exiger des caisses primaires ou des services médicaux, lorsqu’ils mettent en oeuvre un thème du répertoire national, de saisir la CNIL de la demande d’avis allégée prévues par les délibérations’ précédentes, après vérification sur place de ce traitement par les membres de la commission. La référence à l’information d’un comité médical paritaire local a disparu.

L’article R. 161-32 du code de la sécurité sociale dispose que :

‘Les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire d’assurance maladie sont tenus de prendre toutes les dispositions nécessaires aux fins de préserver, notamment dans le cadre du traitement mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 161-29, la confidentialité des données transmises et traitées aux termes de cet article, et en particulier pour limiter aux seuls personnels habilités l’accès direct aux données médicales relatives aux assurés ou à leurs ayants droit.

A cette fin, les directeurs des organismes mentionnés à l’alinéa précédent veillent au respect des dispositions de l’acte autorisant le traitement automatisé, ainsi que des règles limitant l’accès direct aux données médicales des personnels placés sous leur autorité. Les praticiens-conseils veillent au respect des mêmes règles par les personnels placés sous leur autorité.’

Cette habilitation prévue par la délibération de 1989 procède des modalités d’organisations mise en oeuvre par les organismes de sécurité sociale pour préserver un accès sélectif au SIAM. Ainsi, l’agent qui procède dans le cadre de ses fonctions à la mise en oeuvre de ce système est présumé disposer de cette habilitation.

________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

5e Chambre

ARRET DU 20 JANVIER 2022

N° RG 20/01802

N° Portalis DBV3-V-B7E-UALZ

AFFAIRE :

[…]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2020 par le Pôle social du TJ de PONTOISE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant fixé au 13 janvier 2022 puis prorogé au 20 janvier 2022, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

[…]

représentée par Me Thibaud VIDAL de la SELEURL VIDAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0056 substituée par Me Manel GHARBI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 6

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

[…]

[…]

représentée par M. Y Z (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir général

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvia LE FISCHER, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société Cristal Ambulances (la société) est une société privée de transport sanitaire conventionnée avec l’assurance maladie.

La société a fait l’objet d’un contrôle de facturation par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) qui a analysé les transports réalisés au cours de la période du 31 octobre 2013 au 28 avril 2017 et qui ont été remboursés entre le 26 mai 2015 et le 22 mai 2017.

Par courrier en date du 26 juillet 2017, la caisse a notifié à la société les anomalies suivantes :

– 2 749 transports effectués par des personnels non autorisés (absence diplôme, absence d’autorisation de l’agence régionale de santé (ARS) et de la caisse) ;

– 3 548 transports réalisés avec des véhicules non autorisés ;

– une anomalie d’horaire ;

– 646 anomalies de sur facturation kilométrique.

Le montant de l’indu était de 393 080,02 euros.

Par courrier électronique en date du 16 août 2017, la société a justifié auprès de la caisse de la mise à jour de son référentiel national des transports, ce qui permettait à l’organisme de réétudier la situation de la société, de ramener le montant de son indu à la somme de 65 727,43 euros, correspondant à 600 transports effectués par du transport non autorisé, une anomalie d’horaire et 646 surfacturations kilométriques.

Par courrier du 10 octobre 2017, l’indu a été notifié à la société par la caisse.

La société a saisi la commission de recours amiable qui , lors de sa séance du 5 décembre 2018, a ramené le montant de la somme indue à 9 516,07 euros représentant :

– 5 139,63 euros au titre des anomalies d’autorisation et de diplôme de M. A B ;

– 4 180,29 euros au titre des anomalies d’autorisation de M. X C pour la période antérieure au 24 août 2015 puis entre le 1er octobre et le 22 novembre 2015 ;

– 106,64 euros au titre des facturations kilométriques surélevées par rapport au référentiel.

La société a alors saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Pontoise devenu le tribunal judiciaire de Pontoise.

Par jugement contradictoire en date du 7 juillet 2020 (RG n°19/00450), le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise a :

– dit le recours de la société recevable mais mal fondé ;

– confirmé la décision rendue par la commission de recours amiable le 5 décembre 2018 et notifiée à la société le 14 février 2019 ;

– condamné la société à payer à la caisse la somme de 9 516,07 euros représentant le montant des transports réalisés au cours de la période du 31 octobre 2013 au 28 avril 2017 et indûment remboursés par la caisse entre le 26 mai 2015 et le 22 mai 2017 ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, contraires et plus amples ;

– condamné la société aux entiers dépens ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration reçue le 13 août 2020, la société a interjeté appel et l’affaire a été plaidée à l’audience du 9 novembre 2021.

Par conclusions écrites et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :

– de juger que la notification d’indu a été établie au terme d’une procédure de contrôle irrégulière ;

– de juger qu’elle est insuffisamment motivée ;

– de juger que la caisse ne rapporte pas la preuve du paiement des actes dont elle réclame la répétition ;

– de juger que les griefs ne sont ni établis ni fondés ;

– de juger que le jugement de première instance n’est pas fondé ;

En conséquence,

– d’infirmer le jugement de première instance du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 7 juillet 2020 ;

– d’annuler la notification d’indu du 10 octobre 2017 par laquelle la caisse lui réclame un indu d’un montant de 65 727,43 euros ;

– d’annuler la décision de la commission de recours amiable en ce qu’elle valide l’indu à hauteur de 9 516,07 euros ;

– rejeter l’ensemble des demandes et prétentions de la caisse ;

– condamner la caisse aux entiers dépens.

Par conclusions écrites et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement le jugement rendu en date du 7 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise ;

– condamner la société aux entiers dépens.

La société sollicite la condamnation de la caisse à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La caisse réclame celle de 5 000 euros sur le même fondement.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour note qu’elle a accepté, à l’audience du 5 octobre 2021, une demande de renvoi formée par la société qui souhaitait impérativement répondre aux dernières conclusions de la caisse et qui invoquait un piratage informatique mais qu’à l’audience de plaidoiries du 9 novembre 2021, la société n’a déposé aucun nouveau jeu de conclusions.

Sur la régularité de la procédure et la violation de la charte du contrôle de l’activité professionnelle

La société reproche à la caisse d’avoir violé la charte du contrôle de l’activité professionnelle en ne lui notifiant pas les suites contentieuses que la caisse entendait donner au contrôle avant toute notification d’indu dont elle ne rapporte pas la date de réception.

En réponse, la caisse soutient que cette charte n’a pas de valeur normative, qu’il s’agit d’un ensemble de bonnes pratiques à mettre en oeuvre lors d’un contrôle sans valeur juridique contraignante.

Elle ajoute que la charte s’applique, hors suspicion de fraude ; que la société avait constaté un nombre d’irrégularités très important qui entraînait une suspicion de fraude. En outre la société ne peut alléguer un manque de respect du contradictoire puisqu’elle a été informée du résultat du contrôle, qu’elle a pu faire toutes observations qui ont été en partie prises en compte avant qu’elle ne saisisse la commission de recours amiable.

Sur ce

Aux termes de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en l’espèce, « En cas d’inobservation des règles de tarification ou de facturation :

1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 ;

2° Des frais de transports mentionnés à l’article L. 321-1,

L’organisme de prise en charge recouvre l’indu correspondant auprès du professionnel ou de l’établissement à l’origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l’assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d’assurance maladie, d’un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.

Lorsque le professionnel ou l’établissement faisant l’objet de la notification d’indu est également débiteur à l’égard de l’assuré ou de son organisme complémentaire, l’organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l’indu. Il restitue à l’assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu’ils ont versés à tort.

L’action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s’ouvre par l’envoi au professionnel ou à l’établissement d’une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

En cas de rejet total ou partiel des observations de l’intéressé, le directeur de l’organisme d’assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l’intéressé de payer dans le délai d’un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.

Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l’organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n’ont pas été réglées aux dates d’exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l’objet d’une remise ».

En l’espèce, le 26 juillet 2017, la caisse a adressé à la société un courrier d’observation d’anomalies de facturation, lui précisant la période objet du contrôle (31octobre 2013 au 28 avril 2017), les anomalies détectées détaillées dans un tableau et l’invitant à présenter ses observations, dans un délai d’un mois, ce que la société a fait. La caisse a alors diminué le montant de l’indu réclamé avant de notifier l’indu par courrier du 10 octobre 2017.

La société a alors saisi la commission de recours amiable qui a encore diminué le montant de l’indu.

Le principe du contradictoire a en conséquence été respecté par la caisse et la société a été en mesure, à plusieurs reprises de contester, en partie avec succès, les observations de la caisse.

La procédure telle que décrite par le texte sus-visé a donc été respectée par la caisse.

Aux termes de l’article 4.1 de la Charte du contrôle des activités des professionnels de santé par l’Assurance Maladie,

‘L’Assurance Maladie s’engage à ce que les moyens déployés aussi bien par les caisses que par le Service du contrôle médical respectent des principes éthiques tels que la règle de l’égalité de traitement des acteurs contrôlés sur l’ensemble du territoire, la présomption d’innocence, le secret professionnel, le secret médical partagé pour le service du contrôle médical, le principe du contradictoire, les droits de la défense.’

L’article 6.1.1 de cette charte, intitulé ‘Après le contrôle de l’activité d’un professionnel de santé réalisé par une caisse d’assurance maladie’, ajoute que :

‘A la suite de la réalisation du contrôle de l’activité d’un professionnel de santé, sauf cas de suspicion de fraude pénalement répréhensible (cf. annexe 1), le directeur de l’organisme ou son représentant partage, avant toute notification d’indus et/ou engagement d’une procédure contentieuse, avec le professionnel de santé les résultats motivés du contrôle de son activité et lui indique qu’il dispose d’un délai d’un mois pour demander à être entendu ou pour présenter des observations écrites. Ce professionnel de santé est également susceptible de consulter son dossier auprès de la caisse et de se faire assister par un membre de la même profession et/ou par un avocat de son choix.

En cas de sollicitation d’un entretien, ce dernier est réalisé au sein de la caisse et le professionnel de santé peut, dans le strict respect du secret professionnel, se faire assister par un membre de la même profession et/ou par un avocat de son choix.

Dans les quinze jours suivant la réalisation de l’entretien, son compte-rendu est adressé, au professionnel de santé qui, à sa réception, dispose d’un délai de quinze jours pour le renvoyer signé à la caisse, accompagné d’éventuelles réserves. A défaut, le compte rendu de l’entretien est réputé approuvé.

Dans les trois mois à compter :

– de l’expiration du délai de réponse de quinze jours dont dispose le professionnel de santé pour renvoyer le compte-rendu d’entretien signé,

– ou, en l’absence d’entretien, de l’expiration du délai d’un mois suivant la notification des résultats du contrôle, le directeur ou son représentant adresse au professionnel de santé contrôlé, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, un courrier lui précisant :

* la période sur laquelle a porté le contrôle,

* les manquements maintenus à la suite des observations écrites ou orales présentées,

* les suites envisagées au contrôle.

A défaut, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé.

L’obligation d’information du professionnel de santé sur les suites envisagées à un contrôle ne s’applique pas en cas de plainte pénale pour suspicion de fraude.’

Si cette charte édicte des obligations à la charge de la caisse avant l’envoi de la notification d’indu, elle n’a pas intrinsèquement de valeur juridique et contraignante, outre le fait qu’aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de celle-ci.

Ceci se déduit des termes mêmes du préambule qui énonce que « la présente charte n’a pas pour vocation à se substituer aux textes législatifs, réglementaires et conventionnels mais a pour objectif de contribuer au bon déroulement des opérations de contrôle menées par l’Assurance Maladie en les faisant mieux connaître et en précisant les principes que doivent observer les caisses d’assurance maladie, le service du contrôle médical mais aussi le professionnel de santé lors des investigations.

Avec cette charte, l’ambition est de trouver le juste équilibre entre l’exercice légitime de la mission de contrôle de l’assurance maladie et les droits des professionnels de santé et d’ancrer ainsi cet équilibre dans une relation apaisée et fondée sur une confiance mutuelle ».

Il sera donc considéré que la procédure, respectueuse du principe du contradictoire, telle que prévue par les textes législatifs et réglementaires, a été respectée par la caisse.

Le moyen tiré du non respect de la Charte sera ainsi rejeté.

Sur le respect des prescriptions des délibérations de la CNIL

La société expose que le contrôle a nécessairement été réalisé à l’aide de la mise en oeuvre du système de traitement automatisé des données SIAM et la caisse n’apporte pas la preuve qu’elle a procédé à l’enregistrement des critères et raisonnements sur lesquels était fondé le contrôle de façon à en permettre le contrôle a posteriori. La caisse ne justifie pas non plus que les agents qui ont réalisé le contrôle disposaient d’une habilitation pour accéder et utiliser le système SIAM et ne démontre pas que lors de l’envoi de requête SIAM le comité paritaire local a été informé de sa motivation, de sa mise en route et de ses résultats ni qu’elle a respecté les procédures prévues par les délibérations de la CNIL. La violation des formalités CNIL constitue une privation de garantie par la personne contrôlée de nature à entraîner l’annulation de la procédure de contrôle et de tous les actes subséquents sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un grief.

De son côté, la caisse soutient que la CNIL a rendu un avis favorable à la mise à disposition des caisses d’un système d’analyse des fichiers, le système informationnel de l’assurance maladie (SIAM) ainsi que sur la création d’un répertoire national de 35 thèmes de recherche utilisables dans le cadre du SIAM. Une demande d’avis n’est plus nécessaire quand le contrôle de la société s’inscrit dans les thèmes 27 et 38 autorisés.

Sur ce

Par ‘délibération n° 88-31 du 22 mars 1988, portant avis sur le projet de décision présenté par le directeur de la caisse nationale d’assurance maladie concernant la mise à disposition des caisses primaires d’assurance maladie d’un système d’analyse des fichiers, dénommé SIAM’, la CNIL a émis un avis favorable, sous réserve de la constitution d’un groupe de concertation, les caisses devant présenter :

– une demande d’avis allégée de référence comportant un engagement de conformité et un projet d’acte réglementaire conforme à l’acte réglementaire national et précisant que les thèmes de recherche entrepris par les caisses seront tenus à disposition du public par affichage dans les locaux des caisses ;

– une demande d’avis allégée, préalablement à chaque mise en oeuvre de traitement nécessaire pour réaliser un ou plusieurs thèmes de recherche comportant un projet d’acte réglementaire précisant l’objet de la recherche ou des recherches entreprises ainsi qu’une annexe mentionnant les critères utilisés, la durée de la recherche, le nombre et la qualité des personnes habilitées à procéder au traitement des données, les conditions d’exercice du droit d’accès.’

Par délibération n° 89-117 du 24 octobre 1989 portant avis de la création d’un répertoire national de thèmes de recherche utilisables dans le cadre du SIAM, la CNIL a émis un avis favorable.

Par délibération n° 96-002 du 16 janvier 1996 portant avis sur un projet de règlement d’acte réglementaire modificatif présenté par la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés relatif au SIAM, la CNIL a émis un avis favorable à l’ajout de quatre thèmes du répertoire national.

Dans cette même délibération la CNIL a considéré qu’il n’y avait ‘plus lieu d’exiger des caisses primaires ou des services médicaux, lorsqu’ils mettent en oeuvre un thème du répertoire national, de saisir la CNIL de la demande d’avis allégée prévues par les délibérations’ précédentes, après vérification sur place de ce traitement par les membres de la commission. La référence à l’information d’un comité médical paritaire local a disparu.

La société affirme que les autres formalités imposées par la CNIL n’ont pas été abrogées sans préciser de quelle formalité il s’agit.

L’article R. 161-32 du code de la sécurité sociale dispose que :

‘Les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire d’assurance maladie sont tenus de prendre toutes les dispositions nécessaires aux fins de préserver, notamment dans le cadre du traitement mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 161-29, la confidentialité des données transmises et traitées aux termes de cet article, et en particulier pour limiter aux seuls personnels habilités l’accès direct aux données médicales relatives aux assurés ou à leurs ayants droit.

A cette fin, les directeurs des organismes mentionnés à l’alinéa précédent veillent au respect des dispositions de l’acte autorisant le traitement automatisé, ainsi que des règles limitant l’accès direct aux données médicales des personnels placés sous leur autorité. Les praticiens-conseils veillent au respect des mêmes règles par les personnels placés sous leur autorité.’

Cette habilitation prévue par la délibération de 1989 procède des modalités d’organisations mise en oeuvre par les organismes de sécurité sociale pour préserver un accès sélectif au SIAM. Ainsi, l’agent qui procède dans le cadre de ses fonctions à la mise en oeuvre de ce système est présumé disposer de cette habilitation.

Le moyen de l’annulation du contrôle tiré de l’irrégularité du recours SIAM n’est pas fondé.

Sur l’assermentation et l’agrément des agents de la caisse

La société affirme qu’il n’est pas établi que les agents chargés du contrôle soient agréés et assermentés conformément à l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale. L’ensemble des actes réalisés par eux doivent donc être écartés des débats.

La caisse rétorque que cet article n’est pas applicable au contrôle.

Sur ce

Aux termes de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016,

‘Les directeurs des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire.

Lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de sa mission, un agent chargé du contrôle peut être habilité par le directeur de son organisme à effectuer, dans des conditions précisées par décret, des enquêtes administratives et des vérifications complémentaires dans le ressort d’un autre organisme. Les constatations établies à cette occasion font également foi à l’égard de ce dernier organisme dont le directeur tire, le cas échéant, les conséquences concernant l’attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les agents chargés du contrôle peuvent mener leurs vérifications et enquêtes pour le compte de plusieurs organismes appartenant éventuellement à différentes branches et différents régimes de la sécurité sociale.

Les procès-verbaux transmis à un autre organisme de protection sociale font foi à son égard jusqu’à preuve du contraire. Le directeur de cet organisme en tire, le cas échéant, les conséquences, selon les procédures applicables à cet organisme concernant l’attribution des prestations dont il a la charge.

Les modalités de cette coopération sont définies par décret.’

Il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables aux contrôles de l’observation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et aux dispositions réglementaires prises pour leur application.

La société sera en conséquence déboutée de sa demande de mise à l’écart des documents émanant de ces agents de ce chef.

Sur la régularité de la notification de l’indu

La société invoque l’insuffisance de la motivation, obscure, inintelligible et incompréhensible, les règles normatives n’y figurant pas.

La caisse conteste ce moyen en citant les textes et la jurisprudence.

Sur ce

Aux termes de l’article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige,

‘I.-La notification de payer prévue à l’article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l’organisme d’assurance maladie au professionnel ou à l’établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l’existence d’un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s’acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l’intéressé peut présenter des observations écrites à l’organisme d’assurance maladie.

A défaut de paiement à l’expiration du délai de forclusion prévu à l’article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l’organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l’article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l’existence du nouveau délai d’un mois imparti, à compter de sa réception, pour s’acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l’existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l’absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.

II.-La majoration de 10 % peut faire l’objet d’une remise par le directeur de l’organisme de sécurité sociale à la demande du débiteur en cas de bonne foi de celui-ci ou si son montant est inférieur à un des seuils, différents selon qu’il s’agit d’un professionnel de santé ou d’un établissement de santé, fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

III.-Les dispositions des articles R. 133-3, R. 133-5 à R. 133-7 sont applicables à la contrainte instituée par l’article L. 133-4. […]’

En l’espèce, la notification de l’indu du 10 octobre 2017 a été envoyée par lettre recommandée avec avis de réception signée par la société le 11 octobre 2017.

Ce courrier précise les diverses anomalies détectées et un tableau reprenant l’ensemble des 600 transports non autorisés, une anomalie d’horaires et 646 anomalies de surfacturations kilométriques, en distinguant, sur 43 pages, la date du paiement, le lot, le numéro de facture, le numéro d’assuré, le nom du bénéficiaire, le numéro de prescription, la date de la prescription, la date de transmission, l’heure du début, la ville de départ, l’heure de fin et la ville d’arrivée, le numéro d’immatriculation du véhicule utilisé, le nom du conducteur, le nom de l’accompagnant, les numéros de caisse et d’acte, le nombre de kilomètres, le prix unitaire, l’anomalie détectée, l’indu, les observations du transporteur (après le premier courrier), le retour de la caisse et l’indu maintenu.

La société cite d’ailleurs la jurisprudence de la Cour de cassation qui valide une telle motivation.

La société ne précise pas ce qu’elle ne comprend pas, alors qu’elle a pu, avec ce même tableau, et avec succès, répondre au premier courrier d’observations puis contester l’indu devant la commission de recours amiable, et justifier de certains indus visés dans ce même tableau.

Il s’en déduit que la motivation est régulière et la société sera déboutée de ce chef.

Sur le bien fondé de l’indu

La société affirme que la caisse, dans le cadre de l’article L.133-4 du code de la sécurité sociale, la caisse ne peut constater une irrégularité de règles (défaut d’autorisation par l’ARS) qui ne constituent ni des règles de tarification ou de facturation des prestations ni des règles conditionnant l’autorisation d’exercice de son activité : il s’agit d’une obligation déclarative et non d’une autorisation préalable.

Elle reproche aux premiers juges d’avoir appliqué un contrat auquel la caisse des Hauts-de-Seine n’a jamais été partie et de lui avoir reproché des manquements contractuels inexistants

Elle ajoute qu’elle a réalisé les déclarations requises auprès de l’ARS, que la caisse ne justifie pas d’un indu, la charge de la preuve reposant sur la caisse ni d’avoir effectivement payé les sommes réclamées au titre de l’indu.

La caisse rétorque que la Convention nationale des transporteurs sanitaires détermine à la fois les obligations des organismes d’assurance maladie et des transporteurs ainsi que les modalités de contrôle ; que les entreprises de transport sont obligées de déclarer toute modification de leur personnel et il appartient à la société de justifier de l’accomplissement de ses obligations déclaratives.

Sur ce

Aux termes de l’article R. 6312-1 du code de la santé publique,

‘L’agrément nécessaire au transport sanitaire est délivré par le directeur général de l’agence régionale de santé.

Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande d’agrément vaut décision de rejet.’

Si l’obligation est déclarative, comme le souligne la société, l’absence de déclaration du personnel empêche la société de bénéficier d’un remboursement du transport réalisé irrégulièrement.

L’agrément de l’ARS est également nécessaire.

La caisse est ainsi en droit de constater l’anomalie de facturation et de prestation et de réclamer un indu à ce titre.

Après avoir rappelé les textes applicables en la matière, les articles L. 133-4, L. 322-5-2 et R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale, R. 6312-3 et R. 6312-17 du code de la santé publique,

c’est à juste titre que les premiers juges ont rappelé qu’il appartenait à la société d’ambulances de justifier de l’accomplissement de ses obligations déclaratives en contrepartie duquel elle a obtenu son conventionnement, que les parties soient liées par un contrat type ou non.

En effet, si la société conteste être lié par aucun contrat de conventionnement, elle ne pourrait alors être bénéficiaire d’aucun remboursement.

C’est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a constaté que la société avait facturé des transports effectués par M. B B et par M. X M sans justifier qu’elle avait signalé à l’ARS les modifications de son personnel ni qu’elle avait reçu d’autorisation de l’ARS, les documents produits étant tous postérieurs aux transports litigieux ou dépourvus de justificatifs de réception par l’ARS.

Par son tableau justificatif, la caisse établit la nature et le montant de l’indu, de sorte qu’il appartient à la société d’apporter des éléments pour contester l’inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par l’organisme de prise en charge au terme du contrôle.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La cour relève que la société ne conteste plus les anomalies de surfacturation kilométrique et de prises en charge incompatibles entre deux patients.

Au surplus, il résulte du jugement motivé sur dix pages et que la cour adopte, que l’indu est justifié par la caisse sur ces deux autres chefs pour les sommes de 103,64 euros et 89,51 euros.

L’indu est donc justifié et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les demandes accessoires

La société, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens d’appel et condamnée à payer à la caisse la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Dit régulière la procédure de contrôle ;

Dit que le principe du contradictoire a été respecté ;

Dit régulière la notification de l’indu ;

Pour le surplus, confirme le jugement rendu le 7 juillet 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise (RG n°19/00450) en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Cristal Ambulances aux dépens d’appel ;

Déboute la société Cristal Ambulances de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Cristal Ambulances à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Président, et par Madame Dévi Pouniandy, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT

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