Dommages et intérêts: responsabilité des assureurs et de la société Transit Fruits

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2023

N° 2023/53

Rôle N° RG 19/17557 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFJC

SAS SIIM – SOCIETE INTERNATIONALE D’IMPORTATION

C/

Société TRANSIT FRUITS

Société SWISS RE INTERNATIONAL SE

SA MMA IARD

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D’ASSURANCES

Société NECOTRANS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Sébastien BADIE

Me Pascal ALIAS

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 11 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F01951.

APPELANTE

SAS SIIM – SOCIETE INTERNATIONALE D’IMPORTATION, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Mathieu NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES

Société TRANSIT FRUITS, dont le siège social est sis [Adresse 5] FRANCE

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Chloé MONTAGNIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Société SWISS RE INTERNATIONAL SE, dont le siège social est sis [Adresse 4] LUXEMBOURG

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Christine BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

SA MMA IARD, venant aux droits de COVEA FLEET,, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Christine BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, venant aux droits de COVEA FLEET,, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Christine BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D’ASSURANCES, société de droit étranger, prise en son établissement en France sis [Adresse 3], dont le siège social est sis [Adresse 6] SUISSE

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Christine BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

PARTIE INTERVENANTE

Société NECOTRANS anciennement dénommée GETMA

Assigné sur appel Provoqué de la SAS TRANSIT FRUIT le 29/05/2020, dont le siège social est sis [Adresse 8] – SENEGAL

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Christophe NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me HAN CHING Laetitia, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 Février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Marie PARANQUE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023, après prorogation du délibéré

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le13 avril 2023,

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Internationale d’Importation (ci-après société SIIM) a confié à la société Transit Fruits l’acheminement de 34 conteneurs de mangues entre le Sénégal et les Pays-Bas, mangues distribuées par le Consortium Africain pour le Développement Agricole (ci-après CADA).

Le transport maritime entre’les ports de Dakar et Anvers a fait l’objet de quatre expéditions entre le 27 juin et le 29 juin 2014.La température de consigne était fixée à +8°C.

A leur arrivée aux Pays-Bas il a été constaté que certaines marchandises étaient endommagées. Une expertise a été effectuée pour chaque conteneur endommagé à l’initiative du courtier Eyssautier. Les dommages ont été évalués à la somme totale de 248.700,63 euros.

Les assureurs de la société SIIM ont refusé de prendre en charge le sinistre aux motifs que le dommage était dû à une absence de pré-réfrigération avant empotage, et n’était donc pas couvert par la police d’assurance souscrite.

Le 2 juillet 2015 la société SIIM a assigné la société Transit Fruits en qualité de commissionnaire devant le tribunal de commerce de Marseille afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice à hauteur de la somme principale de 268.189,62 euros sur le fondement des articles L.1432-7 du code des transports et L.132-3 à L.132-9 du code de commerce.

La société SIIM a également assigné par acte du même jour les sociétés Helvetia Assurances, Swiss Re International SE et Covea Fleet, ses assureurs facultés, afin d’obtenir la prise en charge du dommage au titre de la police d’assurances n°700 696.

Par acte du 8 juillet 2015 Les assureurs ont pour leur part appelé en garantie la société Transit Fruits, laquelle a fait intervenir aux débats la société Getma (devenue société Necotrans) par actes des 8 et 9 juillet 2015.

Par jugement en date du 11 octobre 2019 le tribunal de commerce de Marseille a:

-joint les instances,

-dit recevable l’action de la société SIMM,

-reçu les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covea Fleet, d’une part, et la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances intervenant en lieu et place de la société Helvetia Assurances d’autre part en leur intervention volontaire,

-mis hors de cause, sans dépens, la société Helvetia Assurances,

-débouté la société SIIM de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-condamné la société SIIM à payer les sommes suivantes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

-10.000 euros à la société Transit Fruits

-5.000 euros à la société Swiss Re International SE, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances,

-déclaré sans objet l’appel en garantie diligenté par les assureurs, la société Swiss Re International SE, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Helvetia compagnie suisse d’assurances à l’encontre de la société Transit Fruits,

-déclaré sans objet l’appel en garantie diligenté par la société Transit Fruits à l’encontre de la société Necotrans Sénégal (anciennement Getma Sénégal),

-condamné la société Transit Fruits à payer à la société Necotrans la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-statué sur les dépens,

-rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du jugement

————-

Par déclaration en date du 18 novembre 2019, la société SIIM a interjeté appel partiellement du jugement.

————-

Par conclusions transmises le 29 décembre 2022 par voie dématérialisée, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Internationale d’Importation (SIIM) fait valoir que;

-sur la base de la police d’assurance souscrite, les assureurs sont tenus, à titre principal, de l’indemniser puisque les dommages entrent dans le champ de cette police; ainsi, d’une part, il n’est pas établi que les dommages à la marchandise résultent d’un empotage à chaud’; d’autre part, et en tout état de cause, les assureurs ne démontrent pas que l’empotage à chaud constitue une clause d’exclusion de garantie au vu de l’article 1 des conditions particulières; elle avait intérêt et qualité pour agir dès lors qu’elle est destinataire de la marchandise et s’est acquittée des factures d’achat, -subsidiairement, la société Transit Fruits, en qualité de commissionnaire, est tenue d’une obligation de résultat à son égard au visa des articles L.132-4 et L.132-5 du code de commerce; elle justifie de la propriété des marchandises au vu des factures’; la société Transit Fruits a bien la qualité de commissionnaire dès lors qu’elle a facturé une prestation de bout en bout, au départ de [Localité 10], station de CADA au Sénégal, à [Localité 9] aux Pays-Bas; seule la rupture de la chaîne du froid est à l’origine des dommages, ce à quoi conclut également l’expert de la société Transit Fruits le cabinet [X],

-aucune obligation d’empotage à froid n’est prévue aux contrats et en tout état de cause, la station de CADA possède des chambres froides; seuls certains conteneurs ont été affectés, à savoir ceux qui ont été touchés par une rupture de la chaîne du froid; une vente de sauvetage a bien été organisée; l’enregistrement de température des conteneurs démontre que leur fonctionnement est défectueux en raison des brusques remontées de températures constatées et l’absence totale de descente en température; la société Transit Fruits n’a pas communiqué les enregistrements de températures effectués par la compagnie maritime Eagle malgré sommation; si l’empotage à chaud pose difficultés s’agissant de produits congelés il ne peut être considéré comme une faute exonératoire de responsabilité en matière de fruits’; l’empotage à chaud ne peut être fautif qu’une fois rapportée la preuve du parfait fonctionnement des conteneurs, ce qui n’est pas le cas en l’espèce

La société SIIM demande à la cour de:

-confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle avait intérêt et qualité pour agir et en ce qu’il a jugé que la société Transit Fruits était intervenue en qualité de commissionnaire de transport,

-infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

-condamner la société Helvetia, la société Swiss Re International SE et les sociétés MMA Iard à lui payer la somme de 268.189,62 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation,

-ordonner la capitalisation des intérêts

A titre subsidiaire,

-condamner la société Transit Fruits à lui payer la somme de 268.189,62 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation,

-ordonner la capitalisation des intérêts

En tout état de cause,

-débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

-condamner les intimés à lui payer chacun la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction

————-

Par conclusions enregistrées le 27 janvier 2023 par voie dématérialisée, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances, la société Swiss Re International SE et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, ci-après les assureurs, appelants à titre incident, répliquent que:

-le jugement doit être infirmé en ce qu’il a jugé la société SIIM recevable alors que les cargaisons étaient destinées à la société LBP et que le rapport entre les factures commerciales produites et les expéditions n’apparaît pas établi; la société SIIM ne justifie dès lors d’aucun intérêt ni qualité pour agir,

-l’assurance facultés couvre les risques propres au transport’; en l’occurrence, le sinistre est dû à une absence de pré-réfrigération avant empotage, une grande hétérogénéité de la cargaison avant empotage, une récolte trop précoce et un défaut de prise de mesures conservatoires idoines afin de limiter le sinistre; l’assuré n’a pas communiqué les pièces documentaires demandées mais les conclusions de l’expert démontrent que le sinistre relève des divers cas d’exclusion de garantie,

-outre l’état de la cargaison, toute faute de l’expéditeur est un cas d’exclusion de garantie et l’empotage à chaud est considéré comme une faute du chargeur; le conteneur reefer n’a vocation que de maintenir la marchandise à température requise et non de procéder à la mise en froid, et il ne peut y avoir respect de la température requise durant le transport sans mise en température idoine de la cargaison lors de l’empotage; en l’espèce les mangues ont été empotées à +25 ou 30°C; la production des data loggers n’a dès lors aucune incidence; la société SIIM produit 7 ans plus tard un avis du cabinet Sea Conseils; aucune mesure en sauvegarde de la marchandise n’a été prise visant à limiter le préjudice subi; subsidiairement, le quantum des demandes est injustifié,

-les assureurs sont fondés à appeler en garantie la société Transit Fruits dès lors qu’elle se présente elle-même comme commissionnaire de transport, qu’elle a facturé ses prestations de bout en bout et que les connaissements NVOCC ont été émis sous l’enseigne Eagle qui est celle de la société Transit Fruits, attestant qu’elle a eu toute latitude des voies et moyens; la société Transit Fruits a d’ailleurs mis en cause la société Getma en qualité de substituée,

Ainsi, les assureurs demandent à la cour de:

Vu les dispositions régissant l’assurance « marchandises transportées »,

Vu notamment l’article 121.1 du code des assurances

Vu les dispositions de l’article L.132-4 du Code de Commerce,

Vu les dispositions de l’article 31 du CPC

Vu les dispositions de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée

Vu les dispositions des articles 54 et 564 du CPC

Vu les pièces

Recevoir les concluants en leurs écritures apportant appel incident, les dire recevables et fondées.

JUGER que la société SIIM ne justifie pas d’un intérêt assurable.

EN CONSEQUENCE,

REFORMER le jugement en ce que qu’il a dit l’action de la société SIIM recevable.

STATUANT A NOUVEAU,

JUGER irrecevable, l’exception d’incompétence soulevée par la société TRANSIT FRUIT au profit de la Hight Court of justice de Londres.

JUGER le cas échéant ladite exception d’incompétence infondée.

JUGER Le tribunal saisi au besoin compétent pour statuer sur l’action principale et en garantie initiée à l’encontre de la société TRANSIT FRUITS.

JUGER l’action de la société SIIM irrecevable.

SUBSIDIAIREMENT,

JUGER que preuve est faite d’une faute de l’expéditeur et/ou chargeur ainsi que d’un défaut de prise de mesures utiles quant au sort de la cargaison à l’origine des avaries.

JUGER que preuve est faite de cas d’exclusion de garantie opposables à l’assuré SIIM par les assureurs facultés.

JUGER au besoin que preuve est rapportée des cas exceptés propre à la faute du chargeur et/ou du fait non imputable au transporteur maritime au sens des dispositions de l’article 4&2 de la Convention de BRUXELLES de 1924 amendée.

CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions.

DEBOUTER l’appelante de ses demandes, fins et conclusions.

ENCORE SUBSIDIAIREMENT,

Dire et juger les demandes infondées en leur quantum.

Le cas échéant, retenir le seul quantum établi à dire d’expert facultés.

Sur ledit quantum, retenir un pourcentage propre aux causes admises comme imputables aux transports stricto sensu.

DEBOUTER l’appelante de ses demandes, fins et conclusions.

SUBSIDIAIREMENT ET EN TOUTE HYPOTHESE,

Dire et juger que la compagnie TRANSIT FRUITS est intervenue comme commissionnaire de transport de bout en bout.

La condamner à relever et garantir les concluantes de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à leur encontre en principal, intérêts, frais et accessoires.

CONDAMNER celle contre laquelle l’action le mieux compétera au paiement de la somme de 8.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

————-

Par conclusions enregistrées le 23 janvier 2023 par voie dématérialisée, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Transit Fruits (SAS) soutient que:

-le jugement doit être infirmé en ce qu’il a déclaré la société SIIM recevable dès lors que cette société ne démontre pas avoir subi de préjudice au vu des factures produites et de l’absence de preuve certaine du règlement auprès de CADA,

-subsidiairement, aucune responsabilité ne lui est imputable; elle n’a pas la qualité de commissionnaire de transport; cette qualité ne se présume pas et il appartenait à la société SIIM de la prouver; les seuls connaissements produits ainsi que les factures sont insuffisants à démontrer sa qualité de commissionnaire; à défaut, la société SIIM doit démontrer la faute de la société Transit Fruits, ce qui n’est pas le cas; les extraits du site internet ne dispensent pas d’une appréciation in concreto du litige; la société SIIM avait connaissance de sa qualité d’agent; en tout état de cause, si elle était considérée comme «’transporteur n’ayant pas de navire’» (NVOCC) comme l’a retenu le tribunal de commerce, elle est en droit de se prévaloir de la clause de compétence contenue au connaissement au bénéfice de la Hight Court of Justice,

-subsidiairement, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a imputé l’origine des dommages au producteur expéditeur et à la société SIIM; les rapports produits par la société SIIM sont inopposables car ils procèdent d’observations générales, non étayées et non exhaustives; les data loggers ne peuvent être communiqués en cause d’appel s’agissant d’un litige datant de 2014 et ils n’ont aucune utilité probatoire dès lors que l’empotage à chaud est démontré (25°C) et que les mangues ont mis 5 jours pour parvenir à la température de consigne; des réserves avaient d’ailleurs été émises avant la mise à bord du navire; seuls l’hétérogénéité des fruits, un défaut de pré-réfrigération et une récolte trop précoce sont à l’origine des dommages; le préjudice a été aggravé par l’absence de vente des marchandises et leur destruction totale alors que seulement une partie des fruits était abîmée; en tout état de cause, seule l’évaluation faite par l’expert [X] doit être retenue,

-subsidiairement, elle invoque la garantie de la société Getma’; le tribunal de commerce était bien compétent pour statuer sur cet appel en garantie; la clause d’arbitrage invoquée par Getma n’est pas applicable aux appels en garantie et ne concerne que les actions principales; les litiges sont en tout état de cause indivisibles; la procédure diligentée devant la Chambre arbitrale maritime de Paris par la société Transit Fruits n’est que conservatoire et un risque de contradiction ne saurait être exclu; la demande au titre du conteneur n°AEXU n’est pas prescrite dès lors que le point de départ de la prescription n’est pas le chargement de la marchandise mais la survenance du litige, à savoir la délivrance de l’assignation par la société SIIM le 2 juillet 2015, et elle disposait de trois mois à compter de cette date,

-la société Getma est responsable des dommages au titre de la phase de pré-acheminement jusqu’au port de [Localité 7], de stationnement à quai et de manutention’

Ainsi, la société Transit Fruits demande à la cour de:

A titre principal,

-infirmer le jugement en ce qu’il a jugé l’action de la société SIIM recevable et a qualifié la société Transit Fruits de commissionnaire de transport, et statuant à nouveau, déclarer l’action de la société SIIM irrecevable,

-déclarer le tribunal de commerce de Marseille incompétent au profit de la Hight Court of Justice de Londres pour statuer sur les actions engagées contre la société Transit Fruits,

-débouter la société SIIM de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la société Transit Fruits

A titre subsidiaire,

-confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société SIIM de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SIIM à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré sans objet l’appel en garantie diligenté par les assureurs, la société Swiss Re International SE, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Helvetia compagnie suisse d’assurances à l’encontre de la société Transit Fruits,

A titre infiniment subsidiaire,

-infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré sans objet l’appel en garantie diligenté par la société Transit Fruits à l’encontre de la société Necotrans Sénégal (anciennement Getma Sénégal),

-condamné la société Transit Fruits à payer à la société Necotrans la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau,

-condamner la société Necotrans à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcé à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens

En tout état de cause,

-infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens des instances enrôlées sous les numéros 2015F01951 et 2015F01952

Statuant à nouveau,

-condamner tout succombant à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

————–

Par conclusions enregistrées le 23 octobre 2020 par voie dématérialisée, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Necotrans (anciennement dénommée Getma), société de droit étranger, fait valoir que:

-seuls les arbitres de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris sont compétents pour statuer sur l’appel en garantie diligenté à son encontre par la société Transit Fruits en l’état de la clause compromissoire contenue au contrat conclu entre les parties’; cette clause s’applique à tout différend et n’exclut pas les appels en garantie, et ce d’autant que la Chambre Arbitrale a d’ores et déjà été saisie de deux demandes par la société Transit Fruits le 8 juillet 2015′; l’article 333 du code de procédure civile est inapplicable en présence d’une clause compromissoire, et ne s’applique pas en matière internationale, et l’indivisibilité du litige, à la supposer établie, ne fait pas obstacle à son application,

-la procédure engagée par la société Transit Fruits devant le tribunal de commerce de Marseille est donc abusive en l’état de la clause d’arbitrage convenue au contrat et justifie sa demande de dommages et intérêts,

-si la cour se déclarait compétente, elle reprend à son compte les arguments de la société Transit Fruits tendant à voir déclarer la société SIIM irrecevable faute d’intérêt pour agir et faute de démontrer la faute commise par la société Transit Fruits’; ainsi, la société SIIM ne démontre pas être propriétaire de la marchandise et avoir subi le préjudice’; la preuve de la qualité de commissionnaire de transport de la société Transit Fruits n’est pas davantage établie, et en sa qualité de transitaire, il appartient à la société SIIM de prouver la faute,

-l’appel en garantie de la société Transit Fruits est prescrit s’agissant du conteneur n°AEXU 451478-0 dès lors que le chargement de la marchandise est intervenu le 29 juin 2014 et que l’action devant le tribunal de commerce de Marseille a été diligentée plus d’un an après, soit le 8 juillet 2015,

-la société Transit Fruits n’a pas intérêt à agir contre elle puisqu’elle ne prouve pas qu’elle est intervenue en qualité de manutentionnaire des conteneurs’; l’expertise a été demandée par la société Necotrans France et non par la société Getma et la société Transit Fruits ne rapporte pas être son donneur d’ordre,

-en tout état de cause, elle n’a pas commis de faute, l’origine des dommages résultant de la responsabilité du chargeur qui a empoté les marchandises à chaud’; le rapport d’expertise émis par la société HDG B.V ne lui est pas opposable puisque non contradictoire’; en outre, la société SIIM n’a pas pris les mesures nécessaires pour limiter le préjudice et ne justifie pas de la réalité de son préjudice à hauteur des montants sollicités,

-l’appel en garantie formé par les assureurs doit être rejeté

La société Necotrans demande à la cour de:

In limine litis

-réformer le jugement et se déclarer incompétent au profit des arbitres de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris déjà saisis pour statuer sur les appels en garantie de la société Transit Fruits contre la société Necotrans Sénégal

A titre principal,

Réformant le jugement,

-déclarer irrecevable l’action de la société SIIM

Confirmant le jugement,

-débouter la société SIIM de l’ensemble de ses demandes contre la société Transit Fruits,

-juger en conséquence sans objet les appels en garantie de la société Transit Fruits contre la société Necotrans Sénégal,

Subsidiairement,

-déclarer irrecevable l’appel en garantie des assureurs contre la société Transit Fruits,

-débouter en conséquence les assureurs de l’ensemble de leurs demandes contre la société Transit Fruits,

-juger en conséquence sans objet les appels en garantie de la société Transit Fruits contre la société Necotrans Sénégal

A titre encore plus subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation contre la société Transit Fruits,

-déclarer prescrit l’appel en garantie de la société Transit Fruits concernant le conteneur AEXU45478-0,

-déclarer irrecevable l’action de la société Transit Fruits à l’encontre de la société Necotrans Sénégal,

-débouter en conséquence la société Transit Fruits de ses appels en garantie contre la société Necotrans Sénégal

En tout état de cause,

-condamner la société Transit Fruits à lui payer une indemnité de 20.000 euros pour procédure abusive,

-condamner la société Transit Fruits à lui payer la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

————-

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 9 janvier 2023 (reportée au 30 janvier) et a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 6 février 2023.

MOTIFS

Sur la qualité et l’intérêt pour agir de la société SIIM’:

En application de l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Ainsi, au visa de l’article 31 du code de procédure civile l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Pour autant, au visa de l’article 31 susvisé, il a été jugé que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action, et que l’existence du droit invoqué n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès.

En tout état de cause, la société SIIM justifie, par la production aux débats des factures établies à son nom par le Consortium Africain pour le Développement Agricole, dit CADA (pièces 1, 5, 9, 16-1, 16-2) et par l’attestation émise par M. [T] [H], gérant de la société CADA (pièce 17) qu’elle a acquis les lots de mangues endommagés, chaque facture portant également les numéros des conteneurs concernés.

Par ailleurs, la circonstance que la marchandise soit destinée à une société LBP, mentionnée sur un des quatre connaissements comme «’notify address’» (pièce 2 de la société SIIM), est sans incidence sur le droit de la société SIIM, société d’importation, à faire valoir son préjudice résultant de la détérioration des fruits durant le transport dès lors qu’elle établit avoir acquitté la marchandise. Par ailleurs, le rapport d’expertise HDG mentionne que la société LBP, «’Logistics Business Partners’», correspond au site de déchargement, sans qu’il puisse en être déduit de conséquence sur sa qualité de propriétaire de la marchandise.

En outre, les sociétés intimées ne rapportent pas la preuve que la société SIIM aurait été elle-même réglée du prix des mangues importées.

Pour le surplus, le différentiel invoqué entre les factures d’achat et l’évaluation de la marchandise faite par expertise relève de l’évaluation du dommage.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré la société SIIM recevable à agir.

Sur la demande principale dirigée contre les assureurs:

A titre principal, la société SIIM sollicite l’indemnisation de son préjudice au titre de la police d’assurance n°700 696 souscrite le 30 mai 2005 auprès des sociétés Helvetia, Swissre, et Covea Fleet (aux droits de laquelle interviennent les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard ).

Elle se fonde pour ce faire sur l’article 5 des conditions générales de la police française d’assurance maritime sur facultés qui prévoit que «’sont garantis les dommages et pertes matériels ainsi que les pertes de poids de quantités subis par les facultés assurées, y compris lorsque ces dommages et pertes résultent du chargement ou du déchargement effectué par l’assuré ou le bénéficiaire de l’assurance’».

La société SIIM invoque également l’article 1 des conditions particulières prévoyant que «’les risques à la charge des assureurs commencent au moment de l’empotage des conteneurs au point de départ du voyage assuré et finissent ou ils entrent dans les magasins du destinataire, son point de livraison final’».

Au cas particulier, les assureurs, sauf à se prévaloir de dispositions générales relatives aux assurances ou applicables aux transporteurs maritimes, ne justifient pas de l’existence de clauses d’exclusion contenues à la police d’assurance susvisée alors même que leur responsabilité est recherchée sur le fondement des dispositions contractuelles de la police d’assurance, et non sur le fondement de la responsabilité incombant aux commissionnaires et transporteurs maritimes.

Si l’assurance facultés couvre les dommages subis par la marchandise au cours du transport lui-même, il n’est pas établi en l’espèce, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, que les dommages résulteraient d’une faute du chargeur, lequel n’aurait pas pris les précautions de conservation nécessaire entre la date de la cueillette et le moment du chargement du conteneur, et dont il serait déduit une exclusion de garantie.

En effet, il n’est pas contesté que les marchandises ont été empotées à une température supérieure à la température de consigne fixée à +8°C aux connaissements.

Ainsi, il ressort tant des réserves émises par la société Getma, en charge du préacheminement des conteneurs, que des rapports établis par le Cabinet HDG concernant les huit conteneurs visés aux expertises, que les mangues auraient été empotées à des températures supérieures à 20°C, et avoisinant même pour certains conteneurs 30°C, au vu des enregistreurs de température examinés par l’expert.

Néanmoins, aucune des parties ne démontre l’existence de normes spécifiques relatives aux températures d’empotage des mangues, et pas davantage l’existence de clauses de réfrigération préalables contenues à la police d’assurance, de nature à déduire que le chargeur a commis, de ce seul fait, une faute dans l’empotage de la marchandise.

Il n’est pas davantage contesté que les conteneurs dits «’refeer’» n’ont pas vocation à permettre une descente rapide en température conforme à la température de consigne s’agissant de produits non congelés. Pour autant, il apparaît en l’espèce que les enregistrements de température, outre un abaissement progressif, attestent également de variations brusques de température au cours du transport, certains conteneurs passant de 15 à 20 °C pour redescendre à 15°C ou passant de 9°C à 16,1 °C (rapports d’expertise, pièces 19-1, 19-2, 19-3 et 19-4 de la société SIIM).

Par ailleurs, comme le relève le rapport d’expertise établi par M. [X] du Cabinet CL Surveys «’sur base documentaire’» (pièce 3 des assureurs, page 17) sur 48 conteneurs, 8 ont fait l’objet de réclamations sur la qualité du fruit à l’arrivée aux Pays-Bas.

Cette circonstance atteste que l’empotage «’à chaud’» ne constitue pas la cause du dommage dès lors qu’a contrario l’ensemble des conteneurs aurait été affecté par les dommages. Cette observation est également de nature à exclure les causes invoquées par le commissionnaire et les assureurs au titre de l’hétérogénéité de la marchandise, et de sa cueillette précoce, éléments qui auraient nécessairement influé sur les autres conteneurs transportés.

Bien plus, l’expert [X] note, concernant notamment le conteneur AEXU 451 478/0, que les «’fruits n’apparaissent pas pré réfrigérés’; ce qui n’est pas un problème si le délai post récolte est court jusqu’à destination (de l’ordre de deux semaines sous réserve du délai de mise en froid après récolte sans pré réfrigération’; jusqu’à une semaine de plus avec pré réfrigération). En l’état notons un délai de 12 jours entre la date d’empotage et la date de livraison du chargement à destination’» (page 16), et de noter que la date de cueillette n’est pas précisée.

Le Cabinet HDG, mandaté par le courtier en assurances, mentionne quant à lui (pièce 19-3 de la société SIIM, page 16) que «’nous pouvons indiquer que pendant la saison des mangues 2015, nous avons constaté qu’un grand nombre de mangues de Côte d’Ivoire et du Mali ont été expédiées par Siim vers l’Europe’; ces mangues ont été chargées préalablement réfrigérées et non préalablement réfrigérées. Aucune différence significative n’a été remarquée dans l’état d’arrivée de ces mangues’».

Ces observations permettent de retenir que l’empotage «’à chaud’», outre qu’il ne fait l’objet d’aucun spécification, ni au titre des contrats liant les parties, ni au titre des normes relatives au commerce de la mangue, n’est pas constitutif en soi d’une faute du chargeur au regard même des conditions de cueillette des fruits, récoltés au Sénégal.

Au demeurant, le caractère partiel des dommages apparus à la marchandise, limité à quelques conteneurs sur les 48 visés par l’expert, corrobore l’absence d’imputabilité d’un défaut de pré réfrigération sur les dommages constatés dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les fruits auraient des origines diverses pouvant expliquer ces variations.

En conséquence, il y a lieu de juger que les dommages relèvent bien des conditions de la police d’assurance souscrite par la société SIIM au titre du transport des facultés, de sorte que la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances, les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard et la société Swissre International SE seront tenues in solidum d’indemniser la société SIIM à proportion des montants définis ci-dessous.

Le jugement est dès lors infirmé en ce qu’il a débouté la société SIIM de ses demandes à l’encontre des assureurs.

La demande formée à l’encontre de la société Transit Fruits par la société SIIM revêtant un caractère subsidiaire, il n’y a pas lieu de statuer de ce chef au regard de l’admission de la demande principale.

Sur le montant des dommages’:

Au vu des évaluations faites aux termes des quatre rapports du Cabinet HDG, à la demande du courtier Eyssautier, il y a lieu d’arrêter le montant total des dommages à la somme de 248.700,63 euros, étant relevé que certaines évaluations incluent d’ores et déjà les frais de destruction et que la société SIIM ne justifie pas de frais supplémentaires à hauteur du montant sollicité (19.488,62 euros).

Les assureurs, qui sollicitent de «’retenir le seul quantum établi à dire d’expert facultés’», bien que contestant l’absence de mesures de sauvegarde et la qualité des fruits, n’ont cependant pas émis de contre-proposition, de sorte que seule l’évaluation effectuée par leur propre expert sera retenue.

Pour le surplus, la demande des assureurs tendant à «retenir un pourcentage propre aux causes admises comme imputables aux transports stricto sensu’», outre qu’il s’agit d’une demande indéterminée, n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce, l’expert ayant d’ores et déjà procédé à une évaluation tenant compte de la proportion de la dépréciation.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 2 juillet 2015 avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil, devenu en application de l’article 1343-2 du code civil, aux termes duquel les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Sur l’appel en garantie des assureurs à l’encontre de la société Transit Fruits’:

Aux termes de l’article 74 du code de procédure civile les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Dès lors, la société Transit Fruits est irrecevable à soulever l’incompétence du tribunal de commerce de Marseille au profit de la «’Hight Court of Justice de Londres’» considérant que cette exception, soulevée pour la première fois en cause d’appel, est postérieure aux conclusions au fond prises par cette société.

Sur la qualité de la société Transit Fruits, il convient de rappeler que le commissionnaire de transport est celui qui organise et fait exécuter, sous sa responsabilité et en son propre nom, un transport de marchandises selon les modes de son choix pour le compte du commettant.

La qualité de commissionnaire ne se présume pas et il appartient à celui qui s’en prévaut d’en apporter la preuve.

Au cas particulier, la société SIIM n’établit par aucune pièce avoir confié l’organisation globale de l’acheminement à la société Transit Fruits. Pour autant, la grille tarifaire produite sous l’intitulé «’mangues du Sénégal’» (pièce numéro 18 de l’appelante) et proposant des tarifs en fonction des destinations atteste que la société Transit Fruits opère un acheminement de bout en bout et dispose d’une liberté dans le choix des intervenants dès lors que les tarifs ne précisent pas les compagnies ou sociétés de transports concernées. La circonstance que la société Transit Fruits se présente comme «’as agent of E.A.G.L.E’», elle-même compagnie maritime, est sans incidence sur sa qualité de commissionnaire. Au demeurant, la société Transit Fruits ne produit pas en réponse d’éléments relatifs aux relations contractuelles existant entre les parties et de nature à corroborer le rôle de transitaire allégué.

Sur le fond, les assureurs, tenus d’une garantie contractuelle à l’égard de leur assuré la société SIIM, demandent à être «’relevés et garantis’» par la société Transit Fruits.

A cet égard, le commissionnaire est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s’il n’y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure conformément à l’article L.132-5 du code de commerce.

En outre, au visa des articles L.132-5 et L.132-6 du code de commerce, le commissionnaire de transport est responsable de son propre fait mais aussi de ceux des transporteurs ou commissionnaire intermédiaire qu’il s’est substitués. Il n’engage sa responsabilité de son fait personnel que si celui-ci est à l’origine des avaries ou des pertes de marchandises

En conséquence, la société Transit Fruits, qui avait en charge l’acheminement des marchandises, en ce compris dans sa partie maritime et qui n’a pas appelé en la cause le transporteur maritime, étant elle-même agent du transporteur EAGLE, est tenue des dommages à la marchandise et sera donc tenue de relever et garantir les assureurs de l’ensemble des sommes mises à leur charge, en principal, intérêts, frais et dépens, et ce, à hauteur des montants arrêtés ci-dessus.

Le jugement est dès lors infirmé de ce chef.

Sur les demandes à l’encontre de la société Necotrans’:

En application de l’article 1448 du code de procédure civile lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l’Etat ne peut relever d’office son incompétence. Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite.

Il a été jugé à cet égard que l’indivisibilité du litige n’est pas un motif de nature à caractériser l’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire et que le risque de contrariété de décision n’empêche pas le tribunal arbitral de remplir sa mission.

En l’espèce, la société Transit Fruits a saisi le 8 juillet 2015 à titre «’conservatoire’» la Chambre Arbitrale Maritime de Paris en application de l’article 15 du contrat conclu avec la société Necotrans, contenant une clause compromissoire (pièces 1, 2 et 4 de la société Necotrans).

Par courrier en réponse du 10 juillet 2015 la Chambre Arbitrale Maritime de Paris a donné acte à la société Transit Fruits de sa demande en indiquant qu’un «’arbitre sera désigné’».

Il en résulte qu’à cette date, aucun arbitre n’était désigné alors que le tribunal de commerce était d’ores et déjà saisi de l’acte d’assignation délivré à l’encontre de la société Necotrans les 8 et 9 juillet 2015, et il n’est pas davantage établi qu’à ce jour une instance arbitrale a été désignée pour statuer sur le litige entre la société Transit Fruits et la société Necotrans.

En conséquence, au visa de l’article 1448 susvisé, il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société Necotrans au profit de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris.

Sur le fond, en l’état des motifs adoptés retenant que les dommages à la marchandise résultent, non pas des conditions d’empotage mais des conditions de réfrigération pendant le transport maritime, aucune garantie ne peut être dirigée contre le manutentionnaire, intervenu antérieurement à ce transport.

La société Transit Fruits doit dès lors être déboutée de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Necotrans.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive:

Au visa de l’article 1241 du code civil l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu’est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l’exerce.

En l’espèce, les motifs relevés ci-dessus attestent que la société Transit Fruits n’a pas commis d’abus de droit en saisissant le tribunal de commerce d’une demande de garantie à l’égard de son substitué eu égard aux débats portant sur le conditionnement et l’empotage de la marchandise, nonobstant le rejet de ses demandes au fond.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a débouté la société Necotrans de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et infirmé en ce qu’il a dit l’appel en garantie diligenté par la société Transit Fruits contre la société Necotrans sans objet.

Sur les frais et dépens’:

La société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances, les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard et la société Swissre International SE seront tenues in solidum aux dépens de première instance et d’appel, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, elles seront tenues in solidum de régler à la société SIIM la somme totale de 8.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

La société Transit Fruits sera tenue de garantir les assureurs de l’intégralité des frais et dépens mis à leur charge.

La société Transit Fruits sera en outre condamnée à payer à la société Necotrans la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme, dans les limites de sa saisine, le jugement rendu le 11 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Marseille sauf en ce qu’il a’:

-dit recevable l’action de la société SIMM,

-débouté la société Necotrans de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société Transit Fruits en cause d’appel,

Rejette l’exception d’incompétence soulevée par la société Necotrans au profit de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris,

Condamne in solidum la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances, les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard et la société Swissre International SE à payer à la société SIIM la somme de 248.700,63 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 2 juillet 2015, en indemnisation des dommages à la marchandise,

Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil, devenu en application de l’article 1343-2 du code civil,

Déboute la société SIIM du surplus de ses demandes indemnitaires,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la société SIIM à l’encontre de la société Transit Fruits,

Condamne la société Transit Fruits à relever et garantir la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances, les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard et la société Swissre International SE des condamnations mises à leur charge en principal et intérêts,

Déboute la société Transit Fruits de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société Nécotrans,

Condamne in solidum la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances, les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard et la société Swissre International SE aux dépens de première instance et d’appel, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances, les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard et la société Swissre International SE à payer la somme totale de 8.000 euros à la société SIIM en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Transit Fruits à relever et garantir les assureurs des sommes mises à leur charge au titre des frais et dépens,

Condamne la société Transit Fruits à payer à la société Necotrans la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au même titre.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 

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