N° N 17-85.110 F-D
N° 3310
SM12
8 JANVIER 2019
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. Louis X…,
– M. Gérard Y…,
– M. Fabrice Z…,
– La société Editrice du Monde, civilement responsable,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 24 mai 2017, qui a condamné le premier, pour diffamation publique envers un particulier, à 1 000 euros d’amende, le deuxième et le troisième, pour complicité de ce délit, à 1 500 euros d’amende chacun, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 27 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller Parlos, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général LE DIMNA ;
Motivation
Vu les mémoires, en demande et en défense, et les observations complémentaires, produits ;
Exposé du litige
Motivation
En cet état ;
Moyens
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré MM. X… en qualité d’auteur, Y… et Z… en qualité de complices, coupables du délit de diffamation publique envers un particulier, statué sur la répression et les intérêts civils ;
« aux motifs que : « Sur le caractère diffamatoire du propos, les appelants contestent à nouveau que les termes visés par la prévention aient un tel caractère, ainsi le caractère « embarrassant », pour de nombreuses personnalités, de la révélation des listings de la filiale suisse de la banque HSBC, au nombre desquelles figurait « l’acteur américain M. B… », que l’on retrouve dans « le Gotha des évadés », en précisant qu’il « a déclaré n’avoir pas connaissance du compte à Genève qui porte son nom », ne contiendraient l’imputation à son égard d’aucun fait précis attentatoire à son honneur et à sa considération ; qu’ ils observent que pour se déterminer le tribunal a du se référer à des éléments extrinsèques à ces propos ; qu’ils estiment que le terme « embarrasser » relève d’une appréciation subjective, qui n’est pas de nature à permettre un débat probatoire ; qu’ils soulignent que leur présentation, en ce qui concerne la partie civile, renvoie à la notion « d’évasion » et non pas de « fraude » fiscale ; qu’ ils affirment que cette différence sémantique distinguerait le fait pour un individu d’user des possibilités que lui offre son extranéité, par opposition au fait de violer délibérément la loi ; qu’enfin, ils considèrent qu’il ne peut leur être reproché d’avoir fait connaître le point de vue de l’intéressé sur l’affaire ; que celui-ci, au contraire, constate que dans le cadre de la description longue et complexe d’un système d’évasion fiscale mis en place en Suisse par la banque HSBC au profit d’individus fortunés du monde entier, il est cité au nombre des bénéficiaires de cette filière ; que le fait que cet état de fait ne soit supposé « qu’embarrassant » n’enlèverait rien au fait qu’il soit au nombre des « fraudeurs » ; que si ce dernier terme ne le vise pas directement, il revient néanmoins chroniquement au fil de l’article litigieux et de ses sousrubriques, quant à la description de la structure mise en place par HSBC au profit de clients privilégiés ; qu’aussi la partie civile se considère-t-elle comme directement visée par des allégations précises, susceptibles d’un débat probatoire, mettant en cause son honneur et sa considération tant au niveau de sa probité au sens large du terme que de la violation des lois de son pays ; que la cour, comme le tribunal, constatera que le cas de la partie civile s’inclut dans le cadre d’une vaste enquête, dont l’objet est incontestablement une exceptionnelle fraude fiscale à l’échelle internationale ; qu’ aussi, la référence à M. B…, rapprochée du roi du D…, comme de l’humoriste M. AC… C…, est dans ce cadre l’imputation manifeste à la partie civile d’avoir bénéficié de ce réseau ; qu’il est pour les lecteurs du Monde, quels que soient les termes employés – notamment« évadé », un fraudeur parmi d’autres ; que certes, sortie de son contexte la phrase, « L’acteur américain John B… a déclaré n’avoir pas connaissance du compte à Genève qui porte son nom », ne lui impute aucun fait précis attentatoire à son honneur et sa considération ; que néanmoins cette phrase est la première de l’encadré intitulé « Le gotha des évadés » ; que cette phrase, qui pourrait apparaître comme un début de contradiction, est-elle à nouveau l’occasion d’associer le nom de la partie civile à d’autres auteurs supposés d’infractions fiscales ; qu’en conséquence, comme le tribunal, la cour n’exclura-t-elle aucun des propos visés par la prévention du champ de la poursuite : c’est bien l’ensemble de ceux -ci dont le lecteur peut retenir qu’est imputé à M. B… d’avoir bénéficié d’un système d’évasion fiscale, soit un fait précis susceptible d’un débat contradictoire, attentatoire à son honneur et à sa considération ; que le caractère diffamatoire du propos sera donc constaté et le jugement en ce sens confirmé » ;
« et que (jugement, p. 6, 7, 8 et 9) : « Le […] a été publié, sur le site www.lemonde.fr un article signé MM. Z… et Y…, intitulé «[…] », présenté comme étant le «…premier volet d’une enquête à la fois spectaculaire et inédite. Fruit d’investigations hors norme, menées entre Paris, Washington, Bruxelles ou Genève, elle dévoile les dessous d’un vaste système d’évasion fiscale accepté, et même encouragé, par
HSBC, … par l’intermédiaire de sa filiale suisse HSBC Private Bank» ; que l’article développe ensuite le fait que Le Monde est entré en possession début 2014 de données bancaires mondiales, de nature à établir une « gigantesque fraude à l’échelle internationale », plus de 180 milliards ayant transité « par les comptes HSBC de plus de 100 000 clients et de 20 000 sociétés offshore… entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007 » ; qu’il précise, après avoir cité plusieurs noms de personnalités susceptibles d’être impliquées, qu’une période correspond au listing fourni fin 2008 à l’administration fiscale française par M. Hervé E…, ancien employé de la banque et que la justice française est saisie depuis janvier 2009 d’« une toute petite partie des listings E… », HSBC Private Bank (ci-après HSBC PB) ayant été mise en examen et quelques fraudeurs présumés ayant été renvoyés en correctionnelle ; qu’ iI indique, par ailleurs, que le Monde, qui avait publié le 28 janvier 2014 un article consacré à cette enquête, s’est vu remettre quelques jours plus tard une clef USB contenant « la totalité des fichiers établis à partir des données E… par les services fiscaux français » et que figurent sur ces fichiers «des trafiquants d’armes ou de stupéfiants, des financiers d’organisations terroristes, des hommes politiques, des vedettes du show-biz, des icônes du sport ou des capitaines d’industrie … Désireux, dans leur plus grande majorité, de cacher leur argent en Suisse, et cela, bien sûr, très souvent, dans la plus parfaite illégalité » ; qu’ il spécifie, enfin, que compte-tenu de l’ampleur de ces données, le journal a décidé de mettre en place un dispositif déjà utilisé pour les enquêtes « OffshoreLeaks » et « LuxLeaks » et de mobiliser ainsi « 157 journalistes de 47 pays travaillant pour 55 médias » ; que par ailleurs, dans son numéro du […] 2015, paru le 9 février, le Monde a publié un dossier complet consacré à cette affaire, intitulé en première page « […]» et comportant plusieurs articles, dont l’un, page 2, titré «[…] » et sous-titré «La liste est longue de plus de 100 000 noms, de capitaines d’industrie, de responsables politiques, de vedettes du show-biz, du sport, de trafiquants d’arme, de drogue, de financiers d’organisations terroristes, tous ont bénéficié d’un vaste système d’évasion fiscale orchestré par la filiale suisse de l’établissement bancaire britannique» révèle parmi les personnalités susceptibles d’être embarrassées «…l’humoriste français AC… C… (le) roi du D… AB…
l’acteur américain John B… » et l’autre, page 4, intitulé «Artistes, sportif, médecins, avocats, chef d’entreprise … Le compte en Suisse se révèle être une stratégie financière partagée par les professions les plus rémunératrices » comporte un encart titré « le Gotha des évadés» distinguant entre plusieurs catégories, « Les célébrités » – dont John B…
Joan F…, David G…
», « les Altesses» – AB…, les sultans d'[…] et du […] ou le roi Q… et «les politiques» dont des anciens ministres libanais, le cousin de AD… N… ou des proches de l’ancien président AE… H… ; que selon le conseil des prévenus, les propos incriminés ne seraient pas diffamatoires, dans la mesure où d’une part le fait d’avoir indiqué que la présence de la partie civile dans les listings était « embarrassante » ne constitue qu’une appréciation subjective, insusceptible de faire l’objet d’un débat probatoire, où, d’autre part, il ne serait pas attentatoire à l’honneur ou à la considération d’être « gêné » ou « embarrassé » par une circonstance purement objective, et où, enfin, la mention selon laquelle M. B… « a déclaré n’avoir pas connaissance du compte à Genève qui porte son nom » ne saurait par définition lui porter préjudice, n’étant que le reflet de ses propres dénégations et figure dans un encart qui vise non des « fraudeurs », mais des « évadés » fiscaux, deux termes à la portée radicalement différente ; que toutefois, il est constant que le caractère diffamatoire d’un propos s’apprécie de manière non seulement intrinsèque mais également extrinsèque ; qu’en l’espèce, il résulte des deux articles dans lesquels s’insèrent les passages poursuivis que ceux-ci ne font pas que mentionner, de manière purement factuelle et sans porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la partie civile, que son nom figure dans un listing ; qu’en effet, les deux articles, nonobstant la précaution d’ordre purement sémantique des auteurs de l’article consistant à utiliser parfois les termes d’ « évasion fiscale » ou d’« évadés fiscaux », légèrement moins explicites, quoique déjà péjorativement connotés, que ceux de « fraude fiscale » ou de « fraudeurs », tendent à l’évidence à présenter le système mis en place comme illégal et ses utilisateurs comme autant, à quelques exceptions près, de délinquants potentiels ; qu’ainsi, il est fait état, notamment, d’« une gigantesque fraude à l’échelle internationale »1, de clients « désireux, dans leur grande majorité, de cacher leur argent en Suisse. Et cela, bien sûr, très souvent, dans la plus parfaite illégalité »2, d’une « industrie illicite »3, de 1 Edition du […], page 2, également publié sur le site www.lemonde.fr le […] 2 idem 3 Ibidem, page 3 8 données «…révélatrices d’un système de fraude fiscale d’ampleur » 4, d’un « vaste système de fraude » 5, d’une banque confrontée à « cette affaire d’évasion fiscale …à grande échelle pour le compte de fraudeurs au fisc mais aussi de groupes criminels fichés, voire déjà condamnés » 6, ainsi que de la mise en examen de la banque pour «blanchiment de fraude fiscale » 7 ou du fait que « les enquêteurs disposent désormais d’éléments matériels attestant ces différents délits » 8 (les soulignements sont ajoutés) ; que, s’agissant de M. B…, aucune précision n’est en outre apportée, contrairement à d’autres noms cités, selon lesquelles le compte ouvert à son nom l’aurait été légalement ou à son insu, en raison par exemple d’un héritage ou de la décision unilatérale d’un gestionnaire de fortune ; qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments que les propos poursuivis prêtent à la partie civile un comportement à la fois précis et illégal et, partant, doivent être considérés comme diffamatoires» ;
« 1°) alors que la diffamation suppose l’imputation, à l’égard de la partie civile, d’un fait précis attentatoire à son honneur et sa réputation ; que même replacé dans le contexte général d’une enquête ayant pour objet de dénoncer un système de fraude fiscale, la phrase selon laquelle « leur révélation est susceptible d’embarrasser de nombreuses personnalités, de l’humoriste français M. AC… C… au roi du D… AB… en passant par l’acteur américain M. B… », ne constitue que l’expression d’une opinion subjective qui n’impute pas à M. B… d’avoir personnellement fraudé, l’emploi du terme « embarrassant » afin de qualifier la présence de son nom dans le listing client ne reflétant, dans la limite de la liberté d’expression, que l’avis modéré des auteurs de l’article ;
« 2°) alors que toute insuffisance ou contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que l’appréciation, par les juges du fond, d’après les circonstances de la cause, de la portée des propos incriminés à l’égard de la partie civile d’après des éléments extrinsèques à ces propos n’est souveraine que pour autant qu’elle repose sur une analyse complète et suffisante de ce contexte et spécialement, de l’écrit dans lequel les propos s’insèrent; qu’il résulte du jugement et des pièces de la procédure que la phrase selon laquelle « leur révélation est susceptible d’embarrasser de nombreuses personnalités, de l’humoriste français M. AC… C… au roi du D… AB… en passant par l’acteur américain M. B… », figure dans un texte évoquant clairement l’existence, fût-elle minoritaire, de cas non frauduleux (« Désireux dans leur grande majorité, de cacher leur argent en Suisse. Et cela, bien sûr, très souvent, à l’instar des clients français, dans la plus parfaite illégalité ») ainsi que la disparité des profils des détenteurs de compte et de leurs motivations, pour certains sans rapport avec la fraude fiscale comme l’illustre le cas « des nombreuses familles juives dont les avoirs avaient été mis en lieu sûr, en Suisse, au 4 Ibidem, page 55 idem 6 Ibidem, page 97 Information figurant dans les deux supports poursuivis 8 Cf., notamment, article publié sur le site, dans le paragraphe intitulé « le paravent de structures offshore » moment de la montée du nazisme en Europe » ; que l’encart « le Gotha des évadés », contenant le deuxième propos incriminé, figure en page 4 du journal, sous deux articles qui analysent « les 1001 visages des évadés fiscaux » qui ressortent de la « liste HSBC » ; que la lecture du premier article informe le lecteur que « ces clients de la banque genevoise ne sont pas tous des fraudeurs mais une bonne partie », lui indique que « cette longue liste cache cependant des situations très différentes dont seuls les clients ont la clé », que « pour séparer le bon grain de l’ivraie, les enquêteurs ont appliqué toute sortes de critères », que la démarche journalistique, distincte, explicitée, a conduit à donner la parole aux personnes sélectionnées par le journal « pour savoir pourquoi leurs noms apparaissaient dans les fichiers », que parmi les personnes contactées, «les cas sont variés », certains étant « domiciliés en Suisse » et « leur compte est donc tout à fait légal », tandis que « pour les autres, la situation est souvent régularisée » ; que le deuxième article, intitulé « Artistes, sportifs, médecins, avocats, chefs d’entreprise
le compte en Suisse se révèle être une stratégie financière partagée par les professions les plus rémunératrices », cite des cas de personnes appartenant à ces catégories socio-professionnelles et notamment ayant expliqué avoir hérité d’un tel compte et régularisé ; que l’encart « le Gotha des évadés » cite divers noms apparaissant dans les listings comme clients de la banque HSBC, regroupés en trois catégories : « les célébrités », « les altesses » et « les politiques » ; que dans la catégorie « les célébrités », il est mentionné : « L’acteur américain M. B… a déclaré n’avoir pas connaissance du compte à Genève qui porte son nom. Même réponse pour l’actrice britannique Mme Joan F…, M. David G… et Mme I… BA… ont tous deux répondu qu’ils étaient résidents en Suisse, tout comme l’ex-pilote de formule 1 M. Michael J…, M. BB… K…, chanteur sénégalais, n’a pas répondu » ; que dans la catégorie « les altesses », il est indiqué « outre le roi du D…, on trouve, parmi les clients de HSBC, le sultan BC… d'[…] et le sultan de […], BD…, ainsi que le prince O… AE… L… BE…, P… , et le roi BF… Q… » ; que la catégorie « les politiques » ne vise que des non suisses ; qu’il en ressort que le propos est de décrire un système et d’analyser les catégories socio-professionnelles principalement concernées tout en faisant de la parole de chaque personne contactée la seule clé d’analyse de sa situation personnelle («cette longue liste cache cependant des situations très différentes dont seuls les clients ont la clé ») et que, dans la catégorie « les célébrités » du « Gotha des évadés », M. B… est cité aux côtés d’autres célébrités internationales qualifiées d’ « évadés » (M. David G…, Mme I… BA…, M. Michael J…) et dont la situation apparait légale ; qu’en s’abstenant d’analyser l’ensemble de ces éléments pertinents, de nature à établir, ainsi qu’il était soutenu par les prévenus, que la mention « évadé » fondée sur un élément d’extranéité commun à l’ensemble de ces personnes n’était pas réductible à celle de fraudeur et que M. B… ayant pu faire connaître le fait qu’il n’avait « pas connaissance du compte à Genève qui porte son nom », le propos du journal n’allait pas au-delà de l’expression d’une opinion subjective sur le caractère embarrassant de sa présence dans le listing, les juges du fond n’ont pas légalement justifié leur décision » ;
Sur la première branche du deuxième moyen de cassation, pris de la Violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, en sa première branche ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré MM. X…, en qualité d’auteur, Y… et Z…, en qualité de complices, coupables du délit de diffamation publique envers un particulier, a condamné le premier à une amende de 1 000 euros et les seconds à une amende de 1 500 euros chacun, les a condamnés solidairement à verser à M. B… une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, a ordonné, dans un délai de huit jours à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif, le retrait du site www.lemonde.fr des propos diffamatoires et, à titre de réparation civile complémentaire, dans les huit jours à compter de la date à laquelle son arrêt présentera un caractère définitif, la publication d’un communiqué judiciaire sur le site internet pendant une durée d’un mois consécutif, soit directement en son intégralité sur la page d’accueil, soit par le biais d’un lien hypertexte sur la page d’accueil, ainsi qu’en première page du journal le Monde, puis déclaré la société Editrice du monde civilement responsable ;
« aux motifs, d’une part, que : « La cour constatera qu’il est légitime que les appelants aient traité du sujet à l’origine de la saisine de la cour, dont le caractère d’intérêt général est incontestable ; que l’hypothèse d’une animosité personnelle des auteurs de l’article à l’égard de la partie civile n’est pas envisageable ; que la prudence du ton employé ne pourrait être éventuellement appréciée que si le principe même de la mise en cause de M. B… n’était pas lourdement erroné ; que de fait, l’intérêt de l’information en cause et le volume des éléments traités ne sauraient justifier que l’honneur d’un homme soit considéré comme secondaire par rapport à ceux-ci ; que la cour relèvera de surcroît que si l’exploitation des fichiers HSBC intéresse au moins 10 000 personnes, peu d’individus sont cités à titre d’illustration de l’article litigieux ; que ce petit nombre permettait sans difficultés de traiter leur cas avec une rigueur qui fait manifestement défaut dans le cas de la partie civile, qui est citée par le Monde au seul titre de sa renommée internationale, sans que soient pris en compte les éléments produits par les prévenus eux-mêmes qui l’exonèrent de toute fraude ; qu’en l’absence de toute base factuelle, le jugement déféré sera donc confirmé en ce que l’exception de bonne foi a été refusée aux appelants » ;
« et que (jugement, p. 10 et 11): « Il n’est guère contestable, tout d’abord, que le sujet abordé présente un caractère d’intérêt général, s’agissant des mécanismes mis en place par une banque de premier plan pour permettre à ses clients dans le monde entier d’échapper à l’impôt.
De même, aucune animosité personnelle des prévenus à l’encontre de la partie civile n’est démontrée en l’espèce ; qu’en revanche de l’existence d’une base factuelle suffisante et de la prudence dans l’expression, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le fichier comportant le nom de M. B…, tel que transmis dans l’offre de preuve, mentionne expressément que le compte de l’intéressé a été ouvert le 31 décembre 1996 et fermé le 7 décembre 1999 et qu’il est donc « clôturé » depuis cette dernière date ; qu’ainsi, et quels que soient, par ailleurs, les éléments versés par la partie civile de nature à démontrer d’une part que ce compte a été ouvert non à la HSBC PB, mais à l’origine, soit en 1994, à la banque Warburg, puis transféré en 1996 à la RepubIic Bank of New York, elle-même absorbée par la banque HSBC pour constituer, avec la Safra Republic Holdings, la HSBC PB, créée le 31 décembre 1999 – soit postérieurement à la fermeture du compte de M. B…, d’autre part que ce compte était dûment déclaré à l’administration fiscale américaine, il est clair en toute hypothèse que M. B… ne peut, par définition, être concerné par le système d’évasion ou de fraude fiscale mis en place, aux termes mêmes d’un article de MM. Y… et Z…, publié sur le site www.lemonde.fr le […], «[…] » ; qu’enfin, il apparaît que les auteurs de l’article ont certes cité M. B…, mais en se contentant d’indiquer qu’il avait «… déclaré n’avoir pas connaissance du compte à Genève qui porte son nom », mention qui, au vu des éléments extrêmement précis fournis par la partie civile -témoignages de ses gestionnaires de fortune, copie de ses déclarations de revenus aux USA, document signé par ses soins d’autorisation de divulgation des renseignements afférents au compte litigieux auprès des autorités américaines et suisses, audition d’CA…, journaliste à 60 mn – ne saurait être considérée comme reflétant de manière satisfaisante la position de M. B… lors de la parution des propos incriminés, celui ci ayant déjà contesté non seulement la détention d’un compte à la HSBC PB, mais également le fait que ce compte ait pu servir à dissimuler des revenus au fisc; que, dans ces conditions, il apparaît que MM. Y… et Z… ne disposaient pas d’une base factuelle suffisante et ont manqué de prudence dans l’expression ; que leur bonne foi, de même que celle de M. Louis X…, ne peut, partant, être retenue, et qu’ils doivent être déclarés coupables du délit de diffamation publique envers M. B… » ;
« 1°) alors que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans le cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ; que, dans le cadre, comme en l’espèce, d’un sujet d’intérêt général majeur, l’article 10 §2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression, de sorte que la bonne foi doit être appréciée d’une façon plus large ; qu’il n’est pas contesté que le nom de M. B… figurait dans le listing authentifié des clients de la banque HSBC de sorte que la mention de sa présence dans les données clients de cette banque reposait sur une base factuelle suffisante ; que l’enquête a nécessité le traitement d’un volume de données hors norme, dans le cadre d’une coopération journalistique internationale, des journalistes américains s’étant chargés du contradictoire à l’égard des personnalités américaines, et ayant répercuté au Monde la position exprimée par M. B…, selon laquelle il n’avait pas connaissance d’un compte à Genève portant son nom ; que le journal s’est borné, de manière prudente, à qualifier d’ « embarrassante » la présence du nom de M. B… dans le listing tout faisant état de ces déclarations et ce, après avoir attiré l’attention de ses lecteurs, exemples à l’appui, sur le fait que ces « évadés fiscaux », « clients de la banque genevoise », « ne sont pas tous des fraudeurs mais une bonne partie » et que « cette longue liste cachait des situations très différentes dont seuls les clients ont la clé » ; que la clôture de son compte par M. B… en 1999 ne remettait en cause ni sa présence dans ledit listing ni son caractère embarrassant ; que dès lors, les propos en cause n’excédaient pas, dans le contexte, les limites de la liberté d’expression ; que la cour a méconnu l’article 10 de la Convention de européenne des droits de l’homme » ;
Les moyens étant réunis ;