N° E 17-83.470 F-D
N° 3034
SM12
8 JANVIER 2019
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. I… X…,
– Mme Mélanie Y…,
– M. Christophe Z…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 27 avril 2017, qui a condamné le premier, pour diffamation publique envers un particulier et diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, à 1 500 euros d’amende et les deux derniers, pour complicité de ces délits, à 1 000 euros d’amende chacun, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 13novembre2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale: M. Soulard, président, Mme G…, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire G…, les observations de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER, la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M.l’avocat général A… ;
Motivation
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Exposé du litige
Motivation
En cet état ;
Moyens
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 31, 32, 48, 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, violation de la loi ;
« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré X… coupable, en qualité d’auteur, de diffamation publique envers un particulier et de diffamation publique envers un membre de l’Assemblée nationale, au titre de l’ensemble des propos visés par la plainte, et Mme Y… et M. Z…, coupables, en qualité de complices, des mêmes infractions, pour ces mêmes propos à l’exception des trois premiers passages incriminés, et les a, en répression, condamnés respectivement à des amendes de 1 500 euros pour l’auteur principal, et de 1 000 euros pour chacun des complices, outre 1 euro au titre des intérêts civils ;
« aux motifs que la cour relèvera l’importance du travail de contextualisation du premier juge pour donner sens à une part des passages poursuivis ; que la référence aux transactions immobilières intervenues sur des biens publics au profit du Qatar, du fait des animateurs de Bygmalion apparaît sans relation avec l’objet de la poursuite, à défaut d’être visées par la prévention ; que pour le surplus, l’article ne peut être apprécié qu’en son entier. (
) Sur la responsabilité du directeur de publication : Il n’est pas discuté que le titre et les intertitres constituant les trois premiers passages visés par la prévention ne soient pas le fait des journalistes ; que seul le directeur de la publication pourra donc voir sa responsabilité recherchée à ce titre ; que sur le caractère diffamatoire de l’article : Pour le surplus, et de manière, de fait, indissociable de ces trois premiers passages, la cour constatera, comme le tribunal, que l’ensemble de l’article poursuivi laisse entendre sans nuance que M. B… a participé à la construction d’une nébuleuse d’entreprises sur le socle de Bygmalion, destinée à son ascension au sein de son propre parti, au détriment économique de celui-ci ; qu’il lui est encore imputé d’avoir, dans la même logique, usé au profit de ces entreprises des fonds publics qui lui étaient confiés au titre de sa qualité de président de groupe à l’Assemblée Nationale. C’est pourquoi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a considéré comme fondé le visa de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881, concernant le 6ème passage poursuivi ; qu’ en revanche, l’ensemble de l’article, sans qu’il soit utile d’en décliner les différents passages, impute clairement à M. B…, tant en qualité de président de l’UMP, que de président du groupe de ce parti à l’Assemblée nationale, d’avoir ruiné son propre parti à son profit politique exclusif, en contrepartie de l’enrichissement d’une structure économique dont l’activité lui était pour une large part dédiée ; que d’un point de vue matériel, il lui est encore imputé d’avoir toléré, sinon encouragé des pratiques de surfacturation des prestations de Bygmalion ou d’Event & Cie, au profit tant de l’UMP, que du groupe parlementaire de ce parti ; qu’ ainsi lui sont imputés des faits attentatoires à son honneur et à sa considération susceptibles d’un débat contradictoire, donc diffamatoires. Le jugement sera donc en ce sens confirmé ; que sur la bonne foi : Les appelants ont fait valoir la légitimité du but poursuivi, concernant le parcours du dirigeant d’un parti politique français parmi les plus importants, notamment au moment d’une campagne présidentielle ; que ce point n’a pas été contesté par la partie civile ; que celle-ci a encore allégué d’une animosité personnelle de FOG à son égard ; qu’ a ce titre la cour ne pourra que constater que M. B… ne peut justifier, dans différents articles, ou lors d’interviews, que d’une certaine alacrité ou agressivité à son égard de l’appelant, qui conduisent à des propos qui peuvent être considérés comme blessants, sans que ceux-ci ne dépassent les bornes de la polémique dans la bouche d’un journaliste d’opinion, et ne permettent de soupçonner l’existence d’une animosité personnelle au sens de la jurisprudence de la loi sur la presse ; que la partie civile a fait valoir l’absence d’enquête sérieuse, rappelant que les allégations des journalistes n’ont été confortées par aucune décision judiciaire, et que les enquêtes menées auraient établi que les pouvoirs dévolus à M. B… au sein de son propre parti à l’époque des faits exposés ne lui permettaient pas de favoriser une entreprise ; que de leur côté, les appelants reprochent au tribunal d’avoir estimé que leur enquête n’avait pas le sérieux qu’on était en droit d’attendre d’eux, sans en avoir apporté la démonstration ; que notamment, ils critiquent, à juste titre, les développements du tribunal quant à l’affaire de vente d’immeubles au Qatar qui ne rentre pas dans sa saisine ; que par ailleurs, ils rappellent quant à l’imputation de surfacturation, qui est au centre de l’activité prêtée à Bygmalion, qu’ils ont produit nombre de pièces qui illustrent le surcoût de ses services par rapport aux mêmes prestations facturées par d’autres sociétés à d’autres candidats ; qu’ils ont, en premier lieu, comparé les comptes de campagne de M. F… et de M. C…, principaux candidats à l’élection présidentielle de 2012 et la différence de coût de leurs réunions publiques, celles du second étant supérieure d’environ 4 millions d’euros à celles du premier, soit presque 50 % de plus ; que néanmoins, la cour relèvera qu’une telle comparaison censée démontrer l’excès des prix de Bygmalion, ne tient pas compte des choix des décideurs de deux partis distincts, dont les priorités de communication ne sont pas forcément les mêmes ; que plus précis sont les éléments relatifs à la dégradation des finances de l’UMP sous la présidence de M. B…, ce qui n’a pas été contesté par ce dernier : ainsi les pertes du parti à l’issue des élections de 2012 étaient de l’ordre de 40 millions d’euros, alors qu’à l’issue du scrutin de 2007, elles se limitaient à 10 millions d’euros ; que les appelants établissent encore qu’entre ces deux dates les dépenses de communication de l’UMP sont passées de 15 à 33 millions d’euros ; que la comparaison de ces mêmes dépenses avec celles, bien inférieures, du Parti Socialiste, apparaît moins pertinente, dans la mesure où ces différences sont conditionnées également par des choix, que comme il a déjà été dit, il n’y a pas lieu d’apprécier ; que la question du dépassement des dépenses de campagne de l’UMP et d’éventuelles fausses factures relatives à celui-ci, évoquées par les appelants, ne seront mis à jour que postérieurement à l’article dont est saisie la cour ; que les éléments connus de la composition du capital de Bygmalion, mis en valeur par l’article, sont certes authentifiés, mais n’ont rien à voir avec la mise en cause de M. B… ; que les prévenus font encore valoir l’offre de contradiction offerte à la partie civile, à laquelle il n’a pas été donné suite ; qu’ enfin, la proximité de M. B… avec MM. D…, J… et E… n’est pas contestée ; que néanmoins, l’ensemble des éléments qui précèdent sont insuffisants pour que soit justifiée l’imputation à M. B… d’une implication personnelle dans la ruine de L’UMP ; qu’ il n’est aucunement établi qu’il ait utilisé la structure de Bygmalion dans le but exclusif de servir ses propres intérêts, indifféremment au sort du parti dont la direction lui était confiée ; qu’ en tout état de cause, les pièces produites par les appelants ne peuvent appuyer leurs assertions en ce sens ; que dès lors, cette absence d’enquête sérieuse amènera à souligner encore le manque de prudence dans l’expression des titres et intertitres de l’article litigieux, ainsi que le tribunal l’a souligné ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a refusé aux appelants le bénéfice de la bonne foi ; qu’ il sera encore confirmé en ce qui concerne des peines exactement appréciées ;
« et aux motifs supposes adoptes que sur le caractère diffamatoire des propos incriminés : (
) qu’en l’espèce la partie civile estime que les propos incriminés lui imputent d’être coupable ou complice d’un vol commis au détriment de l’UMP et du candidat de ce parti aux élections présidentielles de 2012 ; que les prévenus, pour contester le caractère diffamatoire de ces propos, se prévalent de la liberté accordée aux organes de presse dans l’utilisation d’un titre « accrocheur », de l’imprécision des propos querellés à l’égard de M. B… qui relèvent de l’analyse politique et du jugement de valeur, les faits précis ne visant que la société Bygmalion ; que cependant l’article incriminé évoque le fonctionnement de cette société et de ses filiales, qui, par le biais de surfacturations de l’organisation de la communication de l’UMP, notamment lors de la campagne présidentielle de 2012, ont « profité de la cassette du parti », la filiale Events & Cie ayant « empoché 8 millions d’euros » durant la campagne de M. C…, candidat de l’UMP, la page de couverture présentant l’article précisant : « Révélation sur la « petite entreprise » qui a ruiné l’UMP » ; que c’est à juste titre que M. B… fait valoir qu’en affirmant que cette société Bygmalion est une « machine de guerre » ou « conçue par deux proches (
) pour le servir », propos répétés à deux reprises dès la première page de l’article, il lui est imputé, ainsi que le surtitre de la page de couverture et son titre comme celui de l’article l’indiquent, d’être l’instigateur et le bénéficiaire des faits commis par la société Bygmalion, soit le « vol » de M. C… et la « ruine de l’UMP », ce qui justifie que ces faits soient qualifiés d’ « affaire B… » ; que cette imputation est confortée par le sixième passage incriminé qui confirme que, dès l’origine, M. B… a veillé à « irriguer », par « de juteuses commandes passées sans appel d’offres » au moyen de fonds destinés aux députés de l’UMP, cette « machine de guerre » conçue pour le « servir » ; qu’il en va de même du septième passage incriminé relatif aux surfacturations de prestations « hors appel d’offres à l’UMP », cause de la « ruine » de ce parti, de sorte que le lecteur n’a guère de doute sur la réponse qui doit être donnée à la question, « A qui ont profité les millions de Bygmalion ? », question précédée du mot « Soufre » et suivie du constat que « certains osent désormais la poser dans les couloirs de l’UMP », ce qui induit nécessairement qu’au sein même de l’UMP on ose envisager une traîtrise de son dirigeant ; que l’imputation d’avoir organisé, au moyen de la société Bygmalion créée pour servir ses intérêts personnels, le vol et la ruine du parti qu’il dirigeait, constitue l’imputation d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité qui se distingue donc de l’appréciation subjective, de l’analyse politique et du jugement de valeur, ce fait caractérisant une infraction pénale et une faute morale qui est, à l’évidence, contraire à l’honneur et à la considération de M. B…, de sorte que les propos incriminés présentent effectivement un caractère diffamatoire, au sens de l’article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 ; Sur la qualification de diffamation envers un député sur le fondement de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 : Attendu que M. B… a qualifié les poursuites qu’il a engagées en raison des propos figurant dans le sixième passage incriminé : « Dès sa naissance, en 2008, Bygmalion a vu la bonne fée B… se pencher sur son berceau ; que l’ancien ministre du budget qui, un an plus tôt, a pris le contrôle du groupe UMP à l’assemblée nationale, irrigue la jeune pousse en contrats ; que de juteuses commandes passées sans appel d’offre et payées rubis sur l’ongle grâce à la dotation parlementaire – une cagnotte de plusieurs millions d’euros affectée à chaque groupe au prorata du nombre d’élus », de diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat public, délit prévu par les articles 29 alinéa 1er et 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; qu’il y a lieu de rappeler que l’article 31, alinéa 1er, de la loi sur la liberté de la presse réprime spécialement la diffamation commise notamment envers les membres de l’une et l’autre chambre, l’alinéa 2 de ce texte renvoyant à l’article 32 qui réprime la diffamation envers un particulier dès lors que la diffamation visant ces mêmes personnes concerne leur vie privée ; qu’il en résulte que la partie civile chargée d’un mandat public doit agir sur le fondement des dispositions de l’article 31, alinéa 1er, qui emportent une sanction plus lourde que celle prévue par l’article 32, alinéa 1er, lorsque la diffamation qui la vise – laquelle doit s’apprécier non d’après le mobile qui l’a inspirée ou d’après le but recherché par ses auteurs, mais selon la nature du fait sur lequel elle porte – suppose une relation directe et étroite entre le fait imputé et la qualité ou la fonction de la personne diffamée, en ce qu’elle contient la critique d’actes de cette fonction ou d’actes commis par abus de la fonction ou dès lors que la qualité ou la fonction de l’intéressé ont été soit le moyen d’accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire, étant encore précisé que la simple mention que la personne est investie de cette fonction ne suffit pas, en elle-même, à caractériser un tel lieu, mais que lorsque l’imputation vise de façon indivisible le membre d’une des deux chambres tant à raison de sa fonction que pour sa vie privée, c’est la diffamation spéciale prévue par l’article 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 qui doit prévaloir ; qu’en l’espèce, les propos incriminés sur le fondement de la diffamation publique envers une personne chargée d’un mandat public, portent sur l’utilisation faite par M. B…, alors à la tête du groupe UMP de l’Assemblée nationale, de la dotation parlementaire allouée par l’Assemblée, à chaque groupe en fonction du nombre d’élus qui y sont inscrits ; que s’il est exact que les faits évoqués dans ces propos visent plus l’activité de chef du groupe parlementaire UMP que celle de député, cette dernière qualité est cependant indissociable de la première, seul un député pouvant être à la tête d’un groupe parlementaire ; qu’en outre cette qualité de membre de l’assemblée a été tant le moyen que le support nécessaire à l’utilisation des fonds alloués par cette assemblée parlementaire pour aider ses membres dans leurs fonctions ; qu’ainsi c’est à bon droit que le passage incriminé a été poursuivi du chef de diffamation publique sur le fondement de l’article 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, seul fondement possible à cette action ; sur la bonne foi : (
) que la partie civile ne saurait être suivie dans son argumentation relative à l’animosité personnelle animant le directeur de la publication du Point qui exclurait le bénéfice de la bonne foi ; (