RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01196 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FP2E
Minute n° 23/00006
[V]
C/
[C]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 08 Avril 2021, enregistrée sous le n° 2020/00870
COUR D’APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 10 JANVIER 2023
APPELANTE :
Madame [X] [V] veuve [B]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [E] [O]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 20 Octobre 2022 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 10 Janvier 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR:
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DUSSAUD,Conseillère
Mme DEVIGNOT, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
FAITS ET PROCEDURE
Le 04 juin 2015, Mme [X] [V] a remis une somme de 80 000 euros à M. [E] [O], son voisin, afin qu’il achète l’appartement dont il était alors locataire.
Par acte d’huissier signifié à M. [O] le 03 juin 2020, Mme [X] [V] a assigné M. [E] [O] devant le Tribunal de Grande Instance de Metz afin d’obtenir sa condamnation à lui rembourser le solde de la somme versée, d’un montant de 77 000 euros sous astreinte, en se fondant sur la répétition de l’indu, outre 4 000 euros de dommages-intérêts et une indemnité de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux dépens.
M. [O] a sollicité le rejet de ses prétentions.
Par jugement réputé contradictoire en date du 08 avril 2021, le Tribunal Judiciaire de METZ a :
débouté Mme [X] [V] de sa demande en paiement de la somme de 77 000 euros,
rejeté la demande de condamnation sous astreinte,
débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice financier
condamné Mme [V] aux dépens de l’instance ainsi qu’à payer à M. [O] la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 06 mai 2021 Mme [V] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 08 juin 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l’appelante Mme [V] veuve [B] demande à la cour de :
recevoir l’appel de Mme [V] ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande en paiement ;
Et statuant à nouveau,
juger non prescrite la demande en paiement formée par Mme [V] ;
condamner M. [O] à payer à Mme [V] veuve [B] la somme de 74 970 euros sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir ;
condamner M. [O] à payer à Mme [V] veuve [B] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
condamner M. [O] à payer à Mme [V] veuve [B] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [O] aux dépens.
Sur la question de la prescription de la demande de remboursement, l’appelante fait valoir qu’en application des dispositions de l’article 2241 du code civil la demande en justice interrompt le délai de prescription et que le fondement juridique peut être modifié dès lors que la demande tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge selon les dispositions de l’article 565 du code de procédure civile. L’appelante souligne qu’il est constant qu’elle formé une demande en paiement en date du 03 juin 2020 visant une somme de 80 000 euros versée à M. [O] le 04 juin 2015.
Sur la preuve du prêt, l’appelante estime qu’elle se trouvait dans l’impossibilité morale de se procurer un écrit en raison des relations amicales qu’elle entretenait avec M. et Mme [O] au sens des dispositions de l’article 1348 du code civil de sorte que la preuve de l’obligation peut selon elle être rapportée par tout moyen.
L’appelante fait valoir qu’elle s’était liée d’amitié avec ses voisins M. et Mme [O] et qu’ils se recevaient mutuellement raison pour laquelle elle leur a prêté la somme de 80 000 euros afin qu’ils puissent financer l’acquisition de l’appartement dans lequel ils étaient locataires suite à la décision du propriétaire de mettre en vente l’appartement. Elle fait valoir qu’elle était fragile et ne pouvait imposer un écrit à M. [O].
L’appelante conteste avoir entretenu la moindre relation sexuelle avec M [O] et conteste lui avoir fait un don. L’appelante expose que M. [O] a exigé qu’elle établisse des reçus à la suite des paiements, et considère qu’il s’agit d’un commencement de preuve par écrit. L’appelante précise que M. [O] n’a restitué que la somme de 5 030 euros sur le montant total prêté de sorte qu’il lui est redevable de la somme de 74 970 euros.
L’appelante s’estime fondée à solliciter la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral, et fait valoir qu’elle a subi les accusations diffamantes de M. [O] selon lesquelles les parties auraient eu une liaison.
Par conclusions déposées le 08 septembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, l’intimé M. [O] demande à la cour de :
recevoir en la forme l’appel interjeté par Mme [V] veuve [B] à l’encontre du jugement rendu le 08 avril 2021 par la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Metz ;
le dire toutefois mal fondé ;
déclarer les demandes de Mme [V] veuve [B] irrecevables comme prescrites sur le fondement de l’article 2224 du code civil ;
À titre infiniment subsidiaire,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
condamner Mme [V] veuve [B] à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d’appel ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance d’appel.
L’intimé fait valoir que l’action en recouvrement d’un prêt se prescrit dans un délai de 5 ans à compter de la remise des fonds et observe que la remise des fonds est intervenue le 04 juin 2015, de sorte que selon lui cette action introduite par les conclusions justificatives d’appel en date du 03 août 2021 est prescrite.
Quant au fond l’intimé expose qu’il n’existe aucun acte écrit entre les parties emportant reconnaissance de dette ou constatant l’existence d’un prêt.
Il fait valoir qu’il avait accepté d’entretenir une relation avec Mme [V] à la fois sexuelle et dominante exercée sur lui par cette dernière, qu’en 2015 lorsque Mme [V] a appris que M. [O] allait devoir quitter son appartement à la suite de la mise en vente de ce dernier par son propriétaire, elle a décidé de lui faire don de la somme de 80 000 euros afin qu’il puisse se porter acquéreur de l’appartement qu’il occupait en tant que locataire et de ce fait pouvoir maintenir la relation qu’elle entretenait avec lui.
L’intimé estime que les attestations produites par Mme [V] sont de complaisance et considère qu’elles devront être écartées des débats comme non probantes. L’intimé fait valoir qu’il a été jugé sur le fondement de l’article 1341 ancien du code civil que la preuve de la remise des fonds ne suffisait pas à justifier l’obligation pour celui qui les a reçus de les restituer, et qu’il appartient à celui qui se dit créancier de rapporter la preuve d’un contrat de prêt et donc l’absence d’intention libérale dès lors que le bénéficiaire des fonds allègue un don manuel, et que cette preuve ne pouvait être rapportée que par écrit à l’exclusion de tout commencement de preuve par écrit.
La procédure a été clôturée le 13 octobre 2022.
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
rejeté la demande d’astreinte formée par Mme [X] [V] veuve [B],
et rejeté la demande en dommages-intérêts formée par Mme [X] [V] veuve [B] au titre d’un préjudice financier ;
Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
Condamne M. [E] [O] à payer à Mme [X] [V] veuve [B] la somme de 74 970 euros ;
Condamne M. [E] [O] aux entiers dépens de la procédure de première instance ;
Rejette les demandes de M. [E] [O] aux titres des entiers dépens de la procédure de première instance et en indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;
Y ajoutant,
Déclare la demande principale de Mme [X] [V] veuve [B], en remboursement du solde du prêt, recevable ;
Rejette la demande en dommages-intérêts pour préjudice moral formée par Mme [X] [V] veuve [B] ;
Condamne M. [E] [O] aux entiers dépens de la procédure d’appel ;
Condamne M. [E] [O] à payer à Mme [X] [V] veuve [B] la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel.
La greffière La présidente de chambre