Affaire Selfcair International
La société Selfcair International a interjeté appel mais n’a pas remis de conclusions dans les délais requis, rendant son appel caduc. Le jugement déféré est donc définitif pour cette société.
Monsieur [L] est mis hors de cause car aucune demande de condamnation n’a été formulée à son encontre. Sa demande de réparation de préjudice moral est rejetée. Les appelantes sont condamnées à lui verser 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Eximium
La demande de la société Eximium est jugée recevable. Aucune faute n’est établie concernant le détournement d’éléments de propriété intellectuelle. La demande reconventionnelle de la société Frégate Aero est rejetée.
L’absence de détournement d’éléments de propriété intellectuelle
La cour confirme l’absence de détournement d’éléments de propriété intellectuelle, de savoir-faire et de secrets des affaires. Aucun débauchage de salariés ni déstabilisation du groupe Selfcair n’est prouvé. Les demandes des appelants sont infondées.
Demandes spécifiques aux sociétés Frégate et Frégate Aero
Les demandes de production de données et de publication de la décision sont rejetées. Les demandes de la société Frégate Aero sont également rejetées faute de justification des préjudices.
Le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions. Les appelantes sont condamnées à payer des sommes aux intimés et aux sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aero.
Conseils juridiques:
1) Assurez-vous de respecter les délais pour remettre vos conclusions au greffe afin d’éviter la caducité de votre appel, comme stipulé à l’article 908 du code de procédure civile.
2) Veillez à ce que les demandes formulées dans vos conclusions soient en adéquation avec les prétentions respectives des parties telles que déterminées par l’acte introductif d’instance et les conclusions en défense, conformément aux articles 4 et 5 du code de procédure civile.
3) Avant d’engager une action en justice, assurez-vous d’avoir un intérêt légitime au succès ou au rejet de la prétention, comme le permet l’article 31 du code de procédure civile, afin de garantir la recevabilité de votre action.
Réglementation applicable
– Code de procédure civile
– Code de commerce
Avocats
– Me [J] de la SELARL SBCMJ
– Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI
– Me Anne-Florence RADUCAULT de la SELARL RETEX AVOCATS
– Me Céline CASSEGRAIN de la SELARL RETEX AVOCATS
Mots clefs
– Société Selfcair International
– Société Selfcair UK
– Société SBS
– Selarl SBCMJ
– Société Eximium
– Monsieur [L]
– Pacte d’actionnaires
– Protocole d’accord transactionnel
– Groupe Frégate
– Propriété intellectuelle
– Savoir-faire
– Secrets des affaires
– Détournement
– Débauchage de salariés
– Déstabilisation
– Dénigrement
– Société Airbus
– Société Smiths Detection
– Société Cel Sheet Metal
– Société Frégate Aero
– Demande reconventionnelle
– Préjudices matériel et financier
– Préjudice moral
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens de l’instance
Définitions juridiques
Les mots clefs sont:
– Société Selfcair International
– Société Selfcair UK
– Société SBS
– Selarl SBCMJ
– Société Eximium
– Monsieur [L]
– Pacte d’actionnaires
– Protocole d’accord transactionnel
– Groupe Frégate
– Propriété intellectuelle
– Savoir-faire
– Secrets des affaires
– Détournement
– Débauchage de salariés
– Déstabilisation
– Dénigrement
– Société Airbus
– Société Smiths Detection
– Société Cel Sheet Metal
– Société Frégate Aero
– Demande reconventionnelle
– Préjudices matériel et financier
– Préjudice moral
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens de l’instance
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/02386 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LNH3
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL EYDOUX MODELSKI
la SELARL RETEX AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 21 MARS 2024
Appel d’un jugement (N° RG 2020J66)
rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 18 mai 2022
suivant déclaration d’appel du 20 juin 2022
APPELANTES :
La société SBS au capital de 1.811.087,00 € immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Romans sur Isère sous le numéro 518 107 016, société en liquidation judiciaire suite au jugement du Tribunal de Commerce de Romans sur Isère du 30 avril 2020, ayant désigné ès qualité de liquidateur judiciaire, Me [J] de la SELARL SBCMJ demeurant [Adresse 13], représentée par ce dernier ès qualité,
[Adresse 9],
[Adresse 9]
Société SELFCAIR UK LTD, constituée conformément au droit anglais,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège,
[Adresse 11]
[Adresse 11] / ROYAUME-UNI
S.E.L.A.R.L. SBCMJ mandataires judiciaires, immatriculée au RCS de Cherbourg sous le numéro 504 384 504, prise en la personne de Me [D] [J], ès qualité de liquidateur de la société SBS, société par actions simplifiée au capital de 1.811.087 €, immatriculée au RCS de Romans sur Isère sous le numéro 518 107 016 et ayant son siège social [Adresse 10]
Romans sur Isère, en liquidation judiciaire suite au jugement du Tribunal de Commerce de Romans sur Isère du 30 avril 2020,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
S.A.S. EXIMIUM au capital de 1.216.496,00€ immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Romans sur Isère sous le numéro 378 555 619, prise en la personne de son Président, domicilié ès qualité audit siège
[Adresse 9]
[Adresse 9]
représentées par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Anne-Florence RADUCAULT, avocat au barreau de LYON,
INTIMÉS :
M. [F] [X]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 12]
M. [N] [X]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 12]
M. [Y] [C]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Adresse 5]
M. [K] [A]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
M. [V] [L]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
S.A.R.L. FREGATE (ci-après « FREGATE »), immatriculée au Registre de commerce de Romans, sous le n° 493.839.419 ; prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
S.A.S. FREGATE AERO (ci-après « FREGATE »), immatriculée au Registre de commerce d’Aubenas, sous le n° 328.274.410 ; prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
S.A. SQUARCLE immatriculée au Registre de commerce de Meaux, sous le n° 408.260.404, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représentés et plaidant par Me Céline CASSEGRAIN de la SELARL RETEX AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 janvier 2024, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. La société de droit belge Selfcair International est la société holding d’un groupe composé de deux ‘liales : la société de droit anglais Selfcair Uk Ltd et la société de droit français SBS Sas. Le groupe est spécialisé dans la manutention automatisée des bagages aéroportuaires. Il a été fondé par la société Squarcle, holding détenue par [F] [X].
2. La société holding Eximium est entrée dans ce groupe en 2015, est devenue son actionnaire majoritaire et a injecté près de 7 millions d’euros pour permettre au groupe Selfcair de développer son activité.
3. [F] [X] a été administrateur délégué de la société Selfcair International jusqu’au 7 février 2019.
4. [N] [X], frère d'[F] [X], est associé au sein de la société Selfcair International.
5. La société Frégate Aéro est une société industrielle qui fabrique des pièces et sous-ensembles de structures métalliques fines destinées aux industries à haut niveau de technicité, notamment dans le domaine de l’aéronautique. La société Frégate est la société holding de la société Frégate Aéro. [K] [A] dirige ces deux sociétés.
6. Sans commande client depuis 2014 et avec des résultats escomptés du groupe Selfcair très loin d’être atteints, la société Eximium a entrepris des discussions en 2017 avec les actionnaires aboutissant à la conclusion d’un protocole d’accord, conditionnant de nouveaux apports. Le 4 novembre 2019, une offre a prévu la reprise des activités de la société Selfcair International par la société Frégate et il a été envisagé que le capital soit détenu par [Y] [C] et le groupe Frégate. Cette offre a prévu le rachat des titres de Selfcair Uk, ainsi que les actifs incorporels du groupe pour un prix symbolique d’un euro. Cette offre a cependant été refusée.
7. La société Eximium, actionnaire majoritaire du groupe Selfcair, et les sociétés le composant, ont assigné devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère [K] [A], [Y] [C], [F] [X], [N] [X], les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro ainsi que [V] [L], a’n notamment :
– de condamner solidairement [K] [A], [Y] [C], [F] [X], [N] [X] et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro, à payer à la société Selfcair Uk la somme de cinq millions d’euros en indemnisation de son préjudice ‘nancier ;
– de condamner solidairement les mêmes défendeurs à payer à la société SBS, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître Cambon, la somme de 3.362.284,19 euros, somme à parfaire correspondant au montant de l’insuf’sance d’actif de cette dernière ;
– de condamner solidairement les mêmes à payer à la société Eximium la somme de 6.746.767,76 euros au titre du préjudice financier résultant de la perte des investissements qu’elle a réalisés au sein du groupe Selfcair International ;
– d’ordonner aux sociétés Frégate et Frégate Aéro de produire l’intégralité des données qui figurent sur leurs propres serveurs ainsi que sur tout autre support de quelque nature que ce soit leur appartenant ou appartenant à leurs dirigeants ou salariés et qui présenteraient un lien avec le groupe Selfcair et ses activités, en ce compris les documents établis à partir des données litigieuses, sous astreinte ;
– d’ordonner la publication de la condamnation à intervenir dans deux journaux nationaux aux frais des sociétés Frégate et Frégate Aéro ;
– d’autoriser la communication de la décision à intervenir aux clients du groupe Selfcair ainsi qu’à ceux des sociétés Frégate et Frégate Aéro.
8. Une procédure de faillite a été ouverte en Belgique à l’encontre de Selfcair International. En France, une procédure de liquidation judiciaire a également été prononcée par le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère à l’encontre de la société SBS, la Selarl SBCMJ, prise en la personne de maître [J] étant nommée liquidateur judiciaire.
9. Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée en demande et s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige ;
– dit la demande de la société Eximium recevable ;
– mis [V] [L] hors cause ;
– constaté que [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale à l’encontre des sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd et SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium susceptible d’ouvrir droit à réparation ;
– dit la demande des sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium, non fondée ;
– en conséquence, débouté les sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium de l’ensemble de leurs demandes formées à l’encontre de [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et des sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro ;
– débouté les sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium de leur demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 euros au titre de réparation des préjudices matériel et financier, et à hauteur de 5.000 euros par concluant au titre de réparation du préjudice moral, à défaut de les justifier ;
– condamné solidairement les sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS et Eximium à régler à [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro, la somme de 3.000 euros, à verser à chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– liquidé les dépens visés à l’article 701 du code de procédure civile pour être mis à la charge commune des sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium.
10. Les sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBCMJ et Eximium ont interjeté appel de cette décision le 20 juin 2022, en toutes ses dispositions reprises dans leur déclaration d’appel, à l’exception de celle par laquelle le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence soulevée en demande et s’est déclaré compétent pour connaître du litige.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 21 décembre 2023.
Prétentions et moyens des sociétés Selfcair Uk Ltd, SBS, Selarl SCBMJ ès-qualités de liquidateur de la société SBS, et Sas Eximium:
11. Selon leurs conclusions remises à la cour le 24 mai 2023, elles demandent à la cour, au visa des articles 31 du code de procédure civile, des articles 1240, 1241 et 1104 du code civil :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée en demande et s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige ; en ce qu’il a dit la demande de la société Eximium recevable ;
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire maître [J], et Eximium de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et des sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro ;
– statuant à nouveau, de condamner in solidum [K] [A], [Y] [C], [F] [X], [N] [X] et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro à payer à la société Selfcair Uk Ltd la somme de 5.000.000 euros en indemnisation de son préjudice financier ;
– de condamner in solidum [K] [A], [Y] [C], [F] [X], [N] [X] et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro à payer à la société SBS, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître Cambon, la somme de 3.362.284,19 euros, somme à parfaire correspondant au montant de l’insuffisance d’actif de cette dernière ;
– de condamner in solidum [K] [A], [Y] [C], [F] [X], [N] [X], et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro à payer à la société Eximium la somme de 6.746.767,76 euros au titre du préjudice financier résultant de la perte des investissements qu’elle a réalisés au sein du groupe Selfcair International ;
– d’ordonner aux sociétés Frégate et Frégate Aéro de produire l’intégralité des données qui figureraient sur leurs propres serveurs ainsi que sur tout autre support de quelque nature que ce soit leur appartenant ou appartenant à leurs dirigeants ou salariés et qui présenteraient un lien avec le groupe Selfcair et ses activités, en ce compris les documents établis à partir des données litigieuses ;
– de juger que cette restitution devra être réalisée sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, et qu’il sera immédiatement procédé à l’effacement des données litigieuses afin que ni le groupe Frégate ni aucune de ses filiales ne puissent plus jamais en disposer ;
– d’ordonner la publication de la condamnation à intervenir dans deux journaux nationaux aux frais des sociétés Frégate et Frégate Aéro ;
– d’autoriser la communication de la décision à intervenir aux clients du groupe Selfcair ainsi qu’à ceux des sociétés Frégate et Frégate Aéro ;
– de rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Frégate Aéro,Squarcle, Frégate, de [V] [L], [F] [X], [N] [X], [Y] [C] et [K] [A] ;
– de condamner solidairement [K] [A], [Y] [C], [F] [X], [N] [X] et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro à verser à chacune des sociétés Selfcair Uk, SBS et Eximium la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à régler les entiers dépens de l’instance.
Les appelantes exposent :
12. – que suite à l’absence de commandes entre 2015 et 2017, la société Eximium a injecté 6,7 millions d’euros au profit de la société Selfcair International ; qu’en parallèle, [F] [X] a mis en place une stratégie visant à détourner à son profit des actifs du groupe Selfcair de concert avec le groupe Frégate, ce qui a abouti à la création de la société Free2gate qui a remis le 4 novembre 2019 à la société Eximium une offre de reprise des activités de la société Selfcair International par le rachat des titres de la société Selfcair Uk et des actifs incorporels du groupe pour la somme symbolique d’un euro ; que les concluantes ont eu alors connaissance de ce que [N] et [F] [X], la société Squarcle appartenant à ce dernier, leur bras droit monsieur [C], leur conseil juridique [V] [L], les sociétés Frégate et Frégate Aéro et leur dirigeant [K] [A], avaient, dès 2019, préalablement à la remise de l’offre, détourné les éléments de propriété industrielle et le savoir-faire du groupe, [F] [X] dénigrant en outre le groupe et le déstabilisant auprès des clients et des fournisseurs et débauchant des salariés ; que ces faits ont ainsi entraîné la faillite de la société Selfcair International en Belgique et la liquidation judiciaire de la société SBS en 2020;
13. – sur la recevabilité de l’action de la société Eximium, contestée par les intimés au motif que celle-ci n’aurait pas d’intérêt à agir, que cette société a subi un préjudice distinct de celui des autres appelantes en raison du montant des investissements qu’elle a réalisés au sein du groupe Selfcair International ; qu’elle a perdu toute la valeur de ses actions au sein de ce groupe en raison de la faillite prononcée en Belgique ;
14. – concernant l’appel de la société Selfcair International, que si les intimés relèvent qu’elle n’a pas interjeté appel, et soutiennent que son liquidateur n’a pas trouvé d’intérêt à poursuivre cette procédure, cela est erroné dans le sens où en Belgique, il n’existe pas de liquidateur judiciaire, la réalisation des actifs étant confié à un avocat afin de mettre fin à cette procédure dans les meilleurs délais ; que cela explique qu’aucun liquidateur ne se soit joint aux appelantes ;
15. – concernant monsieur [L], que s’il demande le paiement de 10.000 euros en réparation du préjudice moral qu’il aurait subi, au motif qu’aucune demande n’est formée à son égard, cette demande doit être rejetée puisqu’il est maintenu dans la cause afin que l’arrêt à intervenir lui soit rendu opposable ;
16. – s’agissant des fautes commises par les intimés, et concernant en premier lieu le détournement des éléments de propriété intellectuelle, du savoir-faire et du secret des affaires du groupe Selfcair, que la société Frégate a reconnu que des informations confidentielles lui ont été transmises pour bâtir le business plan joint à l’offre de reprise, ainsi qu’il résulte de cette offre ; ainsi, que le budget 2019 a été adressé le 26 janvier 2019 par [V] [L] au groupe Frégate et à son dirigeant [K] [A], comprenant le volume des ventes par pays avec l’indication des coûts fixes et des droits de propriété intellectuelle, alors qu’aucun mandat n’avait été confié à monsieur [L], ; qu’à la même époque, ce dernier a également adressé à la société Frégate un document organisant la dilution de la société Eximium ;
17. – qu’un engagement de confidentialité a été signé le 11 février 2019 par [F] [X] au nom de la société Selfcair Uk avec le groupe Frégate, alors que monsieur [X] ne disposait plus d’aucun pouvoir au sein du groupe Selfcair depuis le 7 février 2019, suite à un protocole d’accord intervenu le 30 janvier 2019 concernant l’organisation de la société Selfcair International, prévoyant qu’il cesse ses fonctions d’administrateur de la société Selcair International; que cet engagement de confidentialité n’a été conclu qu’afin de dissimuler le caractère frauduleux de l’opération envisagée ; qu’en exécution de cet engagement, [F] [X] a apporté à [K] [A] des documents confidentiels afin de préparer une réunion le 11 février 2019 et en refusant formellement de démissionner de son poste d’administrateur ;
18. – que [F] [X] a ainsi commis une faute en cherchant à détourner les actifs du groupe Selfcair à son profit avec la complicité du groupe Frégate, ce que n’a pas retenu le tribunal de commerce ;
19. – que [F] [X] et [Y] [C] se sont emparés de brevets appartenant à la société Selfcair Uk, puisque le 27 janvier 2020, ce dernier a sollicité le cabinet Fedit-Loriot spécialisé en propriété intellectuelle afin de trouver le moyen de récupérer le dernier brevet déposé par celle-ci, ce que reconnaissent les intimés, alors que monsieur [C] avait été désigné illégalement « sole director » de la société Selfcair Uk le 8 octobre 2019 par [F] [X], puisque celui-ci ne disposait plus de pouvoir ; que ce cabinet a ensuite refusé de transmettre, à la demande de monsieur [X], les dossiers au conseil du groupe Selfcair, ce qui a donné lieu à un avertissement prononcé par la chambre de discipline de la compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle du 29 juin 2022 ;
20. – que le 7 octobre 2019, [N] [X] a donné pour instruction à [Y] [C] de prendre copie des données informatiques appartenant à la société Selfcair International, comme les fichiers Cao et les fichiers contenant les nomenclatures de fabrication et d’achats, selon des échanges de mails, ce que les intimés ne contestent pas ;
21. – que les intimés sont mal fondés à soutenir que la société Eximium aurait autorisé une rencontre avec le groupe Frégate, puisque selon le pacte d’associés conclu le 31 mai 2017, seul le conseil d’administration de la société Selfcair International pouvait, à la majorité de ses membres et à la condition de réunir au moins une voix de la société Squarcle et de la société Eximium, prendre la décision de confier une mission ou un mandat en vue de la cession de la société, céder ses actifs essentiels ou décider de l’affectation de ses droits de propriété intellectuelle ;
22. – que s’agissant en second lieu de la déstabilisation du groupe Selfcair International, que la nomination de [Y] [C] est intervenue irrégulièrement ;
23. – que par mail du 26 novembre 2019, ce dernier a dénigré le groupe Selfcair auprès de la société Smiths Detection, principale cliente du groupe, en prétendant que son actionnaire principal n’avait pas trouvé de partenaire industriel capable de le soutenir dans le développement de la société Selfcair Uk ; que ce client a été mis en relation avec le groupe Frégate, disposant d’informations stratégiques, dans le dessein qu’il accepte de réaliser l’industrialisation des lignes mises au point par le groupe Selfcair avec le groupe Frégate ;
24. – que le 25 novembre 2019, [Y] [C] a contacté la société Cel Sheet Metal, selon les coordonnées transmises par [F] [X], cette société étant l’un des principaux fournisseurs de la société Selfcair Uk ;
25. – que [V] [L] s’est présenté comme conseil de toutes les parties, et a contacté la société Airbus le 6 novembre 2019 en lui indiquant que la société Eximium était en train de préparer le dépôt de bilan de la société SBS ; que par mail du 26 novembre 2019, [F] [X] a également fait part à la société Airbus de difficultés concernant la gouvernance de la société Selfcair International, et de discussions afin d’éviter que le projet concernant les bagages autonomes n’aboutisse en déconfiture ; qu’il en est résulté une demande de la société Airbus exigeant le remboursement de sa créance de près de trois millions d’euros auprès de la société SBS ;
26. – concernant le débauchage de salariés de la société Selfcair Uk, qu’il résulte d’un constat d’huissier que [K] [A] a tenté de débaucher le responsable du bureau d’études afin qu’il travaille au sein du groupe Frégate ; que les intimés reconnaissent que ce fait est imputable à monsieur [C] ;
27. – que [F] [X] et [Y] [C] ont recherché des investisseurs afin de reprendre les activités du groupe Selfcair International à leur profit, lors d’une rencontre le 28 janvier 2020 avec la société Lam Lha Consulting, spécialisée dans la sécurité aéroportuaire et disposant d’investisseurs potentiels ; qu’il est ressorti d’une réunion du 17 octobre 2019 tenue entre [F] [X], [K] [A], [Y] [C], [N] [X] et [V] [L], que [F] [X] devait être rémunéré pour l’apport du dossier, sous la forme d’une commission, puisqu’il était difficile de le faire apparaître dans le capital de la société à constituer, [F] [X] étant alors actionnaire de la société Selfcair International par l’intermédiaire de la société Squarcle ; qu’il en résulte qu’une stratégie frauduleuse a été mise en ‘uvre par ces personnes lors de cette réunion ; que ces intimés reconnaissent que cela était légitimé par la volonté de la société Eximium de ne plus financer l’activité du groupe Selfcair ;
28. – s’agissant de l’indemnisation des préjudices subis par le groupe Selfcair et la société Eximium, que le préjudice lié aux actes de concurrence déloyale est constitué par la perte de clientèle, se traduisant par une réduction du chiffre d’affaires, par les investissements déployés pour soutenir la progression des ventes et par le trouble commercial ;
29. – que concernant la société Selfcair Uk, la société Cel Sheet Metal lui a retiré les facilités de paiement qu’elle lui accordait auparavant, ce qui a engendré des difficultés de trésorerie ; que le client Smiths Detection a gelé en octobre 2019 ses commandes et a sollicité une licence de fabrication exclusive ; que selon le prévisionnel établi en 2019, il en est résulté des ventes manquées pour trois millions de livres sterling, constituant une perte de marge de 900.000 livres soit 1,022 millions d’euros ; que sur cinq ans, le préjudice est ainsi de cinq millions d’euros ;
30. – s’agissant de la société SBS, qu’il en est résulté son placement en liquidation judiciaire, avec une insuffisance d’actifs constatée pour 3.362.284,19 euros ;
31. – pour la société Eximium, que celle-ci a investi un total de 6.746.767,76 euros, somme perdue en raison de la déconfiture des sociétés Selfcair International et SBS ; qu’elle a perdu la chance de vendre ses parts pour une valorisation de plus de neuf millions d’euros ;
32. – concernant les mesures destinées à prévenir le renouvellement du trouble concurrentiel, que le groupe Frégate n’a pas restitué l’intégralité des documents que lui avaient remis messieurs [X] et [C], malgré l’engagement pris devant un huissier de justice ; que la publication de la décision à intervenir est nécessaire afin que la société Selfcair International et ses filiales puissent retrouver la confiance de leur clientèle ;
33. – concernant la sommation de communiquer des intimés faite devant le tribunal de commerce, que les concluantes ont produit les bilans 2019 et 2020 et les chiffres du premier trimestre 2021 de la société Selfcair Uk, mais ont refusé légitimement de communiquer le détail des ventes réalisées avec le client Smiths, les intimés n’ayant pas justifié de la pertinence de cette demande, se heurtant de surcroît au secret des affaires.
Prétentions et moyens de [F] [X], [N] [X], [K] [A], [V] [L], [Y] [C] et des sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro :
34. Selon leurs conclusions remises le 6 décembre 2023, ces intimés demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– mis [V] [L] hors cause ;
– constaté que [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et les sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale à l’encontre des sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd et SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium susceptible d’ouvrir droit à réparation ;
– dit la demande des sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium, non fondée ;
– en conséquence, débouté les sociétés Selfcair International, Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium de l’ensemble de leurs demandes formées à l’encontre de [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et des sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro.
35. Ils demandent d’infirmer ce jugement en ce qu’il a dit la demande de la société Eximium recevable.
36. Ils demandent à la cour, statuant à nouveau :
– de déclarer la demande de la société Eximium irrecevable ;
– de mettre [V] [L] hors de cause ;
– de dire la demande non fondée ;
– de débouter les appelantes de leur demande de condamnation solidaire ;
– de condamner solidairement les sociétés Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire maître [J], et Eximium, à payer la somme de 20.000 euros à la société Frégate Aéro en réparation des préjudices matériel et financier, et de 5.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral ;
– de condamner solidairement les sociétés Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium à payer à monsieur [L] la somme de 10.000 euros à titre de préjudice moral, outre 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner solidairement les sociétés Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J], et Eximium, à régler à [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et aux sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro, la somme de 5.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de l’instance.
Les intimés soutiennent :
37. – que les difficultés rencontrées avec la société Eximium sont survenues en 2017 à l’occasion de l’augmentation de capital réservée à celle-ci, puisqu’elle a exigé d’obtenir la majorité du capital avant de solder l’augmentation prévue pour trois millions d’euros ; que la société Squarcle, principal actionnaire de la société Selfcair International, a été obligée d’accepter le protocole d’accord transactionnel proposé en janvier 2019, prévoyant une augmentation de capital réservé à la société Eximium par incorporation de ces créances, moyennant un taux d’émission bas, lui permettant de prendre le contrôle du groupe ;
38. – que des conflits entre actionnaires sont survenus en raison des décisions de la société Eximium de faire abandonner par la société Selfcair International le compte courant de 4 millions d’euros détenu dans sa filiale Selfcair UK, de procéder à une augmentation du capital de cette dernière par incorporation de créances afin d’obtenir la détention de 90 % de son capital, de déposer le bilan de la société SBS au motif qu’elle n’était pas en mesure de rembourser la créance Airbus de trois millions d’euros alors qu’elle devait être apurée sur dix ans, de procéder à la liquidation de la société Selfcair International dans le but de faire échec au rachat par la société Squarcle pour mésentente ; que c’est dans ses conditions que l’offre de reprise de la société Selfcair Uk par la société Free2gate a été rejetée, alors qu’elle proposait de rembourser le compte courant de quatre millions d’euros et de reprendre la créance Airbus ;
39. – à titre préliminaire, que la société Selfcair International n’est pas appelante, son liquidateur n’ayant pas trouvé d’intérêt à la poursuite de la procédure ; que contrairement à l’argument des appelantes, le curateur désigné en Belgique est un mandataire qui veille aux intérêts de la société en liquidation et poursuit les actions en justice de nature à récupérer l’actif ;
40. – sur le fond, que la société Squarcle a tenté de pallier la défaillance de la société Eximium en recherchant de nouveaux investisseurs ; qu’une stratégie de sauvetage du groupe a été envisagée au travers de la société Frégate et de [Y] [C], aboutissant à une simple offre de reprise soumise à l’assemblée générale du groupe Selfcair, présentée par [K] [A], sans acte de concurrence déloyale ;
41. – qu’après la signature du protocole transactionnel du 31 janvier 2019, concernant la gouvernance de la société Selfcair International, prévoyant notamment que la société Squarcle se porte fort de la démission de [F] [X] de son poste d’administrateur, tout en conservant ses fonctions d’administrateur délégué, en contrepartie d’une augmentation de capital par incorporation des
créances de la société Eximium, les négociations se sont poursuivis sur le plan industriel, [F] [X] proposant, en février 2019, une réunion avec le groupe Frégate afin qu’il puisse offrir au groupe Selfcair des capacités pour développer ses produits ; que les sociétés Selfcair Uk et Frégate ont signé à cette occasion un accord de confidentialité, la société Fregate étant destinataire de documents devant être analysés afin d’évaluer la faisabilité de lignes de production ; qu’en raison des difficultés internes au groupe Selfcair, il n’y a pas eu de suite, alors que les documents transmis n’ont pas été exploités ;
42. – que la situation continuant à se dégrader, avec une décision de la société Eximium en octobre 2019 de refuser toute nouvelle augmentation de capital en raison des pertes subies, [F] [X] a repris des négociations avec le groupe Frégate ; que par la suite, la société Eximium a reviré, proposant une augmentation de capital, et sollicitant en référé la désignation d’un mandataire ad hoc afin de réunir une assemblée générale afin de révoquer les administrateurs et d’en désigner de nouveaux ; que le 22 octobre 2019, la société Frégate a restitué les documents se trouvant en sa possession suite à une sommation interpellative, puis a proposé une offre d’achat le 4 novembre 2019;
43. – que le 14 novembre 2019, l’assemblée générale a autorisé notamment [N] [X] à organiser une rencontre avec la société Frégate Aéro pour évoquer l’offre d’achat ; que la société Eximium a résilié le pacte d’actionnaire du 31 mai 2017 et le protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2019, et a voté la révocation de messieurs [X] et de la société Squarcle, de sorte que ces derniers ont lancé une procédure de retrait en Belgique afin d’obtenir la reprise forcée de leurs actions par la société Eximium ; qu’une procédure a été engagée en janvier 2020 afin de rechercher les documents permettant de constater un détournement des actifs et la violation du secret des affaires, aboutissant à deux ordonnances des 13 janvier et 30 juin 2020 ;
44. – concernant l’irrecevabilité de l’action de la société Eximium pour défaut d’intérêt à agir, que son entrée au capital des société Selfcair ne lui confère pas d’intérêt pour prétendre à l’indemnisation d’actes de concurrence déloyale qu’auraient subi ces sociétés, d’autant que cette appelante est l’initiatrice de la faillite de la société Selfcair International prononcée en Belgique, afin de faire échec à la procédure de retrait engagée par la société Squarcle ; que la société Eximium étant une société de capital-risque, la perte de son investissement constitue un risque normal ;
45. – concernant la mise hors de cause de [V] [L], conseiller juridique de [F] [X] et de la société Squarcle, qu’aucune demande de condamnation n’a été formée à son encontre ni en première instance ni en appel; que l’appel le concernant est abusif et lui occasionne un préjudice moral ; que rien n’indique qu’il aurait provoqué la société Airbus à exiger le remboursement de sa créance ; qu’en sa qualité de simple conseil, il n’avait aucune vocation à faire concurrence au groupe Eximium ;
46. – s’agissant du respect de l’obligation générale de loyauté, que chacun des intimés l’a respectée puisque la société Free2gate n’a jamais été constituée en raison du rejet de l’offre d’achat ; qu’il ne s’est agi que de trouver des solutions afin de pallier aux défaillances de la société Eximium ;
47. – qu’il n’existe aucun détournement d’éléments de propriété intellectuelle, de savoir-faire et de secret des affaires de la société Selfcair Uk, en raison de l’absence de concurrent puisque l’offre d’achat a été refusée alors que la société Free2gate n’a pas été constituée ;
48. – que les informations ont été données dans le cadre d’un accord de confidentialité alors qu’il est reconnu par les appelantes que l’offre n’a pas nécessité l’exploitation de données confidentielles ; que l’offre d’achat était conditionnée à un audit technique et commercial de la société Selfcair Uk, ce qui démontre l’absence de communication de données confidentielles ;
49. – que l’offre d’achat a été présentée à l’assemblée générale du 14 novembre 2019, avec autorisation de rencontrer le groupe Frégate ; que l’accord de confidentialité a été valablement signé par [F] [X] en qualité de représentant de la société Squarcle, dont il est le président, puisque son poste d’administrateur délégué a été confié à la société Squarcle ; qu’il était également le « sole director » de la société Selfcair Uk ;
50. – que si les appelantes invoquent le courriel du 27 janvier 2020 par lequel monsieur [C] aurait sollicité le cabinet Fedit-Loriot afin de trouver un moyen de récupérer le dernier brevet déposé par la société Selfcair, ce mail avait pour objet de faire le point sur les formalités à entreprendre dans le cas où l’offre d’achat serait acceptée afin que la société Free2gate puisse reprendre la propriété des brevets ; qu’il n’a pas été demandé à ce cabinet de faire obstruction à un transfert de dossiers ; qu’il n’est pas justifié d’une décision de la chambre de discipline de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle ;
51. – qu’il ne peut être reproché à [N] [X] de sécuriser les données se trouvant sur les serveurs Eximium, puisque le courriel du 7 octobre 2019 est intervenu suite à la décision de la société Eximium du 4 octobre de démissionner de toutes ses fonctions exercées au sein de la société Selfcair International et de refuser toute augmentation de capital ; qu’en sa qualité d’actionnaire et d’administrateur, il ne peut ainsi être fait grief à [N] [X] de s’être inquiété de la sécurisation de données ;
52. – qu’il n’existe aucun acte de déstabilisation ou de dénigrement du groupe Selfcair auprès de ses clients et fournisseurs comme les sociétés Cel Sheet Metal et Smiths, puisqu’il ne s’est pas agi de divulguer une information de nature à jeter un discrédit sur un concurrent ; que monsieur [C] n’a fait qu’énoncer des faits avérés et n’a pas tenté de détourner la clientèle vers la société Free2gate à constituer ; que rien n’indique que le client Smiths ait été perdu ce qui a justifié la sommation de communiquer faite en première instance;
53. – que la démarche de [F] [X] auprès de la société Airbus n’a pas rendu exigible la créance de cette société, puisqu’il s’agissait seulement de formaliser la position de ce créancier concernant le prêt ;
54. – qu’il n’y a pas eu de débauchage de salariés de la société Selfcair Uk ; que le mail dont fait état le constat d’huissier a été adressé par monsieur [C] à monsieur [A] et non à un salarié de la société Selfcair Uk et a seulement indiqué que deux personnes avaient démissionné et que l’une était prête à retravailler au sein de la société Selfcair Uk en cas d’acquisition de cette dernière ;
55. – que la recherche de nouveaux investisseurs ne peut caractériser un acte de concurrence déloyale alors que le groupe connaissait des difficultés de trésorerie, que monsieur [X] disposait de mandats valables alors que la société Eximium n’était pas maintenue dans l’ignorance ;
56. – subsidiairement, concernant l’évaluation du préjudice invoqué, qu’il n’est pas établi que la société Cel Sheet Metal ait retiré des facilités de paiement ni que la société Smiths Detection ait gelé des commandes ; que la société Selfcair Uk poursuit ses activités et est devenue la filiale à 94,35 % de la société Eximium suite à des augmentations de capital; qu’elle a acquis les brevets détenus par la société SBS et a profité d’un abandon de créance de 4,9 millions d’euros de la part de la société Selfcair International ; qu’aucun élément comptable n’est produit, notamment concernant les ventes faites avec la société Smiths Detection alors que la presse a rapporté l’existence d’un contrat conclu entre cette société et l’aéroport de [Localité 14] pour l’exploitation d’une ligne Selfcair ;
57. – concernant la société SBS, que c’est la décision de la société Eximium de ne pas renouveler son soutien financier qui a abouti à la décision de la société Airbus de demander le paiement de sa créance, laquelle était exigible depuis plusieurs années, alors que l’offre du groupe Frégate concernant le rachat de cette créance avait été refusée ; que la société Eximium est ainsi seule responsable de la liquidation judiciaire de cette société ; qu’elle ne peut prétendre obtenir une somme représentant la totalité de l’insuffisance d’actif, ne pouvant solliciter que la réparation d’un préjudice personnel et direct, distinct de celui de l’intérêt collectif des créanciers ;
58. – que la société Eximium est mal fondée à demander le remboursement de l’intégralité des sommes investies au sein de la société Selfcair International, puisqu’elle a approuvé l’abandon de la créance de 4,9 millions d’euros détenues sur la société Selfcair Uk, visant ainsi l’actif de la première ;
59. – concernant les mesures de restitution et de publication, qu’il n’est pas établi que le groupe Frégate n’a pas restitué l’intégralité des documents remis par messieurs [X] et [C] alors que la demande est imprécise; que les appelantes ne justifient pas que la demande de publication soit susceptible de participer à la réparation de leur préjudice et à la cessation de faits dommageables, puisque la société Selfcair International n’est qu’une holding alors que la société SBS est titulaire de brevets et n’a pas de clientèle, alors que la société Selfcair Uk ne possède qu’un seul client basé en Angleterre de sorte qu’une publication en France est sans objet ; qu’autoriser une communication de la décision à intervenir aux clients du groupe Frégate constituerait un détournement de procédure et une violation du secret des affaires, puisque cela impliquerait la mise à disposition du fichier clients de ce groupe ;
60. – que l’action et le recours des appelantes sont abusifs et procèdent d’une intention de nuire, justifiant leur condamnation au paiement de dommages et intérêts.
*****
61. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Concernant la société Selfcair International :
62. Si les intimés soutiennent à titre préliminaire que la société Selfcair International n’est pas appelante, la cour constate que cette société Selfcair International a cependant interjeté appel du jugement déféré selon la déclaration enrôlée le 20 juin 2022, aux cotés de la société Selfcair UK, de la société SBS, de la Selarl SBCMJ représentée par maître [J], ainsi que de la société Eximiuim. Cependant, dans les premières conclusions d’appel remises par voie électronique le 16 août 2022, cette société n’apparaît plus. Il en est de même concernant les conclusions ultérieures. Aucune conclusion n’a ainsi été prise au nom de la société Selfcair International postérieurement à la déclaration d’appel. Aux termes de l’article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. Il en résulte qu’en l’absence de toute conclusion remise au greffe, l’appel de la société Selfcair International est caduc. Elle n’est donc plus appelante ainsi que soutenu par les intimés. Le jugement déféré est ainsi définitif concernant cette société.
2) Concernant [V] [L] :
63. Selon les articles 4 et 5 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. L’article 954 dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
64. En la cause, la cour relève que devant le tribunal de commerce, aucune demande de condamnation n’a été sollicitée à l’encontre de monsieur [L], même afin que le jugement lui soit déclaré commun. Dans le dispositif de leurs conclusions, les appelantes ne forment également aucune demande à son encontre, y compris afin de déclaration d’arrêt commun.
65. Si dans le corps de leurs conclusions, les appelants soutiennent que monsieur [L] se serait présenté comme conseil de toutes les parties, notamment auprès de la société Airbus, afin de lui faire part des difficultés de la société SBS, il n’est cependant déduit aucune conséquence de ces faits à l’égard de cet intimé. Il en est de même concernant la participation de monsieur [L] à diverses réunions. Il n’est pas contesté qu’il n’est intervenu qu’en qualité de simple conseil.
66. Il en résulte, comme soutenu par monsieur [L], qu’il ne peut qu’être mis hors de cause. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
67. S’agissant de la demande de monsieur [L] visant le paiement de 10.000 euros en réparation du préjudice moral qu’il aurait subi, cette demande ne peut qu’être rejetée, en l’absence de démonstration d’une faute et d’un préjudice. La cour précisera le rejet de cette demande, le jugement déféré étant muet sur ce point, alors qu’il n’est pas soutenu qu’elle soit nouvelle devant la cour.
68. Succombant en leur appel dirigé contre monsieur [L], les appelantes seront condamnées solidairement à lui payer la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
3) Sur la recevabilité de l’action de la société Eximium :
69. Ainsi que retenu par le tribunal de commerce, si les intimés soutiennent que l’entrée de cette appelante au capital des sociétés Selfcair ne lui confère pas l’intérêt requis pour prétendre à l’indemnisation d’actes de concurrence déloyale, l’article 31 du code de procédure civile permet cependant à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention d’agir, sauf les cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
70. La cour relève à ce titre qu’il n’est pas contesté que la société Eximium a apporté plusieurs millions d’euros afin de financer les sociétés du groupe Selfcair, et que même s’il s’agit d’une société de capital-risque, l’importance de cet investissement lui confère un intérêt certain à invoquer des actes de concurrence déloyale à l’origine de la perte de cet investissement, cette perte ne constituant plus, du fait du caractère déloyal de cette concurrence si elle est avérée, un risque normal.
71. En outre, l’argument selon lequel la société Eximium serait l’initiatrice de la faillite de la société Selfcair International prononcée en Belgique, dans le dessein de faire échec à la procédure de retrait engagée par la société Squarcle, concerne le fond, et non la qualité et l’intérêt à agir de la société Eximium. Il en est de même concernant l’abandon de la créance de la société Selfcair International sur la société Selfcair Uk.
72. Enfin, la société Eximium ne demande pas une somme représentant la totalité de l’insuffisance d’actif de la société SBS, mais une somme représentant les investissements effectués au profit du groupe et qu’elle aurait perdus en raison de fautes alléguées à l’encontre des intimés. La demande formée au titre de l’insuffisance d’actifs n’est faite que par la société SBS et son liquidateur judiciaire. Il ne peut ainsi être reproché à la société Eximium de solliciter l’indemnisation d’un préjudice qui serait en réalité celui commun des créanciers de la société SBS.
73. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a dit que la demande de cette société est recevable.
4) Sur le fond :
a) Concernant le détournement d’éléments de propriété intellectuelle, de savoir-faire et de secrets des affaires :
74. Sur ce point, selon le tribunal de commerce, les éléments de propriété intellectuelle ont été transmis après la signature d’un accord de confidentialité. Les appelantes ne justi’ent pas en quoi l’accord de con’dentialité n’aurait pas été respecté, ou que les informations réutilisées l’aient été de manière illicite.
75. Il a également dit que l’absence de démission de [F] [X] ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ou de préparation de transfert d’éléments d’actifs; que les appelantes ne justi’ent pas qu’en communiquant les informations dans le cadre de l’accord de con’dentialité du 11 février 2019, les défenderesses avaient l’intention de les déstabiliser en les dénigrant auprès de ses clients et fournisseurs.
76. Il a retenu qu’en tout état de cause, les demanderesses ne sont pas en mesure d’établir que les défenderesses auraient, de manière récurrente, usé de stratagèmes afin d’organiser le détournement des actifs du groupe Selfcair au pro’t d’une société à constituer et que si la rupture des relations entre les sociétés Smiths et Selfcair Uk est bien postérieure aux évènements, cependant il n’est pas justi’é des raisons ni des modalités de cette rupture, alors qu’il n’est pas démontré que ce client ait été perdu.
77. Sur ces points, la cour constate que le pacte d’actionnaires du 31 mai 2017, conclu entre la société Squarcle, la société Eximium, [N] [X], [M] [W] et [P] [B], en présence de la société Selfcair International, s’inscrit dans le cadre de l’augmentation du capital de la société Selfcair International. Le conseil d’administration sera composé de deux membres à choisir parmi les candidats proposés par la société Squarcle, dont [F] [X], deux représentants à choisir parmi les candidats proposés par la société Eximium, et de [N] [X] et [P] [B]. Les décisions seront prises à la majorité simple des administrateurs, sauf à ce qu’une voix de la société Squarcle et une voix de la société Eximium soient recueillies concernant notamment toute décision concernant l’identité de l’attributaire de tout mandat ou mission en vue de la cession de la société Selfcair International, toute convention affectant la propriété des droits intellectuels de la société Selfcair International ou de l’une de ses filiales.
78. Selon ce pacte, [F] [X] est désigné administrateur délégué, et tant qu’il détiendra plus du tiers du capital de la société Squarcle, les actionnaires s’engagent à le maintenir à cette fonction, et à le désigner président du conseil d’administration.
79. Le protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2019 est conclu entre la société Eximium, la société Squarcle et la société Selfcair International. Il s’inscrit dans le cadre des problèmes rencontrés avec la société Eximium afin qu’elle exécute la décision de l’assemblée générale des actionnaires de la société Selfcair International du 2 août 2017 décidant d’une augmentation de capital à concurrence de 2.999.910 euros par l’émission d’actions souscrites intégralement par la société Eximium. Cette dernière n’a libéré que 1.871.639,53 euros et a suspendu en 2019 tout nouveau paiement en raison des dissensions existant entre les actionnaires. La société Selfcair International a ainsi saisi le tribunal de Bruxelles afin d’obtenir la condamnation de la société Eximium à solder les sommes restant dues.
80. Selon ce pacte, les parties conviennent, afin de mettre un terme à ce litige, que la société Eximium verse immédiatement 700.000 euros au titre de la libération de sa souscription de l’augmentation de capital décidée en 2017, la somme de 428.270,47 euros devant être versée au titre du solde le 30 avril 2019. Il est également convenu que la créance de la société Eximium de 630.305,92 euros sera incorporée au capital de la société Selfcair International par une augmentation de capital, portant ainsi les droits de la société Eximium à 53 % du capital et des droits de vote.
81. Ce pacte revoit également la gouvernance de la société Selfcair International, qui sera désormais administrée par un conseil comprenant deux représentants proposée par la société Squarcle, représentée par [F] et [N] [X], et deux représentants proposés par la société Eximium. La société Squarcle se porte-fort de ce que monsieur [B], administrateur, et [F] [X], administrateur délégué, remettent leur démission de leurs fonctions d’administrateur au plus tard le 7 février 2019, démissions prenant effet lors de l’assemblée générale devant approuver les comptes en décembre 2019.
82. Il est également convenu que le conseil d’administration prendra ses décisions à la majorité simple de ses membres présents ou représentés, la voie de l’administrateur délégué étant prépondérante, sauf les décisions suivantes pour lesquelles la voix du représentant de la société Eximium sera prépondérante en cas de partage de voix : notamment tout décision concernant l’identité de l’attributaire de tout mandat ou mission en vue de la cession de la société Selfcair International ou de ses filiales, toute convention affectant la propriété des droits intellectuels de la société Selfcair International ou de l’une de ses filiales.
83. Ce pacte prévoit que [F] [X] conserve, en qualité de représentant permanent de la société Squarcle, ses fonctions d’administrateur délégué conformément au pacte d’actionnaires.
84. Le procès-verbal du conseil d’administration du 23 juillet 2019 prend acte de la démission de [F] [X] de son poste d’administrateur délégué et la société Squarcle est nommée à ce poste, avec pour représentant permanent [F] [X]. L’assemblée générale du 26 juillet 2019 acte la démission de [F] [X]. [N] [R] est désigné administrateur.
85. Il résulte de l’ensemble de ces différents accords que si [F] [X] a fini par démissionner de ses fonctions d’administrateur délégué de la société Selfcair International, ces fonctions ont cependant perduré en raison de la désignation de la société Squarcle au poste d’administrateur délégué, alors que son représentant permanent est [F] [X]. En conséquence, en raison de ses anciennes fonctions, puis de la qualité de représentant permanent de la société Squarcle devenue administratrice déléguée, [F] [X] avait le pouvoir de rechercher des solutions afin de pallier les difficultés rencontrées par la société Selfcair International. Aucune faute ne peut lui être imputé concernant l’absence d’une démission de ses fonctions, puisqu’il a justement démissionné personnellement de son poste d’administrateur délégué en juillet 2019. Le fait qu’il reste indirectement administrateur délégué, en raison de la représentation de la société Squarcle, ne peut être constitutif d’une faute.
86. La cour ne peut également retenir que [F] [X] a dépassé ses pouvoirs concernant les démarches réalisées avec le groupe Frégate depuis le début de l’année 2019, puisque si le pacte d’associés de 2017, puis le protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2019, ont prévu des dispositions particulières, avec en dernier lieu la voix prépondérante du représentant de la société Eximium concernant notamment toute décision concernant l’identité de l’attributaire de tout mandat ou mission en vue de la cession de la société Selfcair International ou de ses filiales, ainsi que concernant toute convention affectant la propriété des droits intellectuels de la société Selfcair International ou de l’une de ses filiales, [F] [X] n’a pas oeuvré dans le but d’une cession du groupe Selfcair ni de ses droits intellectuels, mais seulement dans le but de trouver un nouveau partenaire financier, en raison des difficultés du groupe. Il résulte ainsi de la maquette du 25 janvier 2019 transmise par [V] [L] à [K] [A] concernant l’intervention du groupe Frégate qu’il n’était envisagé initialement qu’un apport de 600.000 euros par un prêt sécurisé ou des obligations convertibles à échéance en janvier 2020, dans le cadre d’un partenariat industriel. Ce n’est qu’ultérieurement, en fonction notamment de l’évolution des refinancements, qu’une prise de contrôle était envisagée par le groupe Frégate.
87. L’existence de négociations avec le groupe Frégate n’était pas ignorée de la société Selfcair Uk, puisque cette dernière a fait délivrer, le 22 octobre 2019, une sommation interpellative à la société Frégate Aero. Cette dernière a reconnu avoir rencontré en février 2019 [F] ou [N] [X] afin de discuter d’un projet de groupe, et être en contact avec monsieur [C] sur le même projet. Elle confirme que des documents lui ont été communiqués dans le cadre d’un accord de confidentialité du 11 février 2019 dont elle a remis une copie à l’huissier. Elle s’est engagée à restituer sous quinzaine ces documents. L’huissier a reçu une clef USB concernant ces documents courant novembre 2019.
88. Le groupe Frégate a adressé à [F] [X], en sa qualité de président du conseil d’administration de la société Selfcair International, sa proposition le 4 novembre 2019. Cette proposition est signée par monsieur [A], en association avec monsieur [C]. Elle concerne les produits développés par la société Selfcair International et ses filiales, dénommés « Autonomy » et « Tray return system », et porte sur l’acquisition des actions de la société Selfcair Uk ltd et sur les droits de propriété intellectuelle de la société SBS. L’opération doit être réalisée par l’intermédiaire de la société Free2gate à constituer. Le prix du rachat des droits de la société SBS sera payé par la prise en charge des dettes de celle-ci auprès de la société Airbus et de deux autres sociétés pour près de trois millions d’euros.
89. Cette proposition précise que le business plan est établi à partir des informations fournies par le président de la société Selfcair International, dans le cadre d’échanges avec la société Frégate et monsieur [C] depuis plusieurs mois. Ce dernier doit être à la tête de la société Free2gate à créer.
90. L’offre est conditionnée à un audit par la société Free2gate des éléments techniques, sociaux, juridiques et comptables de la société Selfcair Uk. Il est précisé que le repreneur est informé des dysfonctionnements affectant le groupe Selfcair, et que l’audit est d’autant plus nécessaire afin de vérifier qu’il n’existe pas de situation irrémédiablement compromise. L’audit sera réalisé après l’acceptation de l’offre.
91. Cette offre a été présentée à l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société Selfcair International du 14 novembre 2019. Selon le procès-verbal de cette assemblée, le constat est une situation préoccupante de la société, qui a un besoin urgent de trésorerie. L’offre formulée par la société Frégate Aero est évoquée, et l’assemblée convient qu’il faut l’approfondir. Le représentant de la société Eximium et [N] [X] sont autorisés à organiser une rencontre à cette fin.
92. Cependant, lors de cette assemblée, la société Eximium a révoqué le pacte d’actionnaires du 31 mai 2017 et le protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2019, en raison du refus de la société Squarcle d’exécuter ses engagements. En raison de l’imputation de la situation à [F] [X], et d’une tentative de désignation de monsieur [C] comme nouveau dirigeant de la société Selfcair Uk, l’assemblée révoque le mandat d’administrateur de la société Squarcle et de [F] [X], ainsi que celui de [N] [X]. Le conseil d’administration est désormais composé de la société Eximium, de [Y] et [N] [R].
93. Il résulte de ces éléments que jusqu’à l’assemblée générale du 14 novembre 2019, [F] [X] disposait, d’abord à titre personnel, puis en qualité de représentant permanent de la société Squarcle, du pouvoir de rechercher des partenaires financiers afin de pallier aux difficultés reconnues comme importantes du groupe Selfcair, dont certaines résultant de l’inexécution du pacte d’actionnaires du 31 mai 2017 par la société Eximium. Cette recherche et les contacts pris avec le groupe Frégate n’ont pas été occultés, et l’assemblée générale des actionnaires du 14 novembre 2019 a finalement validé cette démarche, en confiant à la société Eximium et à [N] [X] la mission d’organiser une rencontre avec le groupe Frégate pour approfondir son offre. En outre, les contacts pris avec ce dernier ont été garantis par l’accord de confidentialité accepté par ce groupe.
94. Cet accord de confidentialité signé entre la société Selfcair UK et la société Frégate Energie le 11 février 2019 couvre notamment toutes les informations de quelque nature que ce soit, et sur tout support, à l’exception des informations dont le public peut avoir accès. Suite à la sommation interpellative du 22 octobre 2019, l’huissier mandaté par la société Selfcair Uk a reçu les documents remis au groupe Frégate, et il n’est pas établi que ce groupe ait conservé des documents, pas plus qu’il n’est établi qu’il les ait utilisés.
95. En outre, contrairement à l’argumentation des appelants, la société Free2gate n’a jamais été constituée, puisqu’il n’a pas été donné de suite à l’offre du groupe Frégate.
96. Il en résulte que les appelants ne rapportent pas la preuve de fautes commises par les intimés dans le détournement d’éléments de propriété intellectuelle, de savoir-faire ou de secrets des affaires. Les éléments développés ci-dessus confirment que [F] [X] disposait des pouvoirs nécessaires pour entamer des discussions avec le groupe Frégate, incluant la communication d’informations destinées à parfaire les discussions pouvant conduire à la présentation d’une offre éclairée du groupe Frégate, alors qu’aucune divulgation des informations communiquées n’est avérée.
97 Il n’est pas plus établi que [F] [X] ait commis une faute en tentant de détourner les actifs du groupe Selfcair à son profit avec la complicité du groupe Frégate, puisqu’en tout état de cause, la société Eximium disposait du pouvoir au sein de ce groupe, suite notamment au protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2019, portant les droits de la société Eximium à 53 % du capital et des droits de vote.
98. S’agissant de l’argumentation des appelants sur le fait que [F] [X] et [Y] [C] se seraient emparés de brevets appartenant à la société Selfcair Uk, si les appelants produisent un mail adressé le 17 octobre 2019 par la société Eximium au cabinet Fedit-Floriot concernant le transfert des dossiers de propriété intellectuelle de la société Selfcair Uk, et des échanges de mails concernant les obstacles rencontrés à cette occasion, ainsi que la décision de la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle du 25 mars 2022, constatant une faute du cabinet spécialisé en propriété industrielle résultant du retard mis à satisfaire à la demande de transfert à partir du 30 octobre 2019, et prononçant un avertissement, la cour ne peut que constater que la preuve de ce fait n’est pas rapportée, aucun brevet n’ayant été détourné. Dans sa décision, la chambre de discipline a notamment retenu que le cabinet Fedit-Loriot ignorait, jusqu’au 30 octobre 2019, le changement de gouvernance intervenue au sein de la société Selfcair Uk et qu’elle avait agi jusqu’à cette date avec prudence. La chambre a seulement estimé qu’à compter de cette date, ce cabinet devait transmettre le dossier au nouveau mandataire de la société Selfcair UK, et qu’en n’ayant pas adressé ce dossier avant le 6 février 2020, malgré plusieurs rappels, le cabinet Fedit-Loriot a manqué à son obligation d’exécuter son obligation dans un délai raisonnable. La chambre a cependant indiqué que des factures étaient impayées. Elle a conclu que cette transmission tardive n’a pas entraîné de perte de droits, de forclusion ou de prescription pour la plaignante.
99. Il ne peut d’ailleurs être valablement soutenu que monsieur [C] ait été désigné illégalement « sole director », alors que cette fonction n’est pas précisée, de la société Selfcair Uk le 8 octobre 2019 en raison de l’absence de pouvoir de [F] [X], puisque les pouvoirs de ce dernier n’ont été révoqués que lors de l’assemblée générale du 14 novembre 2019. Les échanges de mails entre monsieur [C] et le groupe Lam concernant le concept Autonomy ne démontrent pas la divulgation d’informations protégées ou sensibles pour le groupe Selfcair.
100. S’il est établi que des copies de données informatiques ont été réalisées en octobre 2019 par monsieur [C] à la demande de [N] [X], il ne résulte pas des échanges de mails entre ces derniers qu’il s’agissait de s’accaparer des données en vue d’une utilisation ultérieure contre la société Selfcair Uk.
101. En conséquence, la cour ne peut que confirmer l’appréciation du tribunal de commerce concernant l’absence de détournement d’éléments de propriété intellectuelle, de savoir-faire et de secrets des affaires.
b) Concernant le débauchage de salariés :
102. Le tribunal de commerce a exactement retenu qu’il n’est pas justi’é que monsieur [C] aurait proposé des conditions d’embauche et de rémunérations qui ne seraient pas en rapport avec les postes à pourvoir, alors qu’il n’est pas prouvé que le salarié était débiteur d’une obligation de non-concurrence envers la société Selfcair Uk. Confirmant le jugement déféré sur ce point, la cour ajoute qu’il en est de même concernant monsieur [A].
c) Concernant la déstabilisation ou le dénigrement du groupe Selfcair :
103. Le tribunal a ajouté que les appelantes ne démontrent pas de man’uvre qui pourraient être qualifiées de déstabilisation ou de dénigrement du groupe. Il a indiqué qu’aucun élément ne permet de retenir que les intimés auraient eu un comportement déloyal, ayant eu pour finalité de détourner les droits de propriété intellectuelle, le savoir-faire et le secret des affaires du groupe, et d’engager leur responsabilité.
104. La cour, concernant l’échange de mails intervenu en novembre 2019 entre [F] [X] et la société Airbus Invest concernant la situation du groupe Selfcair, par lesquels il indique que la société Eximium a pris le contrôle de la société Selfcair International et que les administrateurs représentant la société Squarcle ont été évincés dont lui-même, relève que cette information était exacte, en raison des décisions prises lors de l’assemblée générale du 14 novembre 2019. La société Squarcle, dirigée par [F] [X], restait actionnaire de la société Selfcair International, bien qu’évincée de la direction, et il existait une relation de longue date avec le groupe Airbus, motivant la décision de [F] [X] d’avertir un partenaire industriel important des difficultés rencontrées.
105. Cette information n’a pas été déterminante du courrier de la société Airbus SAS adressé le 11 février 2020 à la société SBS et à [F] [X], avec copie à la société Squarcle, courrier par lequel la société Airbus révoque l’accord de financement conclu en 2014 et demande le remboursement de divers prêts, puisqu’il a été motivé par la prise de contrôle de la société Eximium, avec le transfert de 100 % des parts de la société SBS au capital de la société Selfcair International.
106. Il n’est en outre pas établi que monsieur [C] ait dénigré le groupe Selfcair auprès de la société Smiths Detection ou de la société Cel Sheet Metal, les pièces produites par les appelants étant rédigées en anglais et difficilement intelligibles, et qu’il en ait résulté des pertes de commandes ou de facilités de trésorerie.
107. Il en résulte que le tribunal de commerce a exactement retenu qu’aucun acte de concurrence déloyale n’a été commis à l’encontre des sociétés du groupe Selfcair, et a dit que les demandes des appelants sont infondées. Il sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté les appelants de l’ensemble de leurs demandes et en ce qu’il les a condamnés solidairement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
5) Sur la demande des appelants concernant spécifiquement les sociétés Frégate et Frégate Aero :
108. S’agissant en premier lieu de la demande visant la production sous astreinte des données figurant dans les serveurs de ces sociétés ou sur tout autre support, qui présenteraient un lien avec le groupe Selfcair, il résulte des motifs développés ci-dessus que dans le cadre d’une sommation interpellative, les données communiquées ont été restituées au commissaire de justice. Il n’est pas établi que ces intimées aient conservé d’autres données relatives au groupe Selfcair, et ainsi que soutenu par les sociétés Frégate et Frégate Aero, cette demande est imprécise. Elle ne peut en conséquence qu’être rejetée.
109. S’agissant ensuite de la publication de la présente décision aux frais des sociétés Frégate et Frégate Aero, et de l’autorisation de la communiquer à leurs clients ainsi qu’aux clients du groupe Selfcair, le sens du présent arrêt rend de telles mesures inutiles. Ces demandes ne peuvent également qu’être rejetées.
6) Concernant la demande reconventionnelle de la société Frégate Aero :
110. Si cette intimée sollicite le paiement de la somme de 20.000 euros en réparation de ses préjudices matériel et financier, outre celle de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral, la cour relève qu’il n’est pas justifié de ces préjudices. Cette demande sera rejetée, ce que la cour précisera, puisque si le tribunal de commerce a rejeté cette demande dans les motifs de sa décision, il n’en a pas fait état dans le dispositif de son jugement.
*****
111. Il résulte de motifs développés plus haut que le jugement déféré sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. Succombant en leur appel, les sociétés Selfcair Uk Ltd, SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, maître [J] et la société Eximium, seront condamnés à payer solidairement à [F] [X], [N] [X], [Y] [C], [K] [A] et aux sociétés Squarcle, Frégate et Frégate Aéro, la somme de 4.000 euros à chacun de ces intimés, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que solidairement aux entiers dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
la Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 4, 5, 31, 908 et 954 du code de procédure civile, les articles 1240, 1241 et 1104 du code civil ;
Constate que l’appel de la société Selfcair International est caduc et que le jugement déféré est ainsi définitif à son égard ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant ;
Déboute [V] [L] de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de la société Selfcair Uk Ltd, de la société SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, de la Selarl SBCMJ prise en la personne de maître [J] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SBS, de la société Eximium ;
Déboute la société Frégate Aero de sa demande en paiement de la somme de 20.000 euros en réparation de ses préjudices matériel et financier, outre celle de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Condamne solidairement la société Selfcair Uk Ltd, la société SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la Selarl SBCMJ prise en la personne de maître [J] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SBS et la société Eximium, à payer à [F] [X], à [N] [X], à [Y] [C], à [K] [A], à la société Squarcle, à la société Frégate, à la société Frégate Aéro et à [V] [L], chacun, la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement la société Selfcair Uk Ltd, la société SBS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la Selarl SBCMJ prise en la personne de maître [J] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SBS et la société Eximium aux dépens exposés en cause d’appel ;
SIGNE par Madame FIGUET, Présidente et par Madame RICHET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente