Découverte d’un tableau de maître

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Un brocanteur devenu millionnaire

La réalité judiciaire dépasse parfois les œuvres de fiction. Dans cette affaire, un  brocanteur, a acquis auprès du curé de Vic-le-Comte, parmi d’autres objets, un tableau peint sur bois entouré de moulures dorées représentant une scène religieuse. Sur les conseils d’une de ses relations antiquaire, il a fait procéder au nettoyage de la peinture. Cette opération a révélé que sous la peinture apparente se trouvait un autre tableau. Après plusieurs années de recherches et de restaurations il s’est avéré que le tableau caché était une oeuvre majeure de la peinture française du début du XVe siècle, attribuée à Jean MALOUEL, nommée « le Christ de pitié ».

Au terme d’une transaction qui a duré plusieurs années le musée du Louvre a acheté le tableau pour 7,8 millions d’euros. Sur cette somme 2,3 millions d’euros ont été reversés à la commune de Vic-le-Comte dans le cadre d’un protocole transactionnel.

Notion de Trésor et de découvreur

Par la suite l’antiquaire consulté par le brocanteur, s’estimant « inventeur du trésor » en application de l’article 716 du code civil, a assigné le brocanteur afin d’obtenir la moitié du produit net de la vente du tableau au musée du Louvre.

L’action en cause tendait à revendiquer un droit de copropriété sur l’œuvre de Jean MALOUEL en application de l’article 716 du code civil ; il y avait donc lieu de faire application de l’article 2227 du même code suivant lequel le droit de propriété est imprescriptible.   Selon l’article 716 du code civil : « La propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds. Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard. »

La qualité de « trésor » au sens du texte ci-dessus peut être reconnue à la peinture de Jean MALOUEL qui se trouvait incluse dans le tableau acquis auprès du curé de Vicle-Comte en 1985. En effet, le trésor au sens de l’article 716 est une chose « cachée ou enfouie ».  Le trésor est une chose « sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété » ; tel était bien le cas en l’espèce. La condition de découverte « par le pur effet du hasard » au sens de l’article 716 du code civil n’est pas un élément constitutif de la notion de trésor mais seulement une condition d’attribution du trésor à celui qui le découvre sur le fonds d’autrui, qui ne peut prétendre à en recueillir la moitié que s’il l’a découvert par hasard ; de telle sorte qu’une chose cachée ou enfouie que personne ne peut revendiquer est un trésor même si l’on en présume ou soupçonne l’existence et qu’on s’efforce par des recherches ou des fouilles délibérées de le découvrir.

La qualité d’inventeur de trésor n’a pas été reconnue à l’antiquaire. Si ce dernier a conseillé au brocanteur, au vu de quelques minuscules traces dorées présentes sur le tableau repeint, de le faire nettoyer afin de vérifier ce qui pouvait se trouver éventuellement en dessous, pour autant il ne peut sérieusement prétendre avoir ainsi découvert le trésor, alors que ce n’est pas lui en toute hypothèse qui par sa seule intervention et l’effet du pur hasard a mis à jour la peinture magnifique de Jean MALOUEL. A ce titre, si l’antiquaire avait pu soupçonner la valeur exceptionnelle de la peinture d’origine il n’aurait sans doute pas manqué d’acquérir le tableau.

Pas plus, le simple conseil prodigué, qui n’est suivi d’autres actes positifs plus déterminants de sa part, ne saurait constituer une gestion d’affaire au sens de l’article 1372 du code civil.

Enfin, les usages de la profession, sur lesquels l’antiquaire a fondé subsidiairement sa demande indemnitaire et d’où il résultait que la rémunération de celui qui par ses conseils pertinents permet la découverte d’une oeuvre d’art pourrait être de 10 % à 30 %, n’apparaissaient pas clairement établis.

A noter que la personne à qui le brocanteur a confié la mission de nettoyer le tableau, et qui s’est déclarée à son tour inventeur du trésor pour l’avoir mis au jour à l’issue de son travail, ne peut non plus valablement revendiquer cette qualité. En effet, ce dernier est intervenu à la demande du brocanteur dans le cadre strictement de ses compétences professionnelles, afin de nettoyer le tableau pour savoir ce que la peinture superficielle pouvait éventuellement recouvrir étant donné les parcelles dorées observées à sa surface.

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