COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 8 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/03048
N° Portalis DBV3-V-B7F-UZGP
AFFAIRE :
[D] [M]
C/
S.A.S. BEIN SPORTS FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de BOULOGNE-
BILLANCOURT
Section : E
N° RG : 19/01431
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Joyce KTORZA
Me Isabelle GUERY MATHIEU
Me Aurélien LOUVET
Me Aurélie SCHREIBER
Me Laurent DOUCHIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [D] [M]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Joyce KTORZA de la SELARL CABINET KTORZA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0053
SYNDICAT NATIONAL DE RADIODIFFUSION, DE LA TÉLÉVISION ET DE L’AUDIOVISUEL CGT
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentant : Me Joyce KTORZA de la SELARL CABINET KTORZA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0053
APPELANTS
****************
S.A.S. BEIN SPORTS FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentant : Me Isabelle MATHIEU de la SELARL DAEM PARTNERS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: J061
SASU EUROMEDIA
[Adresse 4]
[Localité 12]
Représentant : Me Aurélien LOUVET du cabinet CAPSTAN Avocats, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de Paris
S.C.P. BTSG Mandataires Judiciaires en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MEDIAPRO FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 10] / France
Représentant : Me Aurélie SCHREIBER de l’AARPI ASW AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1394
S.A. ATLANTIC MEDIA
N° SIRET : 335 310 348
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentant : Me Laurent DOUCHIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G196
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 8 septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,
Exposé du litige
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [M] a été engagé par la société BeIn Sports France, en qualité de réalisateur, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée d’usage, dont le premier a été signé le 12 février 2013.
Antérieurement et parallèlement, M. [M] a exercé ses fonctions de réalisateur pour les sociétés Atlantic Média, Euromédia et Imagina France devenue Médiapro.
La société BeIn Sports France comprend un bouquet de chaînes dont la vocation est de diffuser des événements sportifs. La société BeIn Sports France qui n’assure pas la production technique des événements sportifs qu’elle diffuse, fait appel à des prestataires de services extérieurs, notamment aux sociétés Atlantic Média, Euromédia et Imagina France devenue Médiapro pour réaliser la production technique des événements sportifs qu’elle diffuse.
L’effectif de la société BeIn Sports France était, au jour de la rupture, d’au moins 11 salariés. Elle applique la convention collective nationale des chaînes thématiques.
Courant 2018 à une date discutée par les parties, M. [M] a cessé toute prestation au profit de la société BeIn Sports France.
Le 25 octobre 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de condamner la société BeIn Sports France au paiement d’indemnités de rupture ainsi que plusieurs sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 7 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :
– reçu le Syndicat national de radiodiffusion de la télévision et de l’audiovisuel CGT en son intervention volontaire,
– mis hors la cause les sociétés Atlantic Média, Euromédia et Imagina devenue Médiapro,
– dit les demandes de M. [M] relatives à la rupture de son contrat de travail avec la société BeIn Sports France prescrites,
– dit qu’il n’y a pas lieu à travail dissimulé,
en conséquence,
– débouté M. [M] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté le Syndicat national de radiodiffusion de la télévision et de l’audiovisuel CGT de sa demande,
– débouté les sociétés BeIn Sports France, Atlantic Média, Euromédia et Imagina devenue Médiapro, et le Syndicat national de radiodiffusion de la télévision et de l’audiovisuel CGT en leur demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens de la présente instance à la charge de M. [M].
Par déclaration adressée au greffe le 15 octobre 2021, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 24 mars 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d’appel dirigée à l’encontre de la SCP BTSG, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Médiapro France. Sur déféré, cette ordonnance a été infirmée, la cour ayant, par arrêt du 23 juin 2022, déclaré recevable la déclaration d’appel du 15 octobre 2021 de M. [M] et du syndicat national de radiodiffusion à l’égard de la SCP BTSG.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 septembre 2023.
Moyens
Motivation
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’intervention volontaire du Syndicat national de radiodiffusion, de la télévision et de l’audiovisuel CGT «SNRT-CGT »
La société BeIn Sports France, qui demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a reçu le Syndicat national de radiodiffusion, de la télévision et de l’audiovisuel CGT «SNRT-CGT » en son intervention volontaire, ne présente aucun moyen de fait ou de droit au soutien de sa demande.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur le lien de subordination
Au fond et dans un premier temps, le syndicat national de radiodiffusion de la télévision et de l’audiovisuel CGT (SNRT – CGT) et M. [M] affirment que celui-ci n’a travaillé que par l’intermédiaire de sociétés « écran » et qu’en réalité, il était salarié de la société BeIn Sports France dans la mesure où il existait entre lui et elle un lien de subordination caractérisé par :
* le fait qu’il travaillait, en qualité de réalisateur, sous l’autorité et le contrôle de la société BeIn Sports France dès lors :
. qu’il recevait ses instructions de la société BeIn Sports France par l’intermédiaire des chargés de production ou de journalistes, salariés BeIn Sports France, étant précisé que les sociétés tierces qui étaient supposées l’employer ne validaient ou ne contrôlaient jamais son travail,
. que s’il y avait des problèmes lors de la réalisation, il en référait directement à la société BeIn Sports France,
. qu’il ne rendait de compte qu’à la société BeIn Sports France et jamais aux sociétés qui étaient supposées l’employer,
* le fait que la société BeIn Sports France déterminait les conditions matérielles d’exercice de son activité en :
. définissant ses dates et horaires de travail par l’intermédiaire des chargés de production,
. arrêtant ses lieux de travail,
. organisant ses déplacement professionnels,
. le faisant travailler au sein d’un service organisé de la société BeIn Sports France,
* le fait que la société BeIn Sports France disposait du pouvoir de le sanctionner.
Dans un second temps, le syndicat national de radiodiffusion de la télévision et de l’audiovisuel CGT (SNRT – CGT) et M. [M] soutiennent que l’action de ce dernier est recevable. A cet égard, ils exposent qu’entre le 25 août 2012 (date de son premier jour de travail) et le 9 novembre 2018 (date de son dernier jour de travail), la société BeIn Sports France a toujours été son véritable employeur. Ils font valoir que le conseil de prud’hommes a été saisi le 25 octobre 2019 et que le salarié a donc agi dans le délai de prescription d’un an pour contester l’exécution de sa relation de travail et son licenciement. Ils ajoutent que l’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrivant par douze mois à compter de la notification de la rupture, et qu’aucune rupture ne lui ayant été notifiée, la prescription ne court pas.
En réplique, la société BeIn Sports France soulève en premier lieu la prescription des demandes du salarié relativement au licenciement. Elle se fonde sur l’article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail et fait valoir que le salarié prétend que sa relation de travail avec BeIn Sports s’est achevée le 9 novembre 2018, ce qu’elle conteste. En effet, selon la société BeIn Sports France, la relation de travail qui s’est achevée le 9 octobre 2018 concernait un contrat conclu entre le salarié et la société Mediapro de telle sorte qu’il ne peut se prévaloir de cette date de rupture à l’encontre de BeIn Sports. Elle ajoute que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 25 octobre 2019 soit plus d’un an après la fin de son contrat de travail avec BeIn Sports.
La société BeIn Sports France conteste en second lieu, au fond, tout lien de subordination autre que celui résultant des quelques contrats de travail à durée déterminée d’usage (ci-après CDDU) qu’il a, de façon discontinue, signé avec elle. Elle précise à cet égard que le recours aux CDDU qu’elle a conclus avec le salarié est régulier. Elle expose qu’elle est un diffuseur et qu’elle n’a pas pour objet d’assurer la production technique des événements sportifs, ayant, pour cela, recours à des sociétés de prestations de services extérieures, spécialisées dans ce domaine telles qu’Euromédia, Imagina/Médiapro, Atlantic Média. Elle fait valoir que dans ce contexte, il est cohérent que le réalisateur ‘ fonction exercée par le salarié ‘ ait été engagé par ces sociétés de prestations techniques, ce qui a été le cas entre 2012 et 2018 hormis de façon épisodique lorsqu’elle souhaitait « conserver la main sur la réalisation ». Elle précise que cela a été le cas lorsqu’elle a conclu avec le salarié quelques CDDU dont elle rappelle le nombre entre 2013 et 2018. Elle déduit de ce nombre le caractère « anecdotique » de sa relation avec le salarié (45 jours de travail sur une période de 5 ans) et ajoute que ce dernier était en relation avec d’autres sociétés pour lesquelles il a travaillé en tant que réalisateur à compter d’août 2012 s’agissant d’Atlantic Média, de novembre 2012 s’agissant d’Euromédia, et de décembre 2012 s’agissant d’Imagina. La société BeIn Sports France ajoute que les CDDU conclus avec ces dernières sociétés s’inscrivaient dans le cadre d’un contrat de prestation de services conclu avec BeIn Sports ce qui explique qu’il ait eu des contacts avec elle sans pour autant être son salarié et sans pour autant caractériser un lien de subordination, puisqu’il était salarié de sociétés de production, lesquelles le rémunéraient.
Pour sa part, la société Atlantic Média expose que le salarié a commencé à travailler pour elle dans le cadre de CDDU en qualité de réalisateur entre le 18 janvier 2013 et le 25 octobre 2018. Elle voit dans le métier de réalisateur « une sorte de chef d’orchestre » qui « est partout » et expose que cette fonction, par sa nature, l’obligeait à avoir des contacts avec le diffuseur ‘ à savoir son client BeIn Sports ‘ pour les besoins de la prestation de captation d’images.
La société Atlantic Média précise qu’elle a pour sa part respecté les prescriptions du code du travail et des textes conventionnels relatifs aux CDDU.
En ce qui concerne la détermination de l’employeur, la société Atlantic Média rappelle les règles jurisprudentielles concernant la définition du contrat de travail et expose qu’elle était bien l’employeur de M. [M]. Elle se fonde en cela sur les CDDU qu’elle a signés avec lui, sur les feuilles de paie qu’elle lui a adressées, sur les plannings qu’elle lui communiquait et qu’elle lui demandait de respecter, sur les feuilles de route qu’elle lui transmettait et auxquelles elle lui demandait de se conformer. Elle ajoute qu’elle lui confiait des missions, définissait son organisation et son lieu de travail, fixait sa rémunération et précise qu’elle était propriétaire des moyens techniques de production qu’elle mettait à la disposition du salarié pour qu’il puisse remplir ses missions lesquelles étaient accomplies sous la responsabilité du délégué chargé de production nommé sur chaque tournage. Elle voit dans ces éléments les caractéristiques d’un lien de subordination, exclusif de tout autre lien de subordination avec BeIn Sports, et ajoute que « de par sa fonction », le salarié était « autorisé à en rendre compte directement au client ».
***
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. La qualification du contrat de travail repose sur la vérification de l’existence ou non d’un lien de subordination. En présence d’un contrat de travail apparent, c’est à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
L’article L. 1471-1, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L. 1134-5.
En l’espèce, sur la prescription, M. [M] ne demande pas la requalification de ses CDDU en CDI mais invoque une relation continue de travail entre le 25 août 2012 et le 9 novembre 2018 et entend faire reconnaître l’existence, pendant cette période, d’une relation salariée entre lui et la société BeIn Sports France quand bien même il était lié à d’autres sociétés, travaillant pour BeIn Sports, durant ladite période.
Dans la mesure où le salarié situe au 9 novembre 2018 la fin de sa relation avec la société BeIn Sports France et où il a saisi le conseil de prud’hommes le 25 octobre 2019, ses demandes, qui concernent les conséquences de la rupture du contrat de travail, ne sont pas prescrites.
Au surplus, à supposer que la demande du salarié s’analyse en une demande de requalification de ses CDDU avec BeIn Sport en CDI, la cour observe que le terme du dernier CDDU conclu avec le salarié date du 25 juin 2018 soit moins de 2 ans avant la saisine du conseil de prud’hommes par le salarié.
Il en résulte que le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit prescrites les demandes du salarié.
Au fond, à défaut de contrat de travail apparent sur la totalité de la période pour laquelle M. [M] revendique la qualité de salarié, il lui appartient de démontrer l’existence d’un lien de subordination le liant à la société BeIn Sports France.
Il ressort des débats que M. [M] a travaillé pour la société BeIn Sports France qui l’a engagé dans le cadre de plusieurs CDDU. Ainsi, vingt-neuf CDDU ont été conclus entre le salarié et la société BeIn Sports France entre le 12 février 2013 et le 25 juin 2018 (pièce 1 E). Ainsi que le soutient la société BeIn Sports France, ces vingt-neuf CDDU ont porté sur un total de quarante-cinq jours de travail.
Entre 2012 et 2018, M. [M] a travaillé pour d’autres sociétés :
. pour Atlantic Média, qui a noué avec lui 250 CDDU,
. pour Euromédia, qui a noué avec lui une quarantaine de CDDU,
. pour Imagina et Médiapro qui ont noué avec lui environ 140 CDDU.
Il n’est pas discuté que ces sociétés sont des sociétés de production. La société BeIn Sports France, qui est essentiellement une société de diffusion, verse aux débats les contrats de « prestations de services » qui la liaient à Atlantic Média, à Euromédia ou encore à Imagina Group France et à Médiapro France (pièces 13 à 16 et 20 à 22 (ces dernières sous forme numérique)).
Il en résulte que les sociétés de production pour lesquelles M. [M] a travaillé en qualité de réalisateur étaient liées à la société BeIn Sports France par contrat. Il n’est pas établi ‘ ni même allégué ‘ l’existence de liens capitalistiques entre les sociétés ayant engagé M. [M] et la société BeIn Sports France. Et M. [M] était rémunéré par ces sociétés comme le montre sa pièce 1 (bulletins de paie).
Ainsi qu’il ressort de la pièce 19 de la société Atlantic Média (fiche métier : réalisateur ‘ extraite du Parisien Étudiant 2021), « le réalisateur est une sorte de chef d’orchestre. Il doit s’assurer que chaque équipe mène à bien son travail (‘). Pour cela, le réalisateur est partout » que ce soit avant le tournage, pendant celui-ci et même après. Il s’ensuit qu’au-delà du contrat de travail qui lie le salarié à son employeur ‘ société de production ‘ des contacts doivent nécessairement être établis entre le salarié et le client de son employeur, à savoir la société qui diffuse le contenu, en l’occurrence, la société BeIn Sports France.
Par conséquent, si M. [M] montre au travers des très nombreux courriels et textos qu’il verse aux débats qu’effectivement il était régulièrement en lien avec des salariés de BeIn Sports qui lui demandaient par exemple de faire des images sur tel ou tel point, de faire tel ou tel plan de coupe, de faire un focus sur tel ou tel joueur, et qu’effectivement encore, des salariés de BeIn Sport validaient les propositions du salarié dans la perspective de leur diffusion, il n’en demeure pas moins que ces échanges ne font que refléter ceux d’un client avec son prestataire.
M. [M] expose aussi que la société BeIn Sports France déterminait les conditions matérielles d’exercice de son activité en définissant ses dates et horaires de travail par l’intermédiaire des chargés de production, en arrêtant ses lieux de travail, en organisant ses déplacement professionnels et en le faisant travailler au sein d’un service organisé de la société BeIn Sports France.
A cet égard, M. [M] montre que la société BeIn Sports France lui demandait d’être présent à tel ou tel endroit à tel ou tel moment. Par exemple, en avril 2014, une salariée de BeIn Sports lui écrivait : « Dispo le dimanche 27 pour aller à [Localité 13] ‘ ». Toutefois, cet élément n’est que la conséquence des stipulations du contrat de prestation de service qui liait la société BeIn Sports France à ses prestataires et aux termes desquelles « le client (c’est-à-dire la société BeIn Sports France) informera le prestataire dès qu’il en aura connaissance les dates et l’heure où auront lieu les matches (‘) devant faire l’objet de captation par le prestataire ».
S’agissant de l’organisation des déplacements professionnels, à juste titre, la société BeIn Sports France expose que les échanges produits par M. [M] ne sont que le reflet de préoccupations purement logistiques dans le cadre de la participation à un projet commun impliquant des déplacements professionnels et la coordination de différents intervenants.
Il ressort aussi des pièces produites par le salarié que la société BeIn Sports France lui commandait et lui remettait directement ses badges d’accréditation libellés au nom de BeIn Sport. Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre le conseil de prud’hommes, étant seule détentrice en son nom des droits de diffusion, il revenait à la société BeIn Sports France ‘ diffuseur ‘ de gérer l’ensemble des accréditations de son personnel mais aussi de celui de ses prestataires techniques.
En revanche, M. [M] montre que sur une feuille de route à en-tête société BeIn Sports, il était répertorié le 5 octobre 2014 comme un « personnel BeIn on site » au même titre que d’autres salariés de BeIn Sport (pièce 11 du salarié). Il établit aussi qu’il était directement invité par BeIn Sports pour des événements ‘ tels des séminaires ou des événements festifs ‘ organisés par BeIn Sports.
M. [M] expose enfin que la société BeIn Sports France disposait du pouvoir de le sanctionner. Tout en reconnaissant dans un premier temps ne jamais avoir été sanctionné par la société BeIn Sports France, ce qu’il explique par le fait qu’il n’a jamais commis de faute le méritant, il estime, dans un second temps, avoir fait l’objet d’une sanction pour avoir fait valoir son droit de refuser la diminution de son salaire. Pour établir la réalité de la sanction, il produit en pièce 2 un échange de courriels du 8 novembre 2018. De cet échange, il ressort que M. [M] se plaint d’une diminution de 20 % de son salaire et interroge son interlocuteur (M. [Y], directeur de la production chez BeIn Sport) sur le point de savoir qui en avait pris la décision. M. [Y] répond à cette question : « (‘) Merci pour ton message, c’est une décision conjointe avec le prestataire que de réduire les coûts à tous niveaux et donc les salaires je te laisse libre de ne plus accepter ce traitement la prochaine fois et je comprends ton désappointement ».
De cet échange, il ressort que si, effectivement, BeIn Sports déterminait le coût des prestations de ses prestataires à qui elle demandait de réduire ses coûts, il n’en ressort cependant pas que M. [M] a été sanctionné pour une faute qu’il aurait commise ou pour un manquement dont il aurait fait preuve. En outre, le fait que M. [M] ait cessé de travailler pour BeIn Sport ou ses prestataires à compter du 9 novembre 2018 ‘ lendemain de l’échange ‘ ne peut être attribué à leur volonté de cesser leur collaboration avec lui. En effet, il ressort au contraire de l’échange du 8 novembre 2018 que c’est M. [M] qui, pour une rémunération réduite de 20 %, ne souhaitait plus travailler à ces conditions : « Je comprends tout à fait la volonté de BeIn de réduire les coûts de production en passant en simplifiée, en retirant Beauty shot et stats. (‘) Tu connais (‘) mon professionnalisme et sais que -20 % d’implication je ne sais pas faire. (‘) Peux-tu m’éclairer afin que je puisse me positionner ‘ (‘) »
Les éléments de preuve rapportés par le salarié ne sont en définitive pas suffisants pour établir l’exercice par la société BeIn Sports France de son pouvoir de sanction à l’égard de M. [M].
En conclusion sur ce qui précède, les éléments fournis par le salarié ne constituent pas au cas d’espèce un faisceau d’indices suffisant pour caractériser un lien de subordination avec la société BeIn Sports France, ce d’autant que la société Atlantic Média, de son côté, établit positivement l’existence d’un lien de subordination entre elle et M. [M]. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre le conseil de prud’hommes, la société Atlantic Média montre, notamment, qu’elle lui établissait des CDDU dans lesquels elle définissait ses missions, ses horaires ainsi que ses coupures, lui fournissait les outils nécessaires à l’exécution de ses missions, lui remettait ses feuilles de route et le rémunérait.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de l’intégralité de ses demandes.
Compte tenu du sens de la présente décision, il conviendra également de confirmer le jugement en ce qu’il :
. a mis hors de cause les sociétés Atlantic Média, Euromédia et Imagina devenue Médiapro, lesquelles avaient été appelées dans la cause par la société BeIn Sports France pour le cas où des condamnations auraient été prononcées contre elle,
. a débouté M. [M] de sa demande au titre du travail dissimulé, cette demande n’étant que la conséquence de l’existence d’un lien de subordination entre lui et la société BeIn Sports France,
. a débouté le M. [M] de sa demande de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement, cette demande n’étant elle aussi que la conséquence de la reconnaissance d’un lien de subordination,
. a débouté le syndicat SNRT-CGT de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, M. [M] sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.
Il conviendra de condamner ce dernier à payer à la société BeIn Sport une indemnité de 800 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile. La société Atlantic Média sera en revanche déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il dit prescrites les demandes de M. [M] relatives à la rupture de son contrat de travail avec la société BeIn Sports France,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT non prescrites les demandes de M. [M],
DEBOUTE M. [M] de l’ensemble de ses demandes,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE M. [M] à payer à la société BeIn Sports France la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile,
CONDAMNE M. [M] aux dépens de la procédure d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président