Décision du 5 octobre 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/02299

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 05 OCTOBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/02299 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FB2P

Décision déférée à la Cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’EPINAL, R.G. n° 21/00696, en date du 08 septembre 2022,

APPELANTE :

La S.A.S.U. ISOWATT,

exerçant sous le nom commercial ISORENOVATION, Société par action simplifiée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le n° 493 774 160 dont le siège social sis [Adresse 2], représentée par son représentant légal en exercice dûment habilité domicilié de droit en cette qualité audit siège

Représentée par Me Thomas CUNY, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Morgane LUSSIANA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

Monsieur [X] [Z]

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Emilia GRECO, avocat au barreau D’EPINAL

La S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Venant aux droits de CETELEM – S.A au capital de 546 601 552 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542 097 902 dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christian OLSZOWIAK de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 Octobre 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

Exposé du litige

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant bon de commande signé le 17 janvier 2020, M. [X] [Z] a confié à la société ISOWATT des travaux d’isolation de ses combles d’une surface évaluée de 105 m² correspondant à la pose de deux panneaux semi-rigides de fibre de bois ou de laine de verre sous rampants pour un prix de 15 900 euros, financé au moyen d’un prêt consenti par la SA BNP Paribas Personal Finance (ci-après la SA BNP Paribas PF), remboursable sur une durée de 144 mois au taux de 3,23% l’an.

La société ISOWATT a fait procéder à une prévisite technique des lieux le 6 février 2020 qui a constaté une surface de comble aménageable de 95 m² et a conclu à la mise en place de panneaux semi-rigides en fibre de bois avec coffrage de la cheminée.

Par courrier du 6 février 2020, la société ISOWATT a adressé à M. [X] [Z] le protocole d’amélioration thermique de l’habitat relatant les étapes nécessaires à la validation de son dossier et prévoyant l’exécution des travaux d’isolation au 15 février 2020 suite à l’acceptation de son dossier.

Le 15 février 2020, une attestation de livraison a été signée au nom de M. [X] [Z] confirmant que la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de services a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente, et demandant au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds au vendeur.

Le 29 février 2020, la société ISOWATT a remis à M. [X] [Z] la facture acquittée des prestations.

Par courrier du 21 février 2020, la SA BNP Paribas PF a confirmé à M. [X] [Z] l’accord du financement.

Par courrier du 4 mars 2021, l’association Qualibat, organisme d’accréditation dont relève la société ISOWATT, a informé M. [X] [Z] de la prise en compte de son courrier faisant état de l’absence d’étude de rentabilité et de garantie reçue sur les travaux effectués et dénonçant une installation réalisée en dépit des règles de l’art (une seule couche d’isolant posée avec absence de solive de maintien et d’éclisse de raccordement pour fourrure) de même qu’une surfacturation, et du recueil des observations de la société ISOWATT.

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Par actes d’huissier des 5 et 14 octobre 2021, M. [X] [Z] a fait assigner la société ISOWATT et la SA BNP Paribas PF devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal afin de voir prononcer la caducité, voire l’annulation et subsidiairement la résolution du contrat de vente et l’annulation du contrat de prêt affecté, et de voir condamner la SA BNP Paribas PF à lui rembourser les mensualités versées avec dispense de remboursement du capital. Subsidiairement en l’absence de résolution du contrat, M. [X] [Z] a sollicité la condamnation de la société ISOWATT à lui payer la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’inexécution partielle du contrat.

Il s’est prévalu de l’absence d’agrément de l’emprunteur dans les sept jours du contrat de vente à l’origine de la caducité de la vente, ainsi que du non respect par la société ISOWATT de son obligation d’information précontractuelle au regard de l’irrégularité du bon de commande et du dol provoqué par le mensonge sur les économies d’énergie, les primes ou les crédits d’impôts attendus. Il a fait état de fautes du prêteur ayant financé un contrat nul pour défaut d’accréditation du vendeur et ayant débloqué les fonds sans s’assurer d’une étude thermique, de sa solvabilité et de l’exécution des travaux.

La société ISOWATT a conclu au débouté des demandes, et subsidiairement à la condamnation de M. [X] [Z] à restituer les éléments d’isolation installés, après qu’elle aura procédé à leur retrait et à la remise en état des combles, et à justifier du montant des aides publiques perçues. Elle a demandé de constater que la faute commise par la SA BNP Paribas PF la privait de toute restitution du prix, même à titre de garantie.

La SA BNP Paribas PF a conclu au débouté des demandes de M. [X] [Z], et subsidiairement, à sa condamnation à lui rembourser la somme de 15 900 euros, déduction à faire des règlements.

Par jugement en date du 8 septembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal a :

– prononcé la nullité du contrat conclu entre M. [X] [Z] et la société ISOWATT le 17 janvier 2020,

En conséquence,

– prononcé la résolution du contrat de crédit conclu entre la SA BNP Paribas PF et M. [X] [Z] le 17 janvier 2020,

– condamné la société ISOWATT à payer à M. [X] [Z] la somme de 15 900 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

– condamné la société ISOWATT à procéder à la remise des parties en leur état antérieur avec la dépose ‘ de l’installation de d’isolation ‘ (sic), et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement,

– débouté la société ISOWATT de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné M. [X] [Z] à payer à la SA BNP Paribas PF la somme de 15 900 euros, déduction à faire des règlements effectués dans le cadre de l’exécution du contrat de prêt,

– condamné la SA BNP Paribas PF à payer à M. [X] [Z] la somme de 1 000 euros,

– condamné la société ISOWATT à payer à M. [X] [Z] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

– condamné la société ISOWATT aux dépens de la procédure,

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement.

Le juge a retenu que M. [X] [Z] ne justifiait pas de la condition suspensive figurant au contrat de vente à l’origine de la caducité alléguée, et que la signature de l’attestation de livraison (similaire à celle portée au bon de commande et au contrat de crédit) confirmait son intention de contracter.

Il a jugé que le bon de commande ne comportait pas les caractéristiques essentielles des prestations convenues quant à la matière des panneaux d’isolation et aux modalités d’aménagement de la charpente, ni le prix global à payer de la main d’oeuvre ou du matériel, et qu’il n’était pas démontré que M. [X] [Z] ait renoncé en connaissance de cause à se prévaloir desdites irrégularités.

Il a retenu que la nullité du contrat de vente emportait la restitution à M. [X] [Z] du prix versé ainsi que l’enlèvement des matériaux et la remise en état de la toiture à la charge de la société ISOWATT. Il a constaté la résolution du contrat de crédit affecté, et a jugé que si la SA BNP Paribas PF n’avait pas commis de faute préalable au déblocage des fonds, en présence d’une attestation claire et précise de bonne exécution des travaux, elle n’avait pas vérifié la régularité du bon de commande. Il a jugé que le préjudice de M. [X] [Z] résultait dans la perte de chance de ne pas contracter si son attention avait été attirée sur l’irrégularité du bon de commande et a alloué une somme de 1 000 euros à ce titre à la charge de la SA BNP Paribas PF.

Le juge a constaté que M. [X] [Z] ne justifiait pas d’un risque particulier d’endettement lié au crédit litigieux, et qu’il n’appartenait pas au prêteur de vérifier l’accréditation du démarcheur ou de solliciter une étude thermique.

-o0o-

Le 12 octobre 2022, la société ISOWATT a formé appel du jugement tendant à son annulation, sinon à sa réformation en tous ses chefs critiqués, hormis en ce qu’il a rejeté la demande de caducité du contrat de vente et condamné la SA BNP Paribas PF à payer à M. [X] [Z] la somme de 1 000 euros.

Moyens

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité du bon de commande

La SASU ISOWATT soutient que le bon de commande répond aux prescriptions légales tendant à l’indication d’un prix global à payer (portant sur un kit d’isolation), renseigné hors taxes et toutes taxes comprises, de même que des modalités de paiement, ainsi que du matériel correspondant et de sa quantité.

Au contraire, M. [X] [Z] indique que le bon de commande ne respecte pas les dispositions du code de la consommation en ce qu’il ne détaille pas le prix hors taxes des deux matériaux commandés et de la main d’oeuvre.

L’article L221-9 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5.

L’article L. 242-1 du code de la consommation prévoit que les dispositions de l’article L. 221-9 du code de la consommation sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Par suite, l’article L. 221-5 du code de la consommation prévoit que ‘ préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, (…) 1° les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 (…) ‘.

Or, l’article L. 111-1 du code de la consommation dispose ‘ qu’avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 (…). ‘

En l’espèce, le bon de commande signé le 17 janvier 2020 mentionne que les prestations commandées par M. [X] [Z] auprès de la SASU Isowatt, financées au moyen d’un crédit signé le même jour, sont facturées au prix de 15 071,09 euros HT, soit 15 900 euros TTC.

En outre, le bon de commande décrit les prestations commandées comme suit : ‘ poses de 2 panneaux semi-rigides de fibre de bois flex 40 sous rampants, épaisseur 240 mm au total, Résistance thermique R6, 30 m² K/W, ACERMI, densité 40 kg m3, Lambda 0,038 W/ [m.k] ou pose de 2 panneaux semi-rigides de laine de verre GR 32 sous rampants, épaisseurs 20 mm au total, Résistance thermique R6, 30 m² KW, ACERMI, densité 27 kg/m3, Lamba : 0,032 W [m.k]. Nombre de m² : 105. Pose de rails, de suspentes et de solives pour tenir l’isolant. Aménagement de la charpente inclus. Délais de livraison et d’installation de 90 jours.’

Il en résulte que les prestations commandées sont décrites de façon particulièrement précises dans le bon de commande quant aux propriétés et au type des matériaux fournis, ainsi qu’aux métrés déterminant la quantité fournie, s’agissant des caractéristiques essentielles des biens et des services.

En effet, il y a lieu de préciser que le bon de commande signé par M. [X] [Z] a prévu expressément un choix à opérer dans la matière des panneaux d’isolation (fibre de bois ou laine de verre), et que la pré-visite technique réalisée le 6 février 2020 a convenu d’un aménagement des combles de 95 m² par la mise en place de deux panneaux semi-rigides en fibre de bois, conformément au bon de commande et à la facture émise le 29 février 2020.

En outre, il est constant que le bon de commande mentionne le prix global à payer comprenant le coût des fournitures et de la main d’oeuvre.

Or, aucun texte n’exige la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé.

En effet, le prix d’un produit proposé à la vente considéré comme une information substantielle correspond au prix global du produit, et non au prix de chacun de ses éléments.

Aussi, l’article L. 111- 1 du code de la consomation fait obligation au professionnel d’indiquer au consommateur le seul prix global du produit concerné.

Par ailleurs, M. [X] [Z] ne rapporte pas la preuve que la mention distincte du coût de la main d’oeuvre constituait une caractéristique essentielle du contrat de fourniture et de prestations de service au jour de sa conclusion, ou une qualité essentielle de la prestation tacitement convenue ayant déterminé son consentement.

Dans ces conditions, le bon de commande signé par M. [X] [Z] le 17 janvier 2020 n’est pas irrégulier.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a prononcé d’une part, l’annulation du contrat de vente pour non respect des dispositions du code de la consommation et condamné la SASU ISOWATT à rembourser à M. [X] [Z] le prix financé et à procéder à la remise en état de lieux après dépose de l’isolation, et d’autre part, l’annulation du contrat de prêt et condamné M. [X] [Z] à rembourser à la SA BNP Paribas PF le capital emprunté déduction faite des règlements effectués.

Sur l’annulation du contrat pour dol

M. [X] [Z] se prévaut de manoeuvres dolosives de la société ISOWATT caractérisées par l’apposition de nombreux logos figurant au bon de commande et le mensonge délibéré du commercial sur les économies d’énergie possibles résultant du protocole d’amélioration thermique de l’habitat remis le 6 février 2020, entré dans le champ contractuel, ainsi que sur les primes énergie ou autres crédits d’impôts récupérables à hauteur de 50% du montant des travaux (CITE), de même que sur la prise en charge annoncée de l’isolation des combles par ENGIE (figurant sur le bon de commande comme organisme prêteur) contre versement du crédit d’impôts.

Il ressort des dispositions combinées des articles 1130 et 1131 code civil, que le dol est une cause de nullité relative du contrat lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles que sans elles, l’autre partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Aussi, un manquement à une obligation précontractuelle d’information peut caractériser une réticence dolosive, à condition d’établir le caractère intentionnel de ce manquement en présence du silence d’une partie, et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

Néanmoins, il y a lieu de constater que M. [X] [Z] ne peut utilement se prévaloir du défaut de mention des caractéristiques essentielles des matériaux au bon de commande comme cause de nullité du contrat pour dol, au regard des développements précédents.

De même, le bon de commande ne saurait être considéré comme la présentation d’une candidature sans engagement, alors que le document signé par M. [X] [Z] est intitulé ‘ bon de commande ‘, et qu’il mentionne le prix des fournitures et des prestations commandées ainsi que les modalités de financement.

En effet, il y a lieu de préciser que malgré la mention erronée figurant au bon de commande selon laquelle ENGIE serait l’organisme prêteur, M. [X] [Z] a sollicité un prêt afin de financer le prix des prestations auprès de la SA BNP Paribas PF, excluant ainsi toute gratuité ou autofinancement de l’opération.

En outre, la SASU ISOWATT justifie du partenariat en vigueur avec ENGIE au jour de la signature du bon de commande, conformément au logo figurant au bon de commande qui ne saurait caractériser l’utilisation de partenariats mensongers pour le convaincre de signer.

Par ailleurs, le bon de commande ne comprend aucun engagement de la SASU ISOWATT sur une économie d’énergie précise résultant de l’isolation des combles, ni aucune référence au protocole d’amélioration thermique de l’habitat remis à M. [X] [Z] postérieurement à sa signature ou à la plaquette publicitaire de la société.

Aussi, M. [X] [Z] ne peut utilement soutenir que la rentabilité des travaux d’isolation en termes d’économie d’énergie est entrée dans le champ contractuel.

De même, si M. [X] [Z] a été informé qu’il existait des aides aux travaux d’isolation thermique, en revanche, la SASU ISOWATT ne s’est pas engagée à garantir leur obtention, étant précisé qu’il a obtenu le versement de la prime CEE et qu’il ne justifie pas des démarches accomplies auprès des services fiscaux afin de bénéficier du crédit d’impôts qu’il lui appartenait de solliciter.

Aussi, M. [X] [Z] ne rapporte pas la preuve de l’engagement du vendeur à voir financer la moitié du coût des travaux par les primes ou le crédit d’impôts, tel que prétendument annoncé verbalement par son commercial.

Dans ces conditions, M. [X] [Z] ne rapporte pas la preuve d’une réticence dolosive, ni que l’existence d’économies d’énergie, de primes ou de crédit d’impôts ait été déterminante de son consentement.

Dès lors, M. [X] [Z] n’établit pas que son consentement a été vicié par le dol du vendeur, de sorte qu’il sera débouté de sa demande en résolution du contrat de vente pour dol.

Sur la résolution du contrat de vente

M. [X] [Z] soutient que les travaux commandés n’ont pas été exécutés complètement et dans les règles de l’art, se prévalant d’un constat établi par ministère d’huissier le 26 février 2021, et dénie la signature portée en son nom sur l’attestation de livraison sans réserve.

L’article 1224 du code civil dispose que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

En outre, l’article 1228 dudit code énonce que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

En l’espèce, la SASU ISOWATT se prévaut de l’attestation signée par M. [X] [Z] le 15 février 2020 aux termes de laquelle ‘ la livraison et/ou la fourniture de la prestation de services (…) a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou le prestataire de service ‘.

Or, M. [X] [Z] dénie la signature apposée en son nom sur ce document.

L’article 287 du code de procédure civile dispose que ‘si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte’.

L’article 288 du code de procédure civile précise que pour ce faire, ‘il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture’ et que ‘dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux’.

Or, la signature du bon de commande et de l’offre de crédit, non déniée par M. [X] [Z], de même que les signatures portées sur la fiche de renseignements, sur la fiche intitulée ‘ conseil assurance ‘ et sur la fiche d’informations précontractuelles, constituent un spécimen de signature contemporain de l’attestation de fin de travaux.

Il convient de constater que les traits constants de la signature de M. [X] [Z] correspondent à deux graphismes pouvant être caractérisés par la lettre majuscule V inclinée vers la droite, à l’extrêmité de laquelle est superposée la lettre majuscule Z.

Or, l’examen de la signature attribuée à M. [X] [Z] sur l’attestation de fin de travaux permet de retrouver les traits constants de la signature de M. [X] [Z] ressortant des spécimens de signature versés en procédure.

Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de faire procéder à une vérification d’écriture au moyen d’une expertise judiciaire, il y a lieu de considérer que la signature apposée sur l’attestation de fin de travaux, identique à celles figurant sur le bon de commande, l’offre de crédit, la fiche de renseignements, la fiche intitulée ‘ conseil assurance ‘ et sur la fiche d’informations précontractuelles, est visiblement celle de M. [X] [Z].

Il en résulte que le 15 février 2020, M. [X] [Z] a attesté de la complère exécution des prestations commandées et que les désordres constatés par ministère d’huissier le 26 février 2021 ne sauraient caractériser l’existence de non-façons imputables à la SASU ISOWATT.

Dans ces conditions, M. [X] [Z] ne rapporte pas la preuve de l’inexécution par la SASU ISOWATT de ses obligations contractuelles.

Dès lors, M. [X] [Z] sera débouté de sa demande en résolution du contrat de vente et de sa demande en dommages et intérêts y afférent.

Sur l’absence d’agrément de M. [X] [Z] par le prêteur

L’article L. 312-24 du code de la consommation prévoit que ‘ le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que celui-ci n’ait pas fait usage de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit, dans un délai de sept jours. (…). L’agrément de la personne de l’emprunteur parvenu à sa connaissance après l’expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l’article L. 312-25 vaut agrément de l’emprunteur par le prêteur.’

En l’espèce, il est constant que le prêteur n’a pas fait connaître à M. [X] [Z] sa décision d’accorder le crédit sollicité dans le délai de sept jours et que M. [X] [Z] n’a pas fait usage de sa faculté de rétractation.

Or, par courrier du 21 février 2020, la SA BNP Paribas PF a confirmé à M. [X] [Z] l’accord du financement, sans que celui-ci indique qu’il ne souhaitait plus bénéficier du crédit.

Par suite, M. [X] [Z] s’est acquitté du paiement des échéances prévues au contrat.

Dans ces conditions, M. [X] [Z] ne peut utilement soutenir que le contrat de crédit n’était pas parfait en l’absence d’agrément de l’emprunteur.

Dès lors, il en résulte que M. [X] [Z] est tenu d’exécuter le contrat de prêt dont la déchéance du terme n’a pas été prononcée.

Néanmoins, à défaut pour la SA BNP Paribas PF de verser en procédure des éléments suffisants pour statuer sur l’existence d’une créance exigible au titre du prêt (historique de compte et décompte actualisés), elle sera déboutée de sa demande de condamnation de M. [X] [Z] au paiement des échéances en cours et d’échéances impayées à la date de l’arrêt.

Sur les fautes de la SA BNP Paribas PF

M. [X] [Z] soutient que la SA BNP Paribas PF a commis des fautes résultant de l’absence de vérification de l’accréditation du vendeur au crédit (le démarcheur ne justifiant d’aucune formation ni d’aucune immatriculation), ainsi que de l’absence de vérification de l’existence d’une étude thermique obligatoire et de vérification de la solvabilité des emprunteurs et de mise en garde.

Au préalable, il y a lieu de constater que compte tenu des développements précédents, M. [X] [Z] ne peut utilement retenir une faute de la SA BNP Paribas PF caractérisée par l’absence de vérification de la régularité du bon de commande et de l’exécution complète des travaux préalablement au déblocage des fonds.

En effet, il est établi que M. [X] [Z] a signé l’attestation de fin de travaux selon laquelle ‘ la livraison et/ou la fourniture de la prestation de services (…) a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou le prestataire de service ‘, et que l’objet des travaux tendant à l’isolation des combles ne nécessitait pas de précision complémentaire pour attester de l’exécution complète des travaux.

– Sur l’accréditation du vendeur

De même, il n’appartient pas au prêteur, mais au vendeur de biens ou prestataire de services de justifier de la compétence de ses personnels en relation avec les emprunteurs selon les articles L. 314-25 et D. 314-26 du code de la consommation.

Au surplus, le non respect des obligations prévues aux articles L. 314-24 et L. 314-25 dudit code est puni d’une peine d’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, tel que résultant de l’article R. 341-26 du code de la consommation.

– Sur la vérification de l’existence d’une étude thermique obligatoire selon la charte-qualité pour les travaux d’isolation

Le prêteur n’est pas tenu d’un devoir de mise en garde sur l’opportunité de conclure le contrat de vente au regard des perspectives d’économies d’énergie ressortant de l’isolation des combles de son logement.

Aussi, le prêteur ne saurait être tenu de vérifier l’existence d’une étude thermique pour les travaux d’isolation.

– Sur la vérification de la solvabilité de M. [X] [Z] et l’obligation de mise en garde

Il ressort de l’article 1231-1 du code civil, que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat, celui-ci étant tenu de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur, comprenant les revenus et la valeur des éléments du patrimoine garantissant le remboursement, et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts.

Il s’ensuit que le prêteur n’est tenu d’aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement n’excède pas la capacité financière de l’emprunteur.

Aussi, pour apprécier s’il est tenu à un devoir de mise en garde, l’établissement de crédit peut, sauf anomalies apparentes, se fier aux informations recueillies auprès de l’emprunteur sur ses capacités financières sans devoir vérifier leur exactitude.

En l’espèce, il ressort de la fiche de renseignements signée par M. [X] [Z], emprunteur non averti, qu’il perçoit des revenus évalués à 2 200 euros pour faire face à des charges d’emprunt de 460 euros (liées à l’acquisition de sa résidence principale depuis juin 2015), de sorte que la mensualité du crédit litigieux prévue à hauteur de 135,15 euros, hors assurance, ne saurait caractériser un risque d’endettement nécessitant la délivrance d’une mise en garde par le prêteur.

Aussi, M. [X] [Z] ne peut utilement solliciter l’allocation de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son obligation de vérification de sa solvabilité et de mise en garde.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué à M. [X] [Z] des dommages et intérêts à la charge de la SA BNP Paribas PF.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [X] [Z] qui succombe à hauteur de cour sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’à hauteur de cour.

La SASU ISOWATT a dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir ses droits, de sorte qu’il convient de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur de cour.

Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA BNP Paribas PF.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

DEBOUTE M. [X] [Z] de sa demande tendant à voir prononcer l’annulation du contrat de vente conclu avec la SASU ISOWATT et du contrat de crédit affecté consenti par la SA BNP Paribas PF le 17 janvier 2020, ainsi que des demandes en paiement y afférents,

DEBOUTE M. [X] [Z] de sa demande tendant à voir prononcer la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, ainsi que de sa demande en dommages et intérêts y afférent,

DIT que M. [X] [Z] est tenu d’exécuter le contrat de prêt selon les dispositions contractuelles, à défaut de déchéance du terme,

DEBOUTE la SA BNP Paribas PF de sa demande de condamnation de M. [X] [Z] au paiement des échéances du prêt en cours et d’échéances échues et impayées au jour de l’arrêt,

DEBOUTE M. [X] [Z] de sa demande en dommages et intérêts dirigée à l’encontre de la SA BNP Paribas PF pour manquements à ses obligations contractuelles,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [X] [Z] au paiement des dépens,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ce qu’il a débouté la SASU ISOWATT de sa demande de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [X] [Z] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [X] [Z] à payer à la SASU ISOWATT la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA BNP Paribas PF,

CONDAMNE M. [X] [Z] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en vingt-et-une pages.

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