Décision du 4 avril 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02016

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ARRÊT N°

R.G : N° RG 20/02016 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HYZQ

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

08 juillet 2020

RG:19/00836

S.A.S.U. [4]

C/

CPAM DU GARD

Grosse délivrée

le 04.04.2023

à

Me FAVARO

CPAM GARD

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

APPELANTE :

S.A.S.U. [4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Alexandre FAVARO de la SELARL FAVARO AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

CPAM DU GARD

Département des Affaires Juridiques

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par M. [V] en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé du litige

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 18 juillet 2019, Mme [X] [W], agent d’entretien au service de la Sasu [4] a été victime d’un accident pour lequel l’employeur a établi une déclaration d’accident du travail le 19 juillet 2019 qui mentionnait : ‘ elle a voulu descendre au RDC pour récupérer du matériel en descendant les escaliers elle n’a pas vu un pot de yaourt avec une peau de banane à l’intérieur elle a glissé dessus, elle a basculé en avant dans l’escalier ‘.

Le certificat médical initial établi le 18 juillet 2019 par un médecin du centre hospitalier [3] de [Localité 5] mentionnait les lésions suivantes : ‘traumatisme rachidien’.

L’accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard suivant une décision du 25 juillet 2019.

Par courrier du 30 juillet 2019, la Sasu [4] a saisi la commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard en contestation de cette décision, laquelle a rejeté son recours par décision du 29 août 2019.

Contestant cette décision, la Sasu [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes le 17 septembre 2019, lequel, par jugement du 08 juillet 2020, a :

– confirmé la décision de la Commission de recours amiable en date du 29 août 2019,

– déclaré opposable à la SASU [4] la décision de prise en charge de l’accident survenu le 18 juillet 2019 au titre de la législation professionnelle par la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard,

– débouté la SASU [4] de ses autres demandes,

– condamné la SASU [4] aux dépens.

Par courrier du 05 août 2020, la Sasu [4] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 17 juillet 2020.

Suivant acte du11 octobre 2022, l’affaire a été fixée à l’audience du 17 janvier 2023 à laquelle elle a été retenue.

Moyens

Motivation

MOTIFS :

Sur la validité de la décision de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie du Gard du 25 juillet 2019 :

L’article R441-14 du code de la sécurité sociale dispose dans sa version applicable que (…)

dans les cas prévus au dernier alinéa l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l’accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n’est pas reconnu, ou à l’employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief. (…).

L’article D253-6 du même code dispose, dans sa version applicable, que le directeur peut, conformément aux dispositions de l’article R. 122-3, déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l’organisme.

Il peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse ou à un ou plusieurs agents de l’organisme.

Cette délégation doit préciser, pour chaque délégué, la nature des opérations qu’il peut effectuer et leur montant maximum s’il y a lieu.

L’agent comptable est dépositaire d’un exemplaire certifié des signatures du directeur et de ses délégués.

L’éventuel défaut de pouvoir d’un agent d’une caisse primaire, souscripteur d’une décision de reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie notifiée à la victime ou à ses ayants droit, ne rend pas cette décision inopposable à l’employeur, qui conserve la possibilité de contester tant le bien-fondé de la décision que ses modalités de mise en oeuvre au regard des obligations d’information et de motivation incombant à l’organisme social.

En l’espèce, la décision de prise en charge de l’accident dont Mme [X] [W] a été victime le 18 juillet 2019, dont il n’est pas contesté que la Sasu [4] en a été destinataire, mentionne à l’entête le nom de l’organisme à l’origine de la décision, à savoir la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard -risques professionnels- , une date, le 25 juillet 2019, le nom de son auteur, [J] [B] qui est présentée comme ‘correspondant Risques professionnels’, son objet ‘notification d’une décision d’accord de prise en charge d’emblée’, le nom de la victime et la date de l’accident, et in fine, les délai et voie de recours que l’employeur peut exercer devant la commission de recours amiable de la caisse primaire dont l’adresse est précisée.

Comme le relèvent justement les premiers juges, les textes réglementaires ‘n’exigent pas expressément que cette décision soit signée par le directeur ou un agent titulaire d’une délégation de pouvoir ou de signature’.

Quand bien même la caisse primaire d’assurance maladie du Gard ne produit pas aux débats une délégation de pouvoir concernant Mme [J] [B], il n’en demeure pas moins que cet éventuel défaut de pouvoir n’a pas pour effet de rendre inopposable cette décision à l’employeur dès lors que celui-ci a été en mesure de contester le bien fondé de cette décision, ce que la Sasu [4] a fait en l’espèce en saisissant la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie du Gard suivant courrier daté du 1er août 2019.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté le moyen développé par la Sasu [4] sur ce point et ont conclu que l’absence de signature de la décision est sans effet sur le caractère opposable de la décision en charge à l’égard de l’employeur.

Sur les réserves émises par la Sasu [4] :

Selon l’article R441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, issu du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, I, la déclaration d’accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l’employeur. Lorsque la déclaration de l’accident en application du deuxième alinéa de l’article’L. 441-2’n’émane pas de l’employeur, la victime adresse à la caisse la déclaration de l’accident. Un double est envoyé par la caisse à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

En cas de rechute d’un accident du travail, le double de la demande de reconnaissance de la rechute de l’accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l’employeur qui a déclaré l’accident dont la rechute est la conséquence par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut alors émettre des réserves motivées.

II. La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

Les réserves qui s’entendent de la contestation du caractère professionnel de l’accident par l’employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail ; les réserves doivent être suffisamment précises.

Ne constituent pas des réserves motivées les observations portant sur les circonstances de l’accident, dès lors qu’il ressort des termes du courrier adressé par l’employeur que ce dernier ne contestait pas que l’accident s’était déroulé au temps et au lieu du travail et n’invoquait aucune cause totalement étrangère au travail.

En l’espèce, la Sasu [4] a émis des réserves qu’elle a mentionnées directement sur la déclaration d’accident de travail qu’elle a établie le 19 juin 2019 au paragraphe relatif aux ‘éventuelles réserves motivées (joignez-ci besoin une lettre d’accompagnement) : ABSENCE DE TEMOINS’.

Force est de constater, d’une part, qu’il n’est pas discuté que la Sasu [4] n’ a pas adressé par lettre distincte d’autres réserves que celles mentionnées sur la déclaration d’accident du travail, d’autre part, que ces réserves qui sont très succintes ne portent pas sur les circonstances de temps et de lieu du fait accident allégué par Mme [X] [W] que l’employeur n’entend donc pas contester, de sorte qu’il y a lieu de considérer que ces réserves ne sont pas motivées.

C’est à bon droit que la caisse primaire d’assurance maladie du Gard, en l’absence de réserves motivées de l’employeur, a décidé de ne pas ordonner d’enquête administrative concernant cet accident, étant précisé qu’elle n’était pas non plus tenue d’une obligation d’information préalable à sa décision comme le soutient la Sasu [4].

La caisse primaire d’assurance maladie du Gard pouvait donc décider de prendre en charge d’emblée l’accident dont Mme [X] [W] a été victime au titre de la législation sur les risques professionnels au vu de la déclaration d’accident du travail et du certificat médical initial.

Le moyen développé par la Sasu [4] sur ce point au soutien de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge du 25 juillet 2019 est inopérant et sera donc rejeté.

Sur la présomption du caractère professionnel du fait accidentel :

L’article L411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’est considéré comme accident du travail quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

L’accident survenu alors que la victime était au temps et au lieu de travail est présumé imputable au travail, cette présomption s’appliquant dans les rapports du salarié victime avec la caisse mais également en cas de litige entre l’employeur et la caisse.

Il appartient, dans ce cas, à la caisse d’établir la matérialité de l’accident déclaré au temps et au lieu du travail, et à l’employeur, qui conteste le caractère professionnel de l’accident, de renverser la présomption d’imputabilité, en apportant la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

La charge de la preuve de l’existence d’un fait accidentel incombe au salarié qui doit établir, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel.

Mais il appartient à l’employeur de détruire la présomption d’imputabilité qui s’attache à toute lésion révélée par un événement survenu brusquement au temps et au lieu de travail en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’établir l’origine exacte de la pathologie, dès lors qu’il est certain que celle-ci est indépendante du travail.

En l’espèce, les circonstances de l’accident du travail allégué par Mme [X] [W] peuvent être déterminées au vu de la déclaration établie par l’employeur qui mentionne un accident survenu le 18 juillet 2019 à 11h50 soit pendant les horaires de travail de la salariée qui étaient fixés ce jour là de 08h00/10h30 puis de 11h30/15h00, au Nouveau logis provençal résidence Talbot Bât A à [Localité 5] qui correspond au lieu de travail habituel de la salariée, les circonstances suivantes : ‘elle a voulu descendre au RDC pour récupérer du matériel en descendant les escaliers elle n’a pas vu un pot de yaourt avec une peau de banane à l’intérieur elle a glissé dessus elle a basculé en avant dans l’escalier’ ; la déclaration mentionne par ailleurs la nature des lésions résultant de cette chute ‘mal aux cervicales, le dos, le coude gauche’, et leur siège ‘les cervicales, le dos et le coude gauche’ ; l’accident a été porté à la connaissance de l’employeur le jour même à 11h50 ; il n’est mentionné aucun témoin et aucun rapport de police n’a été établi.

Les constatations médicales faites par un médecin de l’hôpital de [Localité 5] le jour de l’accident ‘traumatisme rachidien’ sont compatibles avec le fait accidentel tel qu’il a été décrit par Mme [X] [W], à savoir une chute dans les escaliers.

L’accident dont a été victime Mme [X] [W] le 18 juillet 2019 au temps et au lieu de travail, survenu de façon soudaine et brutale, à l’origine de lésions qui ont été constatées le jour même et dont les premières constatations médicales sont compatibles avec le fait accidentel tel qu’il a été décrit par Mme [X] [W], est présumé imputable au travail, peu importe l’absence de témoin, les premiers juges ayant justement relevé sur ce point que ‘la nature même de l’activité d’un agent d’entretien exige que son activité se réalise à l’abri de tout regroupement de personnel et..que le lieu de survenance de l’accident, une cage d’escalier ne se prête pas à une action de travail collective’.

Force est de constater que la Sasu [4] n’apporte pas la preuve que cet accident aurait une cause totalement étrangère au travail, de sorte qu’elle ne parvient pas à combattre utilement cette présomption.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont conclu que l’employeur a échoué dans sa tentative de renverser la présomption d’imputabilité édictée par l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, a écarté ce moyen et a déclaré que la décision litigieuse est opposable à la Sasu [4].

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 08 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale,

Déboute la Sasu [4] de l’intégralité de ses prétentions,

Condamne la Sasu [4] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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