Décision du 25 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12255

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 25 MAI 2022

(n° 2022/ , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12255 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDYE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° 18/00783

APPELANT

Monsieur [H] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2151

INTIMÉES

SAS ITW SPRAYTEC

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SAS LEGALLAIS

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien MIARA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0819

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Anne BERARD Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE

La société ITW Spraytec est une société de développement et de commercialisation de solutions de maintenance pour les secteurs de l’industrie, de la sécurité, de l’électronique et de la bureautique.

Elle emploie plus de dix salariés. La convention collective applicable est celle des industries chimiques.

M. [H] [T] a été embauché par la société Itecma, en qualité d’agent de maîtrise, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er décembre 2002.

Son contrat de travail a été transféré en juillet 2013 à la société ITW Spraytec France en application de l’article L1224-1 du code du travail à la suite de la fusion-absorption de la société Itecma.

Au dernier temps de la relation de travail il occupait un emploi de technico-commercial, statut agent de maîtrise groupe 4.

Le 14 juin 2017, la société ITW Spraytec France a transmis à la délégation unique du personnel un document relatif à un projet de licenciements pour motif économique lié à la réorganisation commerciale de la société.

Deux réunions extraordinaires de la délégation unique du personnel ont eu lieu les 11 et 13 juillet 2017. Lors de la réunion du 13 juillet 2017, la délégation unique du personnel a émis à l’unanimité un avis défavorable au projet de réorganisation commerciale de la société et au projet d’éventuels licenciements pour motif économique et leurs mesures d’accompagnement.

Le 24 août 2017, la société ITW Spraytec a convoqué M. [H] [T] à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 1er septembre 2017, dans le cadre du licenciement collectif de six salariés.

Le 21 septembre 2017, la société ITW Spraytec lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Le 2 octobre 2017, la société ITW Spraytec France a informé la délégation unique du personnel (DUP) de l’existence de pourparlers engagés depuis septembre 2017 avec la société Legallais en vue d’un accord de distribution des produits de maintenance industrielle et collectivités.

Le 4 décembre 2017, la société ITW Spraytec France a conclu avec la société Legallais un contrat de distribution triennal à effet du 1er décembre pour que celle-ci distribue les produits de la marque Itecma dans le segment d’activité de la maintenance industrielle et des collectivités.

Contestant le bien fondé de son licenciement et imputant une fraude aux dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail M. [H] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 6 août 2018 de diverses demandes dirigées contre les sociétés ITW Spraytec et Legallais.

Par jugement du 17 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Longjumeau s’est déclaré matériellement incompétent au profit du Tribunal administratif pour connaître des demandes de M. [H] [T] en matière de participation,

Il a :

– débouté M. [H] [T] de ses demandes relatives à une éventuelle fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail,

– constaté l’absence de transfert de contrat de travail de M. [H] [T] à la SASU Legallais,

– dit que les demandes formulées par M. [H] [T] à l’encontre de la SASU Legallais sont mal fondées

– dit que le licenciement de M. [H] [T] a bien une cause réelle et sérieuse,

– confirmé son licenciement pour raison économique,

– Condamné la SASU ITW Spraytec prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [H] [T] les sommes suivantes :

o rappel de commissions sur ventes : 14.538,25 € et congés y afférents : 1.453,82 €

o rappel de primes de paliers : 7.800 € et congés y afférents : 780 €

o rappel d’indemnité de licenciement : 3.401,30 €

Il a :

– débouté M. [H] [T] de sa demande concernant la carence dans l’information et la consultation des représentants du personnel,

– débouté M. [H] [T] de sa demande concernant ‘l’ordre des licenciements’,

– ordonné à la SASU ITW Spraytec prise en la personne de son représentant légal de remettre à M. [H] [T] les bulletins de paye rectifiés et une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision,

– condamné la SASU ITW Spraytec prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [H] [T] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

– mis les entiers dépens à la charge de la SASU ITW Spraytec.

M. [H] [T] a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 10 décembre 2019.

Moyens

Motivation

MOTIFS

Sur la procédure

L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’ ‘à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond’.

Il résulte des conclusions notifiées par les parties que la demande de dommages et intérêts de 5.000,00 € pour ‘non remise de documents conformes’ a été formée pour la première fois par M. [H] [T] dans le dispositif de ses conclusions le 5 janvier 2022.

Cette demande est donc irrecevable.

Sur l’application de l’article L1224-1 du code du travail

Il résulte du document d’information de la DUP du 14 juin 2017 qu’Itecma est un département autonome spécialisé dans la vente de produits destinés aux techniques de la maintenance industrielle, des collectivités, du BTP et de la blanchisserie industrielle, dont la stratégie commerciale est de vendre ses produits sans passer par un distributeur mais directement au client par le biais d’un commercial Itecma. Les produits commercialisés par Itecma sont répartis sur trois segments principaux de marchés :

– travaux publics,

– maintenance industrielle, collectivités et transports,

– blanchisserie industrielle et hospitalière.

La société ITW Spraytec et la société Legallais ont signé le 4 décembre 2017 un plan d’affaires pluriannuel 2017-2018-2019 par lequel, ainsi qu’il résulte de l’article 3 de ce contrat, la société ITW Spraytec a décidé d’ajouter à son réseau de vente directe un réseau de vente via distributeur et a confié à compter du 1er décembre 2017 à la société Legallais la distribution exclusive des produits de la marque Itecma dans le domaine de la maintenance industrielle et des collectivités sur le territoire français et européen jusqu’au 31 décembre 2020, sans tacite reconduction, en contrepartie de la garantie d’un niveau de chiffre d’affaire achat annuel minimum de 300k€ pour l’année civile 2018, 450k€ pour 2019 et 600K€ pour 2020.

L’article L.1224-1 du code du travail prévoit que ‘lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise’.

Le transfert des contrats de travail suppose le transfert d’une entité économique autonome qui se définit comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.

La reprise de la commercialisation des produits d’une marque et de la clientèle qui y est attachée entraînent en principe le transfert d’une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, conserve son identité et dont l’activité est poursuivie.

Il résulte du contrat de distribution que la société ITW Spraytec a mis à disposition de la société Legallais son fichier clients, le contrat précisant qu’en cas d’insuffisance du chiffres d’affaires apporté par la société Legallais ( inférieur à 300K€), la transmission du portefeuille clients Itecma serait alors requalifiée en cession de fichier clients.

Cette cession n’est cependant pas intervenue dès lors qu’il résulte des pièces produites par la société Legallais qu’elle a généré 301 K€ de chiffre d’affaire en 2018.

Il apparaît surtout que le contrat n’a pas confié la commercialisation de la marque Itecma à la société Legallais, mais ne lui a confié, à titre temporaire, que la distribution exclusive des produits de la marque Itecma dans le seul domaine de la maintenance industrielle et des collectivités.

La société ITW Spraytec a ainsi continué d’assurer la commercialisation de la marque Itecma dédiés au segment travaux publics et des produits de la marque Itecma dédiés au segment blanchisserie industrielle et hospitalière. Elle a aussi continué d’assurer le fonctionnement du site Internet dédié à la marque Itecma.

La société ITW Spraytec n’est pas contredite lorsqu’elle observe que ce segment d’activité lié à la maintenance industrielle et des collectivités ne disposait d’aucun moyens matériels propres, partageant locaux, procédés, outils de fabrication, moyens logistiques et de communication avec l’ensemble des activités d’ITW Spraytec, toutes marques et produits confondus.

La société ITW Spraytec démontre aussi par les chiffres de vente des salariés que la vente des produits de la marque Itecma dans le domaine de la maintenance industrielle et des collectivités n’était pas assurée par une équipe dédiée, M. [H] [T] vendant aussi des produits de marque Itecma relevant des autres segments ainsi que des produits diffusés sous d’autres marques.

Au demeurant, la société Legallais établit qu’elle a assuré la distribution des produits de marque Itecma relevant de la maintenance industrielle et des collectivités au sein de son catalogue, grâce pour l’essentiel à sa propre clientèle, par le biais de sa force de vente, avec des vendeurs gérant un catalogue de 50.000 produits et près de 600 marques, le chiffre d’affaires généré par les produits Itecma représentant respectivement 0,1% et 0,2% du chiffre d’affaires de la société Legallais.

Dès lors, si le contrat signé entre les sociétés ITW Spraytec et Legallais a eu pour effet la mise à disposition du fichier de la marque et la distribution exclusive des produits de marque Itecma relevant de la maintenance industrielle et des collectivités, cette convention n’a pas eu pour effet de transférer une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, conserve son identité et dont l’activité est poursuivie.

L’existence d’une collusion dénoncée par M. [H] [T] entre les sociétés ITW Spraytec et Legallais antérieurement à la procédure de licenciement n’est pas de nature à rendre l’article L.1224-1 du code du travail applicable à l’espèce.

M. [H] [T] sera débouté de l’intégralité de ses demandes dirigées contre le société Legallais.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le respect des dispositions de l’article L1235-12 du code du travail

Sur la recevabilité de la demande

                                                                             

L’article 122 du code de procédure civile sanctionne par une fin de non-recevoir le défaut d’intérêt à agir et le défaut de qualité pour agir.

L’article L.1235-12 du code du travail indique qu’en cas de non-respect par l’employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d’information de l’autorité administrative, le juge accorde au salarié compris dans un licenciement collectif pour motif économique une indemnité à la charge de l’employeur calculée en fonction du préjudice subi.

La société Itw Spraytec conclut à l’irrecevabilité de la demande, en indiquant ‘on ne voit pas bien comment et à quel titre’ M. [H] [T] pourrait remettre en cause une procédure d’information et de consultation à laquelle les élus du personnel n’ont eux même rien trouvé à redire.

Elle se réfère à un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes pour soutenir que le salarié ne peut faire état d’irrégularités dont les représentants du personnel ne se sont pas prévalues.

La Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que ‘l’article 6 de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, lu en combinaison avec l’article 2 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui instaure des procédures visant à permettre tant aux représentants des travailleurs qu’à ces derniers pris individuellement de faire contrôler le respect des obligations prévues par cette directive, mais qui limite le droit d’action individuel des travailleurs en ce qui concerne les griefs pouvant être invoqués et le conditionne par l’exigence que des objections aient été préalablement formulées vis-à-vis de l’employeur par les représentants des travailleurs ainsi que par la communication préalable à l’employeur, par le travailleur concerné, du fait que celui-ci conteste que la procédure d’information et de consultation ait été respectée’.

Si elle a dès lors estimé que les restrictions apportées dans ce cadre par la législation belge au droit d’action individuelle ne sont pas de nature à méconnaître le principe de protection juridictionnelle effective, il ne peut nullement en être inféré, que M. [H] [T] est irrecevable à agir dès lors qu’il fonde sa demande sur l’article L.1235-12 du code du travail français qui lui reconnaît un droit d’agir en réparation du préjudice subi du fait du non respect par l’employeur des procédures de consultation.

M. [H] [T] a donc bien qualité pour agir.

M. [H] [T] a en outre un intérêt à agir puisqu’en cas de non-respect par l’employeur des procédures de consultation des représentants du personnel, le juge accorde au salarié compris dans le licenciement collectif une indemnité en fonction du préjudice subi.

Sa demande est donc recevable.

Sur le bien fondé de la demande

liée à la fausseté des informations communiquées à la délégation unique du personnel

L’article L.1235-10 du code du travail prévoit qu’en cas de licenciement économique de moins de dix salariés, l’employeur doit fournir les informations détaillées au présent article aux représentants du personnel dans la perspective de leur consultation. Le non respect de cette procédure de consultation des représentants du personnel entraîne l’accord par le juge d’une indemnité à charge de l’employeur en fonction du préjudice subi par le salarié en application de l’article L.1235-12 du code du travail.

M. [H] [T] fait valoir que la société ITW Spraytec a fourni des informations volontairement fausses ou tronquées et a fait preuve de carence volontaire dans l’information et la consultation des représentants du personnel sur le projet de réorganisation.

Il résulte du document relatif à un projet de licenciements pour motif économique lié à la réorganisation commerciale de la société ITW Spraytec France envoyé à la DUP le 14 juin 2017 que le projet de réorganisation énoncé pour améliorer la compétitivité faisait état :

– de la suppression de l’activité commerciale d’Itecma directement liée à la maintenance industrielle en raison de contraintes normatives et de la faible part de marché d’Itecma

– de l’adaptation de l’activité commerciale du secteur travaux publics à la perte conséquente de la moitié de son chiffre d’affaires,

– de conserver l’activité commerciale d’Itecma adossée au secteur de la blanchisserie industrielle et hospitalière.

Ni dans cette note d’information, ni lors des réunions extraordinaires de la DUP du 11 juillet 2017 et du 13 juillet 2017, d’autre perspectives que l’arrêt de l’activité de commercialisation des produits Itecma sur le segment maintenance industrielle et collectivités locales n’ont été évoquées.

Ce n’est que postérieurement au licenciement des 6 salariés que la société ITW Spraytec France a informé la DUP de ce qu’un accord de distribution serait signé prochainement avec la société Legallais, avec les explications suivantes : ‘La direction informe les membres de la DUP qu’avant de procéder à la suppression de la gamme maintenance industrielle des contacts avaient été pris en amont de la procédure d’information-consultation, avec des distributeurs industriels et bâtiment qui avaient tous décliné une proposition de distribution de produits. Or [F] [V] (président) porte à la connaissance des membres de la DUP que le président directeur général de la société Legallais l’a contacté courant septembre afin d’envisager finalement la possibilité de distribuer des produits de maintenance industrielle et collectivités’.

Il résulte en réalité de l’exemplaire du contrat produit par la société Legallais que dès le 23 janvier 2017 des pourparlers suffisamment sérieux avaient été engagés entre les deux sociétés pour conduire à la formalisation de ce qui sera le plan d’affaires pluriannuel signé le 4 décembre 2017.

Dans un contexte où la note d’information de la DUP rédigée plusieurs mois après l’engagement de ces pourparlers formalisés les a totalement passés sous silence, annonçant au contraire un arrêt de la commercialisation et où les informations données à la DUP en octobre sont également inexactes puisqu’elles accréditent une initiative imputable au dirigeant de la société Legallais prise après l’engagement de la procédure de licenciements collectifs, et où enfin la société ITW Spraytec France a produit en justice un exemplaire tronqué du document signé, en occultant son bas de page, la volonté de dissimulation du moment de l’engagement de ce projet d’externalisation de la commercialisation de la gamme maintenance industrielle est établie.

Toutefois, même en considérant que la dissimulation opérée par la société ITW Spraytec équivaut à un défaut d’observation de la procédure de consultation des délégués du personnel, M. [H] [T] ne rapporte pas la preuve du préjudice qu’il a subi à l’occasion de cette consultation de la DUP, dès lors que les représentants du personnel ont unanimement rejeté le projet de réorganisation et le projet de licenciements collectifs.

liées à l’absence de consultation du CHSCT

Selon l’article L.4612-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, le CHSCT est une institution représentative du personnel spécialisée dans les questions de santé au travail. Il n’est concerné par un licenciement économique que si celui-ci présente un lien avec les missions pour lesquelles il est compétent. Il est ainsi compétent lorsque le projet de licenciement économique est susceptible de modifier les conditions de santé des salariés. Néanmoins, le CHSCT n’est pas compétent dans l’hypothèse de la suppression de l’ensemble des postes de travail de l’activité concernée.

M. [H] [T] fait valoir que la société ITW Spraytec n’a pas demandé l’avis du CHSCT sur les conséquences entraînées par le licenciement sur les conditions de travail des salariés non licenciés. S’il est constant que deux collègues de M. [H] [T] n’ont pas été licenciés, ce dernier ne caractérise pas le préjudice qu’il aurait subi de la non-consultation de cette institution, son poste ayant été supprimé et lui-même n’ayant pas subi de modification de son organisation de travail au cours de l’exécution de son contrat de travail au sein de la société ITW Spraytec.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [H] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de consultation des représentants du personnel sera confirmé de ce chef.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Sur la motivation de la lettre de licenciement

L’article L.1233-16 du code du travail dispose que la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur.

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

‘ Malgré la fusion intervenue en 2013, ITECMA a conservé sa spécificité au sein d’ITW SPRAYTEC, et ce tant au niveau de son activité que de son organisation commerciale. Au- delà d’ITW SPRAYTEC, cette singularité se retrouve également au niveau du segment Polymères & Fluids au sein duquel ITECMA constitue un secteur d’activité à part entière.

Or, l’activité commerciale d’ITECMA est exposée à des évolutions structurelles du marché ; il est ainsi observé un changement des circuits de commande chez les clients des mairies et collectivités qui entraine une perte d’autonomie de nos interlocuteurs privilégiés que sont les petites et moyennes mairies au profit des communautés urbaines.

Par ailleurs, sur le secteur de la maintenance industrielle, il est à noter une très forte pression de la part des principaux concurrents d’ITECMA qui sont de taille supérieure et qui maintiennent une agressivité sur le marché par un maillage territorial très dense de leur force de vente.

De plus, nous assistons à une évolution du circuit d’achats de la part des PMI et collectivités au profit des sites marchands des distributeurs industriels.

On constate que les ventes au comptoir des produits de nettoyage et de droguerie ont continué à augmenter au cours des deux dernières années chez les distributeurs Industriels et du BTP.

Cela démontre clairement cette nouvelle tendance du marché Français qui se fait au profit de la distribution professionnelle et au détriment des ventes effectuées en direct.

En l’état, le niveau des ventes ne permet plus de couvrir les charges ‘ au demeurant élevées ‘ liées à l’activité d’ITECMA.

Dans le même temps, il est observé une baisse significative de la marge en 2016 (- 6% vs 2015) soit 46.45% en 2016 vs 52.42% en 2015 ; cette baisse étant essentiellement imputée au secteur des travaux publics, pour lequel la société a dû offrir des conditions très avantageuses pour soutenir le volume des ventes et, par conséquence quelques 22% d’activités pour les vendeurs ITECMA. Malheureusement, les efforts ainsi consentis n’ont pas permis de conserver le contrat commercial avec COLAS qui a pris la décision de rompre ses relations avec ITECMA pour donner l’intégralité de son volume à un concurrent ; cela représente une perte de Chiffres d’Affaires de 550K€.

En conséquence, les perspectives de chiffre d’affaires d’ITECMA pour l’année en cours sont très mauvaises. Il est important de souligner que le chiffre d’affaires d’ITECMA représente, sur l’exercice 2016, plus de 17% du chiffre d’affaires total d’ITW SPRAYTEC. La dégradation du département ITECMA a donc nécessairement des conséquences sur celles de la société.

Dans ce contexte, nous avons été contraints de mettre en oeuvre une réorganisation afin d’assurer la pérennité de l’entreprise et la sauvegarde de la compétitivité du secteur du Groupe auquel se rattache l’activité. Cette réorganisation a conduit à la suppression de votre poste de technico-commercial.

Nous avons effectué des recherches en vue de pouvoir vous reclasser au sein du Groupe ; vous avez refusé les 2 propositions de reclassement qui vous ont été présentées.

Aussi, et en l’absence de toute autre solution de reclassement, nous nous voyons donc contraints, dans ces conditions, de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique’

La lettre de licenciement fait état de données économiques justifiant selon l’employeur de mettre en place une réorganisation pour assurer la pérennité de l’entreprise et la sauvegarde de la compétitivité, réorganisation ayant pour conséquence la suppression de l’emploi de M. [H] [T].

Dès lors, la lettre de licenciement répond aux prescriptions de l’article L.1233-16 du code du travail.

Sur le motif économique

Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail en sa version applicable à l’espèce, ‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : […]

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; […].’

Le licenciement de M. [H] [T] s’inscrit dans le cadre d’un licenciement collectif de six salariés du département Itecma.

La réorganisation de l’entreprise ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder sa compétitivité

Pour établir que la réorganisation de l’entreprise est justifiée, la société ITW se réfère exclusivement dans ses écritures à deux pièces :

– la pièce 14, qui, étant un tableau de chiffres d’affaires par familles de produits et commerciaux sur la période de janvier à septembre 2017, ne permet en rien d’étayer la cause économique du licenciement,

– la pièce adverse 1 qui est le document envoyé à la DUP le 14 juin 2017.

Il résulte de cette pièce que les produits commercialisés par Itecma représentaient en 2016 un chiffre d’affaires total de 3.625K€, résultant des segments :

– travaux publics : 1410K€, 39% du chiffres d’affaires,

– maintenance industrielle, collectivités et transports : 1.481 K€, 41% de son chiffre d’affaire,

– blanchisserie industrielle et hospitalière : 582 K€, 16% de son chiffre d’affaire,

– clients à leur marque privée : 125K€, 4% de son chiffre d’affaire.

L’employeur faisait état dans le document produit à la DUP d’une évolution de chiffre d’affaires d’Itecma de 3.061 K€ en 2015, 3.625 K€ en 2016 et 3.226 K€ en 2017.

Il soulignait que le chiffre d’affaires d’Itecma représente sur l’exercice 2016 plus de 17% du chiffre d’affaires total d’ITW Spraytec.

Il ne produit à la présente instance aucun compte de la société ITW Spraytec .

Il faisait état en mai 2017 de la perte d’un client important, Colas, qu’il a chiffrée à une perte de chiffre d’affaires de 550K€.

Il augurait aussi d’incertitudes sur le segment travaux publics, liées à d’éventuelles exigences non encore formulées par deux autre clients : Eiffage et Eurovia.

Il ne verse aucune pièce de nature à objectiver ses préoccupations à ce sujet.

Il faisait aussi état dans le document remis à la DUP d’une évolution baissière (-2,4%) du chiffre d’affaire Itecma lié à la maintenance industrielle et des collectivités sur les 4 premiers mois de 2017 par rapport à la même période sur 2016 et produisait un tableau de l’évolution 2015-2016 et prévisionnel 2017 caractérisant cette évolution ( 1517K€ en 2015, 1481K€ en 2016 et 1372€ en prévisionnel 2017.

A propos de ces produits, il soulignait aussi une évolution structurelle du marché français, les clients collectivités et mairies perdant en autonomie pour passer commande au profit des communautés urbaines.

S’agissant des clients de maintenance industrielle, il évoquait la très forte pression exercée par la concurrence par des entreprises de taille supérieure, disposant d’un maillage très dense de leur force de vente sur tout le territoire, ainsi qu’une évolution des circuits d’achats de la part des PMI et collectivités se portant sur les sites marchands des distributeurs industriels, les ventes au comptoir des produits de nettoyage et de droguerie ayant augmenté au cours des deux dernières années chez les distributeurs industriels et du BTP.

Pour améliorer la compétitivité du secteur et de la société ITW Spraytec France, celle-ci a présenté une réorganisation consistant à :

– supprimer l’activité commerciale d’Itecma directement liée à la maintenance industrielle en raison de contraintes normatives et de la faible part de marché d’Itecma

– adapter l’activité commerciale du secteur travaux publics à la perte conséquente de la moitié de son chiffre d’affaires,

– conserver l’activité commerciale d’Itecma adossée au secteur de la blanchisserie industrielle et hospitalière

et réorganiser l’activité commerciale avec :

– un département commercial inchangé pour les produits ITW Spraytec revendus par la distribution industrielle,

– un commercial Itecma dédié à la blanchisserie industrielle et hospitalière

– un commercial Itecma dédié à l’activité travaux publics avec la gamme Biotecma,

Il résulte de ces considérations que la société ITW Spraytec France ne démontre pas qu’une menace pesait sur la compétitivité de l’entreprise elle-même au moment de sa décision de licenciement collectif de l’équipe des commerciaux spécialistes Itecma et du responsable national des travaux publics spécialiste Itecma.

Etant établi que la société avait pris soin de dissimuler le projet d’externalisation d’une importante partie de l’activité de commercialisation Itecma au moment où elle procédait aux licenciements, la réorganisation se révèle avoir pour finalité de diminuer les charges d’une activité commerciale nullement abandonnée par manque de débouchés, mais poursuivie par des voies plus rentables.

La preuve de la cause économique n’est pas rapportée et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l’article L1235-3 du code du travail applicable à l’espèce, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

En l’espèce, eu égard à l’ancienneté de M. [H] [T] de près de quinze années, à son salaire mensuel brut et à ses perspectives de retrouver un emploi, son préjudice consécutif à son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation de la somme de 37.518€.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les rappels de commissions

M. [H] [T] fonde sa demande sur son contrat de travail, qui prévoit une commission de 10% du chiffre d’affaire mensuel hors taxe facturé sur l’ensemble des ventes alors que le taux de commission sur les produits Biotecma a été réduit unilatéralement par l’employeur à 5% le 1er août 2009 puis à 3,5% le 1er janvier 2013.

C’est vainement que la société ITW Spraytec soutient que ce taux de commissionnement a été adapté à la marge moindre dégagée sur les ventes de Biotecma, que cette pratique était appliquée à M. [H] [T] selon un dispositif prévu antérieurement au transfert légal de son contrat de travail de la société Itecma vers la société ITW Spraytec et que M. [H] [T] n’a jamais contesté cette réduction de la prime alors qu’elle convient par ailleurs du caractère contractuel de la prime .

L’employeur ne pouvait donc sans l’accord de M. [H] [T] modifier ce taux de commission.

La société ITW Spraytec ne peut davantage déduire des sommes dues le montant des commissions supplémentaires qu’elle a décidé d’accorder pour les produits aérosols, l’exigence de l’application des dispositions contractuelles n’étant pas de nature à faire perdre le bénéfice de sommes acquises en vertu d’une décision unilatérale de l’employeur pour d’autres produits.

Compte-tenu des termes de la demande du salarié, qui déduit de sa demande le montant du rappel auquel le conseil de prud’hommes a condamné la société ITW Spraytec France, celle-ci sera condamnée à lui verser une somme complémentaire de sa condamnation par le conseil de prud’hommes de 1.718,75€ à titre de rappel de commission, outre 171,87€ au titre des congés payés afférents.

Il sera ajouté au jugement entrepris.

Sur les rappels de primes de paliers

La société ITW Spraytec qui convient du caractère contractuel des primes dites de paliers, ne pouvait exclure par une décision unilatérale les produits Biotecma de l’assiette de ces primes.

Au vu du tableau produit, la somme due à P1 à titre de rappel de prime est de 13.700€ et non de 7.800€.

Le jugement entrepris sera donc infirmé au quantum et la société ITW Spraytec France sera condamnée à verser à M. [H] [T] une somme totale de 13.700€ à titre de rappel de prime de paliers, outre 1.370€ au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes de rappels d’indemnité de licenciement

Compte-tenu des rappels de primes dûs, un complément d’indemnité de licenciement est également dû en conséquence supérieur à celui accordé par le conseil de prud’hommes.

Compte-tenu des termes de la demande du salarié, qui déduit de la somme qu’il réclame au dispositif de ses écritures le montant de la somme allouée par conseil de prud’hommes, la société ITW Spraytec France sera en conséquence condamnée à verser à M. [H] [T], une somme complémentaire de 4.820,70€ à titre de rappel d’indemnité de licenciement.

Sur la demande de rappel de préavis

M. [H] [T] revendique un rappel d’indemnité compensatrice de préavis par référence à la durée de 3 mois reconnue aux cadres, lui-même n’ayant perçu que deux mois alors que tous les technico-commerciaux ayant la même activité il aurait dû percevoir une indemnité compensatrice de préavis de cadre.

S’il est fait état dans ses écritures d’une discrimination au sens de l’article L1132-1 du code du travail la ‘discrimination de statut’ ne suffit pas à identifier une des raisons énoncées dans cet article ( origine, sexe, moeurs, orientation sexuelle….) au titre d’une discrimination.

Or, l’employeur justifie qu’il n’a fait qu’appliquer la convention collective en versant une indemnité de préavis de deux mois correspondant à celle d’un agent de maîtrise, M. [H] [T] ayant un statut d’agent de maîtrise et ne justifiant par aucune pièce que son emploi correspondrait à celui d’un cadre.

Le fait que des postes de cadres aient été proposés lors du reclassement n’est pas de nature à établir qu’il pouvait prétendre à cette classification.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [H] [T] de sa demande sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement à Pôle-emploi

Aux termes de l’article L1235-4 du code du travail, ‘dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées’.

Ce remboursement sera ordonné à hauteur de 6 mois.

Il sera ajouté au jugement entrepris.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes soit le 20 août 2018 .

Il en va de même des créances d’indemnités de préavis et de licenciement qui ne sont pas laissées à l’appréciation des juges mais résultent de l’application du contrat de travail et de la convention collective.

En application de l’article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Sur la remise des bulletins de paie

La remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme et d’une attestation Pôle emploi rectifiée sera ordonnée dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision sans qu’il soit justifié de l’ordonner sous astreinte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société ITW Spraytec France sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

Les sociétés ITW Spraytec France et Legallais conserveront la charge de leurs frais irrépétibles.

La société ITW Spraytec France sera condamnée à verser à M. [H] [T] une somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT que M. [H] [T] est irrecevable en sa demande de dommages et intérêts au titre de non remise de documents de fin de contrat;

DIT que M. [H] [T] est recevable en sa demande au titre de l’article L.1235-12 du code du travail ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. [H] [T] de ses demandes dirigées contre la société Legallais, de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’article L.1235-12 du code du travail ainsi que de sa demande de rappel d’indemnité de préavis ;

L’INFIRME pour le surplus,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société ITW Spraytec France à verser à M. [H] [T] les sommes suivantes :

– 1.718,75€ à titre de rappel de commission, outre 171,87€ au titre des congés payés afférents,

– 13.700€ à titre de rappel de prime de paliers, outre 1.370€ au titre des congés payés afférents,

– 4.820,70€ de rappel d’indemnité de licenciement ;

– 37.518€ de dommages et intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE la remise par la société ITW Spraytec France d’un bulletin de paie récapitulatif conforme et d’une attestation destinée à pôle emploi rectifiée dans le délai d’un mois;

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 20 août 2018,

DIT que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

ORDONNE à la société ITW Spraytec France de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [H] [T], du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées ;

CONDAMNE la société ITW Spraytec France aux dépens ;

CONDAMNE la société ITW Spraytec France à payer à M. [H] [T] la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les sociétés ITW Spraytec France et Legallais de leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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